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Med Sci (Paris). 32(11): 944–951.
doi: 10.1051/medsci/20163211009.

Impact des nouveaux outils de métagénomique sur notre connaissance du microbiote intestinal et de son rôle en santé humaine
Enjeux diagnostiques et thérapeutiques

Hervé M. Blottière1,2* and Joël Doré1,2

1Institut Micalis, INRA, AgroParisTech, université Paris-Saclay, Domaine de Vilvert, 78350Jouy-en-Josas, France
2MGP MétaGénoPolis, INRA, université Paris-Saclay, 78350Jouy-en-Josas, France
Corresponding author.
 

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Ces dernières années, notre conception de la physiologie humaine a été considérablement revisitée par la reconnaissance du rôle joué par les milliards de micro-organismes qui colonisent notre organisme [1]. Reconnu depuis longtemps pour leur contribution à notre apport en énergie via la fermentation des résidus non-digestibles par nos enzymes digestives (principalement les fibres), le microbiote intestinal contribue également à nos besoins en vitamines et en micro-constituants. Plus récemment, le rôle du microbiote dans le développement et la maturation du système immunitaire [38] (), son importance dans le contrôle des fonctions métaboliques et son interaction avec le système nerveux central ont été soulignés [2]. Il est également essentiel dans la protection contre la colonisation par les pathogènes aussi appelée effet barrière. Cet effet barrière est illustré par le spectaculaire effet thérapeutique de la transplantation de microbiote dans les infections récurrentes à Clostridium difficile [3, 39] ().

(→) Voir la Synthèse de V. Gaboriau-Routhiau et N. Cerf-Bensussan, page 961 de ce numéro

(→) Voir la Synthèse de J.C. Lagier et D. Raoult, page 991 de ce numéro

Suite aux travaux de Savage publiés dans les années 1970, on estimait le microbiote intestinal à quelques 100 000 milliards de micro-organismes et on considérait que l’homme hébergeait 10 fois plus de micro-organismes qu’il n’avait de cellules dans son organisme [4]. Des travaux récents ont revu ces chiffres à la baisse et estiment que nous avons autant de micro-organismes que de cellules humaines [5]. Le microbiote colonise le bébé dès la naissance, et va se diversifier dans les trois premières années de la vie en parallèle du développement et de la maturation du système immunitaire. Cette colonisation est influencée par le mode de naissance (césarienne vs accouchement par voies naturelles), le mode d’alimentation (allaitement vs biberon), la prise d’antibiotiques, l’hygiène environnementale et enfin le mode et le moment du sevrage [6]. Chez l’adulte en bonne santé, on considère que le microbiote est relativement stable dans le temps, bien qu’influencé par nos habitudes alimentaires. En revanche, une modification de la composition et des fonctions du microbiote est décrite dans de nombreuses pathologies [1].

La métagénomique : un outil puissant de caractérisation du microbiote

Pendant de longues années, la caractérisation de la composition du microbiote intestinal était limitée à la seule fraction cultivée et était effectuée par des méthodes de culture en anaérobiose. Le développement des approches moléculaires, et en particulier des approches ciblant l’ADN ribosomal 16S, a permis de revisiter notre vision de la complexité du microbiote, et de souligner l’importance de la fraction non-cultivée [7]. Les progrès des techniques de séquençage de nouvelles générations et des approches métagénomiques ont permis des avancées majeures dans notre compréhension du microbiote [8]. Cependant, la première étape qui est primordiale est la collecte des échantillons (généralement de selles humaines) et l’extraction d’ADN. Ces étapes souvent négligées sont pourtant essentielles pour une analyse optimale du microbiome. à cet égard, le projet européen IHMS (pour International human microbiome standards), a souligné l’importance de ces étapes et permis de mettre à la disposition de la communauté scientifique des procédures opérationnelles standardisées (http://www.microbiome-standards.org).

