Caractéristiques du donneur conditionnant la greffe

2009


ANALYSE

14-

Transplantation pulmonaire : élargissement du pool de donneurs

Deux cent vingt-trois transplantations pulmonaires ont été réalisées en France en 2007, se répartissant en 154 transplantations bipulmonaires, 49 transplantations monopulmonaires et 20 transplantations cardio-pulmonaires (Agence de la biomédecine, 2007renvoi vers)1 . Dans le même temps, 287 patients ont été inscrits sur liste, s’ajoutant aux 164 patients en attente à la fin de l’année précédente. Il existe donc une inadéquation entre le nombre de greffons pulmonaires proposés et le nombre de receveurs en attente de transplantation. Cette pénurie de greffons a pour conséquence une mortalité et des durées d’attente sur liste importantes.
En France, on estime qu’il faudrait entre 300 et 400 transplantations pulmonaires pour satisfaire la demande de greffons pulmonaires. Le même phénomène est rencontré dans les autres pays pratiquant la transplantation pulmonaire. Aux États-Unis par exemple, les temps d’attente sur liste sont compris entre 1 et 2 ans, avec des mortalités sur liste variant d’environ 15 % pour les patients souffrant de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), à 33 % pour les patients souffrant de fibrose pulmonaire idiopathique (Trulock et coll., 2007renvoi vers)2 .
Plusieurs voies ont été ou sont en cours d’exploration pour remédier à cette pénurie de greffons pulmonaires. En transplantation pulmonaire, les sources potentielles de greffons sont les donneurs en état de mort encéphalique, les donneurs vivants et les donneurs à cœur arrêté. L’abord de la problématique du déséquilibre entre donneurs et receveurs implique aussi une réflexion sur le choix de la procédure optimale de transplantation (mono- ou bipulmonaire essentiellement) ainsi que sur le bien-fondé de l’indication de la transplantation.

Donneurs en état de mort encéphalique

Les donneurs en état de mort encéphalique sont à l’origine de la très grande majorité des transplantations pulmonaires pratiquées dans le monde, et l’unique source de greffons pulmonaires en France.

Recensement des donneurs en état de mort encéphalique

Un travail important a été mené en France sur le recensement des sujets en état de mort encéphalique, en fournissant aux hôpitaux habilités à prélever, du personnel médical et paramédical dédié à cette activité. Cet effort s’est traduit par une augmentation considérable du nombre de sujets recensés en état de mort encéphalique qui est passé de 1 562 à 3 067 entre 1994 et 2006, et du nombre de sujets prélevés (de 876 à 1 442 pendant la même période). Le nombre de sujets prélevés atteint 24,7 donneurs prélevés par million d’habitants (pmh) (Agence de la biomédecine, 2007renvoi vers), plaçant la France au deuxième rang des pays européens derrière l’Espagne (33,8 pmh). En revanche, le taux d’opposition au prélèvement reste élevé et stable en France depuis de nombreuses années. Il est de 32 % en 2006, soit plus de 2 fois plus important que celui enregistré dans d’autres pays européens comme l’Espagne (15,2 %). Un important travail de sensibilisation est actuellement mené pour améliorer l’image du prélèvement dans la population et par là même diminuer le taux d’opposition au prélèvement.

