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Med Sci (Paris). 2014 February; 30(2): 153–159.
Published online 2014 February 24. doi: 10.1051/medsci/20143002012.

La microglie : des cellules immunitaires qui sculptent et contrôlent les synapses neuronales

Étienne Audinat1* and Isabelle Arnoux1

1Inserm U1128, Paris, France ; Université Paris Descartes, laboratoire de neurophysiologie et nouvelles microscopies, 45, rue des Saints-Pères, 75006Paris, France
Corresponding author.
 

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Les cellules gliales représentent une population qualitativement hétérogène et quantitativement importante du système nerveux central (SNC). Elles comprennent les astrocytes, les oligodendrocytes, les cellules NG2 (cellules exprimant le protéoglycane NG2) et les cellules microgliales. Ces cellules jouent un rôle important dans l’homéostasie cérébrale en maintenant les gradients ioniques qui permettent la propagation des potentiels d’actions, en pompant les excès de neurotransmetteurs libérés ou encore en assurant une fonction réparatrice lors de lésions ou d’infections [ 1]. Mais, les 20 dernières années ont vu naître l’idée selon laquelle la glie pouvait prendre une part plus active au traitement de l’information dans le SNC. En effet, les cellules gliales expriment des récepteurs et des transporteurs membranaires leur permettant de suivre l’activité neuronale ; elles peuvent réaliser une forme d’intégration de cette activité et, enfin, libérer des médiateurs capables de moduler l’activité neuronale [1]. Dans le cas des astrocytes, le terme de synapse tripartite a été proposé pour rendre compte de cette étroite association fonctionnelle entre les éléments neuronaux pré- et postsynaptiques et les prolongements astrocytaires bordant les synapses [ 2].

La microglie représente un cas un peu particulier parmi les cellules gliales dans la mesure où elle n’a pas la même origine embryologique [ 37] ().

(→) Voir la synthèse de P. Legendre et H. Le Corronc, page 147 de ce numéro

De fait, ces macrophages résidents du SNC orchestrent les réactions inflammatoires consécutives à des lésions du SNC ou à certaines maladies neurodégénératives, et influencent l’issue de ces pathologies [ 3, 4]. Mais, des études de plus en plus nombreuses indiquent que la microglie pourrait aussi être impliquée dans des troubles psychiatriques, comme certains comportements compulsifs, syndromes autistiques, démences préséniles, et dans la schizophrénie [ 5, 6]. Ces observations suggèrent que ces cellules auraient des fonctions autres que celles attribuées classiquement à des cellules immunitaires, notamment en régulant le développement et l’activité des réseaux neuronaux et synaptiques. Le développement de nouveaux modèles animaux et de nouvelles méthodes d’investigation fonctionnelle indiquent clairement que la microglie est loin d’être inactive dans les conditions physiologiques. De façon analogue aux astrocytes, les cellules microgliales sont sensibles à l’activité neuronale et peuvent influencer le réseau neuronal par différentes formes d’interactions et de voies de signalisation [ 7]. Nous présentons dans cette revue les données de la littérature récente qui ont amené certains auteurs à proposer la notion de synapse quadripartite [ 8], dans laquelle la microglie serait le quatrième partenaire.

Activation des cellules microgliales et modifications synaptiques en conditions pathologiques

En tant que macrophages résidents du SNC, les cellules microgliales ont surtout été étudiées pour leurs rôles en conditions pathologiques. Elles sont très probablement impliquées dans toutes les pathologies cérébrales et sont souvent les premières à être mobilisées, dès l’apparition des premiers signes de la maladie. On sait depuis longtemps que leur morphologie, caractérisée par un petit corps cellulaire et de fins prolongements en conditions physiologiques, évolue vers des formes moins ramifiées avec un corps cellulaire plus grand ou des formes typiquement amiboïdes, lorsqu’elles sont mobilisées dans une pathologie (Figure 1) [37]. Mais ces changements morphologiques ne représentent que la partie visible de l’iceberg. En effet, le recrutement des cellules microgliales en réponse à un message d’alerte s’accompagne d’une modification importante de leur phénotype, appelée activation microgliale, incluant des modifications d’expression de nombreuses protéines, la capacité à libérer de nombreux facteurs pro- et anti-inflammatoires, la capacité à se mouvoir, à phagocyter les débris cellulaires et à proliférer. Cette activation microgliale n’est pas un mécanisme en tout ou rien : elle est progressive et dépend du type de pathologie et du contexte dans lequel elle apparaît. Cette détection fine du changement de l’environnement permet à la microglie d’adopter de nombreux phénotypes dont dépendent les différentes fonctions de ces cellules [3, 4].

