IMAGERIE MÉDICALE : Une (r)évolution continue

Rayons X, ultrasons, IRM...les techniques d'imagerie se combinent et ne se ressemblent pas. Ainsi, les images font plus que dévoiler une anatomie invisible autrement, elles permettent de suivre le fonctionnement d'un organe ou sont associées au déroulement d'actes interventionnels. Et dans les labos, chercheurs et cliniciens s'allient pour améliorer encore ces images incontournables dont dépend de plus en plus notre santé.

Radiographie des poumons a la recherche d’une infection, scintigraphie du poignet pour identifier la cause d’une douleur, mammographie pour vérifier l’absence de tumeur, échographie pour surveiller la grossesse... Les examens d’imagerie se sont imposés dans notre quotidien médical, au point que «  le corps pourrait ne plus être qu’une image pour le médecin. », suggère Pascal LaugierPascal Laugier
Unité 1146 Inserm/CNRS – Université Pierre-et-Marie-Curie, Laboratoire d’imagerie biomédicale
, directeur du tout nouveau Laboratoire d’imagerie biomédicale (LIB), a Paris, qui réunit le laboratoire d’imagerie paramétrique et celui d’imagerie fonctionnelle. De fait, depuis les débuts de la radiographie et la première utilisation des rayons X a visée médicale en 1895, les examens d’imagerie n’ont eu de cesse de s’améliorer et de se diversifier. L’informatique, le traitement numérique des images ont ainsi permis, par exemple, le développement du scanner X en 1972 ou encore l’émergence de la médecine nucléaire qui a donné accès à l’imagerie fonctionnelle. Au même moment, les ultrasons et leur application à l’échographie ont métamorphose l’obstétrique en fournissant, pour la première fois, des images du bébé à venir. Puis, au début des années 1980, la révolution IRM - imagerie par résonance magnétique – a bouleversé l’observation des tissus mous (cerveau, muscles…). Et celle de l’imagerie nucléaire par émission de positons (TEP) a permis de rendre visible le métabolisme des tumeurs ou des tissus cérébraux, par exemple. Aujourd’hui, grâce en partie aux spécialistes du traitement du signal, toutes les techniques de l’imagerie médicale ont fait de formidables progrès. Désormais, elles se combinent et se complètent, afin d’offrir des informations toujours plus fines et plus précises aux médecins.

Aide au diagnostic

C’est le cas des techniques d’imagerie appliquées à l’aide au diagnostic, l’une des premières utilisations, qui reste aujourd’hui encore la principale. Ainsi, à l’Institut Langevin à Paris, dans l’unité Physique des ondes pour la médecine et la biologie, Mickaël TanterMickaël Tanter
Unité 979 Inserm/CNRS – Université Paris-Diderot Paris 7
s’est attaque au diagnostic du cancer du sein. Comment détecter au mieux une tumeur ? Bien sûr, la mammographie - ou radiographie des seins – demeure la première modalité envisagée pour le dépistage. Mais, comme l’échographie mammaire traditionnelle, elle ne rend pas compte de l’élasticité des tissus. Or, ce critère permet généralement d’apprécier le caractère bénin ou malin d’une masse mammaire. Le chercheur et ses collaborateurs ont donc mis au point un échographe révolutionnaire qui offre la possibilité de palper à distance ! Le principe ? Appliquer une vibration basse fréquence a la surface du corps. Les ondes de cisaillement ainsi créées «  bousculent  » légèrement les tissus lors de leur propagation. Le déplacement provoque en retour est enregistré grâce à un système d’imagerie ultrasonore ultrarapide. Le paramètre mesure (module d’Young) renseigne sur la dureté des tissus. «  Or, un carcinome peut être jusqu’à trente fois plus dur que les tissus sains environnants  », rappelle Mickaël Tanter. Surtout, Aixplorer®, c’est le nom de la machine, permet de dresser une carte quantitative de la dureté du tissu. «  Les résultats sont donc indépendants du savoir-faire de l’utilisateur et reproductibles. » Pour développer et commercialiser ses instruments, le chercheur et son collègue Mathias Fink ont créé une entreprise, Supersonic Imagine, employant aujourd’hui plus de 120 personnes. L’aspect quantifiable de la technique permet aussi d’apprécier l’évolution de la tumeur au cours du traitement et de nombreuses applications sont en cours d’étude dans l’ensemble des domaines de l’imagerie radiologique.