Deux stratégies sont ensuite possibles pour obtenir des données à partir d’échantillons d’ADN métagénomique. La plus utilisée et la plus accessible est l’approche ciblée. Elle consiste à amplifier par PCR (polymerase chain reaction) un gène (ou une région d’un gène), puis à séquencer l’ensemble des amplicons1, ainsi obtenus. La cible principale est une région du gène codant l’ARNr 16S qui est maintenant utilisé comme marqueur universel de la phylogénie bactérienne. Ce gène de structure mosaïque2 est constitué de régions très conservées et de régions variables. Suivant les auteurs, les méthodes de séquençage (longueur des lectures) et l’objectif des études, différentes régions sont ciblées [9]. Cette approche phylogénétique ou méta-taxonomique, permet, malgré les biais, d’appréhender la composition en espèces d’un échantillon. La seconde stratégie, appelée métagénomique globale ou métagénomique « shotgun », consiste à séquencer directement l’ensemble de l’ADN de l’échantillon sans cette amplification ciblée. Cette approche permet d’accéder à l’ensemble des gènes dominants présents dans l’échantillon et donc d’accéder aux fonctions du microbiome [10, 11]. Il faut souligner que ces approches, sources de nombreuses données, soulèvent des difficultés liées à leur stockage et à leur traitement et nécessitent des pipelines bio-informatiques sophistiqués. La métagénomique quantitative, telle que présentée sur la Figure 1 , nécessite un référentiel, c’est-à-dire un catalogue annoté des gènes potentiellement présents. Le premier catalogue de notre « autre génome » a été publié en 2010. Il était composé de 3,3 millions de gènes non-redondants identifiés à partir des selles de 124 Européens [10]. Ce catalogue issu de séquençages métagénomiques a été augmenté récemment en incluant les gènes présents dans les selles de 1 267 individus issus des trois continents (Européens, Américains et Chinois) et comprend maintenant 10 millions de gènes [12]. Il faut noter que les nouveaux gènes inclus dans le catalogue sont essentiellement des gènes rares, retrouvés chez peu d’individus. Un catalogue similaire a été construit à partir des métagénomes fécaux de 184 souris de laboratoire [13]. La comparaison des métagénomes humains et murins montre une énorme dissimilitude puisque seulement 4 % des gènes sont communs aux deux catalogues. En revanche, lorsque l’on s’intéresse aux fonctions connues des gènes, via l’annotation des KEGG (Kyoto encyclopedia of genes and genomes), les deux catalogues montrent une grande similarité fonctionnelle (80 %).

Le principe de la métagénomique quantitative (Figure 1) consiste à générer à partir de l’échantillon d’ADN initial une multitude de courtes séquences (lectures ou « reads ») de 100 à 150 paires de bases (pb). En moyenne, 20 à 50 millions de lectures seront obtenues. Elles seront ensuite reportées sur les gènes du catalogue afin d’identifier et de quantifier ceux qui sont présents dans l’échantillon. Une matrice de comptage sera ainsi générée pour chaque échantillon/individu permettant une définition fine du microbiome de chaque individu d’une cohorte.

À côté de l’inventaire des gènes présents, les outils de bio-informatique ont permis de reconstituer des entités génomiques entières. En se basant sur le principe que les gènes provenant d’un même génome bactérien devraient se retrouver en abondance identique au sein d’un échantillon, mais vont co-varier d’un échantillon à l’autre, 741 génomes d’espèces bactériennes dites métagénomiques (MGS) ont été reconstruits dont 238 de haute qualité [14]. Ces génomes provenaient pour la majorité (85 %) d’espèces non-cultivées à ce moment et jusqu’alors inconnues. Ces approches ont également permis de reconstruire 6 640 petites unités métagénomiques correspondant à des plasmides, des phages, voire à des séquences CRISPR (des gènes qui protègent les bactéries d’attaques virales) [40] ().

(→) Voir la Nouvelle de H. Gilgenkrantz, m/s n° 12, décembre 2014, page 1066

Ces mêmes outils bio-informatiques ont également permis d’associer à ces MGS, certaines espèces identifiées comme importantes dans les métagénomes humains par l’analyse du gène de l’ARN ribosomique 16S, donnant des informations essentielles sur les fonctions de ces espèces non cultivées [15].

