Approche de santé publique
2008
16-
Trajectoires et facteurs de risques
L’identification des différents facteurs de risque et de vulnérabilité pour le jeu pathologique, de même qu’une meilleure connaissance des trajectoires des joueurs qui à un moment donné s’engagent dans des pratiques de jeu pathologique et à risque, représentent des objectifs essentiels pour construire des actions de prévention adaptées, faciliter l’accès aux soins de ceux qui le justifient, et également poser les indications thérapeutiques les plus pertinentes.
Considérations générales au vu de la littérature internationale
Les difficultés rencontrées pour l’analyse de la littérature ont principalement concerné :
• le caractère imprécis et très sélectif des définitions retenues, comme des types de populations étudiées, ou encore des types de jeux de hasard et d’argent pratiqués (voir à ce sujet les remarques déjà formulées dans le chapitre consacré aux outils de dépistage et de diagnostic) ;
• le caractère souvent très global de l’approche de la problématique, ne facilitant pas la mise à jour de facteurs spécifiques ;
• le fait que les études se regroupent selon deux grands types radicalement différents ; avec d’un côté des études transversales recherchant des facteurs de risque et de vulnérabilité en population générale, au niveau de grands échantillons le plus souvent recrutés par téléphone (elles sont le plus souvent centrées sur les conduites de jeu elles-mêmes, de façon exclusive, bien que certaines, beaucoup plus rares, recherchent des caractéristiques communes aux différentes conduites addictives, et alors souvent également délinquantes) ; et de l’autre côté des études rétrospectives menées auprès de populations cliniques de joueurs consultant des structures de soins spécialisés.
Facteurs de risque et de vulnérabilité
Nous envisagerons successivement les facteurs liés à l’objet d’addiction lui-même, c’est-à-dire les facteurs qu’on peut qualifier de structurels, les facteurs liés à l’environnement et au contexte, c’est-à-dire les facteurs situationnels ; et enfin les facteurs liés au sujet lui-même, c’est-à-dire les facteurs individuels, dans leurs différentes dimensions.
Facteurs liés à l’objet d’addiction
Parmi beaucoup de facteurs possibles on retient, au vu des données de la littérature, l’impact possible des différents types de jeu, d’un gros gain initial, du support ou médiateur (par exemple Internet) de la pratique du jeu, et enfin de l’offre et de la disponibilité des jeux.
Types de jeux
Il est manifeste que le type de jeu est un élément de plus en plus souligné dans les différentes études comme devant être pris en compte avec, comme paramètres susceptibles d’intervenir au niveau d’un risque de dérive addictive, le délai entre la mise et le gain attendu, ainsi que la fréquence possible de répétition du jeu (Breen et Zuckerman, 1999

; Breen et Zimmerman, 2002

) ; en pratique, plus ce délai est réduit et plus cette fréquence est élevée, plus le risque serait grand. Un tel constat mérite certainement confirmation à travers des études bien menées.
Gain initial
L’impact d’un gros gain initial (ce que les anglo-saxons appellent le Big Win) est un des facteurs classiques d’installation du jeu excessif retrouvé dans les études portant sur des joueurs pathologiques consultant (Delfabbro et Thrupp, 2003

).
Support ou médiateur de la pratique du jeu
Concernant l’impact spécifique du support ou médiateur de la pratique du jeu, c’est surtout le problème du développement des jeux de hasard et d’argent sur Internet qui est actuellement posé. Il s’agit d’un phénomène en pleine expansion au niveau mondial, qui interroge quant à un risque addictif particulier. Les trop rares études à ce sujet, et notamment celle de Griffiths (2003

), mettent en avant les notions d’anonymat, d’accessibilité, de désinhibition et de confort, susceptibles de favoriser des pratiques d’abus et de dépendance. L’absence de référence à une pratique mesurée et responsable du jeu, dans la très grande majorité des sites concernés, doit être soulignée (Smeaton et Griffiths, 2004

). Une étude récente de Petry (2006

) met en évidence que plus de 50 % des joueurs réguliers aux jeux de hasard et d’argent sur Internet (recrutés en salle d’attente de cliniques publiques) ont rencontré les critères du jeu pathologique (au moins une fois dans leur vie d’après le SOGS). La prévalence vie entière du jeu pathologique dans cette population est de 8 %. Cette étude relève également une association entre la pratique des jeux de hasard et d’argent sur Internet et la précarité de la santé physique et mentale des joueurs.
Offre et disponibilité des jeux
L’impact de l’offre et de la disponibilité des jeux en termes de facteur de risque fait discussion, comme dans d’autres registres addictifs. Ainsi, une étude de Welte et coll. (2004a