Parmi les fonctions de la microglie activée, on sait déjà depuis longtemps que ces cellules peuvent prendre la place de synapses sur le corps cellulaire de neurones lésés. Ce processus appelé en anglais synaptic stripping (déshabillage synaptique) a été observé en particulier au niveau des motoneurones du nerf facial après lésion de leurs axones [ 9]. Il ne semble pas se développer dans toutes les pathologies (par exemple, il n’est pas présent dans les maladies à prions) [ 10], mais a été néanmoins observé dans d’autres régions du SNC que le noyau du nerf facial, telles que le néocortex [ 11].

La microglie activée peut aussi influencer l’activité synaptique en libérant des médiateurs reconnus par les neurones. L’exemple le mieux caractérisé est celui de la douleur neuropathique et de l’influence de la microglie sur la transmission synaptique inhibitrice dans la moelle épinière. En effet, l’apparition de douleurs consécutives à la lésion de fibres nerveuses périphériques s’accompagne d’une activation microgliale dans la partie de la moelle épinière où sont traitées les informations sensorielles, la corne dorsale (Figure 2A). Cette activation se caractérise en particulier par la mise en jeu d’un récepteur purinergique appelé P2X4 [ 12, 13, 38] qui est activé par l’adénosine triphosphate (ATP) libérée en excès dans les conditions pathologiques. L’activation de ce récepteur dans la microglie entraîne la production d’un facteur trophique, le BDNF (brain derived neurotrophic factor), qui se lie à son récepteur TrkB (tropomyosin receptor kinase B) localisé à la membrane des neurones de la corne dorsale. La mise en jeu de TrkB va induire un changement dramatique dans le fonctionnement des synapses inhibitrices de la corne dorsale, transformant ces jonctions en synapses excitatrices (Figure 2B). L’hyperexcitabilité du réseau neuronal qui en résulte serait à l’origine des douleurs neuropathiques [ 14].

Le BDNF n’est qu’un des nombreux médiateurs qui peuvent être libérés par la microglie activée et influencer le devenir des neurones dans les conditions pathologiques (mort, survie), mais aussi de réguler l’activité synaptique via la mise en jeu de voies de signalisation spécifiques, dont certaines font intervenir un troisième partenaire. C’est le cas par exemple du TNFα (tumor necrosis factor α) qui, dans certaines conditions pathologiques, pourrait exercer son influence sur les neurones de façon indirecte en activant son récepteur TNFR1 exprimé par d’autres cellules gliales, les astrocytes [ 15, 16]. Comme les neurones, les astrocytes ont la capacité de libérer du glutamate qui peut avoir des effets neurotoxiques, mais qui peut aussi moduler l’activité neuronale [15, 17, 18]. Nous verrons plus loin un autre exemple de la mise en jeu de cette triade microglie-astrocyte-neurone.

La microglie en conditions physiologiques : pas si calme que cela !

Une rupture majeure dans notre compréhension de la physiologie de la microglie a eu lieu il y a un peu moins de 10 ans lorsque deux équipes ont observé le comportement de la microglie directement dans le cerveau de souris saines [ 19, 20]. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé des souris transgéniques dans lesquelles seules les cellules microgliales expriment une protéine fluorescente, la GFP (green fluorescent protein). Ils ont placé ces animaux anesthésiés sous un microscope biphotonique permettant l’observation de la fluorescence à l’intérieur du cerveau. Ils ont alors noté que les prolongements fins de la microglie dans le néocortex sont en perpétuel mouvement et explorent un domaine d’environ 100 µm de diamètre autour du corps cellulaire immobile de la microglie. Ainsi, contrairement à l’idée qui a prévalu pendant longtemps, la microglie en conditions physiologiques n’est pas quiescente, en attente de l’apparition d’un signal de danger qui l’activerait. Elle est au contraire très dynamique et explore en permanence son environnement en allongeant et en rétractant ses prolongements à une vitesse de l’ordre de quelques micromètres par minute. À quoi peuvent servir ces mouvements ? Une hypothèse est qu’ils permettent à la microglie d’aller à la recherche des signaux de danger afin de détecter le plus rapidement possible une rupture de l’homéostasie cérébrale. En effet, ces mouvements, apparemment aléatoires, deviennent tout à fait ordonnés lors de l’apparition d’une lésion : la plupart des prolongements des microglies au voisinage de la lésion convergent alors vers celle-ci et l’entourent rapidement.

