II. Impacts sur les activités, la participation et la qualité de vie

2019


ANALYSE

6-

Liens entre TDC
et activités physiques

Les travaux qui portent spécifiquement sur les liens entre le trouble développemental de la coordination (TDC) et les activités physiques partagent un même constat : les enfants qui sont porteurs de ce trouble vivent mal la pratique de ces activités, activités dans lesquelles ils s’engagent moins que les autres enfants (Bouffard et coll., 1996renvoi vers ; Cermak et coll., 2015renvoi vers) où ils apparaissent moins performants et sont souvent désignés comme maladroits ou fainéants (Missiuna et coll., 2004renvoi vers), ce qui aurait des conséquences à la fois psychologiques et relationnelles (Cairney et coll., 2007brenvoi vers). Ce constat est repris d’un article à l’autre et se centre sur les difficultés que rencontrent les enfants qui présentent ce trouble dans leur pratique des activités physiques. Le constat se fait en général en deux temps : d’abord en introduction de l’article pour justifier l’intérêt porté par les chercheurs à l’activité physique et ensuite en fin d’article pour constater les limites des connaissances produites. Ainsi, les travaux exposent les difficultés des enfants présentant un trouble et leur limitation dans l’accès aux activités physiques.
Ce constat nous a conduits à développer les points suivants. En premier lieu, nous avons analysé le point de départ des articles ainsi que le questionnement et les hypothèses qui guident les recherches et avons fait émerger les jugements de valeur qu’ils contiennent. Ensuite, nous avons examiné les manières d’aborder la question de la vulnérabilité en lien avec la sédentarité en repérant notamment l’intérêt de ces travaux pour décrire, expliquer, interpréter mais aussi prévoir l’engagement des enfants présentant un TDC dans la pratique des activités physiques. Nous avons également signalé l’intérêt parfois mentionné dans ces articles pour la prévention et l’incitation à la pratique physique mais selon des incitations qui ne se déduisent pas directement des résultats scientifiques proposés. En cela, les travaux étudiés présentent un intérêt scientifique indéniable (pour un champ de connaissance donné) mais un intérêt pratique beaucoup plus limité. Il a également été nécessaire d’explorer la perception de l’activité physique telle qu’elle est utilisée dans les recherches analysées. Le constat fait apparaître une grande diversité de ce dont il est question, depuis le simple mouvement enregistré par un accéléromètre, jusqu’à la pratique d’activités sportives, que nous qualifions d’activités socialement significatives en ce qu’elles ont du sens pour l’individu dans son environnement social. Ces éléments ont finalement permis de mettre en exergue la nécessité de prendre en compte un certain nombre d’éléments relatifs aux types d’activités physiques dans les recherches. L’ensemble de cette analyse a été guidée par une question transversale : en quoi ces travaux permettent-ils de mieux comprendre les liens entre le TDC et les activités physiques, pour mieux agir en direction des enfants qui en sont porteurs ?

Le point de départ : « Children with DCD are less... »

