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Med Sci (Paris). 2016 February; 32(2): 141–143.
Published online 2016 March 2. doi: 10.1051/medsci/20163202002.

Les paralogues de SUMO et la réponse interféron

Ghizlane Maarifi,1 Laurent Dianoux,1 Sébastien Nisole,1 and Mounira K. Chelbi-Alix1*

1Inserm UMR-S 1124, université Paris Descartes, 45, rue des Saints Pères, 75006Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Antiviraux, Régulation de l'expression des gènes, Humains, Interférons, Phosphorylation, Protéine de la leucémie promyélocytaire, Isoformes de protéines, Protein kinases, Protéolyse, Facteur de transcription STAT-1, Petites protéines modificatrices apparentées à l'ubiquitine, pharmacologie, effets des médicaments et substances chimiques, métabolisme, physiologie

Les interférons

Les interférons (IFN) constituent une famille de cytokines impliquée dans diverses activités biologiques. Ils ont initialement été identifiés et nommés pour leur activité antivirale, mais ils exercent également des activités immuno-régulatrices, anti-prolifératives et apoptotiques. Les IFN activent la voie de signalisation JAK/STAT (Janus kinase/signal transducer and activator of transcription) et induisent la transcription de plus de 300 gènes, les ISG (IFN-stimulated genes), dont les produits sont les médiateurs des activités biologiques des IFN [1].

Les IFN sont classés en trois types sur la base de leur antigénicité et de la spécificité de chaque type à un récepteur membranaire. L’IFN de type I regroupe sept interférons parmi lesquels deux sont majoritaires : les IFNα et β [1]. La fixation des IFN de type I à leur récepteur permet l’activation de deux kinases, JAK1 (Janus kinase 1) et Tyk2 (tyrosine kinase 2), ainsi que la phosphorylation des facteurs de transcription STAT1 et STAT2 (signal transducer and activator of transcription). Les hétérodimères phosphorylés STAT1-STAT2 s’associent à IRF9 (IFN regulatory factor 9) pour former le complexe ISGF3 (IFN stimulated gene factor 3) qui migre vers le noyau et se fixe sur des séquences promotrices ISRE (IFN stimulated response element) (Figure 1A). Le facteur de transcription STAT1 est essentiel pour la formation du complexe ISGF3, comme le démontre l’observation que les souris invalidées pour le gène STAT1 ne répondent pas aux IFN de type I [2]. Il y a cependant de plus en plus de preuves que STAT2 peut former avec IRF9 un complexe alternatif « ISGF3-like », en l’absence de STAT1, capable de générer une réponse aux IFN de type I et III [3]. Les cellules n’exprimant pas STAT1 (STAT1-/-) ont un niveau d’expression de STAT2 très faible mais la réintroduction de STAT2 dans ces cellules restaure la réponse aux IFN de type I [4].

L’IFN de type II ne comprend qu’un seul membre, l’IFNγ. Après fixation de l’IFNγ à son récepteur, STAT1 est phosphorylé [1] par JAK1 et JAK2 et forme des homodimères qui transloquent dans le noyau où ils induisent la transcription de gènes ayant une séquence GAS (gamma activation site) dans leur promoteur (Figure 1B).

L’IFN de type III, également appelé IFNλ, a été découvert plus récemment et comporte quatre membres, IFNλ1 à IFNλ4. Les IFNλ se fixent à des récepteurs spécifiques exprimés à la surface des cellules épithéliales mais induisent la même signalisation que les IFN de type I.

Les protéines SUMO

Les protéines SUMO (small ubiquitin modifier) appartiennent à la famille des UBL (ubiquitin like proteins) [5]. Chez l’homme, il existe 4 paralogues1, de SUMO : SUMO1, SUMO2 et SUMO3 qui sont ubiquitaires, contrairement à SUMO4 qui est spécifique des cellules rénales, de la rate et des ganglions lymphatiques. SUMO2 et SUMO3 possèdent des séquences identiques à 95 %, mais qui ne sont identiques qu’à 50 % avec la séquence de SUMO1 [5]. Par conséquent, les protéines SUMO2 et SUMO3 sont reconnues par le même anticorps SUMO2/3.

SUMO2 et SUMO3, mais pas SUMO1, possèdent le motif consensus ΨKXD/E2 leur permettant de former des chaînes polySUMO2/3. Néanmoins, SUMO1 peut terminer une chaîne poly SUMO2/3.

La SUMOylation est une modification réversible qui implique la liaison covalente isopeptidique entre un résidu glycine dans la région C-terminale de SUMO et une lysine de la protéine substrat. La SUMOylation est impliquée dans de nombreux processus cellulaires tels que la régulation transcriptionnelle, la dégradation des protéines et la défense antivirale. Depuis la découverte de SUMO en 1996, le nombre de ses substrats identifiés dépasse les 500 [6].

SUMO inhibe la phosphorylation de STAT1 en réponse à l’IFNα et l’IFNγ

Un travail antérieur avait montré que STAT1 rendue non SUMOylable est hyper-phosphorylée en réponse à l’IFNγ [7]. Nous avons montré [8] que dans les cellules qui expriment en stable les différents paralogues de SUMO : (1) STAT1 interagit avec SUMO et est SUMOylée, ce qui réduit sa phosphorylation et sa translocation vers le noyau en réponse aux IFN de type I et type II ; (2) l’IFN régule négativement son propre signal en augmentant la SUMOylation de STAT1 ; et (3) bien que SUMO diminue la phosphorylation de STAT1 en réponse à l’IFNα, il n’affecte ni la phosphorylation de STAT2 ni sa translocation vers le noyau (Figure 1A).