Les signaux régulant cette motilité microgliale sont certainement multiples, mais là encore l’ATP joue un rôle important puisqu’il régule la cinétique des mouvements spontanés et orientés vers une lésion. Le récepteur microglial mis en jeu cette fois est le récepteur purinergique P2Y12 [20, 21]. Mais d’autres signaux sont également impliqués, comme l’adénosine qui régule la rétraction des prolongements microgliaux [ 22] et la dynamique de ces mouvements sensible à l’activité synaptique du réseau neuronal local [ 23, 24] (même si tous les auteurs ne s’accordent pas sur ce point [ 25]). Or, dans les conditions physiologiques, la concentration des transmetteurs libérés lors de l’activité synaptique est très contrôlée de façon à éviter que ceux-ci ne s’échappent de la fente synaptique et que leur concentration dans le milieu extracellulaire n’augmente trop de façon prolongée. Si les mouvements de la microglie sont sensibles à l’activité synaptique, il est donc possible que les prolongements microgliaux entrent en contact direct avec les synapses et que la dynamique de ces processus reflète au moins en partie la dynamique des interactions physiques entre microglie et synapses. Cette hypothèse a effectivement pu être confirmée lors d’observations en microscopie biphotonique et électronique d’animaux transgéniques dans lesquels la microglie et les neurones expriment des protéines fluorescentes distinctes [23, 26]. Ces expériences ont montré, d’une part, que les prolongements microgliaux en mouvement forment à leur extrémité des contacts directs avec les éléments pré- et postsynaptiques de neurones corticaux (Figure 3A) et, d’autre part, que ces interactions structurelles sont régulées par l’activité neuronale, qui détermine notamment la durée et la fréquence de ces contacts entre microglie et synapses. Les mouvements microgliaux pourraient donc avoir une autre fonction que l’unique recherche de signaux d’alerte et pourraient participer à la régulation de l’activité synaptique. Des résultats en faveur d’une telle hypothèse ont été récemment obtenus dans une étude réalisée sur des larves de poisson zèbre montrant que la microglie est plus fréquemment en contact avec les neurones ayant une forte activité, et que celle-ci diminue à la suite de ce contact [ 27].

Ainsi, par analogie avec son rôle en conditions pathologiques, la microglie pourrait influencer l’activité synaptique en libérant un certain nombre de médiateurs connus pour moduler l’expression et la fonction de protéines synaptiques. Il y a en effet dans la littérature de nombreux exemples de modulation du fonctionnement de synapses dans des conditions non pathologiques par des médiateurs pouvant être libérés par la microglie. Le plus étudié est sans doute encore une fois le TNFα qui, lorsqu’il est appliqué de façon exogène, régule de nombreux aspects de la transmission et de la plasticité synaptiques [ 28]. Mais, même si la microglie est le pourvoyeur le plus important de TNFα dans le SNC, d’autres sources ne sont pas à exclure et l’implication de la microglie dans ces processus synaptiques n’est donc pas certaine. En revanche, la stimulation spécifique de récepteurs exprimés uniquement par la microglie a permis de confirmer cette hypothèse. Le lipopolysaccharide (LPS) est un composant de la paroi de certaines bactéries qui est classiquement utilisé expérimentalement pour déclencher une activation de la microglie et en étudier les conséquences sur une échelle de temps de plusieurs heures à plusieurs jours. De façon surprenante, l’application de LPS sur des tranches d’hippocampe entraîne une augmentation presque immédiate de la fréquence des courants synaptiques excitateurs spontanés [ 29]. Les auteurs de cette observation ont disséqué les voies de signalisation impliquées dans cet effet et ont montré que l’activation du récepteur du LPS, TLR4 (toll like receptor 4), qui est exprimé uniquement par la microglie en conditions physiologiques, entraîne une libération d’ATP par la microglie, qui active les récepteurs purinergiques P2Y1 à la surface des astrocytes. Les astrocytes mobilisés par l’ATP libèrent alors du glutamate, qui se lie à des récepteurs spécifiques, appelés mGluR5, localisés sur les terminaisons présynaptiques des connexions excitatrices et dont il augmente la probabilité de libération de leur neurotransmetteur [29]. Une des surprises de cette étude réside dans la rapidité des effets du LPS qui suggère que, indépendamment de l’activation complète de la microglie induite par ce stimulus, toute voie de signalisation entraînant une libération d’ATP par la microglie a potentiellement la capacité d’augmenter l’excitabilité du réseau neuronal.