Évaluation et prélèvement des donneurs en état de mort encéphalique

Parmi les patients en état de mort encéphalique, moins de 15 % sont prélevés d’au moins un poumon. De nombreux facteurs compromettent la fonction pulmonaire et limitent le nombre de greffons qui pourront être ultérieurement prélevés. La cause du décès (traumatisme notamment) et les conséquences de la réanimation (infections nosocomiales) entraînent fréquemment une altération profonde de la fonction pulmonaire incompatible avec le prélèvement pulmonaire. La mort encéphalique est en elle-même une cause de détérioration de la fonction pulmonaire. L’orage catécholergique qui y est associé entraîne une vasoconstriction systémique responsable d’une augmentation de la post-charge ventriculaire gauche et de la pression auriculaire gauche. Cette vasoconstriction provoque une augmentation du retour veineux et du débit cardiaque droit. Ces phénomènes aboutissent à une redistribution de la masse sanguine vers la circulation pulmonaire et une augmentation de la pression capillaire pulmonaire, avec formation d’un œdème pulmonaire. Parallèlement, la stimulation adrénergique augmente la perméabilité capillaire favorisant la formation d’œdème pulmonaire, et entraîne un syndrome systémique de réponse inflammatoire (SIRS), avec infiltration pulmonaire massive par des polynucléaires neutrophiles participant aux altérations de la barrière alvéolo-membranaire. Un remplissage prudent, guidé par une mesure invasive des pressions de remplissage cardiaques, et l’utilisation de faibles doses d’arginine-vasopressine pourraient limiter les altérations de la fonction pulmonaire et augmenter le nombre de greffons pulmonaires prélevables. L’administration de corticostéroïdes en bolus et de tri-iodothyronine (T3) est courante, mais son impact sur la fonction du greffon pulmonaire est débattu.
Pour le transplanteur, l’acceptation d’un greffon en vue d’une transplantation est une décision difficile fondée sur des éléments souvent peu objectifs. Des critères de sélection ont été définis de manière parfaitement empirique dès le début de l’activité de transplantation (Orens et coll., 2003renvoi vers). L’élargissement de ces critères de sélection en 2003 a permis d’augmenter sensiblement (de 9,8 % en 2000 à 15,8 % en 2006) le nombre de patients prélevés d’un greffon pulmonaire ou cardiopulmonaire parmi les donneurs prélevés d’au moins un greffon. Cette proportion reste néanmoins nettement inférieure à celle enregistrée dans d’autres pays.
L’évaluation du donneur est particulièrement difficile en transplantation pulmonaire. En effet, et contrairement à d’autres transplantations d’organes (rein notamment), il n’existe pas de moyen simple d’évaluer la fonction pul-monaire chez un patient en état de mort encéphalique. Les éléments dont dispose le transplanteur au moment de l’acceptation d’un donneur sont des éléments anamnestiques (intoxication tabagique, antécédents médicaux et chirurgicaux pulmonaires), radiologiques (radiographie pulmonaire le plus souvent, scanner thoracique rarement) et gazométriques. La plupart du temps, ces paramètres sont mal renseignés (l’intoxication tabagique par exemple est difficile à évaluer précisément dans ces circonstances), mesurés dans des conditions mal standardisées (par exemple la mesure des échanges gazeux est très dépendante des conditions de mesure), et peu informatifs (les échanges gazeux mesurés en oxygène pur peuvent être acceptables alors même que le parenchyme pulmonaire est profondément altéré, cas de la BPCO par exemple). Indépendamment des limites que nous venons d’énoncer, l’impact de ces paramètres sur la fonction du greffon et la survie du receveur est parfaitement inconnu. De nombreuses études ont néanmoins tenté d’apporter des éléments de réponse à ces questions. La plupart ont comparé le devenir de patients recevant un greffon « idéal », c’est-à-dire remplissant tous les critères de sélection, à ceux de patients recevant un greffon « marginal », c’est-à-dire ne remplissant pas un ou plusieurs des critères de sélection (Sundaresan et coll., 1995renvoi vers; Bhorade et coll., 2000renvoi vers; Pierre et coll., 2002renvoi vers). Ces études posent trois problèmes méthodologiques majeurs qui les rendent anecdotiques. Premièrement, les critères de sélection des greffons ont évolué au cours du temps et varient d’un pays à l’autre ; de ce fait, ces études ne sont pas comparables entre elles. Deuxièmement, ces études mettent dans le même groupe des greffons dont certains ne violent que légèrement un seul critère de sélection tandis que d’autres violent l’ensemble des critères. Troisièmement, ces études rétrospectives sont de faible taille, rendant peu probable la mise en évidence d’une différence entre les deux groupes comparés (faible puissance statistique).
D’autres études ont tenté d’évaluer indépendamment l’impact de chaque caractéristique du greffon sur la survie des receveurs, en ajustant sur les autres facteurs pronostiques connus. Cette approche fait appel à des modèles statistiques multivariés et nécessite de larges cohortes de patients. Une étude menée en France a ainsi retrouvé une association entre les échanges gazeux du donneur mesurés avant le prélèvement et la survie des receveurs (Thabut et coll., 2005renvoi vers). D’autres études de ce type sont nécessaires pour évaluer de façon systématique l’impact de chacune des caractéristiques du donneur sur la survie des receveurs.
La quantification objective de l’impact des différents paramètres du donneur sur la fonction du greffon et la survie des receveurs est un élément très important pour une utilisation raisonnée des greffons pulmonaires. Le développement d’un score tel que celui développé en transplantation hépatique pourrait permettre une meilleure quantification de la qualité d’un greffon au moment du prélèvement (Feng et coll., 2006renvoi vers; Northup et coll., 2007renvoi vers). Les critères de sélection des greffons utilisés actuellement sont résumés dans le tableau 14.I.renvoi vers

