Origine et maîtrise des complications chez le receveur d’organe

2009


ANALYSE

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Néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine

L’introduction des inhibiteurs de la calcineurine (CNI), la ciclosporine (CsA) et le tacrolimus (TRL), dans les protocoles immunosuppresseurs a révolutionné le pronostic des greffes d’organes solides en réduisant significativement l’incidence des rejets aigus. Cependant, le prix à payer pour ce succès est le développement d’une néphropathie vasculaire et tubulo-interstitielle chronique détruisant progressivement le parenchyme rénal et pouvant aboutir à l’insuffisance rénale chronique (Nankivell et coll., 2005renvoi vers). L’étude des mécanismes aboutissant à la survenue de cette néphrotoxicité a déjà donné lieu à une littérature abondante. Si elle a permis de mettre en évidence l’implication de nombreuses voies de signalisation impliquées en particulier dans la régulation du tonus vasculaire et dans la fibrogenèse, l’origine cellulaire et moléculaire de cette toxicité reste encore obscure.

Expression clinique de la néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine

Les CNI sont responsables de deux formes de néphrotoxicité : une néphrotoxicité aiguë ou fonctionnelle et une néphrotoxicité chronique ou structurelle. La néphrotoxicité fonctionnelle, dose-dépendante et réversible, est associée à des altérations de l’hémodynamique intrarénale et une réduction du débit de filtration glomérulaire qui débute très précocement après l’initiation du traitement. Cette vasoconstriction est la conséquence d’une augmentation du tonus sympathique, d’une activation du système rénine-angiotensine, d’une diminution de la production de molécules vasodilatatrices (prostaglandines, monoxyde d’azote) et d’une augmentation de la production d’endothéline I (ET-I). Cette ischémie parenchymateuse a comme conséquence une insuffisance rénale fonctionnelle régressant rapidement à la réduction des posologies de CNI. Il est cependant admis que ces phénomènes ischémiques aigus peuvent induire progressivement des lésions structurelles irréversibles. La néphrotoxicité chronique est caractérisée par une artériolopathie constituée de dépôts hyalins dits « en collier de perle » (figure 16.1CRenvoi vers), une atrophie tubulaire, une fibrose interstitielle en bandes (figure 16.1DRenvoi vers) et une glomérulosclérose. La vasoconstriction et les lésions des cellules endothéliales peuvent conduire à une nécrose des cellules musculaires lisses et à une hyalinisation des parois vasculaires, réduisant le diamètre de la lumière du vaisseau à l’origine d’une ischémie chronique, contribuant ainsi à la fibrose en bande (Liptak et Ivanyi, 2006renvoi vers). Cependant, les lésions tubulointerstitielles peuvent se développer indépendamment de l’artériolopathie. La néphrotoxicité des CNI peut également se manifester sous la forme de microvacuoles isovolumétriques présentes essentiellement dans les cellules tubulaires proximales (figure 16.1ARenvoi vers) et de calcifications interstitielles (figure 16.1BRenvoi vers).
Figure 16.1 Lésions histologiques observées au cours de la néphrotoxicité des inhibiteurs de la calcineurine

