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Med Sci (Paris). 34(4): 285–288.
doi: 10.1051/medsci/20183404002.

SUMO module la stabilité et l’activation de PKR

Faten El Asmi,1 Ghizlane Maarifi,1 Mohamed Ali Maroui,1 Laurent Dianoux,1 and Mounira K. Chelbi-Alix1*

1Inserm UMR-S 1124, université Paris Descartes, 45, rue des Saints-Pères, 75006Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Régulation de l'expression des gènes, Humains, Transduction du signal, Petites protéines modificatrices apparentées à l'ubiquitine, eIF-2 Kinase, physiologie, métabolisme

Sumo

SUMO (small ubiquitin modifier) est une protéine de 12 kDa qui appartient à la famille des UBL (ubiquitin-like proteins). Chez l’homme, il existe 5 paralogues1 de SUMO, les plus étudiés étant SUMO1, SUMO2 et SUMO3 qui sont ubiquitaires. SUMO2 et SUMO3 possèdent 95 % de séquences identiques, mais seulement 50 % d’identité avec la séquence de SUMO1 [ 1]. Les protéines SUMO2 et SUMO3 peuvent donc être reconnues par un même anticorps anti-SUMO2/3. Les protéines SUMO2 et SUMO3 possèdent le motif consensus ΨKxE2 qui leur permet de s’oligomériser et de former des chaînes poly-SUMO2/3. Ce motif n’est pas présent dans la protéine SUMO1 qui n’est donc impliquée que dans la terminaison des chaînes poly-SUMO. Les poly-chaînes formées par SUMO2/3 reconnaissent une SUMO ubiquitine ligase nommée RNF4 (ring finger protein 4), qui provoque l’ubiquitination et, par suite, la dégradation de substrats conjugués à SUMO2/3 en réponse à différents stimulus tels que le trioxyde d’arsenic ou les interférons α et γ [ 2] ➔.

Voir la Nouvelle de G. Maarifi et al., m/s n° 2, février 2016, page 141

D’autres différences portent sur le niveau d’expression de ces paralogues ainsi que sur leur susceptibilité aux SUMO protéases ou déSUMOylases.

La SUMOylation est une modification réversible qui implique la liaison cova-lente isopeptidique entre un résidu glycine dans la région C-terminale de SUMO et une lysine de la protéine substrat. Ce processus est très proche bio-chimiquement de celui de l’ubiquitination, notamment en impliquant une cascade d’enzymes similaires, mais également d’autres qui lui sont propres [ 3]➔

Voir la Synthèse de F. Lehembre et A. Dejean, m/s n° 11, novembre 2000, page 1246

Ce processus met en jeu une série de trois étapes enzymatiques : la première étape correspond au clivage de la partie C-terminale de la protéine SUMO; assurée par l’enzyme d’activation E1, elle engendre l’activation de SUMO et l’exposition du dipeptide de glycines (GG). La deuxième étape consiste en la création d’un lien entre SUMO-GG et la cystéine catalytique de l’enzyme E1. La troisième étape est la conjugaison du SUMO-GG, qui implique l’unique enzyme de conjugaison UBC9 (ubiquitin-like conjugating enzyme 9). La SUMOylation est un processus dynamique entre les activités opposées des enzymes de conjugaison (E1, E2, E3) et celles des enzymes de déconjugaison (déSUMOylases, SENP [sentrin-specific-protease]). Elle est impliquée dans de nombreux processus cellulaires tels que la régulation transcriptionnelle, la dégradation des protéines et la défense antivirale [ 4].

L’expression exogène stable de SUMO1 ou de SUMO3 dans des cellules humaines réduit la phosphorylation de STAT1 (signal transducer and activator of transcription 1) induite par l’interféron gamma (IFN-γ), inhibant ainsi la transcription. La phosphorylation de STAT1 en réponse à l’IFN-α, est également réduite, mais la transcription n’est alors pas altérée [2]➔.

Voir la Nouvelle de G. Maarifi et al., m/s n° 2, février 2016, page 141

Récemment, notre équipe a montré que le facteur de restriction MxA3 (Myxovirus resistance A) est conjugué à SUMO par la lysine 48 [ 5], qu’il est fortement stabilisé dans les cellules qui expriment SUMO1 ou SUMO3 et qu’il relaye l’effet antiviral (anti-VSV [vesicular stomatitis virus]) de SUMO [ 6]. Cependant, la spécificité des différents paralogues de SUMO restait à élucider.

