Immunosuppression et transplantation

2009


ANALYSE

4-

Prévention et traitement des rejets

La prévention des différents types de rejet repose sur l’appariement donneur/receveur et sur le choix du traitement immunosuppresseur en fonction principalement du risque immunologique du receveur. La conception du traitement immunosuppresseur s’appuie sur l’association d’un traitement dit « d’induction », c’est-à-dire un traitement qui est censé diminuer l’incidence du rejet aigu dans les 3 mois qui suivent la transplantation, et d’un traitement dit « de maintenance » qui est destiné à limiter ou prévenir le développement du rejet chronique après cette période initiale. Toutefois, dans la pratique courante, le terme d’induction a été réservé à des traitements biologiques comme les anticorps anti-lymphocyte ou les anticorps monoclonaux anti-récepteur de l’interleukine 2. Ces traitements sont administrés au tout début de la transplantation, en même temps que d’autres immunosuppresseurs qui eux, seront maintenus après la phase initiale même si les doses sont réduites. Le terme d’induction a été choisi car dans des modèles expérimentaux, certains de ces traitements ont pu entraîner une « induction de tolérance ». Le traitement curatif des rejets quant à lui, repose d’abord sur la définition la plus précise possible du type de rejet et donc de son mécanisme physiopathologique.

Traitement des rejets en transplantation rénale

Nous diviserons un peu artificiellement ce chapitre en deux sous-parties, le traitement curatif du rejet aigu qui est efficace et comprend différentes modalités et le traitement du rejet chronique qui est encore balbutiant et donc peu efficace.
La prévention du rejet aigu en transplantation rénale repose sur :
• une trithérapie associant des stéroïdes à faible dose, un inhibiteur de la synthèse de l’ADN, le plus souvent inhibiteur de l’IMPDH (inosine monophosphate déshydrogénase) et un immunosuppresseur de la famille des anticalcineurines (ciclosporine ou tacrolimus), ce dernier pouvant être introduit d’emblée ou de façon retardée de quelques jours en cas de reprise retardée de fonction rénale ;
• un traitement dit « d’induction » en fonction du risque immunologique : ce traitement est soit absent, soit constitué d’anticorps monoclonaux anti-récepteur de l’interleukine 2 en cas de risque faible et d’anticorps polyclonaux anti-lymphocyte en cas de risque élevé.
Les différents immunosuppresseurs sont ensuite modulés en fonction de leur suivi pharmacocinétique, de leur efficacité et de leurs effets secondaires. Globalement, l’incidence de rejet aigu est à l’heure actuelle inférieure à 15 % avec une proportion croissante de rejets aigus humoraux.