Les travaux sur les activités physiques chez les enfants présentant un TDC sont en majorité menés par l’équipe de Cairney et de ses collaborateurs/trices, puisqu’ils représentent finalement 17 des 41 papiers étudiés. Les articles qui intègrent le lien entre activités physiques et TDC partent tous d’un constat de manque, d’insuffisance, de carence ou de faiblesse quant à la participation à ces activités ou quant à la réalisation de tâches motrices dans lesquelles ils apparaissent moins performants que les autres enfants. Les enfants porteurs d’un TDC seraient ainsi moins physiquement actifs que les autres (Smyth et Anderson, 2000renvoi vers ; Poulsen et Ziviani, 2004renvoi vers ; Cairney et coll., 2010brenvoi vers). Ils auraient tendance à éviter les activités physiques en raison d’une faible estime de soi et d’une auto-évaluation négative quant aux compétences qu’ils s’attribuent dans ces activités (Jarus et coll., 2011renvoi vers). Ils risqueraient en conséquence d’être plus exposés à l’obésité (Hands et Larkin, 2006renvoi vers), notamment les garçons (Cairney et coll., 2005arenvoi vers). Tous ces points sont résumés dans le rapport synthétique de l’Académie européenne du handicap (Blank et coll., 2012renvoi vers) qui note que l’impact des problèmes de coordination motrice sur l’engagement dans les activités physiques tout au long de la vie est influencée par une multitude de facteurs (sociaux, culturels, environnementaux) et pas seulement par des caractéristiques individuelles. Une évidence se dessine toutefois : les enfants présentant un TDC sont moins actifs physiquement, notamment en ce qui concerne leur participation aux sports d’équipe (Poulsen et coll., 2007renvoi vers ; Summers et coll., 2008renvoi vers).
Ce qui est particulièrement éclairant, ce sont les rapides synthèses de début d’articles qui, toutes, mentionnent un plus faible taux d’activité chez les enfants présentant un TDC mais qui surtout proposent plusieurs interprétations pour expliquer ce moindre engagement dans l’activité physique (le sentiment d’incompétence, le manque de confiance en leur capacité, la honte, le rejet des autres enfants, le jugement négatif des enseignants, des activités non adaptées, notamment celles qui sont finalisées par la compétition : l’impact de l’environnement d’une part, et par ailleurs de l’auto-perception des enfants concernés, etc.). À la lecture des articles, nous sommes en droit de nous demander pourquoi tout ceci est présenté, alors que les études portent principalement sur autre chose, alors même que la compréhension de ce qui fonde ce déficit d’activité paraît particulièrement pertinente et nécessaire. Par exemple, dans un des nombreux articles qu’il consacre au TDC, Cairney (Cairney et coll., 2010brenvoi vers) affirme que les enfants présentant un TDC rencontrent de nombreuses difficultés dans les tâches motrices ce qui a des conséquences sur leurs performances scolaires, notamment en matière de calligraphie. Ce faisant, il énonce, ce que de nombreux articles reprennent. Mais l’étude qu’il présente dans cet article porte sur le poids relatif et le tour de taille de ces enfants. Le lien entre le déficit ou les difficultés rencontrés et l’étude n’est pas établi. Tout au plus, cela permet de formuler de nouvelles hypothèses. Par ailleurs, le déficit d’activité est rapporté à une exigence quantitative d’exercice dont les bienfaits en matière de santé sont soulignés (Cairney et coll., 2007arenvoi vers ; 2007brenvoi vers). Mais nous trouvons peu d’informations sur le sens de l’exercice, le désir de pratique ou l’intérêt pour une activité, les études valorisant des données quantifiables au détriment de données qualitatives ou écologiques qui pourraient pourtant fournir des éléments de compréhension au « déficit d’exercice ».

