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doi: 10.1051/medsci/20183404014.

Établissement du microbiote
Une colonisation in utero déterminante pour la santé future ?

Rémi Gschwind,1 Thierry Fournier,2 Marie-José Butel,1 and Sandra Wydau-Dematteis1*

1EA 4065, Faculté de pharmacie de Paris, DHU Risques et grossesse, université Paris Descartes, 4, avenue de l’Observatoire, 75006Paris, France
2UMR-S1139, Inserm, Faculté de pharmacie de Paris, DHU Risques et grossesse, fondation PremUp, université Paris Descartes, 4, avenue de l’observatoire,75006Paris, France
L’origine développementale des maladies

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Vignette (Photo © Sandra Wydau-Dematteis).

Il y a presque 40 ans, une théorie selon laquelle l’origine de certaines pathologies ne résulterait pas uniquement de l’environnement qui serait associé à un bagage génétique défavorable, mais également d’événements survenus durant les phases de développement de l’individu, a été proposée. C’est le concept de l’origine développementale de la santé et des maladies, connue par son acronyme anglais DOHaD (developmental origin of health and diseases) ➔.

Voir le numéro thématique DOHaD, m/s n° 1, janvier 2016

L’épigénétique, qui correspond à des modifications, pouvant être héréditaires, de l’expression de gènes sans qu’il n’y aient de changements de séquence nucléoti-dique de l’ADN, est un élément important de ce concept [ 1] ➔.

Voir la Synthèse de M.A. Charles et al., m/s n° 1, janvier 2016, page 15

En effet, des marques épigénétiques (comme la méthylation de l’ADN, des modifications au niveau des histones ou encore l’expression d’ARN non codants) influent sur le niveau d’expression de certains gènes avec, pour conséquence, des modifications qui touchent des lignées cellulaires, des voies métaboliques ou encore des organes entiers, selon le stade de développement auquel elles sont apparues [1, 2]. Ces phases du développement constituent donc une fenêtre de plasticité pour la mise en place d’un capital fonctionnel et métabolique. Un environnement défavorable subi lors de la grossesse ou quelques temps après la naissance peut ainsi modifier de manière permanente la structure, la fonction ou le métabolisme de certains organes. Chez l’enfant de moins de 2 ans, la malnutrition ou le manque d’affection peuvent ainsi laisser des marques épigénétiques sur l’ADN. L’obésité maternelle, le diabète gestationnel ou l’exposition à des substances toxiques (xénobiotiques, tabac, pollution, perturbateurs endocriniens [2]) durant la grossesse, peuvent également laisser des marques épigénétiques sur l’ADN du futur enfant. Ces marques entraîneront, par la suite, une sensibilité accrue à un événement défavorable pouvant provoquer certaines maladies (hypertension, maladie cardiovasculaire, hyperactivité, trouble autistique) [1].

Ces différentes observations ont conduit à définir une période critique de 1 000 jours s’étalant de la conception de l’enfant à ses 2 ans [ 3] ➔.

➔ Voir l’Éditorial de M.N. Bruné Drisse, m/s n° 1, janvier 2016, page 9

De nombreuses études épidémiologiques chez l’homme et expérimentales chez l’animal ont mis en évidence cette contribution des phases de développement dans l’apparition des maladies. Pendant la grossesse, ces stress environnementaux sont tamponnés par le placenta qui, grâce à sa plasticité, s’adapte à son environnement pour promouvoir la santé du foetus et la poursuite de la grossesse. Le placenta est un organe primordial et spécifique de la grossesse, qui permet les échanges entre la mère et le foetus. Il protège également le foetus par son rôle de barrière contre les pathogènes et certains xénobiotiques ou substances toxiques. L’organe de la grossesse se retrouve ainsi au coeur de cette programmation de l’état de santé futur [ 4].

