I. Définitions, épidémiologie et troubles associés

2019


ANALYSE

4-

Motricité et langage

La question du lien entre motricité et langage est posée depuis longtemps, les deux étant indissociables sur les plans fonctionnel et anatomique. Liepmann (1920)renvoi vers décrit le premier cas d’apraxie chez l’adulte et lui donne le nom d’asymbolie motrice. Il constate qu’il est plus souvent rapporté des apraxies en cas de lésion hémisphérique gauche qu’en cas de lésion hémisphérique droite. Il en déduit qu’il existe, comme cela a été montré par Broca (1865)renvoi vers pour le langage, une possible spécialisation hémisphérique gauche pour la fonction praxique. Il pourrait donc exister, au sein de l’hémisphère gauche, une zone commune au geste et au langage, représentée par l’aire de Broca. L’aire de Broca (Habib, 2014renvoi vers) serait ainsi impliquée dans la production et la compréhension du langage et dans la reconnaissance et la production de l’action. Sur le plan développemental, certaines théories suggèrent que le langage se serait développé à partir de gestes. En neuropsychologie cognitive, certains modèles des praxies gestuelles tels que celui de Rothi (1997)renvoi vers sont élaborés en analogie avec les modèles du langage. Et Dewaele et coll. (2015)renvoi vers montrent qu’il existe une relation entre TDC et dyslexie chez des enfants avec troubles d’apprentissage. Par ailleurs, la présence de troubles de la motricité dans les troubles neuro-développementaux (à l’époque ces troubles étaient désignés sous le terme de Minimal Brain Dysfunction ou Dysfonctionnement cérébral minime) avaient été décrits par Pretchl et Stemmer (1962)renvoi vers, Touwen et Pretchl (1970)renvoi vers et Touwen (1973renvoi vers, 1985renvoi vers). Selon ces auteurs, la présence de ces signes témoignerait d’anomalies ou de lésions cérébrales minimes, c’est-à-dire non détectables à l’aide de l’imagerie cérébrale et ne pouvant faire l’objet d’un syndrome neurologique avéré. En revanche, la présence de ces signes, selon leur intensité et leur localisation, pourrait être un argument pour mener un diagnostic différentiel à la recherche d’une véritable lésion cérébrale de type vasculaire, inflammatoire ou tumorale.
Plus particulièrement, concernant le lien entre langage et geste ou entre langage et motricité, 2 types d’études ont été réalisés : certaines portent sur la fréquence des troubles de la motricité chez les enfants diagnostiqués comme ayant un trouble spécifque du langage oral (TSLO ou Specific Language Impairment, SLI pour les Anglo-Saxons), d’autres sur la description des troubles du langage chez les enfants diagnostiqués TDC en comparaison avec les enfants diagnostiqués TSLO. Pour le premier type d’étude, majoritaire, plusieurs hypothèses explicatives coexistent. Ce chapitre présentera donc les premières études et les hypothèses associées, puis les études du second type. Seront finalement exposées les implications cliniques des résultats présentés.

Fréquence des troubles de la motricité chez les enfants
avec un trouble du développement du langage