Histoire naturelle de la néphrotoxicité

Les biopsies de routine ou de dépistage ont apporté des éléments de connaissance importants de même que l’étude de la fonction rénale chez les patients transplantés avec un organe différent du rein et recevant comme traitement immunosuppresseur des CNI, ou encore l’étude de la fonction rénale chez des patients non transplantés recevant un CNI dans le cadre du traitement d’une maladie auto-immune.
En transplantation rénale, la néphrotoxicité s’intègre dans le cadre plus général de la néphropathie chronique du transplant, caractérisée par l’apparition d’une fibrose aboutissant à la dégradation de fonction puis à la perte du greffon. Responsable de 30 à 40 % des pertes de greffons après 1 an de greffe, la néphropathie chronique du transplant correspond à la seconde cause de perte de greffons après le décès du patient.
Fait capital, les lésions histologiques précèdent la dégradation fonctionnelle. Dans l’étude princeps de Brian Nankivell et coll. (2005renvoi vers), chez des patients ayant bénéficié d’une double transplantation rein-pancréas, une moyenne de 8 biopsies de routine réalisées sur une période de suivi d’environ 10 ans, a mis en évidence qu’au terme du suivi, alors même que la qualité des reins greffés était excellente, 100 % des biopsies contenaient des lésions de néphrotoxicité attribuées aux CNI. Cette étude n’est certes pas exempte de critique car d’une part, il est bien difficile de comparer l’évolution de transplantations rein-pancréas et de transplantations rénales et d’autre part, les lésions de néphrotoxicité n’ont aucune spécificité et en particulier la fibrose interstitielle et l’atrophie tubulaire peuvent être la conséquence de nombreuses autres lésions comme le rejet chronique. Enfin, il manque des études comparant l’évolution à long terme des lésions histologiques chez des patients ayant reçu des CNI et chez des patients n’en ayant jamais reçu.
Par ailleurs, la néphrotoxicité des CNI est également bien mise en évidence grâce à l’étude de l’insuffisance rénale chez les patients ayant été transplantés avec un autre organe que le rein (Ojo et coll., 2003renvoi vers). Dans ces cas, un pourcentage non négligeable de patients transplantés (par exemple 20 % à 5 ans en transplantation hépatique) présente une insuffisance rénale chronique avérée. À dix ans, environ 10 % des patients transplantés sont en phase terminale de cette insuffisance rénale et nécessitent le recours à la dialyse. La majorité des lésions observées, mais pas toutes, sont liées à la néphrotoxicité des CNI (Pillebout et coll., 2005renvoi vers).

Données physiopathologiques établies

Différents types cellulaires semblent être simultanément les cibles de la néphrotoxicité des CNI (figure 16.2Renvoi vers). L’épithélium tubulaire est impliqué dans la fibrogenèse induite par les CNI, notamment par la production de molécules profibrosantes comme le Transforming Growth Factor β (TGF-β) et l’endothéline I (ET-I) qui activent les fibroblastes interstitiels et induisent la synthèse de matrice extracellulaire, ou par transition épithélio-mésenchymateuse (TEM). L’interstitium rénal est également impliqué dans la survenue de la fibrose lors d’un traitement par CsA, en particulier par l’infiltration macrophagique interstitielle (la CsA induit l’expression de cytokines chémo-attractantes) à l’origine de la sécrétion de TGF-β. Enfin, l’atteinte des cellules endothéliales est attestée par la survenue des dépôts endothéliaux typiques de la néphrotoxicité des CNI et par leur rôle dans la synthèse de substances vasoconstrictrices.
Figure 16.2 Représentation schématique de la physiopathologie de la néphrotoxicité de la ciclosporine
La néphrotoxicité liée aux CNI est le fruit de multiples mécanismes cellulaires et moléculaires (toxicité directe et lésionnelle ou réponse cellulaire plus complexe impliquant la sécrétion de peptides et l’activation de voies de signalisation sur un mode paracrine et autocrine). Si cette néphrotoxicité est une complication commune aux CNI, sa physiopathologie a surtout été étudiée après traitement par CsA.

Endothéline I

L’ET-I provoque une vasoconstriction de la plupart des vaisseaux rénaux et peut promouvoir une fibrose interstitielle par la synthèse de protéines de la matrice extracellulaire. Il a été montré que la CsA induisait la production d’ET-I dans des cultures de cellules endothéliales et musculaires lisses et augmentait les concentrations plasmatiques d’ET-I chez les transplantés rénaux (Cauduro et coll., 2005renvoi vers). Chez l’animal, la CsA est responsable d’une vasoconstriction, d’une diminution du flux plasmatique et du débit de filtration glomérulaire significativement réversible après l’administration d’un antagoniste du récepteur à l’ET-I ou d’un anticorps anti-ET-I (Perico et coll., 1990renvoi vers; Lanese et Conger, 1993renvoi vers).

Tonus sympathique

La CsA pourrait affecter le tonus sympathique intrarénal, conduisant ainsi à une vasoconstriction des petits vaisseaux rénaux. Il a été montré, chez des patients greffés cardiaques, que la CsA augmentait les concentrations sanguines de noradrénaline (Scherrer et coll., 1990renvoi vers). La dénervation rénale ou l’administration d’un antagoniste des récepteurs a-adrénergiques peuvent prévenir la diminution du débit sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire qui suivent l’administration de CsA à des rats (Murray et coll., 1985renvoi vers).