Le microbiote, partenaire de la santé

Aujourd’hui, l’importance du microbiote, c’est-à-dire l’ensemble des communautés bactériennes vivant en symbiose avec l’organisme qui les héberge, est reconnue dans la communauté scientifique. Le corps abrite environ le même nombre de cellules eucaryotes que de cellules procaryotes [ 5]. Dans certaines niches, comme par exemple l’intestin, le microbiote est désormais considéré comme un organe à part entière en raison des nombreuses fonctions qui lui sont attribuées. En effet, le microbiote exerce une activité de barrière contre les microorganismes pathogènes, en mettant en place une compétition pour les divers nutriments dont les bactéries ont besoin pour se multiplier, mais également en produisant certains métabolites antimicrobiens. Le microbiote participe aussi à la maturation et à l’homéostasie du système immunitaire. Grâce à des boucles de rétrocontrôles complexes, il établit un dialogue avec le système immunitaire de l’hôte permettant de maintenir une réponse efficace contre les pathogènes et d’induire une tolérance vis-à-vis de certains antigènes considérés comme inoffensifs. Il exerce enfin de nombreuses fonctions métaboliques : aide à la digestion de certains nutriments, production de métabolites essentiels et de vitamines. De nombreuses études ont démontré que des déséquilibres du microbiote, ou dysbioses [ 6], étaient associés à diverses pathologies, comme les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), l’obésité ou des maladies comme l’autisme ou l’état dépressif [ 7]. Par ses activités bénéfiques, le microbiote fécal est désormais considéré comme un médicament par la législation française ➔. Des transferts de microbiote fécal sont ainsi prescrits dans le cadre d’infections récurrentes à Clostridium difficile [ 8], et des essais cliniques sont réalisés pour d’autres pathologies (MICI, maladies métaboliques, syndrome de l’intestin irritable, infections par des pathogènes multi-résistants [ 9]).

Voir le numéro thématique Le microbiote, m/s n° 11, novembre 2016

L’établissement du microbiote, un rôle dans l’état de santé à long terme ?

Les importantes fonctions physiologiques du microbiote intestinal ainsi que les relations établies entre dysbiose et certaines pathologies ont conduit à s’intéresser à son établissement dans les premières semaines de vie, une période reconnue aujourd’hui comme une étape clé [ 10]. La colonisation bactérienne du foetus débute au moment de la rupture des membranes, peu de temps avant la naissance. Elle est suivie d’une colonisation massive lors de l’accouchement majoritairement par l’inhalation et/ou l’ingestion des microbiotes vaginal, fécal et cutané de la mère, selon les modes d’accouchement. De plus en plus d’importance est donnée à ces premières bactéries colonisatrices qui sont supposées influer sur la santé future de la mère et de l’enfant. Les bactéries peuvent induire certaines modifications épigénétiques, un élément important dans le concept de la DOHaD [ 11], et la mise en place de nombreuses fonctions physiologiques, en particulier les fonctions de barrière et de maturation immunitaire.

De nombreuses études ont relié des facteurs responsables de modifications précoces du microbiote intestinal du nouveau-né avec la survenue ultérieure de pathologies, permettant d’inclure l’établissement du microbiote dans le concept de la DOHaD. Des associations entre la naissance par césarienne ou une antibiothérapie néonatale, facteurs reconnus pour altérer significativement l’établissement du microbiote, et l’augmentation du risque de développer des pathologies telles que l’eczéma, l’allergie, l’asthme ou une MICI ont ainsi été observées [ 12]. Au contraire, un contact avec une grande diversité de microorganismes, comme c’est le cas dans un environnement rural ou en présence d’animaux de compagnie, apparaît être protecteur visà- vis de ces pathologies [ 13].

Auparavant, le milieu in utero était considéré stérile. Plusieurs études ont récemment montré que le méconium, première selle émise par le nouveau-né, reflétant donc son environnement in utero, n’était pas stérile [ 14]. L’existence d’un microbiote in utero constituerait donc le premier inoculum bactérien qui pourrait influer sur la physiologie du foetus immature. Une réelle homéostasie est présente au niveau du placenta. Ainsi, parmi d’autres facteurs, l’immunité maternelle, l’immunité foetale et les bactéries commensales présentes à ce niveau participent au maintien de cette homéostasie. Cet équilibre, qui permet d’assurer le bon déroulement de la grossesse et d’éviter les infections tout en tolérant les bactéries commensales, pourrait être important pour la grossesse mais également pour la maturation du système immunitaire et l’état de santé futur de l’enfant. Le microbiote in utero rejoindrait alors le concept de la DOHaD et constituerait un paramètre important à considérer dans la théorie des 1 000 jours (Figure 1).

