Cancer du testicule

2008


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Principaux constats et propositions
Bien que relativement rare (1 à 2 % des cancers chez l’homme), le cancer du testicule est le cancer le plus fréquent chez les hommes de 15 à 35 ans. Il s’agit de la tumeur solide présentant les meilleurs résultats de survie.
La plupart des cancers du testicule ont pour origine les cellules germinales. Les tumeurs séminomateuses représentent 30 à 40 % des tumeurs germinales du testicule. Les tumeurs non séminomateuses représentent 60 à 70 % des tumeurs germinales du testicule. Il existe de nombreuses formes de tumeurs non germinales. Les deux principales sont le lymphome testiculaire et la tumeur à cellules de Leydig.

Incidence en augmentation

L’incidence est en augmentation depuis plus de 50 ans dans la plupart des pays industrialisés. L’Australie, l’Amérique du Nord et surtout l’Europe présentent les taux les plus élevés, généralement supérieurs à 4/100 000, standardisés sur la population mondiale. Elle varie aussi en fonction de l’origine ethnique des populations. On observe les taux les plus élevés dans les populations blanches.
En France, en 2000, le taux d’incidence pour l’ensemble des cancers du testicule était de 4,82 pour 100 000, correspondant à environ 1 500 nouveaux cas diagnostiqués. L’incidence des séminomes est estimée à 2,46 pour 100 000 et celle des non séminomes à 1,95 pour 100 000. Les taux d’incidence observés dans les registres français sont très différents d’un département à l’autre. Il existe cependant, une faible variation temporelle dans les tendances. Cet « effet de cohorte de naissance » souligne un effet générationnel, c’est-à-dire un changement temporel dans les expositions. Étant donné que le pic d’incidence du cancer du testicule survient entre les 20-35 ans, il est alors raisonnable de supposer que ces changements se sont produits au cours de deux fenêtres d’expositions clés : in utero et durant la puberté.
Le nombre de décès a considérablement et régulièrement diminué dans le temps. Actuellement la mortalité par cancer du testicule est très faible : le taux standardisé sur la population mondiale est de 0,25 pour 100 000 habitants.

Des facteurs de risque suspectés mais non confirmés

Dans une première étude de type cas-témoins, une association significative a été mise en évidence chez les personnes travaillant en milieu agricole au moment du diagnostic ainsi que chez ceux travaillant dans les industries d’extraction du gaz et du pétrole. Cependant, il n’y avait pas de description précise du type réel de travail réalisé et l’exposition considérée était celle recueillie au moment du diagnostic sans préjuger de son ancienneté ou d’autres expositions antérieures.
En Norvège, une étude, de type cohorte, a permis d’observer une augmentation d’incidence du cancer du testicule pour les fils d’agriculteurs et tout particulièrement chez ceux ayant résidé dans des entreprises agricoles et ayant utilisé de fortes quantités d’engrais. Aux États-Unis, une étude de grande ampleur a permis de comparer le ratio d’incidence standardisée du cancer du testicule chez plus de 30 000 applicateurs de pesticides travaillant en Floride par rapport à la population générale. Cette étude révèle un effet dose avec une majoration du taux d’incidence standardisé avec le nombre d’années d’exposition. Ces études constituent une base solide mettant en avant un rôle potentiel des pesticides sur la survenue du cancer du testicule. Cependant, ces études souffrent de plusieurs limites concernant la caractérisation de la variable « exposition aux pesticides ».
Des études de cohorte ou de cas-témoin se sont intéressées aux expositions aux produits issus de l’industrie lourde et de l’industrie de transformation. Mais, le faible nombre de cas limite les interprétations des résultats. De plus, il y a souvent multiplicité d’exposition. Des auteurs mettent en avant le rôle potentiel de l’exposition au zinc et au cadmium dans la survenue du cancer du testicule chez les ouvriers métallurgistes, sans toutefois apporter de précisions sur les niveaux d’exposition précis à ces deux produits. On ne peut conclure à un effet majeur des expositions professionnelles liées au monde industriel (métallurgie, fonderie, chimie…).
Une étude cas-témoins s’est intéressée aux professions exercées par les parents dans l’année ayant précédé la naissance. Les auteurs notent pour les tumeurs séminomateuses, un excès de risque chez les mères ayant travaillé dans le secteur de la santé au cours de l’année ayant précédé la naissance. Outre le fait que la caractérisation du type de travail précis effectué par la mère soit absente, il convient de mentionner le faible nombre de personnes concernées.
Des contextes professionnels particuliers ont été étudiés : pompiers salariés de Nouvelle-Zélande ; personnel de la Royal Air Force ; personnel de la Royal Navy ; départements de police de l’Ontario ; personnes envoyées en missions par les Nations-Unies dans les Balkans entre 1989 et 1999. On retrouve parfois des odds ratio significatifs pour certains segments des populations concernées.