La résistance à l'insuline pistée

L’imagerie aide le médecin à poser un diagnostic dans de multiples autres domaines. Un exemple : le dépistage précoce des maladies métaboliques. Catherine GhezziCatherine Ghezzi
Unité 1039 Inserm – Université Joseph-Fourier
, au laboratoire Radiopharmaceutiques Biocliniques à Grenoble travaille en imagerie nucléaire. Il s’agit d’injecter une molécule radioactive spécifique d’une cible moléculaire ou d’une fonction, et de détecter les rayonnements émis grâce a des gamma-cameras. Les images obtenues, ou scintigraphies, sont le reflet de l’évolution de la molécule au sein de l’organisme. «  Un problème clinique est toujours à l’origine de nos recherches et, quand il est bien déterminé, nous identifions les cibles d’intérêt. » En l’occurrence, les chercheurs se sont intéresses a la résistance à l’insuline (IR), un processus qui accompagne, voire précède l’installation du diabète de type 2 1. Savoir la diagnostiquer de façon précoce permettrait d’envisager une meilleure prise en charge des patients. L’IR étant caractérisée par un défaut de transport du glucose, les chercheurs ont mis au point un dérive de ce sucre marque par un atome d’iode radioactif (émetteur gamma), le 6-deoxy-6-iodo-D-glucose (6-DIG). Son suivi en tomographie par émission monophotonique (TEMP) a permis de mettre en évidence le phénomène d’insulinoresistance chez le rat et chez l’homme. En janvier 2014, la phase II de l'essai clinique 2. pour tester l’efficacité de cette nouvelle technique a commencé.

Les premiers signes de la maladie d'Alzheimer

Il est un autre défi sanitaire auquel notre société doit répondre, pose par le vieillissement de la population : celui des maladies neurodégénératives et, notamment, dans le cas de la maladie d’Alzheimer, l’identification des stades pré-symptomatiques. Les nouvelles techniques d’imagerie permettront-elles de le relever ? Habib BenaliHabib Benali
Unité 1146 Inserm/CNRS – Université Pierre-et-Marie-Curie, Laboratoire d’imagerie biomédicale
, directeur de recherche au laboratoire d’imagerie biomédicale, s’y attelle avec son équipe. En collaboration avec l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer (IM2A) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le LIB participe à une étude qui porte sur des patients asymptomatiques à risque de développer la maladie d’Alzheimer. En effet, certaines personnes âgées qui viennent consulter pour de simples déficiences de la mémoire a l’IM2A développent ensuite des signes marques de la maladie. Alors même que les tests neuropsychologiques n’avaient rien détecté. Ce « ressenti précurseur » ne cache-t-il pas un paramètre que les médecins n’ont pas encore identifie, et qui serait un marqueur très précoce ? Les chercheurs ont donc mis en place un protocole d’étude pour ces personnes âgées de 65 à 80 ans. L’étude INveStIGation of AlzHeimer’s predicTors in subjective memory complaintes; est coordonnée par Bruno Dubois et analyse conjointement les données obtenues par l’imagerie cérébrale (tomographie d’émissions de positons pour caractériser la charge amyloïde, IRM pour l’anatomie, IRM fonctionnelle pour le métabolisme hémodynamique cérébral, IRM de diffusion pour vérifier l’intégrité de la matière blanche, EEG de haute résolution), des tests biologiques, les profils génétiques et des tests cliniques. En accumulant toutes ces données enregistrées pour chaque patient, ils espèrent, a posteriori, développer des nouveaux algorithmes d’analyse de grande masse de données pour pouvoir identifier les prédicteurs précoces de la maladie d’Alzheimer.

