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Med Sci (Paris). 2014 May; 30(5): 589–593.
Published online 2014 June 13. doi: 10.1051/medsci/20143005025.

Les retombées cliniques du séquençage de nouvelle génération
Chroniques génomiques

Bertrand Jordan1*

1UMR 7268 ADÉS, Aix-Marseille Université/EFS/CNRS, Espace éthique méditerranéen, Hôpital d’adultes La Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385Marseille Cedex 05, France
2CoReBio PACA, case 901, parc scientifique de Luminy, 13288Marseille Cedex 09, France
Corresponding author.
 

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Il y a deux ans (déjà…), j’avais fait le point dans ces colonnes [1, 2] sur les applications cliniques du séquençage de nouvelle génération (NGS, new generation sequencing). Compte tenu de l’évolution rapide de la technologie et de sa mise en œuvre, il est temps d’actualiser ces informations. Comme précédemment, je ne traiterai ici que les applications qui en sont réellement au stade clinique, à savoir les travaux de séquençage menés en routine et visant à guider le diagnostic ou le traitement de malades.

Où en sont les machines ?

Par rapport à fin 2011, il n’y a pas eu de révolution technique pour les appareils effectivement utilisés en clinique. On a toujours d’un côté les « grosses machines » comme l’Illumina HiSeq 2500, lisant, en une session d’une semaine, des centaines de gigabases (donc plusieurs génomes humains en séquence « finie ») avec un coût par gigabase1 très bas (une centaine de dollars) mais un investissement important et une flexibilité moyenne, de l’autre les séquenceurs « de paillasse » (Illumina MiSeq, Ion Torrent PGM puis Ion Proton [Life Tech]), moins productifs mais plus rapides (sessions de quelques heures) et plus flexibles – moyennant un coût par gigabase nettement plus élevé. Notons que la firme Illumina domine de plus en plus ce marché, dont elle détient environ les trois quarts, que le pionnier 454 (racheté par Roche qui n’en a pas fait grand-chose) a disparu tout comme le système SOLiD proposé par Life Tech et qui se posait en concurrent d’Illumina. Un peu à part, la machine développée par Pacific Biosciences, très onéreuse (plus d’un million de dollars US) mais qui offre des lectures très longues, des dizaines de kilobases, semble, après des débuts difficiles, avoir trouvé son public – mais plutôt en recherche qu’en clinique.

Le « génome à 1 000 dollars » n’est pas encore tout à fait une réalité, même si l’on s’en rapproche de plus en plus. Illumina vient d’annoncer un nouveau système, baptisé « HiSeq X Ten », qui se compose de dix machines, chacune pouvant produire par jour plus de cinq génomes (lus avec une redondance de 30x), avec un prix de revient annoncé de 1000 dollars par génome tout compris (investissement, réactifs, personnel, etc.) si l’ensemble est utilisé au maximum de ses possibilités. Le prix de ce package est de dix millions de dollars, et les cinq premiers systèmes sont déjà vendus. Illumina propose aussi une machine intermédiaire, le NextSeq 500, à 250 000 dollars « seulement », avec un débit comparable au HiSeq 2500 et une plus grande flexibilité.

En somme, le market leader profite de son avance pour améliorer son matériel et proposer de nouvelles versions plus performantes, afin de barrer la route aux nouveaux venus. Parmi ceux-là, Oxford Nanopore, qui diffuse enfin une version préliminaire de son MinIon, système de lecture par nanopore très compact et très performant (primitivement annoncé pour 2012), Genia (une autre machine utilisant les nanopores, censée être commercialisée fin 2014), GenapSys, qui est fondé sur une technologie de « nanobiosenseurs » permettant une lecture électronique un peu comme Ion Torrent, GnuBio, qui utilise des picoinjecteurs pour mettre en œuvre une variante de la lecture par synthèse, et qui aurait déjà plusieurs appareils en test bêta, et sans doute plusieurs autres. 2014 verra-t-il l’émergence d’une de ces firmes comme une réelle concurrente d’Illumina ? Ce n’est pas impossible, mais la bataille sera rude compte tenu de la dimension d’Illumina et de l’avance déjà prise.

N’oublions pas que le passage aux applications cliniques requiert un minimum de stabilité, ne serait-ce que pour obtenir des autorisations de mise sur le marché qui ne soient pas immédiatement rendues caduques par un changement de la technologie de base. Là encore, Illumina a pris une longueur d’avance en obtenant la certification par la Food and drug administration (FDA) d’une version clinique de son MiSeq, le MiSeqDx, qui bénéficie également d’un marquage CE.