Thromboxanes et prostaglandines

Une altération de la cascade prostaglandines/thromboxanes pourrait jouer un rôle dans la néphrotoxicité de la CsA en produisant une vasoconstriction des microvaisseaux rénaux (Conger et coll., 1994renvoi vers; Darlametsos et Varonos, 2001renvoi vers). Chez le rat, la CsA est responsable d’une augmentation de l’excrétion urinaire de thromboxane B2 et d’une diminution parallèle de la fonction rénale. L’administration d’un inhibiteur de la thromboxane synthétase ou d’un antagoniste du récepteur au thromboxane améliore significativement la fonction rénale sans modifier les concentrations sanguines de CsA et nor-malise l’excrétion urinaire de thromboxane B2. La diminution de la syn-thèse de prostaglandines vasodilatatrices (PGE2 notamment) et l’augmentation du ratio PGE2/thromboxane B2 excrété sont impliquées dans la réduction du débit de filtration glomérulaire chez le rat traité par CsA (Dar-lametsos et Varonos, 2001renvoi vers).

Système rénine-angiotensine

Les effets toxiques de la CsA sont observés plus rapidement chez le rat sous un régime pauvre en sodium, ce régime stimulant l’activité rénine et la production d’angiotensine II (ATII). L’activité rénine plasmatique est alors très augmentée par la CsA, parallèlement à la décroissance de la fonction rénale et au développement d’une hypertension, modifications prévenues par l’administration d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) (Pichler et coll., 1995renvoi vers). In vitro, la CsA augmente la sécrétion de TGF-β et l’administration concomitante d’un IEC prévient cet effet. Un antagoniste des récepteurs de l’ATII améliore les lésions fibreuses en diminuant la production de TGF-β et l’expression de protéines matricielles chez le rat. Chez le transplanté rénal présentant une néphrotoxicité chronique de la CsA, le niveau de TGF-β est augmenté et le traitement par un antagoniste des récepteurs de l’ATII fait diminuer significativement les concentrations sanguines de TGF-β (Campistol et coll., 1999renvoi vers).

TGF-β

Le TGF-β joue un rôle fondamental dans la fibrogenèse rénale et dans l’évolution des néphropathies du transplant par ses actions sur la prolifération fibroblastique, la synthèse de matrice extracellulaire et la TEM. De nombreux travaux ont souligné le rôle du TGF-β comme médiateur de la néphrotoxicité des CNI. En particulier, les CNI augmentent la production de TGF-β in vitro et in vivo chez les patients transplantés, de façon ATII dépendante et indépendante (Campistol et Sacks, 2000renvoi vers; Ozdemir et coll., 2005renvoi vers). Le rôle pathogène du TGF-β dans la néphrotoxicité de la CsA est soutenu par l’utilisation d’anticorps anti-TGF-β réduisant la fibrogenèse rénale dans un modèle de néphrotoxicité de CsA chez le rat (Khanna et coll., 2004renvoi vers).

Stress oxydant

La formation d’espèces réactives de l’oxygène (ERO) contribue au développement des lésions de fibrose interstitielle et d’atrophie tubulaire au cours des néphropathies chroniques du transplant par l’intermédiaire de la TEM, de l’apoptose et de l’inflammation. La CsA peut induire la production d’ERO in vitro et in vivo par l’activation du cytochrome P450 3A4 (CYP3A4), de la NADPH oxydase ainsi que de l’inhibition de la gluthation synthétase (Buetler et coll., 2000renvoi vers). De nombreux travaux expérimentaux rendent compte d’un effet néphroprotecteur des anti-oxydants au cours d’un traitement par CsA mais la contribution précise de la production d’ERO et du rôle des antioxydants dans la survenue de la néphrotoxicité chronique liée à la CsA en clinique reste à déterminer.

Apoptose

Il est bien établi que la CsA peut induire l’apoptose des cellules tubulaires et interstitielles constituant ainsi un mécanisme possible de néphrotoxicité. La détection de l’apoptose induite par la CsA corrèle avec l’atrophie tubulaire et la fibrose interstitielle. Les mécanismes pouvant aboutir à l’apparition de l’apoptose lors d’un traitement par CsA sont variés : dysrégulation de l’homéostasie intracellulaire du calcium, stress oxydant, stress du réticulum endoplasmique, et font intervenir au moins deux voies : la voie mitochondriale et celle médiée par le réticulum endoplasmique (Justo et coll., 2003renvoi vers).