Une plus grande vulnérabilité aux effets de la sédentarité ?

Les travaux analysés portent principalement sur la description et l’identification des liens entre les activités physiques et un certain nombre de caractéristiques qui seraient particulièrement altérées chez les enfants présentant un TDC. Ainsi, le lien entre et la sédentarité et le surpoids ou l’obésité ou les risques cardio-vasculaires (Cairney et coll., 2007arenvoi vers ; Fong et coll., 2011renvoi vers ; Cairney et coll., 2012renvoi vers ; Cermak et coll., 2015renvoi vers ; Joshi et coll., 2015renvoi vers) est discuté ou encore entre le degré d’activité et la consommation d’oxygène (Chia et coll., 2010renvoi vers ; Cairney et coll., 2010arenvoi vers ; Faught et coll., 2013renvoi vers ; Chia et coll., 2013renvoi vers ; 2014renvoi vers).
Ces travaux interrogent par exemple le lien entre la maturité osseuse et l’intensité de l’activité physique ou encore le lien entre le TDC et différentes aptitudes physiques ou motrices (composition corporelle, souplesse, détente verticale, force de préhension, capacité aérobie, vitesse sur 40 m, testées par Tsiotra (2009)renvoi vers. En arrière-plan de ce travail de Tsiotra, le questionnement porte sur le lien entre TDC et surpoids en Grèce. Si l’étude traduit une préoccupation européenne consistant à générer de l’activité physique dans une perspective sanitaire, l’apport de ce type de travail renseigne peu sur ce qui détermine ou invite les enfants présentant un TDC à se livrer ou non à l’activité physique. Les travaux produits en ce sens visent à réduire les risques secondaires en matière de santé les enfants présentant un TDC paraissant plus vulnérables en raison d’un plus grand degré d’inactivité. Mais de quelle santé parle-t-on ? On peut clairement douter qu’il s’agisse du complet bien-être telle qu’elle est définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Plusieurs de ces travaux suggèrent que ces enfants seraient plus exposés aux risques liés à la sédentarité que les autres enfants notamment en matière d’obésité (Cairney et coll., 2010arenvoi vers). Cairney notamment (2005arenvoi vers ; 2007brenvoi vers) postule que la sédentarité des enfants présentant un TDC réside dans leur absence de motivation pour les jeux moteurs. Lorsque les enfants présentant un TDC sont constitués en cohorte, comme c’est le cas dans les travaux de Cairney et ses collaborateurs qui suivent les élèves de cinq écoles primaires de la région du Niagara dans l’Ontario (929 enfants dont 44 identifiés comme présentant un TDC, 25 filles, 19 garçons), les observations sont multipliées sans que toutefois les liens entre activités physique et risques pour la santé, par exemple, soient clairement établis. Cette cohorte en elle-même ne manque pas d’interroger quand on sait que les enfants sur lesquels portent les expérimentations sont des enfants « présentant potentiellement un TDC » car leur identification est faite par les chercheurs et chercheuses eux-mêmes et non par un clinicien habilité (Cairney et coll., 2007crenvoi vers ; Baerg et coll., 2011renvoi vers).