Apport de la métagénomique quantitative à notre connaissance du microbiote

La métagénomique a permis dans un premier temps de confirmer que seuls quelques phylums bactériens étaient retrouvés dans le tube digestif humain. La majorité des espèces présentes appartiennent au phylum des Firmicutes et à celui des Bacteroides [10]. On retrouve également des Actinobactéries, des Protéobactéries, des Verrucomicrobia voire des Fusobacteria. Certains individus hébergent des Archaea, principalement du genre Methanobrevibacter, associées à la capacité de produire et d’excréter du méthane. En analysant les métagénomes d’individus en bonne santé, les chercheurs du projet européen MétaHIT ont observé qu’il n’y avait pas un microbiome intestinal moyen, mais que les métagénomes se distribuaient en au moins trois arrangements écologiques, appelés alors entérotypes [16]. Deux de ces entérotypes sont dominés par un seul genre bactérien, Bacteroidetes et Prevotella, tandis que le troisième est dominé par quelques genres tels Ruminococcus, Subdoligranulum, et Methanobrevibacter. Ce concept a donné lieu à une controverse, notamment entre biostatisticiens, pendant plusieurs années [1719]. Les habitudes alimentaires semblent être l’un des déterminants majeurs de structuration de l’écosystème intestinal en entérotypes [20, 21]. La physiologie de l’hôte, telle que le temps de transit, est également l’un de ces déterminants essentiels [22]. Quoiqu’il en soit, cette notion soulève de nombreuses questions concernant en particulier la mise en place de cet équilibre écologique, sa stabilité dans le temps, son lien avec des risques de pathologies, ou son association à la réponse, ou l’absence de réponse, après une intervention nutritionnelle ou thérapeutique [21]. À cet égard, il faut noter que des auteurs américains ont montré qu’un régime alimentaire drastique de 10 jours ne modifiait pas l’appartenance à l’entérotype [20], alors que le microbiote d’un individu peut, sur une période d’un an, présenter séquentiellement les caractéristiques de chacun des 3 entérotypes [18].

Les études de cohortes indiquent également que la richesse en gènes bactériens (et donc en espèces) caractérise l’écosystème intestinal. Certains individus ont un microbiome pauvre ou atrophié, comptant moins de 300 000 gènes, tandis que d’autres, au contraire, ont un microbiome riche de plus de 800 000 gènes dominants [23]. Cette richesse est également associée aux entérotypes. Ainsi, les individus ayant un microbiote dominé par les Bacteroides ont plus fréquemment un microbiome à faible richesse en gènes. La richesse en gènes s’avère corrélée, au moins partiellement, au régime alimentaire [24] et un régime peu calorique, riche en fibre, améliore la richesse du microbiome chez des individus à microbiome atrophié [25, 41] ().

(→) Voir la Synthèse de R. Burcelin et al., page 952 de ce numéro

Cette richesse ou pauvreté correspond également à une fonctionnalité du microbiote différente. Ainsi, chez les individus à microbiote atrophié, la production de propionate3, liée aux Bacteroidetes serait plus importante, tandis que chez les individus à microbiote riche, la production de butyrate, liée elle aux Firmicutes, serait accrue [23].

Microbiote et pathologies - Un outil diagnostique ou pronostique ?

Le développement de la métagénomique a permis d’étudier le microbiome dans diverses pathologies. Les premiers travaux ont porté naturellement sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), maladie de Crohn et rectocolite hémorragique, pour lesquelles le rôle du microbiote avait été suggéré dès les années 1990 [26, 42, 43] ().

(→) Voir la Nouvelle de B. Lamas et al., et la Synthèse de O. Rahmouni et al., pages 933 et 968 de ce numéro

Ces travaux montrent une réduction de la diversité bactérienne, en particulier dans les Firmicutes du groupe des Clostridium leptum, et une augmentation des Proteobactéries dont Escherichia coli. La perte d’un Firmicute normalement dominant, Faecalibacterium prausnitzii, chez les patients atteints de maladie de Crohn, a été ensuite découverte comme marqueur pronostique péjoratif de récidive après chirurgie [27]. Les propriétés anti-inflammatoires de cette bactérie ont été démontrées dans des modèles de colites chez la souris et in vitro, faisant de F. prausnitzii un candidat pour des interventions thérapeutiques. La métagénomique quantitative a confirmé cette dysbiose observée chez les patients atteints de maladie de Crohn [10].