Une mesure précise de la densité osseuse

Quant à Quentin GrimalQuentin Grimal
Unité 1146 Inserm/CNRS – Université Pierre-et-Marie-Curie, Laboratoire d’imagerie biomédicale, équipe Déterminants de la qualité mécanique osseuse
et Pascal Laugier, au LIB, ils font appel aux ultrasons pour contrer une autre maladie à l’enjeu sociétal fort : l’ostéoporose. Ce « Cette maladie est associée à une diminution anormale de la résistance mécanique de l’os. Pour établir son diagnostic, l’OMS définit un seuil de densité minérale, mesuré par une méthode rayons X. Toutefois, c’est un consensus, cette mesure est insuffisante. Pour preuve : plus de la moitié des femmes qui ont une fracture ostéoporotique ont une densité osseuse normale. » Depuis dix ans, l’équipe cherche à établir des biomarqueurs de la qualité mécanique de l’os cortical - situe à la périphérie - à partir de mesures ultrasonores. «  Nous avons, en particulier, voulu mesurer des indicateurs de l’élasticité, de l’épaisseur, de la porosité et de l’endommagement. » En 2009, les chercheurs sont parvenus a discriminer les patients avec une fracture ostéoporotique grâce aux ultrasons, aussi bien qu’avec la méthode rayons X. Une sonde ultrasonore, comprenant des réseaux d’émetteurs et de récepteurs, est placée en contact de la peau. La technique, dite de transmission axiale, se fonde sur la mesure des ondes qui se propagent sur la longueur de l’os. Plus adaptée pour la mesure des os longs, comme le tibia ou le radius, elle est actuellement modifiée pour mesurer les paramètres sur le col du fémur, a la géométrie plus ronde.

En salle d'opération

Au-delà de l’aide au diagnostic, qui permet aussi de choisir un traitement, l’imagerie assiste de plus en plus le chirurgien au bloc opératoire. La société Therenva SAS, qui exploite une technologie issue du Laboratoire de traitement du signal et de l’image de Rennes, offre un outil qui permet la fusion d’informations pré- et per-operatoires pour la pose d’endoprothèse dans le cas d’anévrisme, ou dilatation localisée, de l’aorte. A partir d’images 3D acquises avant l’opération, un logiciel simule les déformations que subira l’artère lors du passage des instruments pendant l’intervention. Cette image est alors superposée, sur l’image 2D obtenue pendant l’opération pour aider le chirurgien à placer correctement l’endoprothèse. De son cote, à Grenoble, à l’Institut Albert-Bonniot, Jean-Luc CollJean-Luc Coll
Unité 823 Inserm – Université Joseph-Fourier
exploite l’imagerie optique pour concevoir des solutions d’aide a la chirurgie, notamment oncologique. Dans ce domaine, Ce «  il est difficile de distinguer les tissus tumoraux, à exciser, des tissus sains, à conserver  », rappelle le chercheur. Par le biais de Fluoptics, société spécialisée dans l’imagerie de fluorescence pour l’aide à la chirurgie dirigée par Odile Allard et co-créée en 2009 avec le CEA-Leti, a été mise au point une solution qui combine l’utilisation d’un traceur fluorescent, AngioStamp, ciblant l’intégrine αvβ3 - un récepteur surexprimé dans les tissus tumoraux – et un instrument d’imagerie de fluorescence, Fluobeam. Apres injection, le traceur fluorescent se concentre dans les tumeurs, alors visualisées sur un écran pendant l’opération.
Une intervention chirurgicale avec assistance par l’image sur écran de contrôle
Une intervention chirurgicale avec assistance par l’image sur écran de contrôle
© Patrice Latron/Inserm