Les études analysées rapportent toutes des troubles de la motricité augmentés chez les personnes présentant un trouble du développement du langage comparativement à un groupe contrôle.
Selon ces études, les enfants avec TSLO présentent plus de maladresse et de lenteur dans les réponses motrices (Leonard, 1998renvoi vers) et des habiletés motrices, mesurées à l’aide la MABC, significativement plus faibles que celles d’un groupe d’enfants contrôles, appariés en âge (Hill, 1998renvoi vers). Trauner et coll. (2000)renvoi vers trouvent que 70 % des enfants avec TSLO présentent des troubles moteurs de type syncinésies, déficits moteurs, hyperréflexie. Albaret et De Castelnau (2009)renvoi vers, rapportant les résultats de différentes études (Cermak et coll., 1986renvoi vers ; Robinson, 1991renvoi vers ; Hill, 1998renvoi vers ; Hill et Bishop, 1998renvoi vers ; Rintala et coll., 1998renvoi vers ; Fernell et coll., 2002renvoi vers ; Asikainen, 2005renvoi vers ; Webster et coll., 2006renvoi vers, Visscher et coll., 2007renvoi vers ; Cheng et coll., 2009renvoi vers), montrent que 30 à 90 % des enfants présentant un trouble de l’articulation, de la parole et du langage ont des performances inférieures au 15e percentile à la MABC, soit plus d’un enfant sur 2. Cette association est montrée précocement par Gooch (2014)renvoi vers dans une étude portant sur 29 enfants avec troubles du langage entre 3,5 ans et 4,5 ans. Elle est aussi montrée sur une tranche d’âge plus large allant de 2 à 21 ans par Rechetnikov et Maitra (2009)renvoi vers. Ces auteurs proposent une méta-analyse de la littérature qui porte sur les études publiées entre 1960 et 2006 sur des personnes âgées de 2 à 21 ans, répondant au diagnostic de trouble du langage, avec groupes contrôles, dont les performances motrices ont été évaluées à l’aide des tests moteurs standardisés ou non. Trois scores ont été calculés : un score d’erreur correspondant au nombre d’erreurs effectuées au cours du test, un score moteur correspondant au score obtenu au test et un score de temps correspondant au temps mis pour réaliser le test. Les résultats montrent que les enfants avec TSLO ont des troubles moteurs, relevés aux trois types de scores (score d’erreur, score moteur et score de temps) significativement plus importants que les enfants au développement typique. Bishop (2002)renvoi vers rapporte une étude montrant que les jumeaux avec trouble du langage ont des performances plus faibles dans des épreuves motrices comme le déplacement de chevilles sur une tablette que les jumeaux sans trouble du langage. Après analyse génétique, l’auteur conclut que les facteurs de risque génétique pour développer un trouble du langage pourraient être responsables du trouble de la motricité.
Webster et coll. (2005)renvoi vers évaluent, à l’âge scolaire, les performances motrices de 43 enfants ayant été diagnostiqués avec un trouble du langage avant d’entrer à l’école. Plus de la moitié de ces enfants présentaient un trouble moteur. 12 % seulement étaient suivis en ergothérapie tandis que 69 % étaient suivis en orthophonie. Seulement 24 % des parents pensaient que leur enfant avait des difficultés motrices. Il semble donc que les troubles moteurs sont sous-estimés lorsqu’ils sont associés avec un trouble du langage.
Quant à l’association entre un trouble développemental du langage et un TDC diagnostiqué, Flapper et coll. (2013)renvoi vers trouvent que 32,3 % des 65 enfants présentant un TSLO avaient aussi un TDC. Par ailleurs, les enfants TSLO avec TDC avaient des scores plus faibles au questionnaire de qualité de vie rempli par les parents et les enseignants et un quotient intellectuel plus faible que les enfants TSLO sans TDC.

Modèles d’explication de l’association trouble
de la motricité et trouble du langage

Une dépendance du développement du langage
vis-à-vis du développement du système moteur ?

Selon une première hypothèse, le développement du langage dépend du développement du système moteur et donc un trouble du développement moteur a un impact sur le développement du langage.
Classiquement, les circuits neuraux supportant le langage et les actions sont représentés comme indépendants fonctionnellement. Cette conception a été remise en question avec les théories du langage comme celles de Gallese et Llakoff (2005)renvoi vers et de Meteyard et coll. (2012)renvoi vers. Selon ces théories, le langage sémantique serait fondé sur les systèmes sensori-moteurs. La compréhension du langage et des actions nécessiterait donc une représentation interne des schémas moteurs associés au mot ou à la phrase. Et l’activation du système moteur serait nécessaire pour comprendre le sens du lexique d’action. Le déficit de représentation du mouvement, c’est-à-dire d’élaboration d’un modèle interne de l’action motrice (Adams et coll., 2014renvoi vers) pourrait ainsi être responsable d’un trouble de la compréhension du langage de l’action.
Ainsi Mirabella et coll. (2017)renvoi vers ont tenté de comprendre le rôle du système moteur dans le langage de l’action en comparant les performances d’enfants au développement typique (DT) avec celles d’enfants présentant un TDC dans des tâches de go-no go où l’enfant est sollicité pour faire le mouvement avec son bras ou sa jambe lorsque le verbe exprime une action concrète et ne pas faire le mouvement lorsque le verbe exprime une action abstraite. Les résultats montrent des temps de réaction différents entre les enfants DT et les enfants présentant un TDC. Le résultat est en faveur d’une anomalie du fonctionnement du système moteur chez les enfants présentant un TDC qui affecte le langage.
Au niveau structural, Pulvermüller et coll. (2005)renvoi vers montrent que les régions corticales hémisphériques gauches dédiées au langage et à la motricité sont connectées. Ainsi l’activation des régions motrices influence le développement des mots sémantiquement liés aux actions.

