Cancer de la thyroïde
2008
ANALYSE |
50-
Polymorphismes génétiques et interactions gènes-environnement1
Réparation de l’ADN
Trois études ont abordé les polymorphismes des gènes de la réparation de l’ADN, la plupart avaient la puissance nécessaire pour mettre en évidence un odds ratio de 2. Malgré cela, aucun rôle des polymorphismes de XRCC7, RAD51, RAD52, BRCA1 et BRCA2 (Sturgis et coll., 2005
) dans le risque de cancer thyroïdien n’a été mis en évidence. Une association a été mise en évidence pour CHEK2, en particulier pour une mutation tronquante (OR = 4,9 ; p = 0,0006) (Cybulski et coll., 2004
), pour XRCC3 (OR = 2,1 ; IC 95 % [1,3-3,4]) (Sturgis et coll., 2005
) et pour ERCC2 (OR = 3,1 ; IC 95 % [1,4-7,1]) (Silva et coll., 2005
), pour lequel 4 loci ont été étudiés, mais ces associations étaient à la limite de la significativité et doivent être confirmées, ce qui n’a pas été le cas à ce jour.




Contrôle du cycle cellulaire
Le rôle de l’allèle Pro de P53 a été étudié dans 2 études (Granja et coll., 2004a
; ; Rogounovitch et coll., 2006
), dont une portait sur des populations irradiées (voir plus loin), incluant un total de 267 cas et 466 témoins et conduisant à un odds ratio commun égal à 2,0 (IC 95 % [1,2-3,6]). Il y avait une hétérogénéité significative (p = 0,02) entre les résultats des 2 études, due à une différence de fréquence de cet allèle entre les populations témoins des 2 études.


Les polymorphismes de CDKN2A ont été étudiés dans une étude portant sur 173 cas et 3 000 témoins (Debniak et coll. 2006
), mais la fréquence de ces polymorphismes et, donc, la puissance de l’étude, était très faible : 3,1 % chez les témoins.

Voies de signalisation kinases dépendantes
Les polymorphismes de Ret ont été analysés dans 3 études (Lesueur et coll., 2002
; Ho et coll., 2005
; Lönn et coll., 2007
) regroupant un total de 509 cas et 980 témoins. Il n’y avait pas d’hétérogénéité entre les études pour la relation entre cancer de la thyroïde et présence de l’allèle rare pour l’exon 2 (p = 0,3), l’exon 13 (p = 0,2), l’exon 14 (p = 0,1), et l’exon 15 (p = 0,3). Malgré une puissance de 99 % pour mettre en évidence un odds ratio de 2, aucune relation significative n’a été mise en évidence entre la fréquence du cancer de la thyroïde et le fait d’être porteur de l’allèle rare pour l’exon 2 (OR = 0,9 ; IC 95 % [0,7-1,2]), l’exon 13 (OR = 0,9 ; IC 95 % [0,7-1,2]), l’exon 14 (OR = 1,0 ; IC 95 % [0,7-1,3]), ni l’exon 15 (OR = 0,9 ; IC 95 % [0,7-1,2]). À l’opposé, une hétérogénéité existait pour les résultats concernant l’exon 11 (p = 0,05) : un odds ratio élevé a été observé dans la cohorte de techniciens en radiologie pour les porteurs de l’allèle A (Lönn et coll., 2007
), mais pas dans une autre étude (OR = 0,6) (Ho et coll., 2005
).





Métabolisme des xénobiotiques
Un rique plus faible de cancer thyroïdien a été observé chez les porteurs d’allèles correspondant aux faibles métaboliseurs pour les gènes codant pour les enzymes phase 1 CYP1A1 (Bufalo et coll., 2006
) et CYP2D6 (Lemos et coll., 2007
), ce qui suggère que l’activation des procarcinogènes par les sujets porteurs d’allèles sauvages de ces enzymes, qui sont des métaboliseurs actifs, augmente le risque de cancer thyroïdien.