Rôle de la P-glycoprotéine

La P-glycoprotéine (Pgp) est une pompe membranaire ATP-dépendante exprimée par les cellules épithéliales du tube digestif et du rein et par les cellules endothéliales des barrières hémato-encéphaliques, hémato-testiculaires, hémato-placentaires… Cette protéine qui joue le rôle de pompe d’efflux a de très nombreux substrats, dont la CsA et le TRL. Dans un modèle de culture primaire de cellules épithéliales tubulaires rénales, nous avons montré que la cytotoxicité de la CsA était dépendante de l’activité de la Ppg (Anglicheau et coll., 2006renvoi vers). Cette hypothèse est corroborée par une autre étude suggérant qu’un polymorphisme génétique du gène ABCB1, codant la Pgp, évalué sur l’ADN du donneur de greffon rénal était associé au risque de néphrotoxicité in vivo, chez l’homme (Hauser et coll., 2005renvoi vers).

Mécanismes émergents

Si de nombreux facteurs impliqués dans la néphrotoxicité des CNI sont maintenant identifiés, les mécanismes cellulaires et moléculaires intimes qui conduisent à leur mise en jeu demeurent mal connus. Le développement de techniques nouvelles comme par exemple celle des puces à ADN, permettant de déterminer les modifications du transcriptome en réponse à un toxique, a conduit à développer de nouvelles hypothèses physiopathologiques.

Transition épithélio-mésenchymateuse

Les myofibroblastes constituent une source majeure de matrice extracellulaire. Bien que leur rôle au cours de la fibrogenèse rénale soit reconnu, une controverse existe quant à leur origine (Liu, 2004renvoi vers). Environ 30 % de myofibroblastes présents dans le rein auraient comme origine les cellules tubulaires et seraient générés par un processus de TEM (Iwano et coll., 2002renvoi vers). La TEM existe chez l’homme au cours de diverses néphropathies mais sa contribution à l’évolution de la fibrose rénale est encore peu étudiée chez l’homme (Liu, 2004renvoi vers), même si de forts arguments expérimentaux l’impliquent dans la progression de la fibrose interstitielle. La TEM se caractérise par l’acquisition par les cellules tubulaires d’un phénotype myofibroblastique au cours d’un processus dynamique comportant : la perte d’adhésion intercellulaire et d’expression membranaire de protéines constituant les jonctions intercellulaires, l’expression de novo de marqueurs mésenchymateux, la réorganisation du cytosquelette d’actine permettant la migration cellulaire et la production de composants de la matrice extracellulaire. La TEM est déclenchée par de nombreux stimuli extracellulaires avec comme acteur central le TGF-β. Il a été récemment montré in vitro que la CsA pouvait induire une TEM sur des cellules tubulaires rénales proximales humaines, et que ce phénomène était lié à la sécrétion de TGF-β et à son action autocrine (Slattery et coll., 2005renvoi vers). Il a également été montré in vitro (figure 16.3Renvoi vers) et in vivo dans un modèle de néphrotoxicité de CsA chez le rat qu’une TEM pouvait survenir précocement et qu’elle précédait l’apparition de lésions de fibrose (Pallet et coll., 2008renvoi vers). Enfin, il existe des arguments expérimentaux en faveur de l’induction par les inhibiteurs de la calcineurine de lésions de transition, cette fois-ci non plus épithélio-mésenchymateuse, mais endothélio-mésenchymateuse.
Figure 16.3 Transition épithélio-mésenchymateuse induite par la ciclosporine