Le trouble du développement du langage n’intéresse pas
que le langage ?

Selon une deuxième hypothèse, le trouble du développement du langage est en soi un trouble développemental qui n’affecte pas uniquement le langage mais aussi la motricité.
Hill (2001)renvoi vers propose une revue de la littérature portant sur l’étude de la prévalence de la comorbidité entre la présence d’un trouble du langage et des troubles de la motricité. L’auteur retrouve 28 études portant sur ce sujet. Les troubles de la motricité sont variés. Ils portent sur la motricité fine et/ou la motricité globale. Pour l’auteur, le TSLO ne se limite pas au langage, c’est un tableau clinique qui comporte un large éventail de troubles associant des troubles de l’attention, de la perception et de la motricité. Plusieurs auteurs (Diamond, 2000renvoi vers ; Flöel et coll., 2003renvoi vers ; Pulvermüller et coll., 2005renvoi vers ; Wassenberg et coll., 2005renvoi vers) avancent l’hypothèse que le langage et la motricité sont liés car le langage fait partie des fonctions cognitives dites de haut niveau. Pour eux, lorsque le langage est touché, les fonctions motrices le sont également souvent. Pour appuyer cette hypothèse, Diamond (2000)renvoi vers rappelle que les troubles moteurs sont également présents dans d’autres pathologies développementales telles que la dyslexie, le trouble du spectre autistique et le trouble de l’attention.
Finlay et McPhilips (2013)renvoi vers ont comparé les performances motrices, à l’aide de la MABC-2, de trois groupes d’enfants, appariés en âge : un groupe répondant aux critères du TSLO, un groupe ayant des troubles du langage mais ne relevant pas du diagnostic de TSLO et un groupe ayant un développement typique du langage. Les auteurs montrent que le groupe TSLO a des scores plus faibles et en concluent que le TSLO est un trouble développemental plus complexe qu’une seule altération du langage, qui intéresse plusieurs dimensions du développement dont la motricité et que les enfants TSLO nécessitent une large investigation ne portant pas uniquement sur le langage.

Un déficit cognitif commun sous-jacent ?

Enfin, plusieurs auteurs avancent l’explication d’un déficit cognitif commun sous-jacent pour expliquer la fréquence de l’association entre troubles du langage et de la motricité.
Webster et coll. (2006)renvoi vers envisagent un facteur étiologique commun à ces deux troubles, qui épargnerait certains aspects non verbaux de la cognition. Ils évaluent 11 enfants TSLO (10 ans) et 12 contrôles (9 ans 6 mois) avec la Clinical Evaluation of Language Fundamentals-4 (CELF-4), le Peabody Picture Vocabulary Test 3rd Edition pour le langage, la MABC pour la motricité, et la Wechsler Intelligence Scale for Children 4e édition (WISC-IV) pour les capacités intellectuelles. Les résultats indiquent des différences significatives entre les deux groupes pour la CELF-4, la MABC et l’indice « raisonnement perceptif » (cubes, identification de concepts, matrices) de la WISC-IV. Cependant, les résultats obtenus à cet indice de la WISC-IV et à ses sous-tests ne diffèrent pas significativement des normes publiées. De plus, la différence entre les résultats à cet indice et ceux à la CELF-4 est significative chez les sujets TSLO alors qu’elle ne l’est pas chez les sujets contrôles. Ces différents éléments vont, pour les auteurs, dans le sens de facteurs biologiques communs responsables des troubles des fonctions verbales et motrices épargnant certains aspects non verbaux. Il reste néanmoins hasardeux de proposer des mécanismes d’action sur la base de 23 sujets divisés en 2 groupes.
Deux hypothèses co-existent à propos d’un déficit cognitif commun.