Depuis ces travaux pionniers, cette approche puissante de métagénomique quantitative a été appliquée à de nombreuses autres pathologies (Figure 2). Ainsi dans l’obésité, une augmentation des Firmicutes associée à une réduction des Bacteroidetes a été rapportée dans un modèle murin d’obésité mais aussi dans un petit groupe de 12 patients [28], ces résultats n’ont cependant pas été confirmés dans d’autres études incluant un nombre supérieur de volontaires [29, 30]. Une autre étude conduite sur une cohorte de 169 obèses et 123 témoins n’a pas retrouvé ce déséquilibre Firmicutes/Bacteroidetes, mais elle a montré une diminution de la richesse du microbiome chez certains patients obèses [23, 25]. Cette atrophie du microbiote est associée à un état inflammatoire exacerbé, à une insulino-résistance accrue, à une dyslipidémie et une augmentation de l’adiposité [23, 41] ().

(→) Voir la Synthèse de R. Burcelin et al., page 952 de ce numéro

Dans la cirrhose hépatique, une dysbiose du microbiote est également observée [31]. Les patients montrent une perte de richesse, comme cela est décrit dans la maladie de Crohn. En revanche, une trentaine d’espèces, rarement retrouvées chez les témoins sains, sont surabondantes, remplaçant des espèces normalement dominantes. Ces « envahisseurs » sont en fait des bactéries communément retrouvées dans la bouche et quelques pathogènes d’origine alimentaire. L’explication la plus plausible à cette localisation inhabituelle des bactéries de la sphère orale peut être liée aux sels biliaires. En effet, ces bactéries qui sont normalement détruites par la bile, survivent au passage dans l’intestin dans un contexte de cirrhose et vont coloniser celui-ci, déséquilibrant l’écosystème intestinal [31]. Cette dysbiose constitue une base diagnostique potentielle, puisqu’en analysant la présence ou l’absence de quelques espèces dans les selles de patients, il est possible, de façon non-invasive, de diagnostiquer une atteinte hépatique. De plus, une analyse des gènes, et donc des fonctions, surreprésentés chez les patients cirrhotiques, montre une augmentation des gènes associés à la production d’ammoniaque, de l’acide gamma amino-butyrique (GABA) et au métabolisme du manganèse, des facteurs associés aux complications de la cirrhose notamment aux encéphalopathies hépatiques [31]. Cet exemple illustre l’intérêt de caractériser le microbiome de patients dans diverses pathologies, et la force de la métagénomique quantitative qui permet également d’apporter des informations sur les fonctions du microbiote.

La Figure 2 liste un certain nombre de pathologies pour lesquelles des dysbioses du microbiote ont été documentées. Certains cancers, les diabètes de type 1 et 2, mais également des pathologies associées au système nerveux central, ont été étudiées, illustrant l’importance de la prise en compte du microbiote dans la compréhension de la physiopathologie. Cependant, comme le souligne un article récent d’une étude du consortium MetaHIT, une bonne caractérisation des patients et, en particulier, de leur médication, est essentielle, certaines drogues ayant un fort impact sur le microbiote et la physiologie intestinale [32].

Métagénomique fonctionnelle : un pipeline pour la découverte de nouvelles molécules/cibles d’intérêt thérapeutique

L’adaptation du microbiote à son hôte résulte d’une longue co-évolution au cours des millénaires et d’une adaptation pour un bénéfice mutuel. L’hôte apporte la niche écologique et l’aliment nécessaire au développement bactérien ; le microbiote produit des métabolites essentiels pour l’homme, tels que certaines vitamines ou les acides gras à chaîne courte qui contribuent aux fonctions physiologiques de l’hôte. Il participe également à l’homéostasie intestinale et à la maturation du système immunitaire [38] ().