Les polymorphismes des gènes des GST ont été étudiés dans 7 publications (Morari et coll., 2002
; Canbay et coll., 2003
; Hernandez et coll., 2003
; Gaspar et coll., 2004
; Granja et coll., 2004b
; ; Bufalo et coll., 2006
; Ho et coll., 2006
), dont 3 portaient, au moins en partie, sur des patients communs (Morari et coll., 2002
; Granja et coll., 2004b
; ; Bufalo et coll., 2006
). Au total, GSTM1 a été étudié chez 537 cas et 1 344 témoins, GSTT1 chez 505 cas et 1 300 témoins, et GSTP1 chez 348 cas et 523 témoins. L’analyse poolée de ces études montre qu’il n’y avait pas d’hétérogénéité entre les études pour GSTM1 (p = 0,4), GSTP1 (p = 0,7) ni GSTT1 (p = 0,9), et conduit à une estimation des odds ratio communs très faibles : 1,3 (p = 0,02 ; IC 95 % [1,04-1,6]), 0,89 (p = 0,8 ; IC 95 % [0,67-1,2]) et 1,3 (p = 0,07 ; IC 95 % [,98-1,6]). Malgré ces résultats négatifs, une association très nette a été retrouvée de manière homogène (p = 0,3) dans 3 études entre la combinaison des 2 allèles nuls pour GSTM1 et GSTT1 et le risque de cancer de la thyroïde (OR = 1,7 ; IC 95 % [1,2-2,5] ; p = 0,004).










Métabolisme hormonal
Plusieurs polymorphismes de TSHR ont été analysés. Dans 2 études (Matakidou et coll., 2004
; Lönn et coll., 2007
), le seul polymorphisme commun était D727E, pour lequel l’odds ratio était OR = 0,8 (IC 95 % [0,5-1,1]) et il n’y avait pas d’hétérogénéité entre les études (p = 0,9). La fréquence des autres polymorphismes de TSHR n’était pas différente entre les cas et les témoins. La seule étude sur le gène de la thyroglobuline (Tg) a montré que les porteurs de l’allèle Q2511R avaient un risque accru de cancer thyroïdien (OR = 1,6 ; IC 95 % [1,1-2,3] ; p = 0,02) (Matakidou et coll., 2004
), mais ces résultats doivent être confirmés par d’autres études. De même, les résultats selon lesquels les micro-satellites de BAT-40 et de THRA1 d’une certaine longueur sont liés à une réduction du risque de cancer thyroïdien (Baida et coll., 2005
), doivent être confirmés, car abordés à ce jour dans une seule étude. En effet, une analyse de cette dernière étude prenant en compte la taille de ces microsatellites, comme une variable continue, au lieu de comparer des catégories de taille, conduit à une absence de liaison pour THRA1 (p = 0,3) comme pour BAT-40 (p = 0,3).




Interaction avec les radiations ionisantes
Seules 3 publications, portant sur P53, RET, TSHR, ont directement ou indirectement, abordé l’interaction avec les facteurs environnementaux. Dans ces 3 publications, le facteur environnemental étudié était les radiations. Aucune publication n’a porté à ce jour sur l’interaction entre les facteurs génétiques de susceptibilité et d’autres facteurs environnementaux.
P53
Le gène p53 possède un seul polymorphisme au niveau du codon 72, responsable d’une variation Arg → Pro. Une étude a comparé la fréquence de ces allèles chez 116 cas de cancer papillaire survenu chez des sujets ukrainiens et russes ayant été exposés aux retombées de l’accident de Tchernobyl, avec celle de 53 cas de cancer papillaire sporadique et de 313 témoins sains. Parmi les cas de cancers supposés radio-induits, 68 patients étaient âgés de plus de 18 ans au moment du diagnostic. Une sous-représentation significative de l’allèle homozygote Arg/Arg a été observée chez les 68 cas radio-induits par rapport aux témoins (OR = 0,50 ; IC 95 % [0,29-0,86]) et par rapport aux cas sporadiques (OR = 0,36 ; IC 95 % [0,17-0,76]) (Rogounovitch et coll., 2006
) de la même étude. Ces résultats suggèrent que ce génotype pourrait jouer un rôle protecteur contre le cancer papillaire radio-induit. Des résultats moins nets, mais non significativement différents avaient été observés pour les sujets de moins de 18 ans. L’interprétation de ce résultat est rendu très difficile par le fait que les auteurs ne précisent à aucun moment le statut des témoins vis-à-vis de l’exposition, mais seulement qu’il s’agit de volontaires russes caucasiens. De plus, la comparaison des résultats avec ceux d’une autre étude, effectuée en population générale et non dans une population irradiée (Granja et coll., 2004a
;), montre qu’il y avait une hétérogénéité significative (p = 0,02) entre les résultats des 2 études, mais due à une différence de fréquence allélique entre les populations témoins des 2 études, et n’est donc probablement pas imputable à l’étiologie radio-induite des cancers d’une des études.