Hypothèse du déficit procédural

Ulmann et Pierpont (2005)renvoi vers proposent une étiologie commune à la co-occurrence des troubles du langage et de la motricité appelée Procedural Deficit Hypothesis selon laquelle l’enfant ne pourrait apprendre et appliquer un ensemble de règles dans ces domaines. Cette incapacité serait la conséquence d’un développement anormal des structures cérébrales composant le système de mémoire procédurale (Albaret et De Castelnau, 2009renvoi vers) qui intervient dans l’apprentissage de nouvelles habiletés ou de « savoir-faire » et le contrôle d’« habitudes » motrices et cognitives établies depuis longtemps et possédant un certain degré d’automatisation (marche, pratique d’un instrument de musique ou d’une activité sportive par exemple). Concernant le langage, la mémoire procédurale serait impliquée dans les différents aspects de la grammaire, dans les procédures gouvernant les régularités du lexique et dans les règles combinatoires de la phonologie.
Le système procédural peut être compensé par le système déclaratif (Ullman et Pierpont, 2005renvoi vers) caractérisé par un apprentissage explicite tandis que le système procédural est caractérisé par le recours à l’apprentissage implicite, une phase d’acquisition lente, un traitement séquentiel et une exécution automatique rapide. Les systèmes procédural et déclaratif interviennent de façon compétitive dans le traitement de l’information (Thomas, 2005renvoi vers ; Ardila, 2015renvoi vers). Un déséquilibre entre les deux systèmes pourrait entraîner une surcompensation de l’un au détriment de l’autre et générer des effets indésirables. Cette hypothèse qui sous-tendrait le lien entre le langage et la motricité est reprise par d’autres auteurs (Bussy et coll., 2011renvoi vers ; DiDonato Brumbach et Goffman, 2014renvoi vers). Mayor-Dubois et coll. (2014)renvoi vers et Magallon et coll. (2015)renvoi vers l’étendent également à d’autres troubles cognitifs développementaux tels que le trouble de la lecture ou le trouble de l’attention.
Sur le plan neuro-anatomique, le système procédural est constitué d’un réseau de structures cérébrales comprenant les ganglions de la base, le cortex frontal avec notamment l’aire de Broca et les régions prémotrices, le cortex pariétal, le cortex temporal supérieur et le cervelet. Deux boucles principales peuvent être identifiées : la boucle cortico-striatale qui intervient dans l’acquisition de séquences motrices et la boucle cortico-cérébelleuse impliquée lors de l’adaptation d’un savoir-faire à des conditions inédites.
Ces deux boucles, décomposées chacune en deux sous-circuits responsables du langage pour l’un et de la motricité pour l’autre, occupent une place centrale dans le modèle intégratif des troubles du développement proposé par Nicolson et Fawcett (2007)renvoi vers. En effet, dans ce modèle, les troubles spécifiques reposeraient sur une atteinte du système d’apprentissage procédural alors que les troubles généralisés des apprentissages, à savoir les déficiences intellectuelles, dépendraient d’une atteinte du système d’apprentissage déclaratif. Ces auteurs relient les anomalies de la boucle cortico-striatale au TSLO et au TDC et celles de la boucle cortico-cérébelleuse aux dyslexies et au TDA/H de type inattention prédominante. Les auteurs indiquent toutefois que les délimitations des catégories diagnostiques utilisées dans le modèle peuvent être amenées à évoluer parce que reposant sur des aspects comportementaux alors que le modèle s’appuie sur des distinctions neuro-anatomiques. Néanmoins, aucun modèle n’a encore fait la preuve définitive de sa pertinence et la poursuite des travaux de recherche est essentielle pour mieux comprendre ce qui sous-tend l’association des différents troubles.