PKR et les différents paralogues de SUMO

Comme MxA, la protéine PKR (double-stranded RNA-activated protein kinase) est un facteur de restriction induit en réponse à l’IFN-α. Identifiée en 1976, PKR est une sérine/thréonine protéine-kinase de 68 kDa qui joue un rôle clé dans divers processus cellulaires, en particulier dans la défense antivirale [ 7]. Cette protéine possède deux domaines de liaison à l’ARN double brin (db), un domaine d’autophosphorylation et de dimérisation, ainsi qu’un domaine kinase de reconnaissance des sérines et thréonines.

La protéine PKR est ubiquitaire, elle est exprimée de façon constitutive en tant que monomère inactif et est induite, sous sa forme inactive, en réponse à l’IFN-α. Elle est activée par autophos-phorylation après sa liaison à des ARN-db (des intermédiaires réplicatifs de nombreux virus), ce qui entraîne la formation de dimères actifs de l’enzyme (Figure 1A). Activée, PKR phosphoryle plusieurs substrats cellulaires, le plus étudié étant la sous-unité α du facteur d’initiation de la traduction (eIF2α). La phosphorylation de l’eIF2α inhibe l’initiation de la traduction et donc, par exemple, la prolifération du virus dans une cellule infectée. L’importance de PKR dans la défense antivirale a été révélée par la mise en évidence que de nombreux virus ciblent cette kinase en la délocalisant, en la dégradant ou en produisant des inhibiteurs de cet enzyme. PKR est non seulement phosphorylée, mais elle est également la cible de l’ISGylation4 [ 8] et de la SUMOylation [ 9]. La kinase PKR mutée sur les trois sites de SUMOylation, correspondant aux lysines Lys-60, Lys-150 et Lys-440, a des activités réduites de liaison à l’ARN-db, de dimérisation et de phosphorylation de l’eIF-2α [9].

Effet de SUMO1 et SUMO3 sur la localisation de PKR

La protéine PKR est localisée dans le cytoplasme et le noyau. Ses activités sont principalement retrouvées au niveau du cytoplasme. Son rôle dans le noyau n’est pas encore élucidé. Par fractionnement cellulaire, nous avons montré que l’expression stable de SUMO1 ou de SUMO3 ne modifie pas la distribution de PKR entre le cytoplasme et le noyau. Néanmoins, les formes de PKR modifiées par SUMO1 et SUMO3 sont localisées majoritairement dans le noyau dans des cellules contrôles ou lors d’expressions exogènes de SUMO1 ou SUMO3 [ 10]. Cependant, l’étude par immunofluorescence a révélé que dans les cellules qui expriment SUMO3, la localisation de PKR est altérée dans le cytoplasme et le noyau en comparaison avec les cellules contrôles. Dans le cytoplasme, PKR est plus concentrée autour de la membrane périnucléaire. Dans le noyau des cellules contrôles, PKR a un aspect microponctué et l’expression de SUMO3 la localise dans de gros corps (nuclear dots). [10].

Effets différentiels de SUMO1 et SUMO3 sur l’activation de PKR

Fait remarquable, l’expression stable de SUMO1 dans les cellules de la lignée humaine HeLa active la protéine PKR et le facteur eIF-2α. Les phosphorylations induites sont inhibées quand l’expression de l’unique enzyme de conjugaison UBC9 est diminuée (Figure 1A). Inversement, elles sont augmentées quand les cellules sont transfectées par de l’ARN-db, l’acide polyinosinique-polycytidy-lique5, - poly(I:C) -, ou infectées par les virus de la stomatite vésiculaire (VSV) ou de l’encéphalomyocardite (EMCV) (Figure 1B). L’activation de PKR et eIF2α par SUMO1 est corrélée à une inhibition de la multiplication de l’EMCV [10], mais n’a pas effet sur le VSV, l’action de SUMO sur ce virus étant relayée par la protéine MxA et non PKR [6]. L’expression de SUMO3 a un effet opposé à celui de SUMO1. Elle n’influe pas directement sur PKR et l’eIF-2α, mais elle bloque leur phosphorylation induite après trans-fection par le poly(I:C) ou à la suite de l’infection par le VSV ou l’EMCV [10] (Figure 1B).