Tableau 14.I Critères définissant le donneur idéal en transplantation pulmonaire1 (Weill, 2002renvoi vers)

Âge < 55 ans
Tabagisme < 20 paquets-années
Absence de maladie respiratoire chronique
Radiographie pulmonaire normale
Absence de sécrétions purulentes
Absence de notion d’inhalation dans les voies aériennes
PaO2 > 300 mmHg en FIO2 : 1 avec PEP = 5 cm H2O2

1 Aucun de ces critères ne constitue aujourd’hui une contre-indication absolue au prélèvement ; 2 Mesure des échanges gazeux dans des conditions de ventilations standardisées : oxygène pur et application d’une pression expiratoire positive égale à 5 cm d’eau

Donneurs vivants

La greffe à partir de donneurs vivants représente une activité marginale en transplantation pulmonaire (3 transplantations aux États-Unis et aucune en France en 2006). Cette procédure nécessite le prélèvement de deux lobes pulmonaires à partir de deux donneurs adultes puis leur transplantation chez un receveur de plus petite taille. Les trois interventions sont réalisées simultanément dans trois salles d’opération, nécessitant une importante logistique. La plus grosse cohorte de transplantations pulmonaires à partir de donneurs vivants, rapportée dans la littérature, comprend 128 transplantations réalisées chez 123 patients entre 1993 et 2002 à Los Angeles (Bowdish et coll., 2003renvoi vers, 2004renvoi vers et 2005renvoi vers; Barr et coll., 2005renvoi vers). La survie de ces patients souffrant pour la plupart de mucoviscidose était de 45 % à 5 ans, soit des chiffres comparables à ceux observés à partir de donneurs en état de mort encéphalique. Si cette équipe fait état de complications chez un peu moins de 25 % des donneurs, d’autres équipes rapportent des taux de complications plus élevés (Battafarano et coll., 2000renvoi vers). Quoiqu’il en soit, les problèmes éthiques posés par cette intervention (morbidité importante pour le donneur) et l’absence de supériorité de la transplantation pulmonaire à partir de donneur vivant en termes de survie du receveur ou de fréquence des rejets aigus et chroniques, contrairement à ce qui est rapporté dans d’autres organes, expliquent l’abandon progressif de cette intervention.

Donneur à cœur arrêté

Afin d’augmenter le nombre d’organes disponibles, plusieurs pays dont la Belgique, la Hollande, le Royaume-Uni, le Japon et l’Espagne ont autorisé le prélèvement de donneurs à cœur arrêté (Egan et coll., 1991renvoi vers). En France, le décret du 2 août 2005 stipule que « le prélèvement des organes figurant sur une liste fixée par arrêté du Ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, peut être pratiqué sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant ». Seuls le rein et le foie sont concernés pour le moment. Les donneurs éventuels ont été classés en 5 catégories (classification dite de Maastricht) qui sont décrites précédemment (cf. chapitre sur la transplantation rénale). En France, seules les catégories I, II et IV ont été retenues. Les modalités de prélèvement de ces donneurs sont définies dans le moindre détail, qu’il s’agisse du recueil du consentement, des délais à respecter en matière de tentative de réanimation cardiaque, des modalités de préservation des organes et des limites imposées à leur utilisation.
Si l’échec de la réanimation est confirmée et si aucune alternative thérapeutique n’est possible, il est procédé à un arrêt de la réanimation pendant 5 minutes (délai considéré suffisant pour confirmer la mort sur les critères cliniques suivants : absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée et tracé ECG plat irréversible). Il est alors possible d’établir le certificat de décès et de reprendre les manœuvres de réanimation pour transférer le donneur potentiel vers le centre spécialisé. C’est le constat de mort cardiaque. Une préservation de l’organe est alors instituée. En transplantation pulmonaire, celle-ci consiste à administrer un liquide de préservation glacé dans chaque hémithorax par l’intermédiaire d’un drain pleural (Steen et coll., 2001renvoi vers). Après prélèvement, la transplantation est réalisée soit immédiatement, soit après une phase de reconditionnement pulmonaire (Steen et coll., 2003renvoi vers).
La faisabilité de cette technique en transplantation pulmonaire a été initialement démontrée dans différents modèles animaux. Du fait de son faible métabolisme basal, le poumon tolère sans difficultés une heure d’ischémie chaude (Egan et coll., 1991renvoi vers; Greco et coll., 1998renvoi vers) et peut être conservé au moins 12 heures dans un liquide froid de préservation (Steen et coll., 1994renvoi vers; Wierup et coll., 1999renvoi vers; Egan, 2004renvoi vers; Van Raemdonck et coll., 2004renvoi vers). Cette méthode a été transposée chez l’homme au début des années 2000 (Steen et coll., 2001renvoi vers). Les premiers cas rapportés étant plutôt satisfaisants, plusieurs équipes ont lancé un programme de transplantation à partir de donneurs à cœur arrêté. En Espagne, les résultats de transplantations pulmonaires réalisées à partir de donneurs à cœur arrêté ont été récemment rapportés. Sur 17 patients transplantés de 2002 à 2007, la survie à 1 et 3 ans ne différait pas significativement de celle observée après transplantation à partir de donneurs en état de mort encéphalique, et ce en dépit d’une incidence élevée de dysfonction primaire du greffon (de Antonio et coll., 2007renvoi vers). De même, l’incidence de bronchiolite observée était comparable à celle classiquement rapportée à partir de donneurs en état de mort encéphalique. D’autres équipes dans d’autres pays ont rapporté des résultats comparables (Snell et coll., 2008renvoi vers). En transplantation rénale, les transplantations réalisées à partir de donneurs à cœur arrêté donnent des résultats similaires à celles réalisées à partir de donneurs en état de mort encéphalique (Weber et coll., 2002renvoi vers). Si ces résultats préliminaires encourageants demandent naturellement à être confirmés, il s’agit très certainement d’une technique d’avenir, qui devrait être autorisée en France.