Traitement curatif du rejet aigu

Le traitement du rejet aigu est longtemps resté relativement, voire très monolithique. En effet, le recours aux stéroïdes est très ancien puisqu’il était déjà décrit par Jean Hamburger en 1962 (Hamburger et coll., 1962renvoi vers) comme traitement de ce que l’on appelait alors « la crise de rejet ». L’introduction des agents dits « biologiques » tels que les sérums anti-lymphocytaires (Woodruff et coll., 1967renvoi vers) et plus tard, les anticorps murins anti-CD3 (Cosimi et coll., 1981renvoi vers) a modifié historiquement l’approche du traitement.
Très schématiquement, les rejets aigus cellulaires étaient traités par de fortes doses de stéroïdes administrés soit par voie orale, soit sous formes de bolus1 de méthylprednisolone. Les formes considérées comme les plus sévères, soit d’emblée (si la biopsie mettait en évidence des lésions vasculaires), soit secondairement en cas d’échec total ou partiel des stéroïdes (les formes dites « cortico-résistantes »), bénéficiaient d’une seconde ligne de traitement soit par les anticorps anti-lymphocytes polyclonaux (de cheval puis de lapin), soit par les anticorps murins monoclonaux anti-CD3.
À l’heure actuelle, l’identification des différents types de rejet aigu a permis de modifier ce schéma thérapeutique un peu trop simpliste. On considère en effet, qu’il existe des rejets aigus cellulaires, médiés par les lymphocytes T et des rejets aigus humoraux liés à des lymphocytes B et médiés par des anticorps. Cette division est évidemment trop simpliste mais elle sert de support à un traitement différentiel du rejet aigu (Racusen et coll., 2003renvoi vers).
En pratique courante, en cas de rejet aigu cellulaire avec une négativité du marqueur C4d sur les capillaires péritubulaires et en l’absence d’anticorps circulants dirigés contre le donneur, le traitement consiste toujours à administrer des stéroïdes à fortes doses par voie intraveineuse, relayées par de fortes doses orales pendant une période de quelques jours à quelques semaines. En cas d’échec ou d’efficacité insuffisante, le rejet aigu est considéré comme « cortico-résistant » et les anticorps anti-lymphocytes poly- ou monoclonaux sont utilisés. Ce traitement est relativement bien codifié.
En revanche, en cas de rejet aigu humoral avec une positivité du marqueur C4d sur les capillaires péritubulaires (Feucht et coll., 1993renvoi vers) et la présence d’anticorps circulants dirigés contre le donneur, le traitement est moins bien codifié. Le traitement associe à des titres divers, des stéroïdes à fortes doses mais également des échanges plasmatiques destinés à épurer ces anticorps délétères, des immunoglobulines polyvalentes aux mécanismes d’actions multiples et des anticorps anti-CD20 (Venetz et Pascual, 2007renvoi vers). En dépit d’une efficacité démontrée sur les lésions de rejet aigu humoral, il n’existe pas encore de consensus quant au rôle respectif des différents traitements suscités. La réalité est encore plus complexe dans la mesure où les caractéristiques cliniques des rejets ne sont pas toujours aussi caricaturales et que des formes cellulaires et humorales peuvent être associées. Il est donc particulièrement important de continuer à travailler sur la définition des rejets aigus pour préciser au mieux la place des traitements dont nous disposons à l’heure actuelle (Solez et coll., 2008renvoi vers).
Les besoins en nouvelles molécules sont donc évidents pour d’une part, diminuer la toxicité des stéroïdes à fortes doses et d’autre part, pour augmenter la spécificité des cibles cellulaires et moléculaires. C’est dans cette optique que de nouveaux anticorps humains anti-CD3 (dont l’efficacité a été démontrée dans le traitement du diabète sucré de type 1) (Keymeulen et coll., 2005renvoi vers) sont actuellement en cours d’expérimentation.
Une autre entité pose le problème de l’indication du traitement : il s’agit du rejet infraclinique. On parle de rejet infraclinique lorsqu’une biopsie de dépistage réalisée chez un patient dont la fonction rénale ne s’est pas modifiée révèle l’existence de lésions histologiques attribuables à du rejet aigu (ou chronique d’ailleurs). Ceci a été décrit par Jean Crosnier au début des années 1970 mais a surtout été popularisé par D. Rush et coll. (1998renvoi vers) au milieu des années 1990. Ces auteurs ont montré la fréquence de ces lésions, leur caractère délétère sur le devenir clinique et histologique du greffon et enfin, l’influence bénéfique du traitement de tels rejets. À l’heure actuelle, sous l’effet des traitements immunosuppresseurs plus puissants dont nous disposons, leur fréquence a diminué mais l’indication de leur traitement n’est pas encore retenue formellement.