Des bactéries présentes dans l’utérus avant la grossesse

Depuis maintenant quelques années, grâce à l’amélioration des techniques de microbiologie classique et de biologie moléculaire, des chercheurs ont montré que certains organes, auparavant considérés comme stériles, étaient en fait colonisés par des bactéries même hors contexte infectieux. C’est ainsi qu’un microbiote pulmonaire [ 46] ➔

Voir la Synthèse de C.A. Guilloux et al., m/s n° 3, mars 2018, page 253

ou encore un microbiote vésical ont été décrits. L’utérus, lieu de l’implantation de l’embryon et du développement du foetus, possèderait également son propre microbiote. Alors que la composition du microbiote de la partie inférieure de l’appareil reproductif féminin (cervix, vagin) a été bien étudiée et déterminée, celle de la partie supérieure (ovaires, trompes de Fallope, utérus) n’est encore que peu connue. Ce manque de données s’explique principalement par la difficulté d’accès aux organes. Néanmoins, l’existence d’un microbiote a été montrée par différentes équipes, avec des résultats extrêmement variables. Cette variabilité dans l’identification des populations bactériennes peut s’expliquer par des différences dans les techniques de prélèvement (hystérectomie, aspiration par voie abdominale, aspiration par voie vaginale, biopsie par voie vaginale) mais aussi par les méthodes d’analyse utilisées (biologie moléculaire ou culture bactérienne). Globalement, entre 7 et 100 % des échantillons prélevés par hystérectomie et analysés par culture présentent des bactéries ( Tableau I ) [ 15- 17]. Les espèces ou genres identifiés sont principalement Bacteroides sp., Gardnerella vaginalis, Streptococcus agalactiae, Staphylococcus epidermidis, Corynebacterium sp. Des lactobacilles et des diphteroides ont également été retrouvés. Les techniques de biologie moléculaire (quelle que soit la technique de prélèvement) révèlent, quant à elles, la présence d’ADN bactérien dans 95 à 100 % des échantillons (Tableau I) [ 18- 20]. Des espèces caractéristiques du microbiote vaginal ont été identifiées avec notamment Lactobacillus crispatus, L. inners, L. jensenni, G. vaginalis, Atopobium vaginae et d’autres espèces telles que Bacteroides xylanisolvens, B. thetaiotamicron, B. fragilis, et des bactéries du genre Prevotella et Sneathia. Malgré leur variabilité, ces données semblent indiquer la présence au niveau de l’utérus, de bactéries qui pourraient jouer un rôle dans l’implantation de l’embryon ou constituer le premier inoculum microbien du futur foetus. Des recherches sont cependant nécessaires pour caractériser plus précisément ce microbiote et ses fonctions, en particulier lors d’une grossesse.

Des bactéries présentes in utero durant la grossesse
Baignade en eaux troubles : le liquide amniotique est colonisé
Durant la grossesse, la cavité utérine est remplie de liquide amniotique contenu entre les membranes foetales dans lequel baigne le foetus. Il était décrit comme étant stérile et présentant une certaine activité antimicrobienne [ 21]. Le liquide amniotique peut être prélevé soit au moment de l’accouchement, mais avec une probabilité élevée de contamination par des bactéries exogènes, ou par amniocentèse. Cette technique est cependant invasive et présente un risque pour la grossesse et/ou le fœtus. Elle n’est donc prescrite que dans des cas très précis de suspicion d’infection, de malformation foetale ou pour détecter des maladies génétiques. L’accessibilité au microbiote présent dans le liquide amniotique reste donc limitée. Dans cette revue, seules les études incluant un groupe de patientes ayant subi une amniocentèse avec des membranes fœtales intactes ont été retenues

Chez des patientes ne présentant pas de travail prématuré, la présence de bactéries dans le liquide amniotique a pu être évaluée avec cependant des fréquences variables : entre 0 et 7 % des prélèvements par analyse par culture, et entre 0 et 71 % par analyse par PCR (polymerase chain reaction) (Tableau I) [22-25]. Les bactéries isolées étaient Ureaplasma urealyticum, S. epidermidis, Fusobacterium nucleatum, Propionibacterium acnes ou certaines espèces du genre Streptococcus ou Corynebacterium. Une étude réalisée par pyroséquençage chez 15 patientes a révélé un microbiote présentant une faible abondance, une faible richesse et une faible diversité bactériennes [26]. Dans cette étude, les protéobactéries étaient les plus représentées avec une majorité d’espèces appartenant aux genres Enterobacter et Escherichia/ Shigella. Des bactéries du genre Propionibacterium ont également été retrouvées dans des cultures. Ces microorganismes pourront donc entrer en contact avec le foetus après qu’il ait dégluti le liquide amniotique.