Reconditionnement pulmonaire

Le reconditionnement pulmonaire consiste à prélever des greffons, à les perfuser et à les réchauffer dans un circuit de circulation extracorporelle. Cette approche permet d’améliorer les caractéristiques fonctionnelles de certains poumons considérés non prélevables et à les rendre aptes à la transplantation. Après d’importants travaux expérimentaux (Neyrinck et coll., 2004renvoi vers; Egan et coll., 2006arenvoi vers; Erasmus et coll., 2006renvoi vers; Wierup et coll., 2006renvoi vers), cette technique a été utilisée chez l’homme récemment (Steen et coll., 2007renvoi vers). Plusieurs centres de transplantations pulmonaires français doivent débuter très prochainement un programme de reconditionnement pulmonaire. Cette méthode qui doit être validée pourrait contribuer à augmenter le nombre de greffons disponibles, tout en simplifiant l’organisation de la transplantation.

Autres approches permettant de réduire la pénurie de greffons en transplantation pulmonaire

L’augmentation du nombre de greffons est actuellement le principal axe de recherche de la plupart des équipes pour pallier le déséquilibre entre donneurs et receveurs en transplantation pulmonaire. Une autre approche pour l’instant négligée consiste à améliorer l’utilisation qui est faite des greffons disponibles, en privilégiant les transplantations monopulmonaires d’une part et en favorisant les patients les plus à même de tirer bénéfice de la transplantation en termes de survie d’autre part.