Stress du réticulum endoplasmique

De nombreuses situations comme des perturbations de l’homéostasie du calcium ou du statut redox, une carence en glucose ou une glycosylation altérée perturbent le fonctionnement du réticulum endoplasmique (RE) et induisent l’accumulation de protéines non ou insuffisamment matures, ce qui constitue pour la cellule une situation dite de stress du RE (SRE). Face à ces conditions stressantes, la cellule s’adapte en produisant une réponse qui se caractérise par une diminution globale de la synthèse protéique, l’augmentation de la capacité de maturation et de sécrétion protéique et enfin l’augmentation de la capacité de dégradation protéique (Xu et coll., 2005renvoi vers). Si ces mesures de régulation sont dépassées, le SRE peut conduire à l’apoptose. Il a été montré dans un modèle de cellules de cancer du col de l’utérus, ainsi que dans un modèle de culture d’hépatocytes que la CsA induisait un SRE. Il a été montré in vitro et in vivo que la CsA induisait un SRE dans les cellules tubulaires rénales, ce qui constitue un mécanisme original de néphrotoxicité (figure 16.4Renvoi vers) (Pallet et coll., 2008renvoi vers). Or, le stress du réticulum endoplasmique est une des explications de la transition epithélio-mésenchymateuse. Expérimentalement, le blocage du stress du réticulum endoplasmique par le salubrinal fait disparaître les phénomènes de transition épithélio-mésenchymateuse sur les cellules tubulaires.
Figure 16.4 Stress du réticulum endoplasmique induit par la ciclosporine

Cibles cellulaires des inhibiteurs de la calcineurine

La compréhension des mécanismes de néphrotoxicité des CNI implique l’étude du rôle de l’inhibition de leurs cibles cellulaires, la cyclophiline A (CyPA), la FK Binding Protein 12 (FKBP12) et la calcineurine. En effet, la CsA et le TRL se lient à des protéines cytoplasmiques. La CsA se fixe sur la CyPA tandis que le TRL se fixe sur la FKBP12, et c’est ce complexe ainsi formé qui inhibe l’activité phosphatase de la calcineurine.
Il est maintenant bien établi que la CsA et le TRL ont le même potentiel fibrogénique, et in fine, partagent le même potentiel néphrotoxique (Roos-van Groningen et coll., 2006renvoi vers). Il est donc logique de supposer que les effets néphrotoxiques des CNI sont liés à l’inhibition de la calcineurine qui comporte deux sous-unités, α et β exprimées dans le rein. La sous-unité α de la calcineurine intervient dans le développement rénal normal. La délétion de la sous-unité α chez la souris induit une augmentation de la synthèse de la matrice extracellulaire et le développement de lésions histologiques analogues à celles induites par la CsA, alors que la perte de la sous-unité β n’induit aucune pathologie (Gooch et coll., 2004renvoi vers). In vitro, la délétion de la sous-unité a dans des fibroblastes induit une augmentation de sécrétion de TGF-β et de fibronectine (Gooch et coll., 2007renvoi vers).
Le rôle de l’inhibition des immunophilines dans la survenue de la néphrotoxicité a également été suggéré. La CyPA, ligand endogène de la CsA, constitue la principale isoforme des cyclophilines chez les mammifères. Les cyclophilines sont des isomérases qui induisent des modifications structurales post-traductionnelles des protéines. La CyPA est impliquée dans la différenciation cellulaire, la réplication virale, la transduction du signal et le trafic intracellulaire. La CsA inhibe l’activité isomérase de la CyPA. Les souris surexprimant la CyPA sont résistantes à la néphrotoxicité de la CsA alors que celles exprimant une CyPA mutée développent spontanément des lésions évocatrices de néphrotoxicité de la CsA et sont plus sensibles à l’insuffisance rénale lors d’un traitement par CsA (Hong et coll., 2004renvoi vers). Récemment, il a été montré que l’extinction de l’expression de CyPA par siRNA conduisait à un SRE et à une TEM des cellules épithéliales tubulaires rénales (Pallet et coll., 2008renvoi vers).
Les FKBP partagent certaines fonctions enzymatiques avec les cyclophilines, notamment l’activité isomérase, mais avec un spectre de substrats plus réduit. FKBP12 est l’isoforme majoritaire et se lie à la rapamycine et au TRL. L’inhibition de la FKBP12 ne semble pas capable d’induire une néphrotoxicité. Un analogue du TRL, le L-615,818, inhibiteur de la fonction isomérase de la FKBP12, mais dépourvu d’effet inhibiteur de la CNA, n’est responsable d’aucune néphrotoxicité in vivo (Dumont et coll., 1992renvoi vers).
En conclusion, la néphrotoxicité des CNI est un phénomène complexe et multifactoriel. Une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires aboutissant à la survenue de ces effets toxiques demeure essentielle pour améliorer la prise en charge de cette complication. En particulier, la mise en lumière de nouvelles pistes physiopathologiques pourrait servir à développer des biomarqueurs d’atteinte précoce permettant des modifications thérapeutiques en temps utile.

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