RET
Le gène RET code pour un récepteur membranaire à activité tyrosine kinase qui active notamment la voie des MAP kinases. En dehors des réarrangements chromosomiques conduisant à la formation des formes activées RET/PTC, fusion du domaine tyrosine kinase de RET avec d’autres gènes, différents variants répartis le long du gène RET ont été découverts.
Les mutations décrites à ce jour sont localisées dans les exons 2 (G135A, A45A), 7 (G1296A, A432A), 11 (C2071A, G691S), 13 (T2307G, L769L), 14 (C2508T, S836S) et 15 (C2712G, S904S). Ces polymorphismes ne sont pas liés, sauf les mutations C2071A de l’exon 11 et C2712G de l’exon 15.
Dans une étude incluant 167 cas et 491 témoins, issus d’une cohorte de techniciens radiologistes, et portant sur les exons 7, 11, 13, et 14, un risque plus élevé de cancer papillaire a été observé chez les femmes de moins de 38 ans porteuses de l’allèle S situé sur l’exon 11 (RET G691S) (OR = 2,1 ; IC 95 % [1,2-3,7] chez les hétérozygotes et OR = 3,7 ; IC 95 % [1,1-11,8] chez les homozygotes) (Lönn et coll., 2007
). Les doses moyennes reçues par les cas et les témoins étaient similaires (de l’ordre de 45 mGy), mais les auteurs n’ont pas détaillé les résultats en fonction des doses reçues. L’influence de l’irradiation ne peut donc être abordée qu’indirectement, par comparaison avec les résultats de la seule autre étude ayant porté sur l’exon 11 (Ho et coll., 2005
), et qui incluait 101 cas et 174 témoins. Il y avait une hétérogénéité significative entre les résultats de ces études, l’odds ratio observé dans la cohorte de techniciens en radiologie pour les porteurs de l’allèle A (Lönn et coll., 2007
) était supérieur (p = 0,05) à celui (non significatif) observé dans l’étude effectuée en population générale (OR = 0,6) (Ho et coll., 2005
). Cette différence était due à une différence chez les cas de cancer de la thyroïde et non chez les témoins : les porteurs de l’allèle S sur l’exon 11 étaient plus fréquents chez les cas issus de la cohorte de techniciens radiologistes que chez ceux de la population générale (p = 0,04). Ces résultats vont dans le sens d’une interaction avec les rayonnements ionisants mais doivent être confirmés.




Récepteur de la thyrotropine (TSHR)
Les mutations du récepteur de la thyrotropine sont associées à la survenue de pathologies bénignes de la thyroïde. Une association non significative (OR = 0,6 ; IC 95 % [0,1-2,9] pour les hétérozygotes, p = 0,11) entre un polymorphisme de ce gène, N187N (T > C), et le risque de cancer de la thyroïde a été mise en évidence dans une étude incluant 167 cas et 491 témoins, issus de la cohorte des techniciens radiologistes des États-Unis (Lönn et coll., 2007
). Deux autres polymorphismes de ce gène avaient été étudiés. Il est très difficile de comparer ces résultats avec ceux d’autres études portant sur les cas survenant sans antériorité d’irradiation, car la seule étude publiée à ce jour a porté sur deux polymorphismes, dont un commun avec l’étude des radiologistes, D727E (C > G), et n’a pas mis en évidence d’association, bien que portant sur 304 cas et 400 témoins (Matakidou et coll., 2004
).


En conclusion, les études sur l’influence des facteurs génétiques sur la relation entre les expositions aux cancérogènes et le risque de cancer de la thyroïde ne font que commencer et ne sont pas suffisamment probantes actuellement.
Un total de 18 études, de type gènes candidats, a porté à ce jour sur les variants de l’ADN prédisposant au cancer de la thyroïde. Ces études concernent les gènes du contrôle du cycle cellulaire, ceux des voies de signalisation kinases dépendantes, ceux des différentes voies de réparation de l’ADN, ceux du métabolisme, et ceux des hormones thyroïdiennes. Aucune étude de type « genome wide » n’a été publiée à ce jour.
Les seuls résultats convaincants, car retrouvés de manière cohérente dans plusieurs études, concernent les porteurs d’allèles nuls pour la combinaison GSTT1 et GSTM1, qui seraient plus à risque de développer un cancer de la thyroïde. Il semble également que, chez les sujets exposés aux rayonnements ionisants, les porteurs de l’allèle S pour l’exon 11 du gène RET soient plus à risque de cancer thyroïdien. Les autres résultats doivent être confirmés sur plusieurs études.
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