(→) Voir la Synthèse de V. Gaboriau-Routhiau et N. Cerf-Bensussan, page 961 de ce numéro

Cependant nos connaissances des mécanismes cellulaires et moléculaires d’interaction entre le microbiote et son hôte restent parcellaires. En effet, en plus de la diversité et la complexité du microbiome, un des challenges à relever réside dans la difficulté à cultiver la majorité des bactéries intestinales, ce qui rend leur étude ardue. Il faut noter cependant que des efforts importants sont fournis actuellement pour tenter de cultiver les bactéries considérées incultivables [33]. Afin d’identifier les gènes et métabolites bactériens impliqués dans le dialogue avec les cellules de l’hôte, en particulier les cellules épithéliales intestinales, nous avons développé une approche de métagénomique fonctionnelle (Figure 3) permettant d’accéder au potentiel des gènes bactériens de l’ensemble du microbiote intestinal [34]. Cette approche consiste à isoler l’ADN de l’ensemble des bactéries présentes dans l’échantillon initial, ou ADN métagénomique, de le fragmenter en larges fragments d’environ 40 kb, ce qui correspond en moyenne à 40 gènes bactériens et donne accès à des opérons4, entiers. Cet ADN est cloné dans un fosmide5, qui est ensuite transfecté dans une bactérie hôte, souvent E. coli, qui n’accepte qu’une unique copie par bactérie. Un clonage est ensuite effectué, afin d’obtenir des banques de clones métagénomiques comportant 20 à 70 000 clones, chacun pouvant exprimer le potentiel des 40 gènes de l’insert métagénomique. Des banques issues des selles de donneurs sains, de patients atteints de maladie de Crohn et d’obèses, ou provenant de la fraction bactérienne adhérente à la muqueuse intestinale humaine, ont ainsi été produites.

Étant donné le nombre de clones à tester, une approche à haut débit basée sur l’utilisation de gènes rapporteurs a été adoptée. Une plateforme de criblage mettant en jeu des automates a été construite (Figure 4). Les premiers criblages ont ciblé la voie de signalisation cellulaire NF-κB (nuclear factor-kappa B) dont la régulation contrôle l’inflammation [35]. Deux lignées de cellules épithéliales intestinales classiquement utilisées, HT-29 et Caco-26,, ont été transfectées de façon stable avec un plasmide rapporteur utilisant la luciférase, ou la phosphatase alcaline7, comme gène rapporteur placé sous le contrôle de plusieurs copies des éléments de réponse à NF-κB. Ce type d’approche à haut débit a nécessité une mise au point de toutes les étapes du criblage, que ce soit la partie croissance et lyse des clones métagénomiques, la partie cellulaire, ou la partie traitement et analyse des milliers de données obtenues [36]. Les clones positifs, obtenus après une étape de validation, sont séquencés, afin de connaître le support génétique des actifs obtenus et de savoir de quelle bactérie est issu l’insert métagénomique. En parallèle, une mutagénèse randomisée par transposition8, est effectuée. Pour chaque clone, entre 200 et 400 mutants sont obtenus et criblés à nouveau pour identifier quels sont les gènes qui sont porteurs de l’activité [35]. À titre d’exemple, un des clones identifiés comme activateur de la voie NF-κB est issu de Bacteroides vulgatus, une bactérie souvent associée à la maladie de Crohn. La mutagenèse par transposition a montré qu’un transporteur de lipoprotéine de la famille LolD et une lipoprotéine étaient indispensables à l’activation de NF-κB. Des travaux sont en cours pour comprendre comment cette lipoprotéine peut activer cette voie de signalisation, notamment quel est le récepteur cellulaire mis en jeu, mais également pour comprendre les conséquences physiopathologiques de cette interaction. Plus d’une trentaine de clones modulateurs de voies de signalisation ou de gènes clés pour l’homéostasie de l’épithélium intestinal ont été identifiés à ce jour et sont en cours de caractérisation. Les outils développés pour ce projet forment maintenant la plate-forme MetaFun du projet d’investissement d’avenir MétagénoPolis (www.mgps.eu) et sont accessibles pour des projets collaboratifs. Cette approche innovante a également été utilisée avec succès par une équipe de l’université Rockefeller de New York [37]. Cette stratégie permettant de découvrir de nouvelles molécules d’intérêt thérapeutique est maintenant adoptée par deux entreprises, Entérome biosciences en France, et Lodo therapeutics aux États-Unis.

