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Med Sci (Paris). 2013 May; 29: 41–42.
Published online 2013 June 7. doi: 10.1051/medsci/201329s211.

Introduction

Pierre Monsan1*

1Directeur de Toulouse White Biotechnology, Toulouse White Biotech, INSA, Institut national des sciences appliquées, 135, avenue de Rangueil, 31077Toulouse Cedex 04, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Communication interdisciplinaire, Organismes génétiquement modifiés, Biologie synthétique, méthodes

Introduction

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Caractériser les dynamiques scientifiques de la biologie de synthèse est une vaste tâche. Il est frappant de constater que nous parvenons aujourd’hui à faire en laboratoire ce dont nous avions rêvé depuis longtemps. Je suis spécialiste de catalyse enzymatique ; les enzymes sont l’un des éléments les plus complexes pour le chimiste, mais l’un des plus simples pour le biologiste. Une enzyme est une protéine présente dans toutes les réactions métaboliques. Les catalyseurs sont des molécules contenant quelques centaines d’acides aminés et des milliers d’atomes. Ils présentent une efficacité extrêmement élevée par rapport aux catalyseurs chimiques parce qu’ils possèdent des structures complexes et dynamiques.

Cette dynamique moléculaire n’est pas maîtrisée aujourd’hui faute de disposer des outils de la physique, mais la combinaison des approches in silico par modélisation, de criblage à haut débit et biochimiques parvient à créer des activités non encore identifiées dans le vivant. L’équipe de David Baker à l’université Washington à Seattle (États-Unis) est capable, à partir de l’état transitoire d’une réaction chimique, de concevoir in silico le catalyseur, c’est-à-dire la structure protéique permettant de catalyser cette réaction. Il est alors possible de construire cette structure par biologie moléculaire. Des sociétés comme Global Bioenergies à Évry ont utilisé des activités inconnues dans le vivant, par exemple pour produire des molécules d’isobutène. Ces travaux portent aujourd’hui sur des molécules « inertes », les enzymes.

La possibilité de modifier le fonctionnement de microorganismes vivants me paraît encore plus fascinante. Elle intervient dans un contexte d’environnement : il faut absolument limiter les émissions de CO2 et d’autres gaz à effet de serre et donc développer des procédés écocompatibles et aussi peu polluants que possible. Mais dans le même temps, il faut relever le défi du carbone renouvelable. Il ne s’agit pas de remplacer complètement le carbone fossile du jour au lendemain. Nous en sommes encore très loin. Il s’agit de préparer un complément à ce carbone fossile, qui est le carbone renouvelable. Ce défi est à la base de l’utilisation des systèmes vivants modifiés par la biologie de synthèse pour fabriquer des molécules d’intérêt, intermédiaires pour la chimie, polymères pour les matériaux ou éventuellement - même si ce n’est pas ce qui est le plus faisable au plan économique - des biocarburants.

L’ensemble de ces défis m’amènent à la conclusion suivante : la biologie de synthèse est avant tout multidisciplinaire. Elle fait appel à de nombreuses compétences complémentaires mais différentes, depuis la bio-informatique jusqu’à la biologie moléculaire. Nous sommes, en France, les victimes d’Auguste Comte. Toutes les disciplines ont été classées au sein de départements, d’instituts cloisonnés qui ne communiquent pas facilement entre eux. Cette logique ne nous mènera à rien. La seule solution pour provoquer des étincelles consiste à privilégier le brassage et le mélange de toutes ces disciplines. Il faut absolument favoriser la complémentarité, la gestion par projet et non la gestion de recherches individuelles.

Le second message que je tiens à vous transmettre est le suivant : rien n’est plus lié à la recherche amont et fondamentale que l’application. Sans chercher à paraphraser Pasteur, ce qui serait bien prétentieux de ma part, il y a la science et les applications de la science. Déconnecter les deux est une aberration. Mener de la recherche amont en dehors de toute préoccupation d’application, et publier tous les résultats afin que nos collègues coréens et chinois puissent développer des procédés, me paraît relativement irresponsable.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.