Hypothèse du déficit de la mémoire de travail

Quelques travaux vont dans le sens d’un déficit de la mémoire de travail auditive commun aux sujets présentant un TDC et un TSLO qui pourrait expliquer leur fréquente association.
La mémoire à court-terme (verbale et visuo-spatiale) et la mémoire de travail (verbale et visuo-spatiale) ont été évaluées chez des enfants porteurs d’un TDC et chez des enfants présentant des difficultés d’apprentissage (Alloway et Temple, 2007renvoi vers), chez des enfants TSLO et TDC (Alloway et Archibald, 2008renvoi vers) et chez des enfants TSLO, TDC, avec trouble de l’attention et hyperactivité et avec syndrome d’Asperger (Alloway et coll., 2009renvoi vers). Les enfants présentant un TDC apparaissent touchés sur les 4 mesures de mémoire tandis que les enfants TSLO ne sont touchés que sur la mémoire auditive à court-terme et de travail. Leurs capacités en langage écrit et numération ont été également évaluées et les liens entre la mémoire et les apprentissages sont explicités.
Summer et coll. (2016)renvoi vers ont étudié le profil cognitif de 52 enfants présentant un TDC à l’aide de la WISC-IV. Les résultats étaient significativement plus faibles pour l’indice de mémoire de travail, composé de 2 épreuves de mémoire auditivo-verbale à court terme et de mémoire de travail auditivo-verbale. Ces auteurs montrent qu’un des déficits retrouvés chez les personnes présentant un TDC concerne l’indice de mémoire de travail auditivo-verbale qui est également un déficit marqueur des TSLO. Ces résultats sont néanmoins à nuancer au regard des limites des études portant sur la mémoire de travail qui seront détaillés dans le chapitre « La cognition dans le trouble développemental de la coordination (TDC) ».

Description des troubles du langage chez les enfants diagnostiqués TDC en comparaison avec les enfants diagnostiqués TSLO

Il est maintenant largement reconnu qu’il existe une grande hétérogénéité du profil cognitif des enfants présentant un TDC (Kaplan et coll., 1998renvoi vers ; Visser, 2003renvoi vers ; Piek et coll., 2004renvoi vers ; Wilson, 2005renvoi vers). Sur le plan de la parole et du langage, Cermak et coll. (1986)renvoi vers ont montré que le TDC pouvait être associé à des problèmes articulatoires, et Fletcher-Flinn et coll. (1997)renvoi vers, à un trouble du développement du langage. Cependant, le profil linguistique des enfants présentant un TDC reste encore mal connu. Archibald et Alloway (2008)renvoi vers proposent une étude comparative du langage entre 2 groupes d’enfants présentant un TDC et un trouble spécifique du langage oral (TSLO) et un groupe d’enfants contrôles, au développement typique du langage, les trois groupes d’enfants étant appariés en âge. Les trois groupes d’enfants sont évalués à l’aide d’une batterie de tests de langage assez large, portant sur l’articulation, la répétition de non-mots et de phrases, le lexique, la sémantique, la syntaxe et l’organisation narrative, évaluée à l’aide d’une épreuve de rappel d’une histoire. Les enfants présentant un TSLO avaient au moins un score égal ou inférieur à 1,25 DS à au moins deux des trois tests suivants : British Picture Vocabulary Scale, 2nd edition (BPVS-II), (Dunn et coll., 1997renvoi vers) ; Test for Reception of Grammar (TROG), (Bishop, 1982renvoi vers) ; Recalling sentences subtests of Clinical Evaluation of Language Fundamentals-UK3, (Semel et coll., 1995renvoi vers). Les enfants présentant un TDC obtenaient un score au moins égal à 85 au BPVS-II, (Dunn et coll., 1997renvoi vers) et au TROG, (Bishop, 1982renvoi vers). Les résultats montraient que les enfants présentant un TDC avaient un trouble de l’expression du langage, caractérisé par un trouble de la répétition des non-mots, de la répétition de phrases et du rappel de l’histoire. Ces troubles étaient similaires à ceux des TSLO. Le groupe des TDC avait de meilleurs résultats que les TSLO en expression syntaxique et pourtant 36 % des TDC avaient des troubles dans ce domaine. Concernant l’articulation, les deux groupes TDC et TSLO avaient des performances moindres que les contrôles mais les TSLO articulaient avec plus de lenteur que les TDC. Les enfants présentant un TDC ont donc bien un risque de co-occurence de troubles du langage en partie similaires à ceux des TSLO.

