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Med Sci (Paris). 34(6-7): 618–621.
doi: 10.1051/medsci/20183406024.

Brèves
ED days 2018 - École doctorale des sciences de la vie et de la santé de l’Université de Strasbourg

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Isaac Maximiliano Bugueno-Valdebenito1 , Chloé Groh2 , Magdalène Kosfitskas2 , Valentin Marquis2 , Jo-Ann Nettersheim3 , Elisabete Silva4 , comité d’organisation des ED days

1 Regenerative nanomedicine, Inserm UMR 1260 ; 2 Institut de biologie moléculaire des plantes; 3 École supérieure de biotechnologie de Strasbourg, UMR7242 CNRS, biotechnologie et signalisation cellulaire ; 4 Laboratoire de bioimagerie et pathologies, CNRS UMR 7213 ; 5 École doctorale des sciences de la vie et de la santé de l’université de Strasbourg ; 5 Institut des neurosciences cellulaires et intégratives, UPR 3212 CNRS - Université de Strasbourg.

Les ED days 2018 sont les journées de l’École doctorale des sciences de la vie et de la santé (ED SVS) de l’université de Strasbourg1. Ces journées, organisées par les doctorants pour les doctorants, se sont déroulées les 8 et 9 mars 2018. Au cours de ces journées, les doctorants présentent leur travail de thèse au travers de présentations orales et affichées. Ces journées proposent, outre les activités scientifiques, des rencontres avec le milieu associatif doctorant et avec des professionnels. Le programme propose par exemple une demi-journée dédiée à « Et après la thèse ? » associant des présentations et des rencontres avec des professionnels du milieu académique, mais aussi du monde de l’entreprise.

Lors de la demi-journée scientifique, les présentations orales et les posters – tous d’excellente qualité scientifique – illustraient la diversité de l’ED SVS. Trois catégories de présentations étaient représentées, et les étudiants concouraient dans ces catégories : présentation orale, présentation orale courte (blitz) et poster ; les meilleures (sélectionnées par les étudiants) ont été récompensées. Nous en proposons ci-dessous les résumés (les travaux originaux qui correspondent à ces résumés sont en cours de publication ou de soumission).

Correspondants : pascal.darbon@inci.unistra.fr, melanie.muser@unistra.fr

Modélisation de la plasticité structurale de réseaux neuronaux récurrents induite par la stimulation transcrânienne

Han Lu1-3 , Júlia V. Gallinaro1,2 , Ipek Yalcin3 , Claus Normann4 , Stefan Rotter1,2

1 Bernstein Center Freiburg, University of Freiburg, Allemagne ; 2 Faculty of Biology, University of Freiburg, Allemagne ; 3 Institut des neurosciences cellulaires et intégratives, CNRS, Université de Strasbourg, France ; 4 Clinic for Psychiatry and Psychotherapy, Freiburg Medical Center, Allemagne.

La stimulation transcrânienne en courant continu (tDCS) est une technique non invasive et indolore qui consiste à faire circuler un courant continu de faible intensité entre deux électrodes placées sur la peau du crâne. C’est une approche prometteuse dans le traitement de pathologies telle que la dépression ou les douleurs chroniques. Toutefois, les effets peuvent se prolonger au-delà de l’arrêt de la stimulation, suggérant l’existence d’une plasticité cérébrale induite par le processus. Les mécanismes sous-tendant l’émergence et le maintien de ces modifications sous l’effet de la stimulation restent actuellement inexpliqués. Une plasticité « structurale » implique des changements morphologiques des axones ou neurones, ainsi que la création de nouvelles synapses, ou la délétion de synapses existantes. Dans ce projet, nous proposons un modèle computationnel de remodelage durable de réseaux neuronaux, déclenché par la stimulation transcrânienne (tDSC), qui induit des modifications des synapses et des réseaux neuronaux [1]. Le tissu cortical sous les électrodes de stimulation est assimilé à un réseau récurrent de neurones inhibiteurs et excitateurs, dans lequel seules les synapses entre neurones excitateurs sont sujettes à une plasticité structurale. Dans notre modèle, nous avons testé différents paramètres : l’intensité et la durée de la stimulation, la taille et le type d’électrode. Nos résultats démontrent que dans un réseau récurrent de neurones actifs, la stimulation transcrânienne perturbe l’équilibre homéostatique et induit une plasticité structurale. Des stimulations intenses et focales, par exemple, peuvent augmenter la connectivité des assemblages cellulaires en influençant la vitesse de formation de néo-synapses. Le but à long terme de notre modélisation est d’améliorer l’efficacité de la tDSC et des techniques associées dans leurs applications cliniques en se basant sur les paramètres qui seront définis par les modèles computationnel et préclinique.

Référence
  • Gallinaro JV, Rotter S. Sci Rep 2018 ; 8 : 3754.
Identification des cibles de la voie corticospinale impliquée dans le contrôle moteur

Charlotte Bichara1,2 , Yunuen Moreno-Lopez1 , Matilde Cordero-Erausquin1

1 Institut des neurosciences cellulaires et intégratives (CNRS UPR3212), Strasbourg, France ; 2 Université de Strasbourg, Strasbourg, France.