D’autres voies de régulation de l’activité synaptique par la microglie en conditions physiologiques ont été identifiées. La fractalkine est une chimiokine exprimée à la membrane des neurones, et son unique récepteur, CX3CR1, n’est exprimé que par la microglie dans le SNC. L’application de fractalkine dans l’hippocampe sain induit une diminution transitoire de l’amplitude des courants synaptiques excitateurs neuronaux. Cet effet passe par une libération microgliale d’adénosine (ou d’ATP hydrolysé en adénosine par des ectonucléotidases extracellulaires) agissant au niveau présynaptique [ 30]. De façon intéressante, les souris déficientes pour le récepteur CX3CR1 présentent des déficits dans la transmission et la plasticité synaptique excitatrice glutamatergique ainsi que des déficits cognitifs. Ces anomalies résulteraient d’une production anormalement élevée d’interleukine-1β, une cytokine pro-inflammatoire qui peut être libérée par la microglie [ 31]. L’activation constitutive de la voie de la fractalkine empêcherait ainsi une action délétère de la microglie sur le fonctionnement synaptique. Il existe au moins deux autres protéines microgliales, CD200R, le récepteur de la glycoprotéine CD200 exprimée par les neurones et d’autres cellules gliales, et DAP12, un adaptateur des récepteurs de type TREM (triggering receptor expressed on myeloid cells), dont la mobilisation ou l’absence affectent la transmission synaptique dans l’hippocampe [ 32, 33]. Cependant, les mécanismes reliant ces voies microgliales de signalisation à la transmission neuronale restent, à ce jour, inconnus.

Les travaux actuels indiquent donc qu’en conditions physiologiques, la microglie exerce une surveillance permanente des neurones du SNC. Cette surveillance se traduit par la formation de contacts transitoires entre microglie et synapses, et ces interactions physiques semblent influencer le fonctionnement des synapses. Néanmoins, beaucoup de questions restent encore sans réponse. En particulier, comment sont mobilisés les facteurs diffusibles microgliaux influençant l’activité synaptique ? Il est en effet plus difficile de mettre en évidence l’intervention de tels médiateurs en conditions physiologiques au cours desquelles leur production est certainement moindre et plus limitée dans le temps que dans des conditions pathologiques. Certains éléments de réponses pourraient émerger de l’étude de la microglie au cours du développement du SNC pendant lequel des changements synaptiques structuraux et fonctionnels massifs dépendant de l’activité semblent nécessiter une intervention de la microglie.

La microglie au cours du développement postnatal du SNC : un sculpteur des synapses en formation

Au cours du développement normal du SNC, un nombre important de neurones sont éliminés par apoptose et la microglie régule ce processus [37] ().

(→) Voir la synthèse de P. Legendre et H. Le Corronc, page 147 de ce numéro

Mais, il y a aussi une production de synapses en excès qui sont éliminées par des mécanismes dépendant en partie de l’activité neuronale lors de la maturation des réseaux synaptiques. Des observations récentes indiquent que, durant le développement postnatal de l’hippocampe et du thalamus de la souris, des éléments pré- et postsynaptiques ont été observés à l’intérieur de cellules microgliales (Figure 3B). Cela suggère que celles-ci sont impliquées dans la phagocytose de synapses surnuméraires devant être éliminées [ 34, 35]. Dans le thalamus en développement, la phagocytose des terminaisons des fibres rétiniennes est dépendante de l’activité neuronale et met en jeu des éléments du système du complément, mieux connu pour son rôle dans le système immunitaire. Il semble que les synapses « faibles » devant être éliminées sont étiquetées par l’expression de la composante C3 du complément, qui agit comme un signal « mange moi » (eat me) sur la microglie, qui est la seule composante du SNC à exprimer le récepteur de C3. Chez les animaux invalidés pour C3 ou son récepteur microglial C3R, la phagocytose des terminaisons rétiniennes par la microglie est diminuée et la connectivité synaptique de cette voie rétino-thalamique ne subit pas une maturation normale [35]. La disponibilité de la microglie aux sites d’élimination synaptique est bien entendu un facteur limitant pour que cette phagocytose ait lieu. Dans l’hippocampe d’animaux invalidés pour le récepteur CX3CR1 de la fractalkine, l’augmentation de la densité microgliale est retardée pendant les premières semaines de vie. Ce déficit transitoire du nombre de microglies s’accompagne d’un plus grand nombre d’épines dendritiques sur les neurones, suggérant un déficit d’élimination des synapses surnuméraires. De façon intéressante, ces anomalies structurelles s’accompagnent d’un retard de maturation des propriétés fonctionnelles du réseau neuronal [34]. Cependant, le lien entre phagocytose microgliale et maturation fonctionnelle des synapses n’est pas clairement établi, et d’autres fonctions microgliales pourraient expliquer ces observations.