Traitement du rejet chronique

Le traitement du rejet « chronique » pose avant tout le difficile problème de la définition du rejet chronique. Là encore, le terme est ancien et remonte à 1955 lorsque David Hume (Hume et coll., 1955renvoi vers) décrivit dans un papier remarquable, le destin des premières transplantations rénales dont l’évolution était très rapidement (en quelques jours) un échec sauf justement, dans un cas, où le patient avait gardé son rein quelques semaines, incitant l’auteur à parler de probable rejet chronique.
Pendant très longtemps cependant, la terminologie de rejet chronique a été synonyme de perte progressive de la fonction du greffon sans que la cause de cette perte soit évidente voire même recherchée par une biopsie rénale. Il faudra attendre le début des années 1990 pour que le rejet chronique commence à être élucidé. Une première phase consista à ne plus utiliser ce terme et à le remplacer par le terme de néphropathie chronique d’allogreffe (Solez et coll., 1993renvoi vers), terme qui soulignait le fait que la perte progressive de fonction du greffon n’était pas due uniquement à des lésions immunologiques de rejet chronique mais également à des lésions non immunologiques de néphrotoxicité des anticalcineurines ou de récidive de la néphropathie initiale. Quelle que soit la cause de cette néphropathie chronique d’allogreffe, il existe dans tous les cas des lésions non spécifiques de fibrose interstitielle et d’atrophie tubulaire. À ces lésions non spécifiques, peuvent s’associer des lésions évocatrices d’une cause comme des lésions de rejet proprement dit, plutôt cellulaire ou plutôt humoral, des lésions de néphrotoxicité des anticalcineurines...
La terminologie s’est donc encore modifiée et le terme de néphropathie chronique d’allogreffe a disparu au profit d’une terminologie purement histologique, la fibrose interstitielle avec atrophie tubulaire (FI/AT) (Solez et coll., 2007renvoi vers).
Cette quête d’une meilleure connaissance de la physiopathologie de la perte progressive de fonction du greffon n’a donc pas qu’un intérêt conceptuel mais un intérêt beaucoup plus pratique à la fois diagnostique et thérapeutique.
Sur le plan diagnostique tout d’abord, il est fondamental de définir si les lésions responsables de la perte du greffon sont initiées par des facteurs immunologiques ou non immunologiques, car dans un cas il convient de renforcer l’immunosuppression ou de la modifier et dans l’autre, bien souvent, au contraire de la diminuer. Outre le diagnostic, cette définition plus précise ouvre la voie à la mise au point de biomarqueurs dont le rôle est de dépister les différents types de lésions voire de les anticiper afin de moduler l’immunosuppression de façon plus intelligente. Ces voies de recherche sont actuellement au premier plan, qu’il s’agisse du développement d’outils de dépistage immunologique, de dépistage de la fibrose ou de la fibrogenèse…
Le traitement du rejet chronique reste donc mal défini et est un domaine d’investigation important. Il pourrait reposer, dans l’avenir, sur des approches très différentes de celles utilisées actuellement, en utilisant des molécules anti-fibrosantes ou bloquant la prolifération vasculaire. Enfin, le meilleur contrôle de la réponse lymphocytaire B pourrait aussi limiter le développement du rejet chronique, souvent médié par des anticorps.

Traitement des rejets en transplantation hépatique

En moyenne, la tolérance des greffons hépatiques est meilleure que celle des greffons rénaux, cardiaques et pulmonaires. Le rejet est plus rare et les besoins en immunosuppresseurs plus faibles. En pratique, on ne tient pas compte de la compatibilité HLA ni de la présence d’anticorps anti-HLA du receveur dirigés contre le donneur (cross match).
Par comparaison avec les autres organes solides transplantables, le rejet en transplantation hépatique a plusieurs caractéristiques. Le rejet hyperaigu à médiation humorale est presque inexistant. La survenue d’un épisode de rejet aigu précoce n’a pas d’influence délétère sur le fonctionnement ultérieur du greffon hépatique (Wiesner et coll., 1998renvoi vers). Il n’est donc pas souhaitable d’instaurer un traitement préventif « agressif » du rejet dans le but de réduire au maximum l’incidence du rejet aigu. Les inconvénients en termes de surimmunosuppression seraient supérieurs aux bénéfices.

Traitement général du rejet aigu

Le rejet aigu se manifeste principalement pendant le premier mois qui suit la transplantation. Ultérieurement, son incidence est nettement plus faible. Les rejets aigus tardifs sont le plus souvent la conséquence d’une diminution trop importante de l’immunosuppression (ou d’un arrêt du traitement). Le traitement de référence du rejet aigu précoce est représenté par des bolus de corticoïdes. L’utilisation systématique de sérum anti-lymphocytaire n’est pas recommandée car le rejet aigu cortico-résistant est désormais exceptionnel (O’Grady et coll., 2002renvoi vers). Il a été montré que l’augmentation transitoire des doses de tacrolimus peut constituer une alternative fiable pour traiter les épisodes de rejet aigu (Boillot et coll., 1998renvoi vers). Cette alternative n’a pas été clairement validée avec la ciclosporine. Le traitement avec l’anti-CD3 OKT3 est presque totalement abandonné.

Traitement du rejet aigu chez les receveurs infectés par le VHC

Il est clairement établi que les bolus de corticoïdes (tout comme le sérum anti-lymphocytaire et l’OKT3) ont une influence délétère sur la récidive de l’hépatite C en accélérant la progression de la fibrose. Dans cette population, l’objectif est donc d’appliquer une immunosuppression optimale au cours des suites précoces de la transplantation afin de réduire le risque de rejet aigu et d’éviter d’avoir recours à un traitement curatif par des bolus de corticoïdes. Cet objectif semble pouvoir être atteint par l’adjonction de mycophénolate mofétil aux anticalcineurines et aux corticoïdes comme traitement préventif du rejet (Wiesner et coll., 2005renvoi vers).
Les premières manifestations de la récidive de l’hépatite C sur le greffon (anomalies des tests hépatiques) apparaissent habituellement dans les 3 premiers mois qui suivent la transplantation. En cas d’anomalies des tests hépatiques survenant durant cette période, il est donc recommandé de réaliser une biopsie hépatique pour différencier un épisode de rejet aigu de la récidive de l’hépatite C.

