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Med Sci (Paris). 33: 61–62.
doi: 10.1051/medsci/201733s114.

Clinique : Déclin cognitif lié à l’âge chez des adultes atteints de DM1
Une étude longitudinale sur 9 ans

Claire-Cécile Michon1,2* and Christian Réveillère1,3,4**

1Psychologue, PhD, AFM-Téléthon, Évry, France
2Service de Génétique, GH Pitié-Salpêtrière, Paris, France
3Centre de Référence Maladies Neuromusculaires, CHU Henri Mondor, Créteil, France
4Université de Tours, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Pixabay - Creative Commons).

Résumé

Une atteinte cognitive est fréquemment rapportée dans la dystrophie myotonique de Steinert (DM1), particulièrement dans les formes congénitales et infantiles. Dans les formes de l’adulte jeune et tardive, en dépit d’un niveau intellectuel dans la norme, des difficultés spécifiques sont souvent constatées : d’attention et d’inhibition, de mémoire de travail, de vitesse de traitement de l’information, de planification et de flexibilité mentale. Quelques études se sont intéressées à l’évolution avec l’âge de ces troubles chez l’adulte DM1, mais les résultats restent hétérogènes. L’équipe canadienne présente ici [1] une étude longitudinale sur 9 ans. Dans leur étude, soutenue par l’AFM-Téléthon, les auteurs se sont intéressés à une population de plus de 40 ans : 115 adultes atteints de DM1, dont 90 atteints de la forme de l’adulte et 25 de celle à révélation tardive. Tous les sujets ont été évalués sur le plan cognitif à deux reprises. Le bilan comprenait une évaluation du niveau intellectuel global (WAIS-R), de la mémoire verbale à court terme et à long terme (California Verbal Learning Test), des capacités visuo-constructives et de la mémoire spatiale (Test de la Figure Complexe de Rey), du langage (fluences verbales – Animaux, lettres F et S ; et dénomination d’images – Boston), du contrôle exécutif (Stroop) et de l’attention soutenue et sélective (Ruff 2 et 7). A 9 ans d’intervalle, pour l’ensemble des 115 sujets, les résultats mettent en évidence un déficit significatif d’attention visuelle, des capacités en mémoire verbale et de vitesse de traitement de l’information. À l’inverse, une amélioration des performances est observée pour les fluences verbales et dans le fonctionnement intellectuel global. Les sujets présentant une forme de l’adulte ont obtenu des résultats significativement plus bas que les sujets présentant une forme tardive de la maladie, et ce pour les deux évaluations (évaluation initiale et à 9 ans). Néanmoins, la différence de performance entre les deux évaluations (déclin cognitif) est plus importante dans la forme tardive que dans la forme classique de la maladie. Cette évolution des troubles est corrélée à la durée de la maladie et à l’âge du sujet, mais non au niveau intellectuel initial, ni au nombre de répétition de triplets CTG. Pour les auteurs, ces résultats signent un vieillissement précoce et accéléré, avec une évolution différente du vieillissement normal et donc spécifique à la DM1.

Commentaire
Cette étude canadienne est la première évaluant, sur un nombre aussi important de sujets, l’évolution avec l’âge des troubles cognitifs pour les deux formes adultes de la DM1. Par ailleurs, c’est la première fois qu’une étude met en évidence une évolution des troubles cognitifs spécifique à la forme tardive de la DM1. Les résultats de l’étude corroborent ceux de Winblad et al. (2016) [2] : l’évolution des troubles cognitifs est liée à la durée de la maladie, mais pas à la taille de la répétition de triplets CTG. Par ailleurs, ces résultats sur le déclin cognitif apportent un éclairage important sur le débat actuel concernant la possible évolution des troubles cognitifs en lien avec celle du système nerveux central. La DM1 comporte-t-elle une dimension neurodégénérative ? Ici, certains troubles rapportés, liés au vieillissement dans la DM1, font penser au vieillissement normal (déficit d’attention visuelle, en mémoire verbale et de vitesse de traitement de l’information). Le vieillissement cognitif normal se caractérise en effet non par une détérioration mais par une baisse des performances. Celle-ci est observée dans les domaines suivants : attention (attention soutenue et baisse de l’alerte), idéo-moteur (ralentissement essentiellement moteur), flexibilité mentale, mémoire (nécessité d’un plus grand nombre d’indices de rappel), apprentissage (temps d’apprentissage d’informations nouvelles allongé), des difficultés attentionnelles et enfin au niveau langagier (utilisation de phrases plus longues à base de périphrases à valeur explicative et descriptive). Bien qu’il y ait des similitudes entre l’évolution normale du fonctionnement cognitif et celle observée au sein de cette cohorte de 115 adultes DM1 et en dépit de l’amélioration chez ces derniers des performances aux fluences verbales et du fonctionnement intellectuel global, les auteurs soulignent la précocité du déclin cognitif pour les déficits d’attention visuelle, en mémoire verbale et de vitesse de traitement de l’information) (vers 50 ans/60 ou 70 ans pour le vieillissement normal selon les fonctions cognitives). Si ces observations conduisent les auteurs à aller dans le sens de l’hypothèse d’une évolution neurodégénérative de la DM1, son caractère non-global, constitue une particularité pour la DM1.
Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Gallais B, Gagnon C, Mathieu J, Richer L. Cognitive decline over time in adults with myotonic dystrophy type 1: a 9-year longitudinal study . Neuromuscul Disord. 2017; ; 27 : :61.–72.
2.
Winblad S, Samuelsson L, Lindberg C, Meola G. Cognition in myotonic dystrophy type 1: a 5-year follow-up stud . Eur J Neurol. 2016; ; 23 : :1471.–1476.