2009


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Introduction à la 2e édition

Parue en 2003, l’expertise opérationnelle « Santé des enfants et des adolescents, propositions pour la préserver » présente un état des lieux des connaissances sur plusieurs problématiques de santé de l’enfant et propose des recommandations en prévention de l’obésité, en santé mentale ainsi que sur le risque lié à la consommation d’alcool chez les jeunes.
Prenant appui sur les données épidémiologiques établies jusqu’en 2003, les actions, les plans et les programmes nationaux en cours concernant les trois thématiques évoquées, ce document décrit un ensemble de propositions opérationnelles pour développer et/ou renforcer la prévention et l’éducation pour la santé.
La prévention de l’obésité constitue un premier champ de réflexion avec d’une part l’éducation nutritionnelle et d’autre part la lutte contre la sédentarité. La recherche d’une cohérence en prévention a conduit à recommander de promouvoir une alimentation équilibrée en harmonie avec l’environnement éducatif, de faciliter l’accès à l’eau de boisson et de proscrire certaines offres (distributeurs de boissons sucrées et confiseries) dans les établissements scolaires.
L’importance de l’activité physique est reconnue comme support de la construction des apprentissages à la maternelle mais semble négligée dès le CP où les activités intellectuelles deviennent centrales. L’expertise préconisait une heure d’activité physique quotidienne supplémentaire pour tous les enfants de CP en plus du programme d’éducation physique à l’école.
Le développement des compétences psychosociales et de l’estime de soi chez l’enfant constitue un axe de prévention en santé mentale. L’expertise décrit des programmes de promotion de la santé mentale qui portent sur le développement ou le renforcement de facteurs de protection vis-à-vis des situations à risque. Ces programmes de type éducatif doivent contribuer au bien-être de tous les enfants. Peu d’écoles participent en France au réseau européen des écoles promotrices de santé créé par l’OMS, et de tels programmes sont peu développés en France.
En dehors d’une éducation pour la santé qui agit sur les causes psychosociales de l’alcoolisation, l’expertise recommandait de développer des actions de prévention situationnelle des risques liés à la consommation, c’est-à-dire dans les moments où les jeunes s’alcoolisent le plus. Une réactivation de la législation limitant les incitations à consommer de l’alcool (publicité, prix des boissons non alcooliques) et la promotion de bonnes pratiques en matière de prévention routière et de responsabilisation de la communauté (sensibilisation des professionnels des lieux de fête) restent d’actualité.
Néanmoins, depuis 2003, un certain nombre d’actions ont été réalisées, en particulier en matière d’éducation nutritionnelle et de promotion de l’activité physique, qui se sont inscrites dans le droit fil des recommandations qui étaient proposées dans l’expertise opérationnelle. Il faut souligner l’importance de certaines incitations gouvernementales qui se sont traduites par la promulgation de lois ou de plans nationaux qui constituent, dans ce domaine de la prévention, des avancées certaines.
En premier lieu, il faut rappeler que la loi de santé publique promulguée le 9 août 2004 constitue en soit un événement fondateur. Elle comporte un principe de protection de la jeunesse, « selon lequel la définition des objectifs et l’élaboration des plans stratégiques doivent systématiquement prendre en compte l’amélioration de la santé des nourrissons, des enfants et des adolescents ».
La prévention de l’obésité fait partie de la loi de santé publique. Cette dernière, qui est entrée en vigueur au 1er septembre 2005, comporte plusieurs mesures phares : interdiction des distributeurs automatiques de boissons sucrées et de confiseries dans les établissements scolaires, réglementation de la publicité sur les produits sucrés, ou encore surtaxe des mélanges alcoolisés et sucrés. Ces mesures étaient préconisées dans l’expertise comme il est indiqué ci-dessus.
Le rapport Sommelet (2006)1 soulignait également qu’au travers de certains objectifs, la loi a conduit à des actions bien identifiées dans certains plans ou programmes et suscité des actions d’éducation et de promotion de la santéinitiées au niveau national (en lien avec la DGS, l’Inpes et l’Éducation Nationale), ou au niveau local (région, département, ville). Le rapport Toussaint (2006)2 rappelait entre autre le rôle essentiel de l’école comme acteur d’éducation pour la santé. L’expertise de 2003 insistait également sur cet aspect.
Cette période a été marquée par le renouvellement ou la mise en place de plusieurs plans nationaux dont une partie concerne les jeunes.
Dans la continuité du premier programme national nutrition santé (PNNS) (2001-2006), un deuxième programme (PNNS2), lancé pour 2006-20103 , vise à améliorer l’état de santé général de la population en agissant sur la nutrition et les activités physiques. Il se donne surtout une vocation de prévention et insiste sur trois axes :
• l’amélioration de la qualité de l’offre alimentaire avec en ce qui concerne les enfants un référentiel nutritionnel pour la restauration scolaire ; l’introduction de messages sanitaires dans les publicités alimentaires ; une surveillance du marketing alimentaire ;