Le rôle de la microglie sur le développement des circuits du cortex somato-sensoriel des rongeurs a été étudié au niveau de structures anatomiques très particulières appelées tonneaux. Le centre de ces tonneaux est constitué par les fibres issues du thalamus, une structure sous-corticale relayant les informations sensorielles issues des vibrisses du museau, véritables organes sensoriels des rongeurs [ 39]. Au centre des tonneaux, les fibres thalamiques font des synapses sur les dendrites des neurones du cortex dont les corps cellulaires sont localisés à la périphérie des tonneaux. À chaque vibrisse correspond un seul tonneau dans le cortex (Figure 3A). Cette représentation corticale des vibrisses se met en place à partir du troisième jour postnatal, et les propriétés fonctionnelles des synapses thalamo-corticales évoluent de façon importante entre la première et la seconde semaine postnatale. La distribution de la microglie pendant ces étapes de formation des tonneaux et de maturation synaptique suit un patron très stéréotypé. Jusqu’au cinquième jour postnatal, la microglie reste à la périphérie des tonneaux et est exclue des sites synaptiques qu’elle commence à envahir uniquement à partir des sixième et septième jours (Figure 4B). Ce recrutement microglial au niveau des synapses dépend de la fractalkine qui est exprimée de façon transitoire au centre des tonneaux. Chez les animaux invalidés pour le récepteur CX3CR1, le recrutement microglial est retardé d’au moins deux jours (Figure 4C). Ce retard de recrutement de la microglie aux sites des synapses thalamo-corticales s’accompagne d’un retard de maturation des propriétés de ces synapses qui se caractérise en particulier par un défaut dans l’expression fonctionnelle des récepteurs postsynaptiques du glutamate [ 36]. Ces observations suggèrent donc que la microglie, en colonisant le centre des tonneaux, émet un signal influençant l’expression ou la disponibilité des récepteurs du glutamate aux synapses. L’identité de ce signal doit encore être déterminée, mais ces observations soulignent que la microglie influence la maturation fonctionnelle des circuits synaptiques durant le développement normal du SNC.

Conclusion

L’ensemble de ces travaux souligne l’extraordinaire plasticité des cellules microgliales, dont le phénotype et les fonctions s’adaptent rapidement à l’environnement. L’existence d’une motilité permanente de la microglie en direction des synapses dans les conditions physiologiques est une découverte fascinante. Son étude pourrait avoir d’importantes conséquences sur notre conception du contrôle de l’activité synaptique, notamment lors des changements d’état du système (veille-sommeil, stress, etc.). Ainsi, si la synapse quadripartite est une réalité morphologique, nous sommes encore loin d’en comprendre le fonctionnement, et les spécificités passionnantes de la microglie devraient nous occuper encore un certain temps.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Nous remercions Céline Bidoret pour son aide sur l’étude morphologique et Maki Hoshiko pour sa contribution à l’ensemble du projet microglie et développement. Isabelle Arnoux a bénéficié d’allocations du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de la Fondation pour la recherche médicale (FDT20130928365). Les images confocales des Figures 1-4 ont été acquises sur la plateforme du centre universitaire des Saints-Pères. L’équipe d’Étienne Audinat est membre de l’École des neurosciences de Paris (ENP) et est soutenue par l’Inserm, le CNRS et l’Agence nationale de la recherche (ANR 2010 BLAN 1419 01).

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