Quels secteurs d’application clinique, quelles évolutions ?

Les domaines dans lesquels le séquençage clinique commence à s’imposer concernent principalement l’oncologie, et les diagnostics préconceptionnel, préimplantatoire, périnatal et surtout prénatal. Dans le monde, selon les estimations avancées par Illumina, le NGS en oncologie clinique représente un marché d’une dizaine de milliards de dollars2 répartis en diagnostic clinique et diagnostic compagnon (8 milliards), un milliard pour les tests de prédispositions génétiques et un demi-milliard pour le suivi (détection de la maladie résiduelle). Le diagnostic prénatal non invasif [3] compte pour un milliard, les diagnostics préimplantatoires un peu moins, suivis de loin par les profils diagnostiques en pédiatrie, le typage HLA, et le diagnostic préconceptionnel. Ces valeurs paraissent très élevées, mais il s’agit là du chiffre d’affaires évalué du point de vue d’Illumina, incluant donc la vente des machines en plus de la fourniture des réactifs et de la réalisation de certains tests en interne. Une autre estimation, effectuée par le cabinet DeciBio3, prévoit une valeur bien plus modeste, de l’ordre du milliard de dollars au total, avec comme secteurs principaux l’oncologie et le diagnostic prénatal non invasif. La marge d’incertitude est large, mais il faut noter que la deuxième estimation ne concerne que les tests cliniques effectivement facturés aux assurances ou aux patients. En tout cas, les deux champs cliniques majeurs pour le NGS sont bien la détection, la caractérisation et le suivi des cancers, d’une part, le diagnostic prénatal non invasif d’autre part.

En oncologie ou en génétique pédiatrique, on testait classiquement un gène et parfois une seule mutation, au risque d’ « odyssées thérapeutiques » longues, coûteuses et stressantes. La puissance de frappe du NGS permet de voir plus large : séquençage intégral du gène en cause (comme pour BRCA1, BRCA2 pour le cancer du sein ou le gène CFTR [cystic fibrosis transmembrane conductance regulator] pour la mucoviscidose), isolement par une technique d’hybridation et séquençage de plusieurs dizaines de gènes (l’approche des panels), lecture de l’ensemble de l’exome du patient (une trentaine de mégabases) ou même lecture intégrale (WGS, whole genome sequencing). La tendance en clinique est, à l’heure actuelle, d’utiliser des panels couvrant les 50 ou 100 gènes les plus pertinents par rapport à la pathologie en cause – mais, compte tenu de la baisse des coûts, il est probable que l’on passe de plus en plus à l’exome, quitte à n’analyser que les données correspondant à une partie des 25 000 gènes qu’il représente. L’interprétation de tous ces résultats pour en tirer une signification clinique est essentielle, pose de nombreux problèmes scientifiques et éthiques, et représente une part croissante du coût.

En dehors de la technologie du séquençage qui continue à évoluer, une nouveauté est en train de s’imposer : l’analyse non invasive, pratiquée à partir d’un prélèvement sanguin dans lequel on retrouve un peu d’ADN fœtal (pour le diagnostic prénatal) ou d’ADN tumoral (pour le diagnostic et le suivi des cancers). Pour la trisomie 21, cela représente déjà plusieurs centaines de milliers de tests par an aux États-Unis (voir Encadré pour la situation française).

Une autre nouveauté apparaît, la possibilité de pratiquer ces analyses sur une seule cellule, déjà utilisée en diagnostic préimplantatoire (prélèvement d’un seul ou deux blastomères d’un embryon 8 cellules), mais qui va sans doute se développer pour appréhender l’hétérogénéité des tumeurs – mais là, il s’agit encore pour le moment de recherche clinique, et non d’applications en routine.

Où en est on pour l’oncologie ?