Comme attendu, la réduction de l’activation de STAT1 par SUMO en réponse à l’IFNγ entraîne une diminution de la liaison de l’homodimère phosphorylé STAT1-STAT1 à la séquence GAS (Figure 1B). Par contre, la diminution de la phosphorylation de STAT1 en réponse à l’IFNα n’altère pas la liaison du complexe ISGF3 à la séquence ISRE, le complexe alternatif « ISGF3- like » ne nécessitant pas STAT1 phosphorylé puisqu’il est formé par l’homodimère phosphorylé STAT2-STAT2 et IRF9 (Figure 1A) [8].

SUMO inhibe la transcription en réponse à l’IFNγ sans altérer celle de l’IFNα

L’effet de SUMO sur la transcription a été testé en utilisant les séquences promotrices spécifiques de l’IFNα et l’IFNγ, respectivement ISRE et GAS, fusionnées à la luciférase. L’expression de SUMO1 ou de SUMO3 n’altère pas la transcription en réponse à l’IFNα mais inhibe la transcription en réponse à l’IFNγ (Figure 1). Fait intéressant sur lequel on reviendra plus loin, l’inhibition de la transcription en réponse à IFNγ est de 30 % dans les cellules qui surexpriment SUMO1 et de 80 % dans les cellules qui surexpriment SUMO3.

L’augmentation de la conjugaison de PML à SUMO en réponse à l’IFN entraîne sa dégradation via le protéasome

PML (promyelocytic leukaemia) est l’une des protéines produite par les gènes dont la transcription est induite par les IFN, les ISG (IFN-stimulated genes). PML permet la formation de structures appelées corps nucléaires PML (PML NBs, PML nuclear bodies) (Figure 1) [912] ().

(→) Voir la Nouvelle de T. Regad et M.K. Chelbi-Alix, m/s n° 1, janvier 2002, page 25, et la Synthèse de M.A. Maroui et al., m/s n° 8-9, août-septembre 2014, page 765

Il est connu que l’arsenic augmente la SUMOylation de PML et que SUMO2/3 peut agir comme un signal de recrutement de RNF4 (RING finger protein 4), une SUMO-E3-ligase qui se lie aux polychaînes SUMO de PML (Figure 1). Ceci entraîne l’ubiquitination de PML et sa dégradation dans les cellules traitées à l’arsenic [13, 14]. Dans les cellules qui expriment SUMO3, le traitement à l’IFNα ou l’IFNγ induit la conjugaison de PML à SUMO3 à des temps précoces. L’expression de l’ARNm de PML a donc lieu sans augmentation de la quantité de la protéine PML, celle-ci étant dégradée via le protéasome. Cette dégradation de PML n’est pas observée quand ces cellules sont traitées avec un inhibiteur du protéasome ou déplétées en RNF4.

L’inhibition massive de la réponse transcriptionnelle de l’IFNγ par SUMO3 est due à la dégradation de PML

L’expression de chaque isoforme nucléaire de PML régule positivement la phosphorylation de STAT1 et la transcription en réponse à l’IFNγ (Figure 1B) [15]. La déplétion en RNF4 stabilise PML et augmente donc la phosphorylation de STAT1 et la transcription en réponse à l’IFNγ [8].

Comme mentionné précédemment, la transcription en réponse à IFNγ est inhibée de 30 % par SUMO1 et de 80 % par SUMO3 [8]. Cette plus forte inhibition est en fait due, dans les cellules exprimant SUMO3, à la dégradation de PML SUMOylée par le protéasome. En effet, lorsque ces cellules sont déplétées en RNF4, on observe une restauration de la concentration en protéine PML, ce qui ramène l’inhibition de la transcription de 80 % à 30 %.

Conclusions

L’inhibition de la voie de signalisation de l’IFNγ par SUMO est associée à une réduction de l’apoptose, de l’inhibition de la croissance cellulaire et du chimiotactisme. De façon réciproque, l’inhibition de la SUMOylation par diminution de l’expression d’Ubc9 (ubiquitin conjugating enzyme 9), unique enzyme de conjugaison, entraîne en réponse à l’IFNγ une augmentation de la phosphorylation de STAT1 et des réponses biologiques. L’expression de SUMO rend donc les cellules résistantes à l’IFNγ. De plus, SUMO3, mais pas SUMO1, bloque la capacité de l’IFNα et de l’IFNγ à augmenter l’expression de la protéine PML et réduit la capacité de l’IFN à conférer la résistance au virus de l’encéphalomyocardite (EMCV) [8]. Ceci est en accord avec des résultats précédents montrant que PML joue un rôle clé pour inhiber l’EMCV [16].

Pris dans leur ensemble, nos résultats mettent en évidence un rôle nouveau de SUMO dans la modulation de la réponse aux interférons de type I et II.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Ce travail a été financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR 11BSV3002803)

 
Footnotes
1 Produits de gènes homologues issus d’un même gène ancestral.
2 Ψ représente un acide aminé hydrophobe, K la lysine qui forme la liaison isopeptidique avec le SUMO, x un acide aminé quelconque et D/E un acide aspartique ou un acide glutamique.
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