Hémopathies malignes

2008


ANALYSE

18-

Incidence et mortalitéchez l’enfant

Les hémopathies malignes se présentent de façon très différente chez l’enfant. Très majoritairement, elles se développent aux dépens des précurseurs des lignées lymphoïdes, avec une forte prépondérance de la lignée B.

Incidence

L’incidence annuelle des leucémies est de 43 cas par million, ce qui représente environ 470 nouveaux cas chaque année en France. Il s’agit presque uniquement de leucémies aiguës (tableau 18.Irenvoi vers). Les LLC ne se voient pas chez l’enfant et les LMC sont extrêmement rares (0,5 cas par million et par an soit moins d’une dizaine de cas par an en France). Les LAL représentent environ 80 % des cas, et 75 % d’entre elles sont des LAL B.
La distribution des LAL B décrit un pic maximum à 2 ans, plus marqué chez les garçons que chez les filles, et encore nettement visible un peu après 6 ans. Le pic ne concerne que les LAL B dites communes, dont les cellules affichent les marqueurs des étapes précoces de la différenciation B. Le sex ratio est de 1,2 garçons pour 1 fille à partir de 2 ans. Les LAL T et les LAL de type Burkitt constituent respectivement 15 % et 4 % des leucémies.
L’incidence annuelle des lymphomes de Hodgkin est d’environ 7 cas par million (tableau 18.IIrenvoi vers). Moins de 10 % des lymphomes de Hodgkin surviennent avant l’âge de 5 ans et l’incidence augmente fortement avec l’âge. Le sex ratio, très élevé avant 10 ans (plus de 2 garçons pour 1 fille), devient proche de 1 à 15 ans.
Chez l’enfant, les lymphomes non hodgkiniens présentent majoritairement une cytologie de leucémie. Du reste, la règle internationale est de classer parmi les leucémies les lymphomes dont le myélogramme montre un envahissement médullaire de 25 % ou plus. Les lymphomes de Burkitt impliquent des cellules B matures et les lymphomes lymphoblastiques, des cellules des voies de différenciation B ou T. D’après les données du Registre national des hémopathies malignes de l’enfant, les lymphomes de Burkitt représentent environ la moitié des lymphomes non hodgkiniens et les lymphomes lymphoblastiques T et B, environ 20 % et 5 % des cas, respectivement. Les lymphomes anaplasiques à grandes cellules constituent près de 15 % des cas et les lymphomes diffus à grandes cellules environ 10 % des cas. Les autres types de lymphome rencontrés chez l’adulte ne se voient pas chez l’enfant. L’incidence annuelle des lymphomes non hodgkiniens est de l’ordre de 9 cas par million.

Tableau 18.I Nombre annuel (N) des cas de leucémie et de syndrome myélodysplasique de l’enfant par âge et sexe et taux d’incidence annuels par million bruts (TI) et standardisés sur l’âge (ASR, population mondiale) (d’après le Registre national des hémopathies malignes de l’enfant, 1990-1999)