Choix de la technique chirurgicale

En fonction de l’indication de la transplantation, plusieurs options chirurgicales sont généralement possibles. Si la transplantation cardio-pulmonaire est devenue aujourd’hui marginale, dans la majorité des indications une transplantation mono- ou bipulmonaire peut être réalisée. Le choix entre ces deux techniques est dicté par des considérations techniques (existence de foyers de suppuration chronique, âge du candidat, présence d’une hypertension artérielle pulmonaire), mais aussi par l’expérience ou l’habitude des équipes. Le choix de la technique chirurgicale ayant naturellement un impact important sur le nombre de transplantations pouvant être réalisées à pool de donneurs constant, il est licite de s’interroger sur les indications indiscutables de la transplantation bipulmonaire. Dans les situations où la transplantation bipulmonaire n’a pas démontré de supériorité par rapport à la transplantation monopulmonaire en termes de survie ou de qualité de vie des patients, cette dernière technique devrait être favorisée. Étonnamment, aucune réflexion n’a été engagée dans la communauté des transplanteurs pulmonaires sur ce sujet.
À l’heure actuelle, plus des deux-tiers des transplantations réalisées en France sont des transplantations bipulmonaires. Dans le monde, la proportion de transplantations bipulmonaires réalisées est en constante augmentation (Trulock et coll., 2007renvoi vers). Si la réalisation d’une transplantation bipulmonaire est indiscutable chez les patients présentant une mucoviscidose, elle est beaucoup plus débattue chez les patients souffrant de BPCO ou de fibrose pulmonaire idiopathique (Lawrence, 2008renvoi vers).
Dans la BPCO, une étude menée à partir du registre de la Société internationale de transplantation cardiaque et pulmonaire a démontré que les patients âgés de moins de 60 ans avaient une survie à 5 ans supérieure en moyenne de 5 % après transplantation bipulmonaire comparée à la transplantation monopulmonaire (Thabut et coll., 2008arenvoi vers). En revanche, ce bénéfice n’était pas retrouvé chez les patients âgés de plus de 60 ans qui représentent 25 % des patients. Dans la fibrose pulmonaire idiopathique, alors que la proportion de transplantations bipulmonaires ne cesse d’augmenter pour atteindre environ 50 % des patients, le même débat existe. Des données préliminaires suggèrent que la survie à 5 ans serait similaire quel que soit le type de transplantation réalisée (données soumises pour publication). Dans l’hypertension artérielle pulmonaire, il n’y a pas pour l’instant de données solides permettant de choisir entre ces deux techniques.
L’ensemble de ces données suggère que dans certains cas, la réalisation d’une transplantation bipulmonaire n’est pas justifiée. Étant donné l’impact du choix de la procédure chirurgicale sur le nombre de transplantations pulmonaires réalisables pour un nombre de greffons donné, il serait licite d’inciter les équipes de transplantation à utiliser la technique chirurgicale permettant d’offrir un greffon au plus grand nombre de receveurs.

Sélection des receveurs

L’objectif principal de la transplantation pulmonaire est d’améliorer la survie des patients atteints d’insuffisance respiratoire chronique. Les recommandations internationales précisent que la transplantation pulmonaire ne devrait être réalisée que lorsque la survie attendue après transplantation pulmonaire est supérieure à la survie attendue sans transplantation pulmonaire (Maurer et coll., 1998renvoi vers). Si le bénéfice de la transplantation pulmonaire est admis chez les patients souffrant de fibrose pulmonaire (Thabut et coll., 2003renvoi vers), il est en revanche beaucoup plus discuté chez les patients atteints de BPCO (Hosenpud et coll., 1998renvoi vers; Stavem et coll., 2006renvoi vers; Lawrence, 2008renvoi vers) et chez ceux souffrant de mucoviscidose, tant chez l’adulte (Liou et coll., 2001renvoi vers et 2005renvoi vers) que chez l’enfant (Liou et coll., 2007renvoi vers). En l’absence d’essai randomisé dont la réalisation paraît illusoire dans cette pathologie, l’évaluation du bénéfice de la transplantation fait appel à des analyses statistiques complexes dont les résultats doivent être considérés avec précaution. En dépit des limites de ces méthodes, il apparaît néanmoins très clairement que certains sous-groupes de patients vivent moins longtemps après transplantation pulmonaire que sans transplantation pulmonaire (Thabut et coll., 2008brenvoi vers). Étant donné le coût de cette technique, les espoirs qu’elle suscite mais aussi la pénurie actuelle de greffons, une réflexion approfondie sur la sélection des patients les plus à même de tirer profit d’une transplantation pulmonaire est impérative. Cette réflexion a été en partie menée aux États-Unis. Elle a débouché sur la création d’un score, le « Lung Allocation Score », qui donne la priorité sur liste aux patients ayant le meilleur bénéfice escompté de la transplantation en termes de survie (Egan et coll., 2006brenvoi vers). Le développement d’un tel outil en France permettrait probablement de diminuer le déséquilibre entre l’offre et la demande de greffons en évitant d’inscrire sur liste des patients qui n’ont pas de bénéfice à attendre de la transplantation pulmonaire.
En conclusion, il existe une pénurie de greffons en transplantation pulmonaire comme dans toutes les transplantations d’organes solides. La gestion de cette pénurie consiste à réévaluer le pool existant de donneurs, en améliorant le recensement des donneurs en état de mort encéphalique et en affinant les critères de sélection des greffons. Le développement prévisible des prélèvements à partir de donneurs à cœur arrêté devrait permettre un accroissement du pool de donneurs. Une utilisation plus raisonnée de la transplantation bipulmonaire ainsi qu’une redirection des greffons disponibles vers les patients les plus susceptibles de tirer bénéfice de la transplantation en termes de survie devraient participer à une réduction de la pénurie de greffons actuellement observée.

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