) montre que la disponibilité des jeux semble augmenter le nombre de joueurs excessifs, alors qu’une étude de Jacques et Ladouceur (2006

), à propos de l’ouverture d’un casino dans une petite ville du Québec, ne révèle pas d’augmentation de la prévalence des joueurs à risque et pathologiques lors d’un suivi sur 5 ans avec une évaluation intermédiaire.
Facteurs liés à l’environnement et au contexte
Nous envisagerons ici successivement l’impact de facteurs transculturels et religieux et de facteurs socioéconomiques et socioéducatifs, en mesurant bien à quel point ceux-ci peuvent dans bien des cas être étroitement associés, justifiant de privilégier dans ce domaine l’abord le plus global et le moins réducteur possible.
Facteurs transculturels et religieux
Au titre des facteurs transculturels et religieux, certaines études rapportent la prévalence supérieure des conduites de jeu en général et des conduites de jeu pathologique, dans certains groupes indigènes et minorités ethniques (Raylu et Oei, 2004

; Welte et coll., 2004b

), alors que d’autres avancent une corrélation négative entre l’importance des conduites de jeu et la fréquence de la pratique religieuse (Lam, 2006

) ou encore mentionnent l’influence possible des interdits posés par certaines religions (Welte et coll., 2004c

).
Facteurs socioéconomiques et socioéducatifs
La notion de support social réduit et de bas niveau de ressources-emploi s’avère dans plusieurs études corrélée avec la prévalence du jeu pathologique et du jeu à risque avec les jeux de hasard et d’argent (Trevorrow et Moore, 1998

; Hardoon et coll., 2004

; Welte et coll., 2004b

).
Plusieurs études s’intéressent à la position et à l’investissement des parents, en termes de facteur de risque ou de protection vis-à-vis des conduites de jeu pathologique (Moore et Ohtsuka, 2000

; Delfabbro et Thrupp, 2003

; Felsher et coll., 2003

; Vachon et coll., 2004

) chez les adolescents avec les jeux de hasard et d’argent. Elles mettent en avant que :
• la place et l’acceptation (voire l’incitation) aux jeux de hasard et d’argent par les parents ont un impact sur la fréquence des conduites de jeu et des problèmes liés aux jeux de hasard et d’argent chez les adolescents, même si cela paraît plus complexe pour les filles (Wickwire et coll., 2007

) ;
• l’encadrement et le suivi des adolescents ont un effet protecteur ;
• l’autorité bienveillante est la position la plus protectrice par rapport à un climat familial plutôt laxiste, ou au contraire marqué par l’autoritarisme.
Facteurs liés au sujet
Nous envisagerons successivement au niveau de ces facteurs individuels, les facteurs liés au genre et à l’âge, les antécédents personnels et familiaux, et enfin de possibles facteurs psychologiques et développementaux.
Facteurs liés au genre et à l’âge
Un nombre conséquent d’études souligne la prédominance masculine du jeu pathologique (multipliée par deux classiquement, mais certaines données récentes tendent à montrer que l’évolution de l’offre de jeu pourrait réduire cet écart). Des spécificités plus qualitatives sont également retrouvées avec un début de la pratique de jeu plus tardif chez les femmes, des types de jeu partiellement différents (avec la rareté des paris sportifs pour les femmes), et enfin des comorbidités différentes (plus souvent addictives pour les hommes et anxiodépressives pour les femmes) (Ladd et Petry, 2002

; Ibanez et coll., 2003

; Tavares et coll., 2003

; Blanco et coll., 2006

; Potenza et coll., 2006

).
Dans la majorité des cas, l’initiation aux jeux de hasard et d’argent s’est faite dans la période de l’adolescence, dans les études portant sur des joueurs pathologiques consultant des structures de soins spécialisés. La précocité du contact avec les jeux de hasard et d’argent semble dans ces études un facteur de gravité, à l’image de ce qui prévaut dans les addictions à des substances psychoactives (Burge et coll., 2004

).
Les personnes âgées constituent une population à risque pour les loteries et les machines à sous (impact de l’isolement et de l’inactivité) (McNeilly et Burke, 2000

; Vander Bilt et coll., 2004

).
Antécédents familiaux
Pour ce qui est des antécédents familiaux, ils apparaissent dans la littérature plus importants chez les joueurs pathologiques pour :
• le jeu pathologique, avec la notion d’agrégation familiale (Vachon et coll., 2004