Un microbiote placentaire au centre d’un échange bactérien entre la mère et le foetus ?
Le placenta est un organe spécifique et primordial pour le bon déroulement de la grossesse. Il est caractérisé par une forte régulation immunitaire en raison de la présence d’antigènes paternels. Son bon fonctionnement est important et une dysfonction placentaire pourrait avoir des conséquences sur la santé future de l’enfant [4]. Il y a encore quelques années, seule la recherche de bactéries pathogènes était effectuée dans le placenta en cas de suspicion d’infection maternelle ou néonatale. Au cours de ces études, des bactéries commensales ont cependant été isolées en dehors de tout contexte infectieux [27, 28]. Plus récemment, des bactéries intracellulaires ont été observées, lors de grossesses normales, au niveau des trophoblastes extra-villeux, qui correspondent aux cellules du placenta envahissant l’endomètre maternel [29]. Des bactéries ont également été retrouvées par culture, au niveau du cordon ombilical, suggérant une colonisation possible du foetus par voie hématogène [ 30]. Grâce aux techniques de métagénomique, un microbiote placentaire a récemment été caractérisé lors de grossesses normales. Ce microbiote a été qualifié de microbiote spécifique, avec une faible richesse mais une prépondérance en Proteo-bacteria (notamment Escherichia coli) et la présence de Tenericutes [31]. Les autres espèces retrouvées sont, par exemple, Bacteroides spp., Neisseria lactamica, S. epidermidis, P. acnes. Une origine buccale du microbiote placentaire a été proposée dans cette étude, des similitudes ayant été retrouvées avec la composition du microbiote oral décrite dans la littérature. D’autres études ont rapporté la présence d’un microbiote placentaire avec des résultats différents pour sa composition [26, 32, 33], et suggérant une origine différente comme une origine hématogène (provenant de la translocation bactérienne au niveau de l’épithélium intestinal) ou encore une origine ascendante, depuis l’appareil reproductif inférieur. Peu d’études ont été réalisées par culture bactérienne posant la question de la viabilité de ce microbiote placentaire. Ainsi, seuls P. acnes et des espèces du genre Staphylococcus ont été retrouvés par culture [26].

Le microbiote placentaire est un microbiote en contact avec le foetus très précocement. Il pourrait ainsi présenter des fonctions physiologiques qui ne sont pas encore élucidées. Des profils particuliers de ce microbiote ont cependant été associés à des complications de la grossesse, comme la naissance prématurée, le diabète gestationnel, la macrosomie foetale, la chorioamniotite, la pré-éclampsie et le faible poids à la naissance, toutes ces complications pouvant influencer le devenir de l’enfant [31,34-39]. Actuellement, il n’existe néanmoins pas de données sur les effets à long terme d’une dysbiose touchant le microbiote placentaire, celui-ci étant de découverte récente. Il apparaît cependant, que cette dysbiose étant associée à des complications de la grossesse et ces complications pouvant avoir des conséquences sur la santé à long terme, elle pourrait être associée au concept de la DOHaD (Figure 2).

Microbiote in utero et controverses

L’ensemble des résultats obtenus jusqu’à présent révèle la faible biomasse que représente le microbiote in utero. Malgré les études montrant son existence, d’autres, contradictoires, et des revues remettent en cause certaines des techniques utilisées pour son identification [ 40- 42].