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© Inserm/Roux, Jean-Christophe

Lors d’une action motrice, le contrôle local des mouvements est effectué par des groupes de motoneurones (MN) situés dans la moelle épinière. La commande motrice, déclenchée dans le cortex, envoie l’information aux motoneurones par l’intermédiaire du circuit cortico-spinal. Au niveau spinal, ce circuit peut être modulé par des retours sensoriels arrivant par les fibres afférentes primaires. Mieux comprendre ces circuits est essentiel, car ils peuvent être affectés lors de certaines pathologies, telles que la sclérose latérale amyotrophique (SLA), les lésions de la moelle épinière etc. L’objectif de notre étude est de disséquer ce circuit moteur au niveau spinal afin d’identifier les interneurones spinaux impliqués, et mettre en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles pour ces pathologies.Chez les primates, le contrôle moteur s’effectue principalement par l’intermédiaire d’un contact direct entre les neurones corticaux et les motoneurones. Cependant, la plupart des études concernant les pathologies motrices sont réalisées sur des rongeurs, chez lesquels la connexion entre le cortex et les motoneurones est indirecte et passe par des interneurones spinaux. De précédentes études anatomiques ont permis le traçage, soit des neurones cortico-spinaux (NCS), soit des neurones prémoteurs, mais nos connaissances sur les cibles neuronales spinales des NCS et les intermédiaires entre les NCS et les MN restent très réduites. Afin d’identifier ces interneurones, nous avons implémenté une stratégie de traçage trans-synaptique antérograde qui nous permet, pour la première fois, d’analyser la fonction et l’identité moléculaire des cibles spinales des NCS.Nous nous sommes concentrés sur le système moteur, et nous avons cartographié la région du cortex qui provoque un mouvement dans les membres postérieurs des souris CD1, lorsqu’elles reçoivent une simulation électrique. Une fois la zone responsable du mouvement identifiée, nous avons utilisé un virus adéno-associé codant une protéine trans-synaptique (couplée à une agglutinine de germe de blé [WGA] capable de traverser les synapses) et avons ainsi identifié le circuit en aval du cortex, dans la moelle épinière. Notre étude a permis de conclure que ces interneurones, pivots de la commande motrice, sont principalement excitateurs. Ils se situent en majorité (environ 75 %) dans la corne dorsale de la moelle épinière, décrite comme une zone de traitement de l’information sensorielle. Notre prochain objectif est donc d’étudier le rôle fonctionnel de ces interneurones et de déterminer leur implication dans la modulation sensorielle et motrice du mouvement.

Du mouvement à l’émotion - le substrat neural d’une estimation fiable de la perception

Ellen Joos1,2 , Anne Giersch1 , Jürgen Kornmeier2

1 Inserm U-1114, Université de Strasbourg, psychiatrie I, hôpitaux universitaires de Strasbourg ; 1, place de l’hôpital, 67000 Strasbourg, France ; 2 University Eye-Hospital, Killianstraße 5, 79106 Freiburg, Allemagne.

Les informations issues de notre environnement sont intrinsèquement incomplètes et ambiguës, et notre cerveau doit corriger cette ambiguïté pour construire une perception stable et fiable du monde qui nous entoure. Dans ce contexte, les figures ambiguës (une figure que l’on peut interpréter de deux façons différentes) sont paradigmatiques, car elles évoquent explicitement une perception instable oscillant spontanément entre deux ou plusieurs interprétations possibles. Des exemples classiques d’images ambiguës sont le cube de Necker, ou l’image de la jeune/vieille femme de Boring (le portrait fait apparaître les visages de deux femmes, l’une jeune et l’autre vieille, voir vignette). Peut-être est-ce dû à la projection en 2D sur la rétine d’images 3D. Des modifications infimes de l’image (accentuation d’un trait, ou modification de l’orientation) peuvent lever l’ambiguïté d’un stimulus visuel et cette action augmente considérablement l’amplitude des potentiels évoqués (ERP [event-related potential] ambiguity effect), mesurés par EEG (enregistrement électroencéphalographique) et localisés dans les régions fronto-pariétale et fronto-centrale [1]. Ce puissant effet a jusqu’à présent été décrit pour les figures ambiguës évoquées ci-dessus ainsi que pour les stimulus ambigus en mouvement, par exemple les déplacements de deux paires de points de von Schiller (SAM, stroboscopic alternative motion) et leurs variations non ambiguës. Dans cette étude, nous étudions si le ERP ambiguity effect peut être généralisé à des expressions émotionnelles faciales ambiguës.

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Image ambiguë de la femme jeune/vieille (© Willian Hill, 1915-https://dezillusions.wordpress.com)

Nous avons comparé chez 20 sujets sains les potentiels évoqués (mesurés par EEG) produits par la présentation de smiley (des représentations abstraites de visages) ambigus ou non ambigus d’expression faciale variant entre la tristesse et la joie. Les participants devaient indiquer si leur perception était stable ou changeait entre des stimulus successifs. Nous avons trouvé que des smileys non ambigus induisent une augmentation de l’amplitude des potentiels évoqués en comparaison de smileys ambigus. Cet ERP ambiguity effect est très similaire à celui trouvé pour le cube de Necker, pour la femme de Boring et pour les stimulus en mouvement.