Comme déjà indiqué, l’approche, pour l’analyse des tumeurs, repose essentiellement sur l’analyse de panels. L’un des tests les plus avancés est commercialisé par l’entreprise Foundation Medicine (Cambridge, USA) qui l’effectue dans ses laboratoires sur des échantillons fixés et inclus en paraffine fournis par ses clients. L’ADN correspondant à près de 300 gènes est isolé par une technique d’hybridation, puis séquencé à une redondance élevée (500x), et les mutations trouvées sont analysées pour déterminer si elles suggèrent une possibilité de traitement par un médicament déjà approuvé ou en cours d’essais cliniques [4]. De telles actionable mutations sont trouvées (d’après Foundation Medicine) dans plus de la moitié des tumeurs analysées – ce qui, malheureusement, ne garantit pas que le traitement utilisant la molécule correspondante sera efficace : dans le récent essai français SAFIR01 [5]4,, seuls 10 % des patients ayant reçu un traitement suggéré par l’analyse génétique ont effectivement présenté une réponse thérapeutique. On se retrouve là face aux problèmes de l’hétérogénéité génétique des tumeurs et de la distinction entre mutations drivers et passengers… mais c’est déjà une avancée par rapport à un traitement à l’aveuglette, et l’évolution des connaissances devrait améliorer le rendement. Quoiqu’il en soit, ce test (comme d’autres similaires) est bel et bien sur le marché, à un tarif d’environ 4 000 dollars, et est actuellement pratiqué à un rythme annuel de 10 000 échantillons dont la moitié sont directement utilisés en clinique, le reste correspondant à des partenariats avec des entreprises développant des médicaments. D’autres firmes, par exemple Caris Life Sciences5, offrent aussi de telles analyses en utilisant le panel « cancer » d’une cinquantaine de gènes mis au point par Illumina. Ces tests sont donc déjà utilisés pour guider le traitement de patients, en particulier ceux qui ont subi plusieurs traitements successifs et sont en échec thérapeutique. Parallèlement, des essais sont en cours pour en définir les meilleures conditions d’utilisation : SAFIR02 en France, une étude prospective appelée M-PACT au NCI (National Cancer Institute) aux États-Unis.

Au total on peut considérer que l’approche des panels devient une réalité clinique, au moins dans certains centres, et que la question du passage à l’exome va se poser d’ici deux ou trois ans – cette modalité permettrait l’emploi d’un test unique dont on extrairait les informations les plus pertinentes tout en gardant la possibilité d’un examen ultérieur plus large si nécessaire. Compte tenu des problèmes de résistance qui apparaissent systématiquement lors des traitements ciblés, et afin de prendre en compte l’hétérogénéité des tumeurs, il va sans doute falloir tenter d’employer des thérapies combinées (comme les trithérapies pour le VIH) et une analyse étendue des altérations présentes dans la tumeur sera indispensable à cet effet.

N’oublions pas la recherche de prédispositions génétiques (gènes BRCA et autres) : très logiquement, elle est déjà largement passée des tests ponctuels ou du séquençage Sanger au NGS. Mentionnons encore le suivi des cancers en cours de traitement, qui va peut-être pouvoir se faire par analyse de l’ADN tumoral présent dans le plasma des malades.

Le diagnostic prénatal non invasif fait un tabac

Le recours au NGS a aussi permis de proposer un dépistage  prénatal de la trisomie 21 fondé sur l’analyse de l’ADN fœtal présent dans le plasma maternel, donc à partir d’une simple prise de sang [3] (voir Encadré pour la situation réglementaire en France). Les avantages d’une telle modalité (élimination de l’amniocentèse et de ses risques) sont si évidents que ces tests, proposés par plusieurs entreprises, sont devenus quasiment systématiques pour les grossesses « à risque » - soit plusieurs centaines de milliers d’analyses par an aux États-Unis – et pourraient, à terme, être proposés à toutes les femmes enceintes. Notons qu’ici le séquençage pratiqué est à basse redondance, et que l’on compte le nombre de fois où des séquences spécifiques du chromosome 21 sont retrouvées, sans tenter de distinguer ce qui provient de la mère ou du fœtus. Bien que l’ADN fœtal ne représente que 10 % environ de l’échantillon, il s’avère que la petite augmentation de la représentation du chromosome 21 due à la trisomie de l’embryon peut être détectée de manière fiable. Cela explique que ces tests (qui détectent aussi les trisomies 13 et 18) puissent être proposés à un tarif relativement modéré, de l’ordre de 1000 dollars. Rappelons que le chiffre d’affaires combiné pour ces analyses est déjà de l’ordre du milliard de dollars et en augmentation constante, il s’agit donc d’une killer application dont l’adoption a été très rapide6, qui peut encore connaître une extension considérable, et qui contribue puissamment à familiariser le monde clinique avec l’emploi de tests utilisant le NGS.(Figure 1)

Tests génétiques : état des lieux de la législation française

Dans le cadre de la législation française actuelle, l’analyse de l’ADN fœtal n’est pas proposée en population générale, DPN (diagnostic prénatal) et DPI (diagnostic préimplantatoire) étant réservés à certaines familles à risque (voir la particularité de la trisomie 21).