Recommandations

La problématique du cancer du testicule, à l’instar des autres pathologies de la sphère reproductrice masculine, a beaucoup évolué au cours des dernières décennies, baisse notable de la mortalité mais, en parallèle, augmentation importante de son incidence avec l’émergence d’hypothèses d’ordre environnemental susceptibles d’expliquer la survenue croissante du nombre de nouveaux cas de ce cancer.
Les nombreuses études réalisées en milieu professionnel n’ont pas permis, à ce jour, d’identifier des facteurs de risque patents ; dans ce contexte, l’exposition aux pesticides restant toutefois une voie de recherche privilégiée, devant amener à promouvoir des recherches spécifiques, ciblées sur des populations pouvant être considérées comme plus « à risque » (arboriculteurs, serristes) avec une meilleure caractérisation des types et modalités d’expositions aux pesticides.
Cependant, l’analyse de la littérature montre que les divers facteurs d’expositions professionnelles, même s’ils peuvent jouer un rôle dans la survenue du cancer du testicule, ne peuvent aucunement expliquer l’augmentation récente et majeure de l’incidence. Si plusieurs hypothèses peuvent être évoquées (modifications de l’alimentation, du mode de vie…), le seul élément tangible et bien documenté à notre disposition reste la relation forte qui existe entre « cryptorchidie » et « cancer du testicule ».
De nombreuses études internationales montrent que cette pathologie malformative est en nette et récente augmentation suivant en cela une courbe d’incidence assez parallèle à celle du cancer du testicule. La cryptorchidie, avec un taux d’incidence actuellement estimée entre 2 et 5 % des naissances, pourrait contribuer à expliquer une partie des nouveaux cas de cancer du testicule.
Cette hypothèse étiopathogénique amène à concevoir des études plus « en amont » sur le suivi de l’incidence de la cryptorchidie et aussi sur l’identification des facteurs de risque de survenue de cette pathologie malformative. La cryptorchidie est un modèle intéressant dans la mesure où la survenue de l’événement « présence d’une cryptorchidie à la naissance » est très vraisemblablement liée à une modification/perturbation dans la mise en place des divers éléments constitutifs de l’appareil reproductif masculin.
De plus, dans un contexte d’inter-relations probables entre environnements (personnel, domestique ou professionnel) et déroulement de la grossesse, l’identification et la mesure des diverses expositions per-gravidiques (survenues au cours des 9 mois de gestation) pourraient/devraient constituer un champ de recherche pour la cryptorchidie et le cancer du testicule.
La constitution d’une cohorte de femmes enceintes représente l’option méthodologique la plus appropriée (impliquant la constitution d’une sérothèque avec un volet génétique indispensable) et la seule pouvant permettre de répondre de manière adéquate à une meilleure compréhension de la cryptorchidie et du cancer du testicule. Ce type d’approche multidisciplinaire (associant épidémiologiste, clinicien, biologiste) est déjà en cours de réalisation aux États-Unis. Il faudrait que les institutions françaises/européennes concernées puissent doter les équipes de recherche de moyens leur permettant de mener des études dans ce domaine en émergence.
Le cancer du testicule, premier cancer de l’homme jeune avec des conséquences majeures en termes de morbidité (infertilité, impact psychologique), constitue un problème émergent de santé publique et un axe de recherche majeur en santé de la reproduction.
Il est important de poursuivre les recherches sur le lien entre les expositions à des facteurs environnementaux et le syndrome de dysgénésie testiculaire. Les actions des perturbateurs endocriniens pourraient intervenir durant la période critique du développement fÅ“tal et être favorisées par un terrain génétique particulier.

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