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Med Sci (Paris). 2015 November; 31: 28–29.
Published online 2015 November 6. doi: 10.1051/medsci/201531s307.

Génétique

Valérie Allamand1*

1Centre de de Recherche en Myologie, Sorbonne Universités, UPMC - Inserm UMRS 974, CNRS FRE 3617, Institut de Myologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Dr Anne Bigot).

 

Syndrome myasthénique congénital
Une mutation en 3’-UTR crée un site cible de microARN dans le gène GFPT1
Résumé Des mutations du gène codant la glutamine-fructose-6-phosphate transaminase 1 (GFPT1) sont responsables du syndrome myasthénique congénital des ceintures (LG-CMS). Une mutation récurrente de ce gène identifiée chez les patients atteints de ce syndrome est une transversion c.*22C>A dans la région non codante en 3’ du gène (3’-UTR). Ce variant ne changeant pas la phase de lecture du gène GFPT1, son caractère pathogène n’a pas encore été établi. L’étude présentée ici met en évidence des taux réduits de la protéine GFPT1 dans des myoblastes en culture de patients porteurs de ce variant. Des algorithmes in silico ont prédit que cette mutation crée un site cible pour le microARN miR-206*. L’étude de l’expression de ce microARN jusqu’à présent inconnu confirme que le miR-206* (comme son homologue miR-206) est abondant dans le muscle squelettique. Le miR-206* réduit efficacement l’expression de constructions rapporteurs contenant le 3’-UTR muté, alors qu’il n’a aucun effet sur celles portant le 3’-UTR sauvage ou lorsqu’un inhibiteur spécifique anti-miR206* est ajouté. De plus, le traitement par l’inhibiteur anti-miR-206* restaure de façon significative l’expression de GFPT1 dans les myoblastes de patients. Les résultats de ces travaux démontrent que la mutation c.*22C>A est bien une mutation causale et suggèrent que la formation de sites cibles de microARN pourrait être un mécanisme pathogénique pertinent dans les maladies mendéliennes. Il ne faudrait donc pas négliger des variants dans les régions 3’-UTR dans les procédures de diagnostic génétique.
Commentaire Les microARN (miARN), dont la découverte remonte à une vingtaine d’années, sont des ARN non codants régulant l’expression des gènes, en empêchant la traduction ou en induisant la dégradation des ARN messagers. Les miARN s’associent à des séquences spécifiques dans la région 3’UTR de leurs ARNm cibles. De nombreux miARN existent et sont impliqués dans la plupart des processus biologiques et leur lien avec plusieurs pathologies, y compris le cancer, est maintenant reconnu. Certains miRNA sont spécifiquement exprimés dans le tissu musculaire, on parle de la famille des myomiR. L’étude présentée ici s’intéresse au miR-206, un myomiR exprimé uniquement dans le muscle squelettique et présent uniquement chez les vertébrés. De façon intéressante, les auteurs ont démontré qu’une mutation ponctuelle dans la région 3’-UTR du gène GFPT1 impliqué dans les LG-CMS entraîne la création d’un nouveau site cible pour la forme minoritaire du miR-206 (dite miR-206*). Grâce à différentes approches dans des cellules myogéniques de patients, les auteurs ont mis en évidence un effet du miR-206* sur le taux de protéine GFTP1, pouvant être aboli grâce à l’utilisation d’un inhibiteur de ce micro-ARN. L’effet délétère du miR-206* s’ajoute donc à celui de la seconde mutation portée par les patients et contribue à la pathologie. Ces travaux ouvrent donc la voie à une nouvelle approche thérapeutique éventuelle pour les LG-CMS associées à GFPT1. Plus largement, cette étude engage à étudier avec attention les variants identifiés en 3’-UTR des gènes, lesquels sont souvent ignorés.
Dystrophies musculaires congénitales
Des formes sans implication du cerveau ni des yeux liées à des mutations des gènes DYSF, FKTN et ISPD
Résumé Les dystrophies musculaires congénitales (DMC) sont un groupe de maladies neuromusculaires génétiquement et cliniquement hétérogènes. Plusieurs gènes codant des protéines de la matrice extracellulaire, de l’enveloppe nucléaire, du sarcolemme ou des enzymes de glycosylation sont impliqués dans les DMC. L’important chevauchement des présentations cliniques causées par des mutations dans différents gènes représente un défi pour les cliniciens dans l’identification de l’étiologie de la pathologie de chaque patient. Le séquençage d’exome entier a été utilisé afin d’identifier la cause génétique de la DMC chez cinq patients, issus de trois familles, présentant des symptômes cliniques très similaires : une faiblesse rapidement progressive et d’apparition précoce, sans anomalies du cerveau ni des yeux.

