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Med Sci(Paris). 34: 57–59.
doi: 10.1051/medsci/201834s130.

La France dans la coopération européenne pour l’évaluation technologique des produits de santé

François Meyer

Conseiller pour les Affaires Internationales, Haute Autorité de Santé, 5, avenue du Stade de France, Saint-Denis93210France
Corresponding author.
 

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Un nouveau médicament doit effectuer tout un parcours avant d’atteindre le patient, avec le statut de médicament remboursé et disponible. Il s’agit de l’autorisation de mise sur le marché par l’agence européenne de médicament. Le contexte est en l’occurrence pleinement européen et les règles sont communes depuis 1965.

La HAS rend des avis pour éclairer la décision prise par le comité économique des produits de santé, qui est en l’occurrence nationale. Il revient en effet à chaque état membre d’organiser son service de santé et de décider de son financement.

La HAS dispose de commissions d’évaluation qui se basent sur des données scientifiques touchant le domaine clinique et les sciences économiques. Elle doit renseigner la décision et constitue donc une sorte d’interface entre la science et la décision qui a des particularités nationales.

Les commissions d’évaluation des produits évaluent ces derniers en fonction de critères qu’elles ne décident pas elles-mêmes. Ceux-ci sont fixés par les textes réglementaires et législatifs. Les critères ne sont donc pas tout à fait superposables d’un pays à un autre et diffèrent parfois grandement.

Je souhaiterais rappeler qu’on ne fait pas qu’évaluer au moment de l’AMM. Des actions sont développées en amont. Des rencontres précoces peuvent être organisées avec les firmes, qui présentent alors leur plan de développement et peuvent poser des questions aux instances afin d’éviter qu’elles arrivent au moment de l’AMM avec des données cliniques jugées non pertinentes pour répondre aux questions de SMR. On discute alors du choix des comparateurs et des points de jugement, ainsi que de la définition de la population à l’étude. Après l’AMM, une activité s’est beaucoup développée, qui porte sur les données en vie réelle et les réévaluations.

Par ailleurs, lorsqu’une firme dépose un dossier, celui-ci est pris en compte par les évaluateurs internes de la HAS, qui effectuent une évaluation- analyse, sans tirer de conclusions. Un document préparatoire est remis au comité auquel la loi française a donné la responsabilité de fournir la deuxième partie de l’évaluation, qui est l’évaluationappréciation. La commission transparence pour l’évaluation clinique fait alors collaborer des experts externes. Les patients sont aussi impliqués. L’avis est ensuite transmis au décideur.

L’avis européen se trouve exclu du champ de la coopération européenne, mais les rencontres précoces organisées pour discuter des plans de développement doivent être envisagées au niveau européen.

Les études observationnelles constituent un domaine de coopération actuellement en cours de développement. Les données ne sont intéressantes que si l’on travaille avec différents pays.

Il est également possible d’effectuer des analyses conjointes et des guides méthodologiques visant à assurer le respect des mêmes règles d’évaluation.

La coopération européenne depuis 2006

Tout cela prend forme dans le cadre de la coopération European Network for Health Technology Assessment (EUnet- THA) qui existe depuis 2006 et qui avance par à-coups. Les projets envisagés ont en effet une durée de quelques années. Il s’agit d’une faiblesse qu’il faudra résoudre à l’avenir.

Les activités principales de l’action conjointe sont les suivantes la production des évaluations communes, au niveau initial ou dans le cadre d’une réévaluation plus tardive de produits ou de classes thérapeutiques, et l’amélioration de la qualité des données disponibles avec les rencontres précoces.

La HAS est très présente dans cette coopération européenne depuis le début et s’avère membre fondateur d’EUnetHTA. Nous sommes la seule grande agence à être active dans les deux types de coopération précités. Nous sommes par ailleurs un contributeur majeur à la production de rapports communs d’évaluation. Le premier rapport commun d’évaluation de l’action conjointe en cours a été publié sur le site d’EUnetHTA et la HAS en est l’auteur principal. Nous sommes le seul grand pays à être actif dans ce domaine. D’autres pays, comme le Royaume-Uni et l’Allemagne, ont tendance à considérer qu’ils disposent de la capacité de produire les rapports qu’ils souhaitent et que la coopération européenne est de faible intérêt pour eux. Je pense qu’il s’agit d’une erreur, car, quelle que soit la taille de l’agence, nous avons intérêt à bénéficier de cette coopération (Figure 1).

Concernant les early dialogues, nous bénéficions déjà d’une expérience coordonnée par la HAS dans le cadre de projets précédents. Nous avons décidé de le renforcer en créant un work package qui rassemble les pays les plus importants, ainsi que des pays de taille moyenne, comme les Pays-Bas et la Belgique. La Hongrie est également présente.

L’industrie peut demander un avis scientifique auprès des régulateurs en allant à l’EMA. Elle peut également demander à ne rencontrer que des agences comme la HAS. Cela étant, nous avons mis en place avec l’EMA des consultations parallèles. L’industrie peut ainsi avoir dans la même salle des régulateurs pour l’AMM et les HTA bodies pour l’évaluation en vue du remboursement, avec une participation des patients.

Il faut signaler que de nombreuses firmes demandent ces consultations parallèles. Curieusement, les firmes qui commercialisent des documents orphelins vont moins vers la consultation parallèle et plus vers la consultation de l’EMA que les autres. Je pense que ce n’est pas bien. La commission de la transparence ne peut pas ensuite conclure à une ASMR bien démontrée, faute de discussion sur les données.

Lors des discussions précoces, il est bon de discuter non seulement des données initiales, mais aussi des données observationnelles post- AMM. Nous souhaitons mettre en place des pilotes sur des données complémentaires, pour lesquels nous sommes en train de choisir les premiers médicaments. Nous travaillons avec l’EMA sur la qualité de registre qui pourrait être le support pour la production de ces données complémentaires. Nous souhaiterions maintenant travailler sur des produits spécifiques afin de préparer les décisions nationales.

Nous souhaitons réduire les différences entre les différentes demandes nationales pour ce type de demande. Cela n’a jamais été fait pour le moment. Nous sommes donc en phase préparatoire.

Nous nous inscrivons actuellement dans le cadre d’une action conjointe de quatre ans. Nous avons un niveau opérationnel de coopération qui est EUnetHTA. Un petit niveau politique existe depuis la directive sur les soins transfrontaliers. La Commission travaille à rendre cette coopération pérenne, en mettant sur la table des options pour un scénario futur de coopération européenne. L’action conjointe se termine en 2020 et il ne pourra plus y en avoir ensuite. Je pense qu’il est fondamental que nous puissions soutenir la coopération pérenne en matière d’évaluation des technologies de santé.

Liens d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.