Interprétations et risques de stigmatisation

Outre les limites méthodologiques sur la constitution des échantillons soulignées en synthèse, nous voyons là un risque épistémologique qui conduit à stigmatiser les populations étudiées par l’usage des termes employés ou les glissements sémantiques qui pourraient être mal interprétés. Ainsi, les enfants présentant un TDC sont-ils identifiés en référence au registre du manque, de la carence ou de l’insuffisance de performances, ce qui pourrait conduire des lecteurs non avertis à stigmatiser cette population. C’est le cas par exemple lorsqu’il est question « d’incompétence motrice » (motor incompetence) ou d’enfants avec un « niveau d’activité physique diminué ». En outre, la déclinaison des travaux sur l’activité physique chez les enfants présentant un TDC multiplie les recueils de données au dépend d’approches compréhensives visant à saisir le sens de l’activité physique, malgré un constat pertinent des difficultés rencontrées par ces enfants.

Mouvement, activité physique, éducation physique scolaire, sport : de quoi parle-t-on ?

Objectivation des différences d’activité

La multiplication des mesures relatives à l’activité physique se traduit par la survalorisation de certains outils au dépend des questions pourtant posées sur cette population spécifique dans l’introduction des articles. Ainsi en est-il notamment de l’usage de l’accéléromètre pour identifier l’activité des enfants concernés (Baerg et coll., 2011renvoi vers ; Batey et coll., 2014renvoi vers). L’équipe de Cairney critique l’usage exclusif des questionnaires d’auto-évaluation de l’activité physique et propose de quantifier l’activité à partir d’un accéléromètre. Ceci, combiné aux échelles d’auto-efficacité ou de barrière perçue élaborées par McAuley et Mihalko (1998)renvoi vers puis adaptées pour les enfants et les adolescents par Foley et coll. (2008)renvoi vers, permettrait de tester l’efficacité perçue dans des activités physiques en fonction de leur intensité. Cette perception rapportée à une échelle allant de la sédentarité (pas d’activité) à une activité légère, modérée ou intense, selon le nombre d’oscillations par minute permettrait d’identifier à la fois l’engagement physique et la manière dont les enfants se projettent dans l’activité. L’intensité de l’activité serait un indicateur indirect de leur engagement. Dans le groupe contrôle, l’activité physique est bien plus élevée chez les garçons que chez les filles, alors que chez les enfants présentant un TDC, c’est l’inverse. En revanche, pour les garçons présentant un TDC, le taux d’activité s’effondre au point d’être inférieur à celui des filles. Pour les filles des deux groupes (TDC et contrôle), l’étude rapporte un même taux d’activité.
Finalement, ces études objectivent ce que l’on sait cliniquement et ce que rapportent les enseignants ou les parents. Les enfants dont les troubles ont pour conséquence une coordination motrice qui produit de la maladresse s’engagent bien moins que les autres dans une activité physique. Par ailleurs, on peut souligner que les auteurs considèrent que les garçons atteints de TDC produisent une activité physique utile (most valuable physical activities) inférieure. L’utilité de l’activité physique est ici réduite à sa seule dimension physiologique, et les travaux n’évaluent pas son utilité sociale ou symbolique (quelle est par exemple l’utilité d’une activité physique en matière de détente, de plaisir, de divertissement, de convivialité, etc. ?).