Fiabilité des techniques de prélèvements
La comparaison de différentes études révèle des différences de méthodes utilisées pour les prélèvements qui pourraient expliquer la variabilité des résultats obtenus. Ainsi, l’identification des bactéries dans le méconium dépend du délai entre la naissance et son prélèvement [14]. Or, dans certaines études, ce délai n’est pas précisé. On peut donc douter de la représentativité de l’environnement in utero par le méconium analysé. De même, pour les études du microbiote intra-utérin hors grossesse, les techniques utilisées pourraient être à l’origine de contaminations en particulier pour les prélèvements qui nécessitent un passage par le vagin. Les données obtenues sont extrêmement variables; ceci peut s’expliquer par le fait que les échantillons prélevés diffèrent selon les études : fluide utérin ou biopsie utérine en fonction de la technique de prélèvement employée.

Pour le microbiote placentaire, les analyses réalisées par prélèvements par voie basse ne peuvent exclure des contaminations par les microbiotes vaginal et fécal à l’origine de variabilité dans les résultats.

Validité des techniques d’analyses
La variabilité des résultats peut être reliée à l’hétérogénéité des méthodes d’étude du microbiote. Une étude parue très récemment n’a ainsi pas mis en évidence, par plusieurs techniques de biologie moléculaire (PCR en temps réel ou métagénomique), d’ADN bactérien au sein du placenta [42]. Ces travaux ont aussi montré une probable contamination des kits d’extraction par de l’ADN bactérien… Les études les plus récentes utilisent la biologie moléculaire pour caractériser les microbiotes au détriment de la culture bactérienne. La biologie moléculaire, qui permet d’identifier un plus grand nombre de bactéries, ne permet pas de statuer sur leur viabilité. L’ADN bactérien détecté pourrait s’avérer n’être que des fragments d’ADN provenant de la circulation sanguine, ou de la lyse de cellules immunitaires infectées ou ayant phagocyté les microorganismes. Il faut cependant noter que l’ADN, à lui seul, peut avoir un rôle physiologique et stimuler le système immunitaire. Dans le but de comparer l’ensemble de ces données et obtenir des résultats non contestables, il serait important d’harmoniser les techniques de prélèvements et d’analyse de ces microbiotes de faible biomasse.
Conclusion

L’environnement in utero, contrairement à ce que l’on pensait encore très récemment, semble être colonisé hors contexte infectieux par des bactéries. Un microbiote de faible biomasse a été caractérisé dans différents sites hors et pendant la grossesse et une dysbiose au niveau du microbiote placentaire pourrait être à l’origine de pathologies de la grossesse. Elle pourrait aussi avoir un impact sur la santé future de l’enfant [10]. Son origine reste encore inconnue. Une première hypothèse est une origine hématogène avec des bactéries qui pourraient provenir de différents sites maternels (bouche, intestin), transloquer vers la circulation sanguine et atteindre ainsi le placenta. Une origine ascendante depuis le vagin, ou une origine péritonéale avec le passage des membranes ont également été proposées. Quelle que soit son origine, sa paucité en fait un microbiote difficile à étudier. Cependant, sa caractérisation précise en conditions normales et pathologiques reste indispensable pour comprendre son rôle physiopathologique. La confirmation du rôle de ce microbiote dans le devenir de la grossesse et/ ou la santé de l’enfant ainsi que l’étude des différents paramètres environnementaux qui pourraient l’influencer (terrain génétique, antibiotiques, nutrition, obésité, complications de la grossesse) pourraient ouvrir de nouvelles pistes pour la prise en charge des grossesses à risque ou améliorer la santé future de l’enfant. Il pourrait, par exemple, être envisagé de supplémenter la femme enceinte avec des probiotiques, microorganismes vivants qui, ingérés en quantité adéquate, confèrent un bénéfice à l’hôte. L’objectif pourrait être de favoriser ou rétablir un bon équilibre du microbiote in utero. De tels essais cliniques ont été réalisés dans de rares études [43,44]. Notons que l’administration de probiotiques chez la femme enceinte a déjà été recommandée par l’organisation mondiale de l’allergie (World Allergy Organization - WAO) dans le cadre de la prévention de l’eczéma chez l’enfant à haut risque atopique [ 45].

Malgré les controverses soulevées par certaines études, un faisceau de preuves de la présence d’un microbiote in utero commence à exister. Les rôles physiologiques et pathologiques de ce microbiote restent néanmoins à préciser, ce qui représente un défi intéressant dans la prévention de pathologies de la grossesse et de la santé du futur enfant

Remerciements

Nous remercions Jessica Richer pour son aide dans la réalisation des figures.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

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