Traitement du rejet chronique

Le rejet chronique est rare en transplantation hépatique. Ses mécanismes ne sont pas clairement élucidés. Lorsque le rejet chronique est lié à une mauvaise observance ou à un arrêt de l’immunosuppression, la reprise du traitement immunosuppresseur peut conduire à une nette amélioration des anomalies cliniques et biologiques même si les lésions hépatiques constituées ne régressent pas complètement. Si un rejet chronique se développe chez un patient recevant de la ciclosporine, il est recommandé de remplacer la ciclosporine par du tacrolimus. Lorsqu’un rejet chronique se développe malgré une association de tacrolimus et de mycophénolate mofétil aux doses habituelles, et après des bolus de corticoïdes, il n’est pas certain que l’administration de sérum anti-lymphocytaire ou d’OKT3 ait un intérêt. La progression du rejet chronique aboutit en général à une cholangite irréversible et la retransplantation est la seule option. L’intérêt de l’adjonction d’inhibiteurs de m-TOR dans cette situation n’a pas été documenté.

Perspectives

Le rejet hyperaigu à médiation humorale est exceptionnel en transplantation hépatique. Toutefois, il est possible qu’une réaction humorale « à bas bruit » dirigée précocement contre le greffon ait des conséquences significatives à long terme. Une meilleure identification de cette réaction avec une évaluation prospective pourrait avoir un intérêt. Des moyens thérapeutiques pouvant ralentir ou arrêter le processus du rejet chronique auraient un intérêt évident.

Spécificité du traitement des rejets en transplantation cardiaque

La prévention des rejets en transplantation cardiaque s’inspire assez largement de la stratégie mise en place en transplantation rénale. Cette partie va insister sur les aspects qui opposent la transplantation cardiaque à la transplantation rénale.

Association d’identités HLA

Contrairement à la transplantation rénale, la recherche de couples donneur/receveur HLA identiques n’est pas réalisée en greffe cardiaque. Il y a pourtant un bénéfice au long cours favorable au respect de l’identité (Ketheesan et coll., 1999renvoi vers); Registre ISHLT, 20072 ). Le principal obstacle à sa réalisation est la faible disponibilité de greffons cardiaques et la tolérance courte à l’ischémie du greffon limitant la possibilité d’exportation de greffons à distance du centre de prélèvement (ce qu’impose la recherche d’un appariement HLA idéal). Les cross match prospectifs sont également rarement réalisés en greffe cardiaque du fait du laps de temps court séparant identification donneur/receveur, prélèvement, transport et greffe. La sécurité des transplantations cardiaques repose aujourd’hui sur la détection d’anticorps anti-HLA circulant et sur les programmes « Antigènes permis/antigènes interdits » de l’Agence de la biomédecine.

Traitement d’induction

La plupart des centres de transplantation cardiaque en Europe ont avalisé l’utilisation d’un traitement d’induction couplant :
• bolus de corticoïdes (800 mg prednisolone au bloc opératoire) ;
• anticorps polyclonaux anti-lymphocytaires (thymoglobuline).
Cette stratégie avec anticorps polyclonaux a en effet fait la preuve de son efficacité anti-rejet, et elle permet d’envisager dans certains contextes une réduction rapide des doses de corticoïdes et/ou d’anticalcineurines. Son mécanisme d’action implique déplétion lymphocytaire T, présence d’anticorps anti-lymphocytes B et anti-cellules dendritiques, d’anticorps dirigés contre les molécules d’adhésion leucocytaires. Un effet spécifique favorisant l’émergence de lymphocytes T régulateurs (CD4+CD25highfoxp3+) a également été mis en évidence (Lopez et coll., 2006renvoi vers).
L’induction par anticorps monoclonaux anti-CD25 est cependant possible et est préconisée pour les patients à haut risque infectieux (Mehra et coll., 2005renvoi vers).