• un dépistage précoce et une prise en charge de l’obésité, s’appuyant sur la PMI, la médecine scolaire et les médecins de ville ; une meilleure formation des généralistes à la prévention primaire et secondaire de l’obésité dans l’enfance et l’adolescence ; un affichage du rôle respectif des professionnels de santé de l’enfant dans la prévention et les campagnes d’éducation (partenariat pédiatres/Éducation Nationale) ;
• le développement d’actions spécifiques pour les populations défavorisées et vulnérables.
Concernant la santé mentale, le plan « Psychiatrie, santé mentale 2005-2008 »4 visait, entre autre, à favoriser la mise en place d’actions de promotion de la santé mentale pour des publics spécifiques (enfants et adolescents en premier lieu) et auprès des acteurs qui les prennent en charge. Ce plan est néanmoins resté très ciblé sur le soin et la dimension prévention développée dans l’expertise de 2003 est toujours d’actualité.
En 2008, l’ensemble des mesures prises en France concernant les enfants et les adolescents a été réuni sous la forme d’un « Plan santé des jeunes » présenté par le Ministre de la santé5 . Le plan insiste sur trois aspects de la prévention :
• la lutte contre les pratiques addictives et propose de revoir la législation sur la vente de boissons alcoolisées aux mineurs ;
• la promotion d’habitudes nutritionnelles plus équilibrées et propose d’agir sur l’environnement des jeunes, notamment en matière de publicité, de bonnes pratiques et de restauration scolaire ;
• la lutte contre l’anorexie en proposant une charte élaborée avec les professionnels du secteur de l’image du corps et de réprimer l’apologie de l’extrême maigreur et de l’anorexie.
Ce plan envisage également des mesures particulières en faveur des jeunes les plus vulnérables. En particulier, il préconise la création des « maisons des adolescents » dans tous les départements d’ici 2010, en priorité dans les quartiers populaires ; l’expérimentation d’un programme de prévention en milieu scolaire et universitaire tenant compte des inégalités territoriales en matière de santé ; une campagne de promotion du numéro vert « fil santé jeunes » (gratuité à partir de téléphones portables) ; un dispositif de repérage et de prévention de la crise suicidaire et de la souffrance psychique chez les jeunes ; une campagne « contraception 2008-2009 » adaptée aux besoins des jeunes non scolarisés dans les quartiers populaires.
Le « Plan santé des jeunes » insiste sur la place des activités physiques et sportives dans la vie courante et annonce que le nombre d’heures d’activités sportives sera augmenté à l’école dès la rentrée 2009. Néanmoins persiste toujours une confusion entre activité sportive et activité physique. L’aménagement de l’environnement urbain (pistes cyclables, espaces où l’on peut marcher et courir) devrait contribuer à favoriser l’exercice physique au quotidien dans des conditions de sécurité et de proximité. Si des efforts ont été faits dans ce sens, ils restent encore très largement insuffisants.
L’expertise publiée en 2003 insistait également sur la nécessité de développer la recherche et la formation en éducation pour la santé. La recherche en France dans ce domaine est modeste, dispersée et souvent cloisonnée entre les différentes disciplines (épidémiologie, psychologie, sociologie, sciences de l’éducation, économie, sciences politiques…). L’expertise préconisait un développement volontariste d’une politique scientifique structurée en éducation pour la santé avec un financement spécifique et des appels d’offres privilégiant des équipes pluridisciplinaires. En 2007, notons qu’un appel à projet de recherche en prévention, promotion et éducation pour la santé a été lancé par le GIS-IReSP6 . L’expertise recommandait d’adapter, créer ou valider des outils d’évaluation qui couvrent les différents domaines d’intervention et leurs impacts sur les comportements de consommation par exemple. Une réflexion ambitieuse sur la faisabilité, la nature et la pertinence d’indicateurs utiles aux décideurs publics paraît donc toujours souhaitable. Dans le domaine de la santé mentale, il reste difficile de capitaliser les enseignements des expériences qui sont menées et d’évaluer les acquis pour intéresser les acteurs du système éducatif, du secteur sanitaire et les parents.
Bien que la formation des professionnels apparaisse comme un vecteur incontournable du développement de l’éducation pour la santé, elle reste insuffisamment développée, plus particulièrement dans le cadre de la formation initiale. Il faudrait réaffirmer que l’éducation à la santé fait partie des missions de l’école et intégrer la formation en éducation et promotion de la santé dans la formation initiale et continue des personnels de l’Éducation Nationale. Signalons, qu’une chaire d’enseignement universitaire de promotion de la santé va être créée à l’EHESP7 en 2009.
Si une impulsion forte a été lancée récemment par des lois et des programmes nationaux, l’ensemble des plans successifs mis en place peut sembler insuffisamment coordonné quant à leur volet prévention. Les acteurs attendent donc une démarche de cohérence, mais aussi d’identification et de définition du rôle de chacun pour contribuer à la réussite de cette stratégie, permettant le dialogue entre le secteur de l’éducation et celui de la santé.
Les trois problématiques traitées dans l’expertise opérationnelle se retrouvent comme priorités dans les plans annoncés depuis 2003. Les réalisations et leurs évaluations sont encore incomplètes. Les propositions d’actions faites il y a près de 6 ans conservent leur pertinence, ce qui justifie cette nouvelle édition.

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