Vers une prise en charge plus globale des enfants présentant un TDC, un TSLO ou des troubles neuro-développementaux

Les résultats de ces différentes études sont en faveur d’une interconnexion entre le langage et la motricité et de la présence des troubles de la motricité dans de nombreuses pathologies neuro-développementales, ce qui n’est pas sans implications cliniques à la fois diagnostiques et thérapeutiques. Rechetnikov et Maitra (2009)renvoi vers indiquent par exemple que les thérapeutes de la motricité tels que les psychomotriciens et les ergothérapeutes devraient être plus largement impliqués dans la prise en charge, diagnostique et thérapeutique, des sujets présentant des troubles du langage. Notamment, l’évaluation des performances motrices chez un enfant présentant un trouble du langage apparaît nécessaire, de même que l’évaluation du langage chez un enfant présentant des troubles moteurs. En effet, si ces enfants ne sont pas reconnus précocement dans leurs difficultés motrices, cela pourra avoir un impact, à plus ou moins long terme, dans leur vie personnelle, sociale et scolaire et plus tard professionnelle (Albaret et De Castelnau, 2009renvoi vers). Ainsi Gaines et Missiuna (2007)renvoi vers ont mené une étude sur le développement moteur de 40 enfants détectés dès les premières années, avant l’entrée en maternelle, comme ayant un retard de parole et du langage. Réévalués à la maternelle, entre 5 et 6 ans, 18 de ces enfants présentaient des troubles moteurs significatifs. 2/3 d’entre eux répondaient aux critères du TDC. Douze avaient des troubles persistants du langage et 9 d’entre eux présentaient des troubles de la coordination motrice associés. Les résultats de ces études plaident pour une prise en charge plus globale impliquant les thérapeutes de la motricité et du langage et invitent à développer des recherches dans le domaine de l’approche thérapeutique intégrative (Rechetnikov et Maitra, 2009renvoi vers).