Et le sens de l’activité physique proposée ?

Pourtant, parmi les hypothèses fournies (et non testées, peuvent-elles d’ailleurs l’être dans ce cadre épistémologique ?) pour expliquer la différence entre les garçons présentant un TDC et le groupe témoin figure le postulat de l’importance du sport pour les garçons. Les auteurs considèrent que la valeur du sport est telle pour les garçons que ceux qui présentent un TDC auraient peur de leur propre maladresse et du jugement qui en résulterait et les filles, au contraire, n’auraient que faire d’être jugées sur leurs compétences sportives (Cairney et coll., 2012renvoi vers). Si la piste est stimulante, l’étude présente un décalage considérable entre les objectivations produites sur la base du mouvement enregistré par un accéléromètre et les interprétations formulées. La confusion entre activités sportives et exercices physiques ou mouvements est par ailleurs très gênante. Ce que les auteurs appellent « sport » renvoie à des activités socialement significatives, traversées de valeurs et à forte portée identitaire. Travailler sur le sens que prend une exclusion de ces activités paraît donc plus que nécessaire. Mais cela suppose une analyse fine de la signification sociale de ces activités et du contexte dans lequel elles sont pratiquées (institutionnel, récréatif, amical, familial, etc.), éléments qui ont un fort impact sur l’engagement des enfants, indépendamment des troubles qui peuvent les affecter. Un enfant présentant un TDC pourra par exemple s’engager totalement en famille ou avec d’autres enfants atteints de ce trouble et rester très en retrait dans le cadre scolaire ou sportif compétitif, ces derniers étant rapportés l’un comme l’autre à un jugement et à une hiérarchie très stricts. Si quelques recherches sur la participation et la qualité de vie des enfants présentant un TDC apportent des éléments sur cet aspect (voir chapitre précédent), les travaux qui s’engagent sur un tel terrain restent pour l’instant très lacunaires.
Pourtant, dès 2005, les travaux de Cairney avaient pour ambition de tester un modèle théorique permettant de lier TDC et réduction d’activité physique, à partir de tests de motricité, d’auto-efficacité perçue et de questionnaires sur les activités physiques. L’enjeu principal consistait bien à évaluer l’impact de l’auto-efficacité perçue sur le lien entre TDC et activité physique. Les résultats suggéraient alors que les enfants porteurs d’un TDC étaient moins actifs physiquement, vraisemblablement en raison d’une faible auto-efficacité perçue. La nécessité d’une intervention adaptée en matière d’activité physique était également déjà suggérée. Néanmoins, aucune relation de causalité entre estime de soi, auto-efficacité et activité physique n’a pu être identifiée.
Depuis cet article programmatique, force est de constater que les facteurs psychosociaux susceptibles d’infléchir le lien entre le TDC et l’activité physique restent peu explorés dans cette littérature, même s’ils constituent un point aussi important que l’analyse des activités elles-mêmes pour proposer des interventions adaptées aux enfants qui en ont besoin. L’hypothèse selon laquelle les enfants présentant un TDC ne participeraient pas aux activités physiques en raison du fait qu’ils ne se sentent pas en mesure de produire une performance suffisante (Cairney et coll., 2005brenvoi vers) n’est pas directement testée. Reste à discuter ce que signifie cette performance et la signification qu’elle prend institutionnellement et socialement. Reste aussi à interroger la manière dont le sport et les activités physiques sont présentés et proposés aux enfants et quelles sont les activités socialement valorisées, celles dans lesquelles ils peuvent s’identifier, etc. D’autant que Cairney note l’importance du plaisir à pratiquer l’éducation physique scolaire comme facteur déterminant pour que les élèves s’engagent dans une activité physique. Mais ils le notent entre parenthèses, en fin de parenthèse, sans évaluer le degré de plaisir.
Or, si les premiers travaux de Cairney renforcent des travaux antérieurs suggérant la moindre activité physique des enfants présentant un TDC, ils affirment tout de même que le TDC n’est pas en soi une barrière à la pratique d’une activité physique. Ce sont les effets sociaux de la pratique qui agiraient comme un frein. Dès lors, l’importance du diagnostic de TDC est rappelée afin de ne pas projeter des attentes impossibles et ne pas stigmatiser ces enfants. Par ailleurs concluent Cairney et ses collaborateurs (2005b)renvoi vers, les approches cliniques montrent que l’accroissement de la participation de ces enfants est bien plus lié à la confiance en soi et au désir de pratiquer une activité physique qu’à l’amélioration des habiletés motrices.
Parmi les résultats obtenus sur les liens entre TDC et activités physiques, on doit à Cairney (2006)renvoi vers le fait d’avoir montré que l’avancée en âge ne rend pas les enfants moins actifs. En revanche, dans cette étude, il réitère l’idée que le type d’activités auquel se livrent les enfants varie avec l’âge, ce qui est un point à approfondir, notamment en distinguant ce qui relève des activités libres et des activités organisées, tout en intégrant les effets du passage de l’enfance à l’adolescence qui correspond à des changements d’engagement corporel et des changements de pratique dans la population générale. Ce dernier point serait à envisager particulièrement pour saisir l’engagement ou le désengagement des enfants présentant un TDC à l’adolescence, sachant que par ailleurs, ils manifestent plus que les autres un désintérêt pour l’éducation physique scolaire (Cairney et coll., 2007brenvoi vers).
Or, Beutum et ses collaboratrices (2013)renvoi vers montrent que les enfants présentant un TDC ne s’engagent pas plus que leurs camarades dans des comportements sédentaires. Ce qui se jouerait ne serait pas lié à l’envie de pratiquer mais bien, selon Cairney et coll. (2007b)renvoi vers , le regard porté sur eux-mêmes par les enfants présentant un TDC. Ils apprendraient tout au long de leur expérience de l’éducation physique scolaire à s’évaluer négativement. Si ces enfants apprécient moins que les autres les cours d’éducation physique et sportive, ce serait en raison de la conscience qu’ils ont acquise de l’insuffisance de leurs performances au regard de ce qui est attendu dans cet enseignement (Cairney et coll., 2005brenvoi vers). Le cours d’éducation physique serait le lieu et le moment où leurs difficultés motrices seraient les plus exposées au regard des autres et où leurs capacités à les compenser seraient les plus réduites (Losse et coll., 1991renvoi vers ; Fitzpatrick et Watkinson, 2003renvoi vers). Malgré cela, Cairney et coll. (2007b)renvoi vers rappellent l’importance de l’éducation physique scolaire pour assurer un minimum d’activité physique, voire pour l’accroître.