) ;
• les conduites addictives, étudiées principalement vis-à-vis de l’alcool et des autres substances psychoactives ;
• la personnalité antisociale ;
• à un moindre degré, les autres troubles mentaux (Black et coll., 2006

).
Antécédents personnels
Des antécédents de maltraitance dans l’enfance ont été retrouvés associés à des conduites de jeu pathologique (jeux de hasard et d’argent) plus précoces et plus sévères dans une étude de Petry et Steinberg (2005

). Deux études ont cherché des corrélations entre la présence de trouble des conduites et de conduites addictives à l’adolescence et le développement de conduites excessives de jeu un peu plus tard. Celles-ci apparaissent significatives mais faiblement (Vitaro et coll., 2001

; Barnes et coll., 2005

). Des troubles ou des dimensions particulières de la personnalité, à type d’impulsivité, de recherche de sensations ou encore de personnalité antisociale, représentent, au vu de la littérature, des facteurs de vulnérabilité pour le jeu pathologique.
De la même manière, des comorbidités psychiatriques constituent un facteur de risque indiscutable pour l’initiation de la conduite de jeu quand elles sont préexistantes, et pour son aggravation dans tous les cas. Elles pourraient dans le même temps éventuellement contribuer à un recours plus facile aux soins (sur ces deux derniers points, voir le chapitre spécifique qui leur est consacré).
Quelques études, et notamment celle de Neighbors et Larimer (2004

), ont cherché à aborder cette question des facteurs de vulnérabilité d’un point de vue psychogénétique et référé aux particularités de l’économie psychique de jeunes dans un groupe de plusieurs centaines d’étudiants. Ces auteurs montrent dans ce travail original que les capacités d’autodétermination de ces jeunes sont négativement corrélées avec la fréquence des problèmes de jeu. On peut en rapprocher les notions psychanalytiques classiques selon lesquelles le recours au comportement et aux sensations peut être une tentative de gérer des ressentis divers et notamment pénibles du fait du peu d’accès à des ressources psychiques internes (Jeammet, 2005

).
Bilan sur les facteurs de risque et de vulnérabilité
Il est intéressant de mentionner le travail de Clarke (2005

), lequel passe en revue les facteurs de risque et de protection qui pourraient être communs à l’ensemble des addictions et propose une liste de ces facteurs qui est une version adaptée d’une publication de Sussman et Ames (2001

) (tableau 16.I

).
D’après l’analyse de la littérature concernant les différents facteurs de risque et de vulnérabilité concernant le jeu pathologique, il apparaît en effet que ceux-ci sont du même ordre que ceux retrouvés à propos de l’ensemble des conduites addictives et en particulier les addictions à des substances psychoactives. Le sujet le plus à risque de s’engager dans des conduites de jeu pathologique aurait ainsi le profil d’un homme jeune sans emploi et à faibles revenus, célibataire et peu intégré socio-culturellement.
Plusieurs études se sont d’ailleurs spécifiquement intéressées à l’association de conduites de jeu pathologique à d’autres conduites addictives, en particulier vis-à-vis de l’alcool, ainsi qu’à des conduites impulsives et délinquantes, surtout chez des hommes jeunes (Vitaro et coll., 2001

; Labrie et coll., 2003

; Barnes et coll., 2005

). Elles intègrent des questions très actuelles concernant la précession possible de différents troubles addictifs et des conduites d’excès par des troubles précoces du comportement et attentionnels (Biederman et coll., 1990