Effets différentiels de SUMO1 et SUMO3 sur la stabilité de PKR

L’EMCV augmente, dès 2 heures après l’infection, la SUMOylation de plusieurs protéines dans la cellule, et particulièrement la conjugaison de PKR à SUMO1 et à SUMO3 [10]. Il faut noter que l’infection par l’EMCV n’altère pas la SUMOylation d’autres protéines telles que STAT1, connue pour avoir un site de conjugaison à SUMO. Ce processus va entraîner une plus forte activation de la voie PKR/ eIF-2α dans le cas de SUMO1. Par contre, l’augmentation induite par l’EMCV de la modification de PKR par SUMO3, provoque la dégradation de PKR via la voie des caspases [10]. Un travail précédent avait montré que l’infection par l’EMCV augmentait la SUMOylation de PMLIII (promyelocytic leukemia protein III, un autre facteur de restriction) entraînant sa dégradation via le protéasome [ 11]. Ces résultats révèlent les stratégies développées par l’EMCV pour inhiber l’action antivirale de PML et de PKR.

Conclusions

L’activation de PKR et d’eIF2α par SUMO1 en l’absence d’infection virale est un gain de fonction de PKR et suggère un nouveau mécanisme d’activation de la voie PKR/eIF2α. Cette activation est également amplifiée par une infection virale. Il est intéressant de noter que l’ISGylation de PKR sur les lysines Lys-69 et Lys -159 par l ’ ISG15, une autre UBL (ubiquitin-like protein), aboutit également à l’activation de PKR [8].

À l’inverse de SUMO1, SUMO3 contrecarre l’activation de PKR et celle de l’eIF2α induite par les virus VSV et EMCV (Figure 1B). L’EMCV a un double effet sur PKR en induisant sa conjugaison par SUMO1 et SUMO3. La modification par SUMO1 va induire son activation et celle du facteur eIF-2α, entraînant l’inhibition du virus. Inversement, la SUMOylation de PKR par SUMO3 provoquée par l’EMCV induit la dégradation de PKR et s’oppose ainsi à son pouvoir antiviral. Ce virus a donc développé une stratégie pour détourner la machinerie cellulaire à son profit en dégradant la protéine PKR.

L’ensemble de ces résultats montre que les paralogues de SUMO, SUMO1 et SUMO3, ont des effets différents sur la localisation, la stabilité et l’activation de la protéine PKR. Ces données font entrevoir des perspectives nouvelles pour l’étude de la modification par SUMO de PKR ainsi que d’autres facteurs de restriction.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Footnotes
1 Produits de gènes homologues issus d’un même gène ancestral
2 Ψ représente un acide aminé hydrophobe, K la lysine qui forme la liaison isopeptidique avec le SUMO, x un acide aminé quelconque, et E un acide aminé acide (aspartique ou glutamique).
3 MxA est induit par les interférons de type I (IFN-α et IFN-β).
4 Le produit de l’ISG15 (interferon-stimulated gene 15) est une protéine de 17 kDa qui se lie de façon covalente aux protéines cytoplasmiques et nucléaires. Ce processus nommé ISGylation est semblable à l’ubiquitination.
5 L’acide polyinosinique-polycytidylique est un ARN double brin synthétique, structurellement semblable à l’ARN bicaténaire de certains virus.
Références
1.
Johnson ES . Protein modification by SUMO . Annu Rev Biochem. 2004;; 73 : :355.-82.
2.
Maarifi G , Dianoux L , Nisole S , Chelbi-Alix MK . Les paralogues de SUMO et la réponse interféron . Med Sci (Paris). 2016;; 32 : :141.-3.
3.
Lehembre F , Dejean A . SUMO : une nouvelle voie de modification des protéines apparentée à l’ubiquitinylation . Med Sci (Paris). 2000;; 16 : :1242.-6.
4.
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5.
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7.
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de la Cruz-Herrera CF , Campagna M , Garcia MA , et al. Activation of the double-stranded RNA-dependent protein kinase PKR by small ubiquitin-like modifier (SUMO) . J Biol Chem. 2014;; 289 : :26357.-67.
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