Nous postulons l’existence d’un système de méta-perception (jugement sur sa propre perception) pour estimer la fiabilité des perceptions. Le ERP ambiguity effect est présent pour des stimulus de bas niveau (géométrique, mouvement) mais aussi pour des stimulus de haut niveau comme le contenu émotionnel d’un visage. Il pourrait donc refléter le résultat d’une estimation de la fiabilité.

L’ensemble des résultats suggèrent que le ERP ambiguity effect reflète une capacité générale d’estimation de la fiabilité de la perception.

Référence
  • Kornmeier J, et al. Psychophysiology 2016 ; 53 : 1507-23.
Le cassis, une petite baie relaxante…

Hyunho Lee1,2 , Eugenia Belcastro1,2 , Cyril Auger 1,2 , Sin-Hee Park 1,2 , Claire Kevers3 , Joel Pincemail4 , Min-Ho Oak5 , Valérie B. Schini-Kerth1,2

1 Inserm, UMR 1260, Regenerative nanomedicine (RNM), FMTS, 67000 Strasbourg ; 2 Université de Strasbourg, Faculté de pharmacie, 67000 Strasbourg ; 3 Plant Molecular Biology and Biotechnology, University of Liège, Belgique ; 4 CHU of Liège, Departement of Cardiovascular Surgery/CREDEC, Liège, Belgique ; 5 College of Pharmacy, Mokpo National University, République de Corée.

L’effet cardiovasculaire bénéfique d’une alimentation riche en polyphénols a été attribué, au moins en partie, à une amélioration de la fonction vasculaire via deux mécanismes vasoprotecteurs majeurs : une augmentation de la production endothéliale de monoxyde d’azote (NO) et une hyperpolarisation des cellules musculaires lisses de la paroi vasculaire dépendante de l’endothélium (EDH) [1]. Les polyphénols se présentent sous des formes très diverses, de molécules simples comme l’acide gallique, jusqu’aux polymères de haut poids moléculaire comme les tanins. Le cassis est une source importante d’anthocyanine (présente dans les baies et le vin rouge), et, en particulier, de cyanidine- et delphinidine-glucoside et rutinoside. Cette étude évalue le rôle des cotransporteurs sodium-glucose (SGLT) 1 et 2 dans l’effet induit par l’extrait de cassis (BCE) sur le relâchement NO-dépendant et l’activation de la NO synthase endothéliale eNOS.

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Le système expérimental consiste d’une part, à mesurer le relâchement d’anneaux d’artère coronaire de porc exposés à différents composés dans une chambre à organe [2]. D’autre part, à évaluer par western blot l’expression et le niveau de phosphorylation des protéines des cellules endothéliales d’artères coronaires porcines en culture. L’extrait de cassis (310,0 ± 0,1 mg d’équivalent acide gallique/g) est préparé à partir de jus de cassis contenant 2,7 g de polyphénol (en équivalent acide gallique) en utilisant une colonne Sephadex LH-20. L’extrait de cassis cause une puissante relaxation des anneaux d’artères coronaires, dont l’intensité est fonction de la concentration. Cet effet est significativement réduit par le LX4211, un inhibiteur des cotransporteurs SGLT1 et SGLT2, ainsi que, dans une certaine mesure, par la canagliflozine, un inhibiteur de SGLT2, mais pas par la dapagliflozine. En revanche, le LX4211 n’affecte pas le relâchement induit par la bradykinine, le nitroprussiate de sodium ou le gallate d’épigallocatéchine. De plus, l’extrait de cassis induit dans des cellules endothéliales en culture une phosphorylation de eNOS, via le site activateur Ser1177, qui ne se produit pas en présence de LX4211, de dapagliflozine ou de canagliflozine.

Ces observations indiquent que l’extrait de cassis est un puissant activateur de la NO synthase endothéliale et un inducteur d’une vasorelaxation dépendante de NO ; l’effet des inhibiteurs des SGLT1/2 suggère que ces cotransporteurs permettent l’entrée des anthocyanines conjuguées dans les cellules endothéliales. De là à planter un cassissier sur chaque balcon…

Référence
  • Schini-KerthVB, et al. Planta Med 2011 ; 77 : 1161-7.
  • Auger C, et al. J Med Food 2015 ; 18 : 128-36.
 
Footnotes
1 L’ED SVS de l’Université de Strasbourg compte entre 520 et 540 doctorants encadrés par plus de 470 directeurs de thèse répartis dans 31 unités de recherche (Unistra, CNRS, Inserm, Inra). Les 100 à 120 thèses soutenues chaque année couvrent les domaines ; biologie, santé, agronomie, écologie et environnement. http://ed.vie-sante.unistra.fr/