; Mannuzza et coll., 2002

).
On peut mesurer au vu de ces rapprochements que pour le jeu pathologique comme pour la plupart des autres conduites addictives, c’est la combinaison en proportions variables de différents facteurs de risque et de vulnérabilité qui vient spécifier au cas par cas le profil de chaque situation et parcours.
Tableau 16.I Facteurs de risque et facteurs de protection contribuant à l’initiation et au maintien de la prise de substances (d’après Sussman et Ames, 2001
)
Facteurs de risque
|
Facteurs de protection
|
Environnementaux
|
Environnementaux
|
Disponibilité et accessibilité des substances
Publicité, représentation favorable des médias
Politique sociale permissive
|
Indisponibilité des substances
Cohésion de voisinage, stabilité
Application de la législation
|
Culturels
Statut de groupe minoritaire
Normes qui favorisent la prise de substances
Pressions d’acculturation
|
Culturels
Statut de groupe majoritaire
Normes qui limitent la prise de substances
Adaptation et coopération culturelles
|
Sociodémographiques
Sexe masculin
Adolescent ou jeune adulte
Jeune âge au moment de l’initiation
Pauvreté, chômage, logement défavorisé
Séparation de famille
|
Sociodémographiques
Sexe féminin
Adulte (> 30 ans)
Âge tardif au moment de l’initiation
Statut économique élevé, emploi
Familles intactes, mariage
|
Sociaux
Environnement familial conflictuel et chaotique
Absence d’autorité parentale, abus d’enfant
Familles désengagées et en conflit
Influence négative de pairs
Proches prenant des substances
Activités sociales et de loisir avec substances
|
Sociaux
Environnement familial stable, rituels familiauxAutorité parentale, contrôleCohésion familiale, vie de familleAmis conventionnelsModèles d’abstinenceActivités sociales et de loisir sans substances
|
Personnels
Prédisposition génétique à l’impulsivité et affectivité négative
Manque d’attachement aux parents/entourage
Manque de sociabilité et faible capacité à faire face
Trouble des conduites précoce durant l’enfance
Échec scolaire
Susceptibilité vis-à-vis des pairs
Manque de contrôle de soi
Comportements antisociaux
Recherche de nouveauté
Non conscience des associations mnésiques
Attrait pour la publicité sur les substances
|
Personnels
Prédisposition génétique à une stabilité émotionnelle et affectivité positive
Attachement aux parents/entourage
Sociabilité
Niveau d’intelligence élevé
Niveau de réussite scolaire élevé
Confiance en soi, conscience morale
Contrôle de soi, auto-efficacité
Exigences morales élevées
Préférences pour des activités saines
Organisation raisonnable et prévoyance
Conscience des signaux conduisant à la recherche de substances
|
Beaucoup d’auteurs ont souligné ces dernières années l’intérêt de pouvoir identifier des sous-groupes au sein de la population des joueurs pathologiques, caractérisés aussi bien par certaines particularités cliniques que par un certain nombre de facteurs plus ou moins spécifiques, psychobiologiques et génétiques.
C’est le cas par exemple du modèle à trois niveaux qu’Alex Blaszczynski a proposé en 2000

, qui distingue trois sous-groupes de joueurs pathologiques :
• des joueurs pathologiques « normaux », c’est-à-dire sans psychopathologie prémorbide, avec des comorbidités dépressives, avant tout conséquences de la conduite de jeu. Ceux-ci, motivés et adhérant aux soins, justifieraient seulement d’un traitement léger ;
• des joueurs pathologiques « vulnérables », chez qui sont retrouvés des facteurs de vulnérabilité psychologique, avec la notion d’événements de vie traumatiques (perte et deuil notamment), d’une psychopathologie prémorbide, et parfois d’éléments de personnalité borderline, ainsi que d’antécédents de problèmes de jeu dans la famille. Les pratiques de jeu pourraient, dans ce sous-groupe, servir à moduler certains états affectifs, justifiant un traitement plus poussé et une exigence d’abstinence totale ;
• enfin, des joueurs pathologiques chez qui prédomine la dimension impulsive, laquelle se décline dans d’autres comportements que le jeu. On retrouverait dans ce sous-groupe des antécédents de troubles du contrôle des impulsions et troubles déficit de l’attention/hyperactivité, des éléments de personnalité antisociale, des antécédents familiaux dans le même spectre, avec très probablement des facteurs de vulnérabilité neurobiologique et génétique. Du fait d’une faible motivation pour les soins, ces joueurs pathologiques doivent pouvoir bénéficier de programmes de traitement spécifiques.
Trajectoires
Il existe peu d’études consacrées aux trajectoires et la plupart ne permettent pas de préciser la chronologie exacte de l’histoire des pratiques plus ou moins contrôlées de jeu de hasard et d’argent. Ceci souligne le manque d’études de cohortes prolongées et également l’insuffisance de documentation des guérisons « spontanées » par arrêt ou reprise d’une pratique contrôlée (qui n’est pas propre aux conduites de jeu pathologique mais régulièrement soulignée également à propos des addictions à des substances psychoactives).
Pour mémoire, il faut rappeler la trajectoire classique en trois phases du joueur pathologique décrite par Custer en 1984