Le séquençage d’exome entier a été réalisé sur les ADN des individus atteints. L’impact fonctionnel des mutations a été étudié par immunomarquages sur les biopsies de muscle disponibles. Des mutations pathogéniques ont été identifiées dans trois gènes différents: DYSF, FKTN et ISPD. La mutation du gène DYSF entraîne l’absence de protéine dysferline dans le muscle du patient. Les mutations du gène ISPD altèrent la fonction de la protéine, démontrée par le défaut de glycosylation de l’α-dystroglycane dans le muscle du patient.

Cette étude souligne l’intérêt des approches génomiques sans biais dans le diagnostic moléculaire des maladies neuromusculaires cliniquement hétérogènes, comme chez les patients de cette étude. Les résultats obtenus suggèrent que le déficit en dysferline devrait être considéré comme diagnostic différentiel des DMC à progression rapide. Ainsi, un anticorps anti-dysferline devrait être inclus dans l’étude standard par immunohistochimie des muscles de patients avec suspicion de DMC.

Commentaire L’hétérogénéité des DMC, tant clinique que génétique, est un défi auquel sont confrontés tant les cliniciens que les laboratoires de diagnostic moléculaire. De façon générale, les informations cliniques et paracliniques orientent grandement la recherche du gène en cause. À ce jour, 28 gènes de DMC sont référencés dans la version 2015 de la table des gènes impliqués dans les maladies neuromusculaires (http://www.musclegenetable.fr) et la liste ne fait que croître régulièrement. L’étude présentée ici illustre le fait qu’à l’ère du séquençage haut débit, la présentation clinique des patients n’est pas un a priori dans l’interprétation des données de séquence. En effet, des trois gènes identifiés dans cette étude, deux étaient déjà connus comme cause de DMC (les gènes codant la fukutine et l’ISPD), mais associant généralement des anomalies du cerveau et/ou des yeux, ce qu’aucun des patients décrits ici ne présente. Enfin, et de façon plus surprenante, une mutation homozygote du gène codant la dysferline a été identifiée chez deux enfants d’une famille consanguine turque atteints de DMC rapidement progressive, avec des taux de créatine kinase sérique élevés et une atteinte de tous les groupes musculaires proximaux. Cette étude élargit donc le spectre des maladies impliquant ce gène, généralement plutôt tardives et lentement progressives. Les auteurs recommandent donc d’inclure l’immunomarquage de la dysferline dans le criblage des biopsies musculaires de patients atteints de DMC.
References
1.
Dusl M, Senderek J, Müller JS, Vogel JG, Pertl A, Stucka R, Lochmüller H, David R, Abicht A. A 3’-UTR mutation creates a microRNA target site in the GFPT1 gene of patients with congenital myasthenic syndrome . Hum Mol Genet. 2015; ; 24 : :3418.–3426.
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Ceyhan-Birsoy O, Talim B, Swanson LC, Karakaya M, Graff MA, Beggs AH, Topaloglu H. Whole exome sequencing reveals DYSF, FKTN, and ISPD mutations in congenital muscular dystrophy without brain or eye involvement . J Neuromuscul Dis. 2015; ; 2 : :87.–92.