Test non invasif de diagnostic (dépistage) de la trisomie 21 Actuellement (mai 2014) en France l’examen n’est pas proposé en routine, et il n’est pas remboursé par la sécurité sociale. Il commence à être disponible pour des femmes à risque, c’est-à-dire après un dépistage (échographie, marqueurs sériques). Il est réalisé par deux laboratoires : l’hôpital Necker (dans le cadre de l’étude prospective SAFE21), et le laboratoire Cerba (coût de 800€). En cas de résultat positif du test génétique non invasif de trisomie 21 fœtale (ou d’une trisomie 13 ou 18), un caryotype fœtal de confirmation devra être pratiqué. Pour un passage en routine le remboursement sera nécessaire pour l’équité d’accès aux soins.

Diagnostic préimplantatoire (Article L2131-4, Code de la santé publique)

  • « Le diagnostic préimplantatoire n’est autorisé qu’à titre exceptionnel dans les conditions suivantes : un médecin exerçant son activité dans un CPDPN (centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal) doit attester que le couple, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
  • Le diagnostic ne peut être effectué que lorsqu’a été préalablement et précisément identifiée, chez l’un des parents ou l’un de ses ascendants immédiats dans le cas d’une maladie gravement invalidante, à  révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital, l’anomalie ou les anomalies responsables d’une telle maladie. […] ».
  •  Le diagnostic ne peut avoir d’autre objet que de rechercher cette affection ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter. »

Dépistage préconceptionnel En France le dépistage préconceptionnel n’est pas une pratique courante. Il est proposé dans le cadre d’un conseil génétique aux couples ayant des antécédents familiaux ou personnels de maladies héréditaires.

Préconceptionnel, préimplantatoire, mais surtout périnatal

Plus généralement, les applications du séquençage à haut débit au « contrôle de qualité » de la progéniture prennent place dans la pratique clinique (voir Encadré pour la situation réglementaire en France). On a beaucoup parlé d’analyses préventives visant à détecter, chez les futurs parents, des mutations à l’état hétérozygote. Plusieurs tests de ce type sont disponibles : le Illumina TruGenome Predisposition Screen, fondé sur un séquençage global, examinant 1 600 gènes et coûtant près de 10 000 dollars US, ou un séquençage de l’exome promu par Gentle (Belgique) pour 2 000 dollars et interprété pour 1 600 affections mendéliennes, mais il ne semble pas que ces offres aient jusqu’ici rencontré un grand succès. En revanche, le NGS semble faire des progrès notables pour le contrôle des embryons avant réimplantation après une procédure de fécondation in vitro : il s’agit là d’analyses sur une seule cellule prélevée sur l’embryon pour vérifier l’absence d’aneuploïdies, de délétions et, éventuellement, de mutations ponctuelles. Après les démonstrations de faisabilité [6], cette approche, qui a le potentiel d’examiner de multiples locus dans l’ADN de l’embryon, a de bonnes chances de s’imposer.

Mais le domaine qui fait actuellement l’objet de véritables applications cliniques est celui du diagnostic périnatal : il correspond au cas où un nouveau-né présente des anomalies pour lesquelles on soupçonne une étiologie génétique (en raison d’une récurrence dans la famille, par exemple), mais où le phénotype n’est pas suffisamment net pour suggérer une cause précise. L’approche via le NGS permet alors d’examiner en une fois un grand nombre de gènes potentiellement impliqués, plutôt que de procéder à des tests successifs, longs, coûteux et souvent infructueux. Techniquement, l’analyse est similaire à celle réalisée pour l’étude préconceptionnelle mentionnée ci-dessus, mais elle répond bien plus directement à un besoin clinique et est donc réellement entrée dans la pratique. Par exemple, le test TaGSCAN du Children’s Mercy Hospital (Kansas, États-Unis), très en pointe dans ce secteur, séquence les régions codantes de 514 gènes impliqués dans des maladies infantiles graves, pour environ trois mille dollars, avec un délai de deux mois pour des résultats analysés, et un débit actuel de quelques dizaines de tests par mois. Ici aussi, le passage à l’exome est envisagé ; une récente étude émanant du Baylor college of medicine (Houston, États-Unis) et portant sur 750 exomes montre un taux de diagnostic de 25 % environ : c’est faible, mais meilleur que le taux obtenu avec les techniques classiques (caryotype et CHG array) qui plafonne à 15 % [7]. Une autre entreprise, Parabase Genomics (Boston, États-Unis) propose un test « exome » (toujours pour les nouveau-nés) et prépare le lancement d’un test plus restreint portant sur 227 gènes. Au total, l’examen large des anomalies génétiques chez un enfant présentant un tableau clinique peu caractéristique commence à se faire couramment, même si beaucoup de ces analyses sont encore réalisées dans un cadre de recherche ou de validation. C’est évidemment un cas de figure où la force de frappe de l’approche NGS augmente fortement les chances d’obtenir rapidement un diagnostic, à un coût comparable ou même inférieur à celui d’une série d’analyses successives.

