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Med Sci (Paris). 2013 March; 29: 5–6.
Published online 2013 March 13. doi: 10.1051/medsci/201329s102.

Marie-Bertille

Jean-Brice Allemand1* and Brigitte Allemand1

Famille Allemand Château de Brenon27290Bonneville-Aptot, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Adolescent, Femelle, Humains, Mucormycose, diagnostic, thérapie

 

Marie-Bertille est le nom de l’association qui soutient la recherche médicale contre les mucormycoses, mais aussi le prénom d’une très belle jeune fille de 17 ans, brillante étudiante en pharmacie à Paris, qui venait d’obtenir son bac scientifique (S) avec mention Bien après des études à la Légion d’Honneur. Elle était la quatrième d’une famille de cinq enfants.

Le 21 octobre 2006, Marie-Bertille signale à sa maman de nombreux hématomes sur ses jambes, mais aucun signe de fatigue, ni de choc, ni d’un quelconque autre signe de maladie. SOS Médecins est appelé (évidemment, c’est pendant le week-end ou la nuit que les coups durs se produisent), mais ne diagnostique pas d’urgence particulière. Donc le médecin de famille, soupçonnant les origines de ces hématomes spontanés, le lundi, prescrit des analyses de sang : les résultats tombent très rapidement et, devant la gravité du diagnostic, l’hospitalisation à l’hôpital Percy se fait le lundi 23 octobre 2006 dans l’après-midi.

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Elle sera soignée pour une leucémie foudroyante mais mourra le 16 février 2007, après une dégradation continuelle de son état de santé, due à une attaque par un Mucorale au cours de sa deuxième chimiothérapie anti-leucémique et malgré la mobilisation des meilleures équipes des hôpitaux Percy, Necker et Cochin, de nombreuses transfusions et interventions chirurgicales (ablations des organes touchés par les mucors, champignons filamenteux).

Elle a manifesté un courage extraordinaire, ne se plaignant jamais, mais essayant en permanence de comprendre, en scientifique, les traitements auxquels elle était soumise : c’est elle qui nous a donné la force de continuer son combat en créant cette association (http://mariebertille.org), dont l’objectif est de soutenir la « recherche et développement » médicale : mise au point d’une molécule capable de détruire les Mucorales, validation du protocole de dépistage et d’administration du traitement et, surtout, large information des patients et des équipes médicales et hospitalières. En effet, le traitement doit être administré dès les premières heures quand la température du patient s’élève : Il ne faut pas attendre les résultats des analyses qui peuvent prendre une semaine, il est alors trop tard : le champignon se sera répandu dans tout le corps du malade.

Cette publication regroupe le travail exceptionnel de nombreuses équipes, sous la responsabilité du professeur Olivier Lortholary. Nous tenons à saluer ici le dévouement de tous les personnels hospitaliers des plus modestes aux plus chevronnés, qui travaillent jour et nuit, affrontant le désespoir des familles et faisant progresser pas à pas la science, dans le plus grand respect de la personne humaine. À tous un immense merci.

Mais, Jean-Benoit, frère de Marie-Bertille, nous dit : « Chaque jour sans sa petite sœur est une épreuve et savoir qu’elle est partie alors qu’il existait déjà un traitement contre le champignon qui l’a attaquée est insupportable ! ». On comprend toute l’importance du travail de l’Association qui travaille pour que le traitement soit appliqué à temps aux malades et pour éviter un tel malheur à d’autres familles !

Jean-Baptiste le frère aîné de Marie-Bertille : « J’ai toujours cru en la médecine et j’y crois toujours. La disparition de Marie-Bertille m’a rappelé combien cette dernière n’est pas une science exacte et combien il est important de ne jamais arrêter d’investir ».

Le travail de tous les chercheurs et de l’Association porte enfin ses fruits : le protocole hospitalier autour des mucormycoses sera bientôt en œuvre.

Comment notre famille a-t-elle pu rester debout malgré cette épreuve, la plus dure qui puisse exister : la mort d’un enfant ? Nous avons appliqué quelques règles implicites : le respect des uns et des autres, laissant s’exprimer les sentiments, demandant des conseils, essayant d’être solides sans être rigides, en acceptant l’aide de tous : la solidarité nous a permis d’être plus forts tous ensemble. Nous n’avons rien gardé au fond de nous-mêmes : rien n’était tabou, toutes les questions pouvaient être posées ; cependant, un seul interdit : la tristesse paralysante, qui aurait précipité la famille dans l’abîme. Nous avons créé dès le début de son hospitalisation un blog qui a permis à nos amis de suivre l’évolution de la maladie de Marie-Bertille, heure par heure mais bien plus encore, a créé autour de nous une chaîne d’amour, d’amitié dans laquelle nous avons puisé les forces qui pouvaient nous manquer. Le Papa de Marie-Bertille témoigne à ce sujet : « Si vous avez des amis dans la peine, n’hésitez pas à aller à leur rencontre même si c’est difficile (l’accueil peut être rude…) tout comme nos amis sont venus nous sortir de notre prostration pour partager un repas, une sortie avec eux et reprendre ainsi quelque force après des nuits d’insomnie ».

Orianne, sœur jumelle de Marie-Bertille : « Perdre sa moitié était quelque chose d’impensable jusqu’au jour où la cruauté et l’injustice de la maladie ont foudroyé notre famille. Parce que nous nous sommes jurés d’être forts pour elle, parce que le travail de l’Association et de mes parents est fabuleux, et enfin parce que le soutien de nos proches nous a été vital, tout cela nous permet au quotidien de supporter tant bien que mal l’insupportable ».

Valérie, sa grande sœur, « depuis que ma sœur, qui s’est battue comme une lionne, s’en est allée… je me lève tous les jours pour que, de là-haut, elle soit fière de moi, et surtout, je continue à me battre pour les autres, car, étant l’aînée, c’est difficile… ».

Nous avons tenu à témoigner car dans nos sociétés du XXIe siècle, qui se déshumanisent de jour en jour, il nous faut garder les valeurs qui mettent l’Homme au centre des préoccupations, conciliant sciences et amour. Refusant toute colère ou rancœurs stériles, cette douloureuse épreuve nous a conduits à créer, avec le soutien financier de si nombreux donateurs, Merci a tous, l’Association Marie-Bertille, dont la raison d’être est de faire en sorte que la mort de notre enfant, de notre sœur, ne reste pas inutile mais permette, peut-être, aux futurs malades touchés par les mucors de survivre !