Références

[1] Adams IL, Lust JM, Wilson PH, et al . Compromised motor control in children with DCD: a deficit in the internal model? A systematic review. Neurosci Biobehav Rev. 2014; 47:225-44Retour vers
[2] Albaret JM, De Castelnau P. Place des troubles de la motricité dans les troubles spécifiques du langage oral. Développements. 2009; 1:5-13Retour vers
[3] Alloway TP, Archibald L. Working memory and learning in children with developmental coordination disorder and specific language impairment. J Learn Disabil. 2008; 41:251-62Retour vers
[4] Alloway TP, Rajendran G, Archibald LMD. Working memory in children with developmental disorders. J Learn Disabil. 2009; 42:372-82Retour vers
[5] Alloway TP, Temple KJ. A comparison of working memory skills and learning in children with developmental coordination disorder and moderate learning difficulties. Appl Cogn Psychol. 2007; 21:473-87Retour vers
[6] Archibald LM, Alloway TP. Comparing language profiles: children with specific language impairment and developmental coordination disorder. Int J Lang Commun Disord. 2008; 43:165-80Retour vers
[7] Ardila A. A proposed neurological interpretation of language evolution. Behav Neurol 2015. 2015; 872487. Retour vers
[8] Asikainen M. Diagnosing specific language impairment. Acta Universitatis Temperensis 1113. Tampere:Tampereen Yliopistopaino Oy–Juvenes Print; 2005; Retour vers
[9] Bishop DV. Motor immaturity and specific speech and language impairment: evidence for a common genetic basis. Am J Med Genet. 2002; 114:56-63Retour vers
[10] Bishop DV. TROG: test for reception of grammar. Manchester:Department of Psychology, University of Manchester; 1982; Retour vers
[11] Broca P. Sur le siège de la faculté du langage articulé. Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris. 1865; 6:377-93Retour vers
[12] Bussy G, Marignier S, Lesca G, et al . Dyspraxie et dysphasie : l’hypothèse commune du trouble de l’apprentissage procédural, la dyspraxie. ANAE. 2011; 23:31-5Retour vers
[13] Cermak SA, Ward EA, Ward LM. The relationship between articulation disorders and motor coordination.in children. Am J Occup Ther. 1986; 40:546-50Retour vers
[14] Cheng HC, Chen HY, Tsai CL, et al . Comorbidity of motor and language impairments in preschool children of Taiwan. Res Dev Disabil. 2009; 30:1054-61Retour vers
[15] Dewaele J, Bartolo A, Macchi L, et al . Relation entre dyspraxie gestuelle et dyslexie chez des enfants avec troubles des apprentissages. Psychol Fr. 2015; 60:285-300Retour vers
[16] Diamond A. Close interrelation of motor development and cognitive development and of the cerebellum and prefrontal cortex. Child Dev. 2000; 71:44-56Retour vers
[17] DiDonato Brumbach AC, Goffman L. Interaction of language processing and motor skill in children with specific language impairment. J Speech Lang Hear Res. 2014; 57:158-71Retour vers
[18] Dunn LM, Dunn LM. Peabody picture vocabulary test. (3rd ed). Circle Pines, MN:American Guidance Service; 1997; Retour vers
[19] Fernell E, Norrelgen F, Bozkurt I, et al . Developmental profiles and auditory perception in 25 children attending special preschools for language-impaired children. Acta Pædiatr. 2002; 91:1108-15Retour vers
[20] Finlay JC, McPhillips M. Comorbid motor deficits in a clinical sample of children with specific language impairment. Res Dev Disabil. 2013; 34:2533-42Retour vers
[21] Flapper BC, Schoemaker MM. Developmental coordination disorder in children with specific language impairment: co-morbidity and impact on quality of life. Res Dev Disabil. 2013; 34:756-63Retour vers
[22] Fletcher-Flinn C, Elmes H, Strugnell D. Visual-perceptual and phonological factors in the acquisition of literacy among children with congenital developmental coordination disorder. Dev Med Child Neurol. 1997; 39:158-66Retour vers
[23] Flöel A, Ellger T, Breitenstein C, et al . Language perception activates the hand motor cortex: implications for motor theories of speech perception. Eur J Neurosci. 2003; 18:704-8Retour vers
[24] Gaines R, Missiuna C. Early identification: are speech/language-impaired toddlers at increased risk for developmental coordination disorder?. Child Care Health Dev. 2007; 33:325-32Retour vers
[25] Gallese V, Lakoff G. The brain’s concepts: the role of the sensory-motor system in conceptual knowledge. Cogn Neuropsychol. 2005; 22:455-79Retour vers
[26] Gooch D. Comorbidities in preschool children at family risk of dyslexia. J Child Psychol Psychiatry. 2014; 55:237-46Retour vers
[27] Habib M. La constellation des dys: bases neurologiques de l’apprentissage et de ses troubles. (1re ed.). Paris:De Boeck-Solal; 2014; Retour vers
[28] Hill EL. A dyspraxic deficit in specific language impairment and developmental coordination disorder? Evidence from hand and arm movements. Dev Med Child Neurol. 1998; 40:388-95Retour vers
[29] Hill EL. Non-specific nature of specific language impairment: a review of the literature with regard to concomitant motor impairments. Int J Lang Commun Disord. 2001; 36:149-71Retour vers
[30] Hill EL, Bishop DVM. A reaching test reveals weak hand preference in specific language impairment and developmental coordination disorder. Laterality. 1998; 3:295-310Retour vers