Détecter et soigner

Aide au diagnostic, assistance au bloc opératoire… les champs d’action de l’imagerie médicale ne s’arrêtent pas là. Elle a également évolué vers un nouveau domaine d’application : la théragnostique, une méthode combinant le diagnostic et l’acte thérapeutique. Lori Bridal et Frederique FrouinLori Bridal, Frederique Frouin
Unité 1146 Inserm/CNRS – Université Paris 6-Pierre-et-Marie Curie, Laboratoire d’imagerie biomédicale
, responsables de l’équipe Imagerie et développement de nouvelles thérapies : des nanobiotechnologies a la clinique (ITD) au LIB, s’intéressent au rôle des ultrasons en cancérologie. Lorsqu’une tumeur se développé, de nouveaux vaisseaux sanguins sont créés, un phénomène appelé néoangiogenèse. Les ultrasons permettent de mettre en évidence ce processus, notamment en faisant appel à des agents de contraste, microbulles de gaz encapsule dans une coque de lipides. Leur taille leur permet de circuler dans les vaisseaux sanguins, sans traverser l’endothélium. Soumises à une onde ultrasonore, ces microbulles oscillent et le signal émis en retour – que l’on peut visualiser - donne des indications sur la microvascularisation des tissus. En parallèle, les ultrasons, par leur action biomécanique, peuvent faciliter le passage d’un agent thérapeutique dans la tumeur à partir de ce réseau microvasculaire. Ainsi, des nanoparticules porteuses d’une molécule thérapeutique, développées dans l’équipe ITD par Nicolas Taulier, ou un médicament en co-injection ,avec des microbulles d’un agent de contraste, peuvent être activées acoustiquement afin de transporter la molécule thérapeutique au sein de la tumeur ou elle sera délivrée avec plus d’efficacité ! La théragnostique est également l’affaire du laboratoire d’imagerie expérimentale ou travaille Frédéric DucongéFrédéric Ducongé
Unité 1023 Inserm/ CEA - Université Paris-Sud 11
, au CEA. Il utilise la tomographie par fluorescence, une nouvelle technique qui permet de quantifier chez le petit animal la concentration locale d’un fluorophoreFluorophore
Molécule capable d’émettre de la lumière de fluorescence après excitation
dans des régions d’intérêt. Les chercheurs ont ainsi démontré que des micelles – sphères de lipides - de taille nanométrique pouvaient s’accumuler de manière passive dans des tumeurs. «  En plus d’une utilisation comme agent de contraste, ces nano-objets ont servi avec succès pour la délivrance d’un traitement anti-cancéreux », explique le chercheur. Ces sphères nanométriques peuvent également servir d’agents d’imagerie bimodaux pour être visualisés conjointement par plusieurs appareils d’imagerie. En collaboration avec la société Maunakea Technologies spécialisée dans l’imagerie par endomicroscopie confocale par minisondes, le chercheur a ainsi quantifié leur distribution macroscopique dans divers organes par tomographie par émission avant de déterminer plus précisément leur localisation à l’échelle cellulaire par endomicroscopie. Du diagnostic à l’intervention chirurgicale, en passant par la théragnostique, l’imagerie a révolutionné la prise en charge des patients en une trentaine d’années. Elle est également devenue une technique essentielle pour la compréhension des phénomènes biologiques, ainsi l’imagerie fonctionnelle cérébrale qui, en quinze ans, est devenue un outil incontournable des neurosciences cognitives. Les nouvelles révolutions viendront-elles des dernières-nées, comme la magnétoencéphalographie ou l’imagerie optique de fluorescence, dont les progrès récents en permettent l’utilisation au bloc opératoire pour apporter une information microscopique et assister le chirurgien ? À moins qu’à l’instar de la rupture technologique que représentent les ultrasons fonctionnels, les techniques plus anciennes se renouvellent et créent la surprise ?

Julie Coquart