Prévention des rejets aigus

Les combinaisons de traitements immunosuppresseurs sont comparables aux transplantés de reins. L’association classique combine ciclosporine (ou tacrolimus), mycophénolate mofétil, et corticoïdes. La trithérapie à dose réduite est souvent préférée à une bithérapie. Le registre de la Société internationale de transplantation cardiopulmonaire permet d’observer la progression du tacrolimus et la régression de l’azathioprine au cours des 5 dernières années (Taylor et coll., 2008renvoi vers). Porté par un effet démontré sur la maladie vasculaire du greffon (Viganò et coll., 2007renvoi vers), et par un potentiel antinéoplasique (Kauffman et coll., 2005renvoi vers), l’everolimus (un inhibiteur de la protéine mTOR) est proposé en association à la ciclosporine à dose réduite (Eisen et coll., 2003renvoi vers); Keogh et coll., 2004renvoi vers); Lehmkuhl et Hetzer, 2005renvoi vers); Valentine, 2005renvoi vers). Aujourd’hui, l’immunosuppression type n’est finalement plus aussi standardisée qu’elle l’a été. Le choix des différents immunosuppresseurs permet de personnaliser au mieux le traitement en prenant en compte les fragilités de chaque patient (risque rénal, néoplasique, infectieux, ou autre). Des essais cliniques randomisés sont en cours pour évaluer scientifiquement différentes combinaisons offertes. Parallèlement, il faut compléter l’analyse pharmacologique, les modalités de monitoring pharmacologique optimal (taux résiduel, aire sous la courbe…) de ces traitements et de leurs combinaisons restant en transplantation cardiaque essentiellement à définir.

Prévention/traitement du rejet chronique myocardique

Le myocarde greffé va exprimer de manière démonstrative cette vasculopathie d’allogreffe décrite initialement par les néphrologues comme néphropathie chronique d’allogreffe. La maladie vasculaire du greffon cardiaque s’exprime par la constitution d’un épaississement de la paroi vasculaire des coronaires épicardiques. Cette atteinte diffuse (et non focale comme l’athérosclérose classique) conduit progressivement à une raréfaction du lit vasculaire, à une ischémie chronique du greffon que l’envahissement fibreux conduit à une dysfonction diastolique puis systolique. La solution, si elle peut être proposée, est alors la retransplantation. La maladie vasculaire du greffon est la principale cause de perte tardive des greffons et des patients (Taylor et coll., 2008renvoi vers). La physiopathogénie est discutée mais il est admis que ce phénomène est multifactoriel et comme en néphrologie la résultante de manifestations immunologiques (allogéniques) et non immunologiques (virales, liées à l’ischémie/reperfusion, à facteurs de risques classiques tels que dyslipidémie, HTA, diabète). La forme prise est d’ailleurs souvent une association d’une atteinte diffuse et d’authentiques lésions athéroscléreuses focales.
Le diagnostic est direct lorsqu’est mise en évidence l’hyperplasie intimale par échographie endocoronaire (Kobashigawa et coll., 2005renvoi vers), ou indirect lorsque c’est sa conséquence l’ischémie myocardique qui est dévoilée par l’échocardiographie sous dobutamine ou par la scintigraphie myocardique au thallium. La plupart des centres de transplantation ont recours à des angiographies coronaires périodiques (Tanaka et coll., 2006renvoi vers) permettant à la fois le diagnostic et le traitement de cette pathologie en recourant à l’angioplastie ou à la mise en place d’endoprothèses coronaires (Kobashigawa, 2006renvoi vers). La place du coroscanner et de l’imagerie de résonance magnétique dans le diagnostic et la gestion de cette pathologie reste à définir.
La prise en charge médicamenteuse est limitée à l’angioplastie, aux anti-agrégants plaquettaires et aux statines (Kobashigawa et coll., 2005renvoi vers). Les nouveaux immunosuppresseurs (inhibiteurs de la protéine mTOR, sirolimus et everolimus) sont théoriquement susceptibles de s’opposer à l’évolution du myocarde greffé vers une vasculopathie (Patel et Kobashigawa, 2006renvoi vers); Raichlin et coll., 2007arenvoi vers et brenvoi vers). Les essais cliniques en cours pourraient conduire à une modification majeure des modalités thérapeutiques.