Ces travaux pionniers permettent ainsi de mieux comprendre le support génétique des fonctions du microbiote intestinal, les mécanismes d’interaction avec l’épithélium intestinal et le rôle joué par nos bactéries intestinales dans le maintien de la santé.

Les futures applications du microbiote en santé humaine

La caractérisation complète de notre autre génome, le métagénome, est donc une étape clé de la compréhension de la physiologie humaine. De nombreuses entreprises se sont créées afin d’exploiter les potentielles applications de notre microbiote. Ces applications possibles vont dans quatre directions (Figure 5).

La première utilise le microbiote comme outil de stratification, avec des applications possibles dans le domaine du diagnostic, comme nous l’avons vu avec l’exemple de la cirrhose. La caractérisation fine du microbiome permettant de sélectionner les éventuels répondeurs à un traitement est une piste en plein développement, elle constitue un outil de diagnostic « compagnon » de produits thérapeutiques.

Le microbiote peut également être un outil de traitement. Le succès de la transplantation fécale dans le cadre des infections à Clostridium difficile a ouvert une voie pour de nombreuses autres applications [39] ().

(→) Voir la Synthèse de J.C. Lagier et D. Raoult, page 991 de ce numéro

À côté de la transplantation à proprement parler, d’autres alternatives sont à l’étude. L’utilisation de fractions bactériennes obtenues à partir de selles, l’utilisation d’un cocktail de souches ou consortium bactérien, voire de cultures en fermenteurs sont aussi proposées. Le secteur des probiotiques a connu un essor très important. L’utilisation de bactéries commensales, pour leur potentiel probiotique, paraît un domaine prometteur et plusieurs espèces comme F. prausnitzii ou Akkermansia muciniphila semblent de bonnes candidates.

La compréhension des mécanismes par lesquels le microbiote module la signalisation de nos cellules est essentielle afin d’identifier les effecteurs de ce dialogue. D’un côté, les métabolites identifiés peuvent constituer de nouvelles drogues à potentiel thérapeutique. D’un autre côté, les éventuels récepteurs ou voies de signalisation identifiés chez l’hôte peuvent représenter des cibles pour de nouveaux anticorps médicaments ou des molécules pharmacologiques. Ainsi, la métagénomique fonctionnelle a permis d’identifier de nouveaux métabolites bactériens d’intérêt thérapeutique à partir de bactéries non isolées ni cultivées.

Enfin, de nombreuses approches visant à moduler notre microbiote peuvent être envisagées [21]. L’adoption de régimes alimentaires appropriés, l’utilisation de fibres et/ou prébiotiques, certains probiotiques, voire certains médicaments dont les antibiotiques permettent, en modulant la composition ou l’activité métabolique de notre microbiote, d’avoir un impact sur la physiologie de l’hôte avec des conséquences positives pour certaines pathologies. Les années à venir nous diront quelles sont les pistes qui se révéleront les plus pertinentes.

Liens d’intérêt

Hervé M. Blottière collabore avec Enterome Bioscience. J. Doré déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Produits de l’amplification.
2 Discontinue.
3 Métabolite produit par certaines bactéries.
4 Ensemble de gènes impliqués dans une fonction.
5 Un cosmide fondé sur le facteur F de Escherichia coli. Les cosmides sont des plasmides dans lesquels a été inséré le site cos du phage lambda qui rend possible l’empaquetage du plasmide (porteur d’un insert) dans la tête du phage lambda. Le facteur F est un plasmide qui contrôle sa propre réplication, son nombre de copies, la répartition des copies dans les cellules filles et son transfert.
6 Lignées cellulaires tumorales humaines d’origine intestinale isolées d’adénocarcinomes coliques.
7 Les gènes de ces enzymes sont placés sous la dépendance des promoteurs de gènes que l’on étudie. Lorsqu’elles sont exprimées par la cellule, elles permettent de révéler l’induction de la transcription des gènes qu’elles remplacent.
8 Insertion d’une séquence entière d’ADN.
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