 
Garçons
Filles
Tous
 
 
N
TI
ASR
N
TI
ASR
N
TI
ASR
Sex ratio
< 1 an
          
Leucémies
14
36,7
 
13
35,4
 
27
36,1
 
1,1
     LAL
6
14,8
 
5
15,3
 
11
15,1
 
1,0
     LAM
7
17,8
 
6
16,1
 
13
17,0
 
1,2
     LMC
< 1
0,3
 
< 1
0,0
 
1
0,1
  
     LMMCJ
1
2,7
 
1
2,0
 
2
2,3
 
1,4
     SMD
< 1
0,8
 
< 1
0,0
 
< 1
0,4
  
1-4 ans
          
Leucémies
112
74,8
 
93
65,3
 
205
70,2
 
1,2
     LAL
97
64,7
 
78
55,0
 
175
59,9
 
1,.2
     LAM
11
7,5
 
12
8,7
 
23
8,1
 
0,9
     LMC
< 1
0,2
 
1
0,4
 
2
0,3
 
0,5
     LMMCJ
2
1,5
 
1
0,5
 
3
1,0
 
3,3
     SMD
1
0,4
 
1
0,4
 
2
0,.4
 
1,2
5-9 ans
          
Leucémies
80
41,2
 
55
30,0
 
135
35,7
 
1,4
     LAL
67
34,8
 
44
23,7
 
111
29,4
 
1,5
     LAM
10
5,0
 
10
5,3
 
20
5,1
 
1,0
     LMC
2
0,9
 
1
0,4
 
3
0,7
 
2,6
     LMMCJ
< 1
0,1
 
< 1
0,1
 
< 1
0,1
 
2,0
     SMD
1
0,4
 
0
0,2
 
1
0,3
 
1,8
10-14 ans
          
Leucémies
55
27,6
 
39
20,9
 
94
24,3
 
1,4
     LAL
40
20,2
 
27
14,4
 
67
17,4
 
1,5
     LAM
12
5,9
 
10
5,4
 
22
5,6
 
1,1
     LMC
2
0,9
 
1
0,7
 
3
0,8
 
1,3
     LMMCJ
1
0,1
 
1
0,1
 
2
0,1
 
1,0
     SMD
1
0,3
 
1
0,3
 
2
0,3
 
1,2
Total
          
Leucémies
261
45,0
47,3
200
36,4
38,7
461
40,8
43,1
1,3
     LAL
210
36,3
38,3
154
28,1
30,1
364
32,3
34,3
1,4
     LAM
40
6,8
7,0
38
6,9
7,2
78
6,8
7,1
1,0
     LMC
5
0,7
0,6
4
0,5
0,5
9
0,6
0,6
1,5
     LMMCJ
4
0,6
0,7
2
0,3
0,3
6
0,5
0,5
2,3
     SMD
2
0,4
0,4
1
0,3
0,3
3
0,3
0,3
1,6

LAL : leucémie aiguë lymphoblastique ; LAM : leucémie aiguë myéloblastique ; LMC : leucémie myéloïde chronique ; LMMCJ : leucémie myélomonocytaire chronique juvénile ; SAI : sans autre indication ; SMD : syndrome myélodysplasique

Tableau 18.II Nombre annuel (N) des cas de lymphomes (L) de l’enfant par âge et sexe et taux d’incidence annuels par million bruts (TI) et standardisés sur l’âge (ASR, population mondiale) (d’après le Registre national des hémopathies malignes de l’enfant, 1990-1999)