Prévention et traitement des rejets en transplantation pulmonaire

En transplantation pulmonaire, le rejet aigu cellulaire est défini par l’existence d’infiltrats mononucléés périvasculaires sur les biopsies transbronchiques (Yousem et coll., 1996renvoi vers). L’intensité de ces infiltrats ainsi que leur extension aux structures adjacentes permettent de définir plusieurs grades histologiques de rejet aigu. Récemment, le rejet aigu humoral a aussi été reconnu comme une cause possible de perte du greffon. Il se caractérise par des lésions microvasculaires entraînant la formation de microthromboses, d’hémorragies interstitielles et alvéolaires, la destruction capillaire, et finalement l’infarctus tissulaire. Sa mise en évidence se heurte à des problèmes techniques spécifiques (marquage C4d), et son individualisation est moins tranchée qu’en transplantation rénale notamment.
Le risque de développer un rejet aigu est maximal dans les premiers mois suivant la transplantation pulmonaire. D’après les données du registre international de transplantation pulmonaire, 30 à 50 % des greffés pulmonaires sont traités pour un rejet aigu dans la première année suivant la transplantation. Plusieurs facteurs de risque de développer un rejet aigu ont été identifiés : le non-appariement des antigènes HLA en particulier DR et B, la multiparité, la greffe d’un organe féminin chez un receveur masculin, les infections virales notamment à CMV (cytomégalovirus), le reflux gastro-Å“sophagien, certaines prédispositions génétiques et la présence d’alloanticorps spécifiques du donneur.
La prévention du rejet aigu est essentiellement basée sur l’immunosuppression. La thérapie d’induction est utilisée par la moitié environ des équipes de transplantation pulmonaire, et son intérêt reste à démontrer dans cette indication. L’immunosuppression de maintenance comprend 3 médications de classe différente : un anticalcineurine (tacrolimus ou ciclosporine), un inhibiteur du cycle cellulaire (azathioprine ou mycophénolate mofétil) et des stéroïdes. Il n’y a pas d’arguments expérimentaux forts permettant de recommander un produit plutôt qu’un autre de ces 3 classes thérapeutiques pour la prévention du rejet aigu.
Le rejet aigu vasculaire est traité par des stéroïdes intraveineux à hautes doses suivies de doses orales décroissantes. En cas d’échec, le sérum anti-lymphocytaire est utilisé. Le rejet humoral est traité par stéroïdes et plasmaphérèse et/ou immunoglobulines polyvalentes.
Le rejet chronique se traduit par des lésions de bronchiolite oblitérante. En pratique clinique, le syndrome de bronchiolite oblitérante (BOS) qui a une définition fonctionnelle est utilisé, la mise en évidence histologique des lésions par les biopsies transbronchiques étant peu sensible. De très nombreuses interventions ont été testées pour tenter de modifier le cours évolutif de la BOS. Des résultats encourageants ont été enregistrés avec la modification du régime ou des doses d’immunosuppresseurs, l’administration d’un macrolide ou encore l’irradiation lymphoïde totale. Réalisées sur des petits échantillons de patients, sans groupe témoin, ces études demandent cependant à être confirmées (Whelan et Hertz, 2005renvoi vers).
En conclusion, quel que soit l’organe considéré, le traitement préventif du rejet aigu en particulier cellulaire est de plus en plus efficace et repose sur une association de 3 immunosuppresseurs avec ou sans traitement d’induction. Le traitement curatif du rejet aigu repose sur les stéroïdes en cas de forme cellulaire et sur une association échanges plasmatiques-anticorps anti-CD20 et IV-Ig polyvalentes en cas de forme humorale. Le traitement du rejet chronique est moins bien codifié car il importe avant tout de porter un diagnostic précis du type de rejet chronique. La place des inhibiteurs de mTOR est encore assez mal codifiée sauf peut-être en transplantation cardiaque. Les progrès nécessaires concernent la mise à disposition de nouveaux traitements plus spécifiques et mieux tolérés du rejet aigu cellulaire, la standardisation du traitement du rejet humoral (études en cours) et la mise à disposition de molécules réellement efficaces sur les plasmocytes et les lymphocytes B mémoires ainsi que sur la phase effectrice dépendant du complément. Concernant le rejet chronique, il convient de développer et de valider des biomarqueurs quelle qu’en soit la nature qui permettront d’affiner cette classification histologique. Il importe enfin de définir des biomarqueurs de fibrose ou de fibrogenèse, de « rejet chronique » voire de néphrotoxicité ou d’infection virale. Des outils existent et des essais sont en cours.
Il semble indispensable de s’orienter vers un diagnostic précoce et non invasif du rejet aigu et chronique en ayant recours à des biomarqueurs invasifs dans une première phase (biopsie) puis non invasifs (urines, sang).

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