… sans oublier les agents infectieux !

Les performances du séquençage de nouvelle génération trouvent aussi à s’employer dans le domaine du diagnostic de maladies infectieuses : plus besoin de cibler une zone précise de l’ADN du microorganisme ou virus suspecté, on peut obtenir facilement d’abondantes données de séquence sur l’échantillon et en tirer ensuite les informations requises. Par exemple, Pathogenica (Boston, États-Unis) vend déjà, au Japon7,, un kit permettant de détecter douze bactéries souvent impliquées dans des infections nosocomiales, et une jeune entreprise française liée à l’Institut Pasteur, PathoQuest, conduit avec l’hôpital Necker la validation, chez 300 patients immunodéprimés, d’un test capable d’identifier l’ensemble des pathogènes présents. Ces analyses de bactéries ou virus ont des exigences assez modestes en termes de volume de séquence, et sont donc particulièrement bien adaptées aux « petites » machines comme le PGM ou le Proton de Life Sciences, ou encore le MiSeq d’Illumina, et les délais de rendu peuvent être très courts, de l’ordre de la journée, ce qui leur donne un avantage décisif sur la bactériologie conventionnelle. On peut donc s’attendre à les voir se généraliser rapidement. Mentionnons encore le typage HLA (pour les transplantations) qui tend à être de plus en plus fondé sur la séquence – et à basculer lui aussi vers l’approche NGS8.

Une pénétration qui va s’accentuer

L’évolution constatée en deux ans seulement [1, 2] est impressionnante, et reflète tant les progrès des technologies de séquençage que les efforts déployés pour résoudre les problèmes de mise en œuvre pour ces nouvelles approches. Problèmes scientifiques, le principal étant de savoir interpréter les mutations trouvées sans buter sur trop de VUS (variants of unknown significance), grâce à des bases de données accessibles, contrôlées et bien à jour [8] ; problèmes logistiques, réglementaires et financiers : comment organiser ces tests pour qu’ils soient réalisés dans de courts délais, qu’ils soient agréés par les autorités de contrôle et pris en charge financièrement ; problèmes éthiques enfin, l’abondance des informations obtenues posant dans des termes nouveaux les questions de confidentialité, de droit de savoir et de ne pas savoir, et donc la formulation du consentement éclairé. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir…

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Sauf mention contraire, il s’agit toujours de séquence « brute », sortant de la machine. Pour une séquence de qualité raisonnable, on compte au moins trente passages (redondance 30x), pour une séquence de très haute qualité (comme un exome à visée clinique) on va jusqu’à 100, 200 ou parfois 1000x.
2 Pour situer les ordres de grandeur, rappelons qu’un médicament devient un grand succès, un blockbuster, si son chiffre d’affaires annuel atteint le milliard de dollars.
4 L’étude SAFIR 01 a inclus 423 patientes atteintes de cancer du sein métastatique, entre mai 2011 et août 2012 ; elle était pilotée par Fabrice André (Institut Gustave Roussy). l’étude SAFIR 02 vise à prouver l’efficacité de la médecine personnalisée en cancérologie pour les patients atteints d’un cancer du poumon et du sein.
6 Le premier de ces tests a été lancé par Sequenom en octobre 2011.
7 Pas encore aux Etats-Unis, en l’attente d’une autorisation de la FDA.
8 L’entreprise HistoGenetics (Ossining, USA), spécialisée dans le typage, a récemment acquis vingt séquenceurs Illumina MiSeq…
References
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