Des différences selon les genres qui restent peu explorées

Alors que dans les populations au développement typique, il y a des différences selon le genre en matière d’activités physiques, il y a au moins deux types d’effets de genre contradictoires chez les enfants présentant un TDC, notamment lorsque ce trouble est associé à un trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDA/H). Dans ce cas, les enfants présentant un TDA/H produisent plus d’activité, avec un effet de genre atténué. Néanmoins les garçons présentant un TDC sont globalement moins actifs que les garçons des groupes témoins. Il est difficile d’interpréter les raisons de ces différences notamment car les études tendent à ne pas caractériser le type d’activité physique et les modalités de leur pratique comme variable de leur protocole. Tout semble se passer comme si le degré d’engagement dans l’activité était indépendant de l’activité elle-même. Les limites dans l’interprétation des différences entre garçons et filles suggèrent au contraire que cette piste mériterait d’être explorée. C’est ce que note Baerg et coll. (2011)renvoi vers lorsqu’elle souligne que les diverses méthodes d’évaluation de l’activité physique gagneraient à interroger le type de mouvement dont il est question et à recourir (au moins en complément) aux questionnaires subjectifs, afin de pouvoir proposer des interprétations valides qui ne peuvent se faire qu’à partir de sources multiples.

Une nécessité : prendre en compte la nature,
le type d’activités physiques, leurs pédagogies
et leurs finalités dans les recherches

Finalement, les limites pratiques et épistémologiques des travaux sur les liens entre le TDC et l’activité physique proviennent de leurs caractéristiques scientifiques et méthodologiques. En effet, le recours à des outils standardisés et validés dans les études permet de renforcer certaines données, entretenant le fonctionnement ordinaire de la science. Cependant, ces mêmes outils laissent des pans entiers de la réalité observée en suspens, et produisent une réalité sur les enfants présentant un TDC et sur leur rapport à l’activité physique formulée en termes très négatifs, privilégiant ce qu’ils « ne font pas » au détriment de l’observation de « ce qu’ils font ».
L’absence d’études intégrant le rapport au sens des activités, à leur intérêt ludique, au plaisir, et l’absence de travaux analysant finement ce qui conduit à l’exclusion des enfants porteurs d’un TDC dans les activités physiques constituent des manques avérés de la littérature scientifique que nous avons étudiée. Batey et ses collaborateurs (2014)renvoi vers soulignent d’ailleurs que plus de travaux doivent être produits afin de comprendre les prédicteurs d’inactivité.
Causgrove (2000)renvoi vers a montré que les enfants vivant avec un TDC manifestent une perception accrue de leur compétence après des cours d’éducation physique scolaire mettant l’accent sur un climat très motivant réduisant ainsi le fardeau du trouble. Ces résultats suggèrent que le type d’activité physique proposée devrait être intégré dans les études portant sur les liens entre activité physique et TDC. Produire des connaissances sur le lien entre TDC et activités physiques ne peut en effet se faire sans un questionnement sur les activités elles-mêmes et sur les finalités qu’elles servent. Dans un des rares articles qui s’interroge sur le type d’activité, Spencer-Cavaliere (2010)renvoi vers discute l’accès à des activités physiques inclusives et les intègre dans l’étude elle-même. Elle montre que, par elles, les enfants porteurs d’un handicap (parmi lesquels des enfants présentant un TDC) ont accès au jeu, se considèrent comme de véritables joueurs et ont des amis. Cette étude rappelle que les réactions de l’environnement font que les enfants se sentent plus ou moins inclus (acceptés). Elle montre que la volonté de jouer est bien là mais que c’est le résultat des mises à l’écart et des jugements qui engendrent le repli et donc l’atténuation de l’activité physique. Ce type de questionnement sur la manière d’enseigner les activités physiques et sur le sens qu’elles prennent pour les enfants apparaît tout à fait intéressant.
De même, comme l’indique un rapport de la Fédération générale des pupilles de l’enseignement public (FGPEP, 2015renvoi vers), « plus les parents souhaitent que le handicap de leur enfant soit “compensé” dans tous les domaines de la vie ordinaire (scolarité, loisirs culturels et sportifs), plus ils doivent déployer d’énergie pour atteindre ce résultat »1 . Or, il existe peu, voire pas de travaux sur l’engagement des parents et des enfants dans les activités de loisir, alors que ce type de recherches pourrait permettre d’identifier des freins et des leviers à la pratique. En effet, la compréhension des effets du TDC sur les situations réelles ne peut faire abstraction de la prise en compte de toute la chaîne décisionnelle qui débute dans le désir de pratique et s’actualise dans un environnement plus ou moins adapté aux conséquences du TDC chez l’enfant.
Enfin, nous soulignons que la plupart des travaux produits sont nord-américains et s’inscrivent donc dans des systèmes scolaires tout comme des programmes d’éducation physique différents de ceux français, sans pour autant qu’une contextualisation ne soit faite. Il en va de même avec l’organisation des sports qui, en France, est structurée principalement à partir du mouvement associatif. Or, la contextualisation des travaux sur l’activité physique – contextualisation scolaire et culturelle qui intègre une réflexion sur la signification de la performance scolaire et sportive pour les enfants présentant un TDC – s’avère indispensable pour interpréter les résultats.

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