 
Garçons
Filles
Tous
 
 
N
TI
ASR
N
TI
ASR
N
TI
ASR
Sex ratio
0-4 ans
          
     L. non hodgkinien
14
7,5
 
8
4,3
 
22
6,0
 
1,8
       Burkitt
8
4,3
 
3
1,4
 
11
2,9
 
3,2
       LNH T
3
1,6
 
2
1,3
 
5
1,4
 
1,3
       Autres
3
1,7
 
3
1,6
 
6
1,6
 
1,1
     L. de Hodgkin
2
1,1
 
1
0,6
 
3
0,8
 
2,0
5-9 ans
          
     L. non hodgkinien
29
15,2
 
12
6,7
 
41
11,0
 
2,4
       Burkitt
17
8,5
 
5
2,6
 
22
5,7
 
3,4
       LNH T
5
2,4
 
2
1,2
 
7
1,8
 
2,0
       Autres
7
4,2
 
5
2,8
 
12
3,5
 
1,6
     L. de Hodgkin
13
6,9
 
6
3,4
 
19
5,2
 
2,2
10-14 ans
          
     L. non hodgkinien
28
14,2
 
12
6,6
 
40
10,5
 
2,3
       Burkitt
12
5,9
 
3
1,9
 
15
4,0
 
3,2
       LNH T
6
3,1
 
3
1,7
 
9
2,4
 
2,0
       Autres
10
5,1
 
6
3,0
 
16
4,1
 
1,8
     L. de Hodgkin
32
16,3
 
30
16,0
 
62
16,2
 
1,1
Total
          
     L. non hodgkinien
71
12,4
11,9
32
5,9
5,7
104
9,2
8,9
2,2
       Burkitt
37
6,3
6,1
11
2,0
2,0
47
4,2
4,1
3,3
       LNH T
14
2,4
2,3
7
1,4
1,4
22
1,9
1,9
1,8
       Autres
20
3,7
3,5
14
2,5
2,4
35
3,1
3,0
1,6
     L. de Hodgkin
47
8,3
7,4
37
6,8
6,0
84
7,6
6,7
1,3
L’incidence annuelle des leucémies et des lymphomes non hodgkiniens est stable en France depuis 1990. L’enregistrement des lymphomes de Hodgkin a débuté tardivement en France et nous n’avons pas de bonnes données sur leur évolution.
Figure 18.1 Distribution de l’incidence des leucémies avec l’âge en Europe : évolution par période (années 1970s, 1980s et 1990s) dans les pays de l’Est de l’Europe (Estonie, Bélarus, Slovaquie, Hongrie, Slovénie, Turquie) et dans les autres pays couverts par le système ACCIS (Islande, Norvège, Danemark, Finlande, Grande-Bretagne, Irlande, Allemagne, France, Suisse, Espagne, Italie, Malte) (d’après ACCIS, Steliarova-Foucher et coll., 2004renvoi vers)
Les données européennes d’ACCIS (Automated Childhood Cancer Information System) montrent globalement une augmentation de l’incidence des hémopathies malignes (Steliarova-Foucher et coll., 2004renvoi vers), dont la part liée aux pratiques de prise en charge et d’enregistrement est vraisemblablement importante, même si elle reste difficile à estimer (figure 18.1Renvoi vers).
En effet, les trois dernières décennies ont vu partout dans le monde l’enregistrement des cancers se développer et se standardiser, et de nombreuses sources de variation de l’enregistrement ont accompagné les variations temporelles. Par exemple, pour la région européenne d’ACCIS dite « région ouest » qui inclut l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et la Suisse, l’intégralité des données 1978-1982 provenait des registres généraux de France (65 %), des Pays-Bas (26 %) et de Suisse (8 %). En revanche, au cours de la période 1993-1997, 85 % des données étaient fournies par le registre national allemand de cancers de l’enfant, 8 % par les registres pédiatriques français et 7 % par les registres généraux. Ainsi, la couverture des registres n’est pas identique au début et à la fin de la période 1978-1997 décrite dans les dernières publications d’ACCIS (Izarzugaza et coll., 2006renvoi vers). L’analyse des variations géographiques et temporelles d’incidence a l’immense intérêt d’amener les registres à se comparer et à réduire leurs sources de variation artéfactuelles. Elle peut aussi donner des indications étiologiques. C’est l’augmentation progressive du pic d’incidence des leucémies avec le temps et les contrastes observés entre les pays les moins riches et les plus riches, également visibles en Europe (figure 18.1Renvoi vers), qui ont fait évoquer la responsabilité de facteurs liés à l’hygiène (moindre exposition aux infections banales de l’enfance) dans les leucémies communes.

Mortalité

La survie, bien que globalement bonne, est extrêmement variable d’une hémopathie maligne à l’autre. D’après les données du Registre national des hémopathies malignes de l’enfant , la survie à 5 ans des lymphomes de Burkitt et des lymphomes de Hodgkin était supérieure à 90 % au cours des années 1990. Celle des LAL B était de l’ordre de 80 % tous âges confondus, celle des LAL T de 70 % et celle des LAM d’un peu moins de 60 %. Au sein des LAM, la survie à 5 ans des LAM3 (promyélocytaires) était relativement bonne (environ 80 %), alors que celle des LAM6 (érythrocytaires) et des LAM7 (mégacaryocytaires) était de l’ordre de 40 %. Le pronostic est plus sombre lorsque la leucémie survient avant l’âge de 1 an, quel que soit le type de leucémie.
Chaque année, on compte en France1 un peu moins de 90 décès par hémopathie maligne avant l’âge de 15 ans, dont environ 75 par leucémie, moins de 5 par lymphome de Hodgkin, et environ 10 par lymphome non hodgkinien (tableau 18.IIIrenvoi vers).

Tableau 18.III Évolution du nombre de décès et du taux de décès standardisé sur l’âge (population mondiale) par hémopathie maligne chez l’enfant en France (d’après CépiDc-Inserm)

 
Nombre de décès
Taux de décès standardisé (par million)
 
Leucémie
Lymphome de Hodgkin
Lymphome non hodgkinien
Leucémie
Lymphome de Hodgkin
Lymphome non hodgkinien
1973
229
9
73
1,9
0,1
0,6
1983
164
3
39
1,5
0
0,3
1993
109
2
23
1,0
0
0,2
2003
72
2
12
0,6
0
0,1

Bibliographie

[1] clavel j, goubin a, auclerc mf, auvrignon a, waterkeyn c, et coll.. Incidence of childhood leukaemia and non-Hodgkin’s lymphoma in France: National Registry of Childhood Leukaemia and Lymphoma, 1990-1999. Eur J Cancer Prev. 2004; 13:97-103Retour vers
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[5] izarzugaza mi, steliarova-foucher e, martos mc, zivkovic s. Non-Hodgkin’s lymphoma incidence and survival in European children and adolescents (1978-1997): report from the Automated Childhood Cancer Information System project. Eur J Cancer. 2006; 42:20502063Retour vers
[6] steliarova-foucher e, stiller c, kaatsch p, berrino f, coebergh jw, lacour b, parkin m. Geographical patterns and time trends of cancer incidence and survival among children and adolescents in Europe since the 1970s (the ACCISproject): an epidemiological study. Lancet. 2004; 364:20972105Retour vers

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