, avec :
• une première phase de gain, plutôt euphorique, souvent qualifiée de « lune de miel », comme dans les toxicomanies ; elle peut être associée à un gros gain plus ou moins déclencheur, qui est cependant loin d’être constamment retrouvé ;
• une deuxième phase de perte, d’autant plus mal vécue au niveau narcissique que le joueur avait construit lors de la phase précédente la conviction de sa capacité à contrôler en partie les lois du hasard. C’est la période de l’engrenage du « chasing », avec l’obligation de retourner jouer pour « se refaire ». C’est également la phase de l’accumulation des dettes et des mensonges ;
• enfin, la phase de désespoir, marquée par un vécu dépressif plus ou moins associé à des idées suicidaires, en lien avec la multiplication des dommages, de tous ordres : financiers, socioprofessionnels et familiaux.
Quelques études bien menées ont, au cours des dernières années, cherché à approfondir cette question essentielle des trajectoires des joueurs et parcours de jeu.
On peut notamment citer une étude longitudinale de Slutske et coll. (2003

). Il s’agit du suivi pendant 11 ans, avec quatre évaluations, d’une cohorte de près de 500 étudiants (de 18 à 29 ans) ayant pour moitié des antécédents paternels d’alcoolodépendance, et pour l’autre aucun antécédent de ce type au niveau de leurs ascendants de premier rang. C’est le thème principal de l’étude menée par ce centre de recherche en alcoologie du Missouri. À l’aide d’une méthodologie rigoureuse et avec un nombre limité de perdus de vue, malgré la spécificité de l’échantillon, le principal enseignement de cette étude est que la prévalence-vie entière estimée à un moment donné du jeu pathologique et à risque, sous-estime beaucoup le taux exact de ceux qui ont à un moment de leur vie présenté un problème de jeu. Corrélativement, ces problèmes de jeu apparaissent, à un niveau individuel, plus transitoires et épisodiques que continus et chroniques.
On peut également citer une étude du département d’addictologie de Harvard, qui envisage en 2006 ces trajectoires de jeu problématique en relation avec le genre (Nelson et coll., 2006

). Cette étude ayant concerné plus de 2 000 joueurs pathologiques en traitement montre que :
• les femmes commencent à jouer et à développer éventuellement un problème de jeu plus tardivement que les hommes ;
• leur prise en compte d’un problème éventuel et leur recherche d’un soin est plus rapide que chez les hommes ;
• l’association à l’abus ou à la dépendance à une substance psychoactive est moitié moins fréquente que chez les hommes ;
• plus l’initiation au jeu de hasard et d’argent est précoce, plus le délai entre cette initiation et le recours à un traitement en cas de jeu pathologique est grand et ceci de façon identique dans les deux sexes.
Enfin, une étude très récente du centre de recherche en alcoologie de l’Université de Washington (Sartor et coll., 2007

) explorant la validité d’un outil de mesure de l’histoire des pratiques de jeu (sur le mode du
Lifetime Drinking History) conclut, en accord avec plusieurs autres études en population générale publiées ces dernières années (Hodgins et coll., 1999

; Shaffer et Hall, 2002

; Abbott et coll., 2004a

et b

; Winters et coll., 2005

), à l’absence de stabilité dans le temps du statut de joueur pathologique, puisque moins de 40 % de ceux qui remplissent les critères de jeu pathologique vie entière ont encore ce diagnostic lors de leurs phases de jeu les plus récentes.
Ces données récentes invitent fortement à développer des études de cohortes en population générale sur de longues durées, de façon à mieux cerner la réalité complexe de ces parcours et les facteurs impliqués au niveau des périodes de rétablissement aussi bien que de rechute, de façon à en tirer le maximum d’enseignement en terme de prévention et d’indications thérapeutiques.
En conclusion, comme c’est le cas dans d’autres registres addictifs, l’étude des facteurs de risque et de vulnérabilité pour le jeu pathologique met en évidence la multiplicité des facteurs possiblement impliqués, leur interdépendance et leur absence de spécificité. D’où l’importance de privilégier une vision dynamique de ces questions, prenant en compte les effets de résonance et de sommation, de tels facteurs pour un individu donné, ainsi que l’impact de certains facteurs de protection.
Les essais de typologie des joueurs, à partir du regroupement d’un certain nombre de facteurs souvent associés, doivent permettre de confronter à l’expérimentation clinique et thérapeutique ces entités à confirmer.
Du côté des trajectoires, l’absence apparente de stabilité des modes de pratique, et corrélativement des statuts de joueurs (social, ou à risque, ou encore pathologique), justifie des études complémentaires s’appuyant sur une méthodologie adaptée.
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