[31] Kaplan BJ, Wilson BN, Dewey D, et al . DCD may not be a discrete disorder. Hum Mov Sci. 1998; 17:471-90Retour vers
[32] Leonard LB. Children with specific language impairment. Cambridge, MA:MIT Press; 1998; Retour vers
[33] Liepmann H. Apraxie. Ergebnisse der Gesamten Medizin. 1920; 1:516-40Retour vers
[34] Magallon S, Crespo-Eguilaz N, Narbona J. Procedural learning in children with developmental coordination, reading, and attention disorders. J Child Neurol. 2015; 30:1496-506Retour vers
[35] Mayor-Dubois C, Zesiger P, Van Der Linden M, et al . Nondeclarative learning in children with specific language impairment: predicting regularities in the visuomotor, phonological, and cognitive domains. Child Neuropsychol. 2014; 20:14-22Retour vers
[36] Meteyard L, Cuadrado SR, Bahrami B, et al . Coming of age : a review of embodiment and the neuroscience of semantics. Cortex. 2012; 48:788-804Retour vers
[37] Mirabella G, Del Signore S, Lakens D, et al . Developmental coordination disorder affects the processing of action-related verbs. Front Hum Neurosci. 2017; 10: 661p. Retour vers
[38] Nicolson RI, Fawcett AJ. Procedural learning difficulties : reuniting the developmental disorders?. Trends Neurosci. 2007; 30:135-41Retour vers
[39] Piek JP, Dyck MJ, Nieman A, et al . The relationship between motor coordination, executive functioning and attention in school aged children. Arch Clin Neuropsychol. 2004; 19:1063-76Retour vers
[40] Pretchl HFR, Stemmer CJ. The choreiform syndrome in children. Dev Med Child Neurol. 1962; 4:119-27Retour vers
[41] Pulvermüller F, Shtyrov Y, Ilmoniemi R. Brain signatures of meaning access in action word recognition. J Cogn Neurosci. 2005; 17:884-92Retour vers
[42] Rechetnikov RP, Maitra K. Motor impairments in children associated with impairments of speech or language: a meta-analytic review of research literature. Am J Occup Ther. 2009; 63:255-63Retour vers
[43] Rintala P, Pienimäki K, Ahonen T, et al . The effects of a psychomotor training programme on motor skill development in children with developmental language disorders. Hum Mov Sci. 1998; 17:721-37Retour vers
[44] Robinson RJ. Causes and associations of severe and persistent specific speech and language disorders in children. Dev Med Child Neurol. 1991; 33:943-62Retour vers
[45] Rothi LJG, Ochipa C, Heilman KM. A cognitive neuropsychological model of limb praxis and apraxia. In: Rothi LJG, Heilman KM, editors. Apraxia : the neuropsychology of action. Hove, UK:Psychology Press; 1997. p. 29-49Retour vers
[46] Semel E, Wiig EH, Secord WA. Clinical evaluation of language fundamentals CELF-3 UK. (3rd ed). San Antonio, TX:The Psychological Corporation; 1995; Retour vers
[47] Semel E, Wiig EH, Secord WA. Clinical evaluation of language fundamentals CELF-4 UK. (4th ed). London, UK:The Psychological Corporation; 2006; Retour vers
[48] Summer E, Pratt ML, Hill EL. Examining the cognitive profile of children with developmental coordination disorder. Res Dev Disabil. 2016; 56:10-7Retour vers
[49] Thomas MSC. Characterising compensation. Cortex. 2005; 41:434-42Retour vers
[50] Touwen BC. Minimal brain dysfunction, a panorama; a recommendation of the Public health council. Ned Tijdschr Geneeskd. 1985; 129:982-3Retour vers
[51] Touwen BC, Kalverboer AF. Neurologic and behavioral assessment of children with minimal brain dysfunction. Semin Psychiatry. 1973; 5:79-94Retour vers
[52] Touwen BC, Prechtl HF. The neurological examination of the child with minor neurological dysfunction. London, UK:William Heinemann Medical Books; 1970; Retour vers
[53] Trauner D, Wulfeck B, Tallal P, et al . Neurological and MRI profiles of children with developmental language impairment. Dev Med Child Neurol. 2000; 42:470-5Retour vers
[54] Ullman MT, Pierpont EI. Specific language impairment is not specific to language: the procedural deficit hypothesis. Cortex. 2005; 41:399-433Retour vers
[55] Visscher C, Houwen S, Scherder EJ, et al . Motor profile of children with developmental speech and language disorders. Pediatrics. 2007; 120:e158-63Retour vers
[56] Visser J. Developmental coordination disorder: a review of research on subtypes and comorbidities. Hum Mov Sci. 2003; 22:479-93Retour vers
[57] Wassenberg R, Feron FJ, Kessels AG, et al . Relation between cognitive and motor performance in 5- to 6-year-old children : results from a large-scale cross-sectional study. Child Dev. 2005; 76:1092-103Retour vers
[58] Webster RI, Erdos C, Evans K, et al . The clinical spectrum of developmental language impairment in school-aged children: language, cognitive, and motor findings. Pediatrics. 2006; 118:e1541-9Retour vers
[59] Webster RI, Majnemer A, Platt RW, et al . Motor function at school age in children with a preschool diagnosis of developmental language impairment. J Pediatr. 2005; 146:80-5Retour vers
[60] Wilson PH. Practitioner review: approaches to assessment and treatment of children with DCD, an evaluative review. J Child Psychol Psychiatry. 2005; 46:806-23Retour vers

→ Aller vers SYNTHESE
Copyright © 2019 Inserm