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Med Sci (Paris). 35(1): 31–38.
doi: 10.1051/medsci/2018310.

Quorum sensing et quorum quenching : Comment bloquer la communication des bactéries pour inhiber leur virulence ?

Sonia Mion,1 Benjamin Rémy,1,2 Laure Plener,2 Éric Chabrière,1 and David Daudé2*

1Aix Marseille Univ, Institut de recherche pour le développement (IRD), Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille (APHM), Microbes évolution phylogénie et infections (MEPHI), Institut hospitalo-universitaire (IHU)-Méditerranée Infection, 13005Marseille, France
2Gene&GreenTK, 19-21, boulevard Jean Moulin, 13005Marseille, France
Corresponding author.
 

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Vignette (Photo © Inserm/CEA - Philippe Huber et Stéphanie Bouillot).

Les bactéries sont des organismes unicellulaires ubiquitaires qui entretiennent de nombreuses interactions avec leur environnement. Elles intègrent une multitude de stimulus abiotiques (comme les nutriments, la température) et biotiques (comme les bactériophages, l’hôte, les bactéries compétitrices) via des systèmes variés de détection leur permettant d’adapter leur comportement à leur environnement. Les bactéries étaient considérées comme des entités individuelles et « asociales », jusqu’à la découverte d’un système de communication interbactérien, nommé quorum sensing (QS) [13]. Dès 1965, Alexander Tomasz observe que l’induction de la compétence chez Streptococcus pneumoniae (anciennement Pneumococcus) peut s’effectuer sans contact direct entre bactéries, mais par l’intermédiaire d’une molécule diffusible qu’elles produisent [4]. Plus tard, en 1970, Vibrio fischeri (anciennement Photobacterium fischeri) a fait l’objet d’observations similaires à propos de la régulation de la bioluminescence émise par ces bactéries [5] : la fabrication de photons est en effet induite uniquement à partir de la phase exponentielle de croissance des bactéries et non dans une culture fraîchement inoculée lorsque la densité cellulaire est faible. Les auteurs ont alors émis l’hypothèse d’une autoinduction pour la régulation de ce processus et ils ont nommé autoinducteur (AI) la molécule régulatrice qui s’accumule dans le milieu [6,7]. Le terme de quorum a, par la suite, été introduit pour décrire l’idée d’un nombre minimal de bactéries nécessaire au déclenchement de comportements de groupe, comme la production de bioluminescence [8]. Au début du xxi e siècle, le QS a été identifié chez de nombreuses bactéries à Gram positif et négatif. Il intervient dans la régulation de processus variés comme la sporulation, la virulence, la formation de biofilm ou encore la synthèse d’antibiotiques [9].

Mais qu’est-ce que le quorum sensing ?

Le quorum sensing (QS) est un mode de communication et de perception utilisé par les bactéries. Il se fonde sur la production de petites molécules, les autoinducteurs (AI), qui peuvent diffuser à travers la membrane ou être transportés à l’extérieur de la cellule (Figure 1) [1]. Les AI, dont la concentration est proportionnelle au nombre de bactéries, servent d’indicateur moléculaire de la densité bactérienne. À partir d’une certaine concentration de ces molécules, une réponse cellulaire est enclenchée par l’activation et la répression de gènes efficaces seulement lorsque la densité cellulaire est importante, pour mettre en place des phénotypes particuliers, comme la formation de biofilm, la virulence, la production d’exopolysaccharides, d’exoprotéases et de sidérophores. De nombreux facteurs induits par le QS sont sécrétés dans l’environnement de la cellule. Ils ont un intérêt global pour la communauté bactérienne pour fournir des nutriments à la population ou pour la transition du mode de vie planctonique (c’est-à-dire en suspension) vers un mode sessile, appelé biofilm, plus fréquemment rencontré en milieu naturel [10] ().

(→) Voir la synthèse de A. Filloux et I. Vallet, m/s n° 1, janvier 2003, page 77

Le QS ne servirait pas uniquement au recensement de la population bactérienne, mais également à la perception de la diffusion des facteurs sécrétés dans le milieu, pour optimiser l’efficacité de leur production [11]. Pour intégrer au mieux ces différentes informations, les bactéries ont développé des systèmes de QS impliquant plusieurs AI, de stabilités et de solubilités différentes, perçus par des récepteurs spécifiques qui sont interconnectés [12]. Par exemple, la bactérie pathogène opportuniste Pseudomonas aeruginosa produit et perçoit quatre AI distincts, chacun étant perçu par un régulateur spécifique [13]. Ces quatre régulateurs sont organisés de manière hiérarchique, avec un régulateur dominant les trois autres. Chez la bactérie marine modèle du QS, Vibrio harveyi, trois AI sont utilisés et les trois signaux qu’ils produisent sont intégrés dans une même voie du QS induisant un gradient dans l’activation des gènes du QS au niveau de la population bactérienne [14]. Ce fonctionnement permet aux bactéries d’avoir un mode de communication combinatoire pour mettre en place une réponse précise aux signaux qu’elles perçoivent et ainsi adapter le mode de vie le plus propice à leur survie [12].

Les molécules du quorum sensing

Il existe une grande diversité de molécules de communication entre bactéries (Figure 2). Les bactéries à Gram positif (Staphylococcus spp., Clostridium spp., Enterococcus spp.) utilisent souvent des peptides cycliques d’environ 7 à 11 acides aminés. Ces peptides sont transportés hors de la cellule bactérienne puis sont perçus par le senseur membranaire des autres bactéries (senseur à histidine kinase). La fixation du peptide au senseur entraîne l’activation d’un régulateur de réponse (par exemple sa phosphorylation) activant l’expression des gènes du QS [15]. Chez les bactéries à Gram négatif, différentes molécules sont utilisées, les plus communes étant les acyl homosérine lactones (AHL), dont les tailles (de 4 à 18 atomes de carbone) et les modifications de la chaîne acyl varient selon les bactéries. Par exemple, P. aeruginosa produit et perçoit, entre autres AI, deux AHL : la N-(3-oxododécanoyl)-L-homosérine lactone (3-oxo-C12-HSL) et la N-butyryl-L-homosérine lactone (C4-HSL). Les AHL diffusent librement à travers la membrane bactérienne et la réponse au QS est déclenchée par leur fixation dans la cellule à un régulateur de transcription de type LuxR qui, ainsi activé, induit l’expression des gènes du QS. Parmi les gènes induits, se trouvent le gène de la synthase correspondant à l’AI et le gène codant le récepteur qui lui est associé, permettant ainsi l’autoinduction du QS [14]. D’autres molécules sont impliquées dans le QS des bactéries à Gram négatif. Celles-ci sont spécifiques de chaque espèce bactérienne : des acides gras insaturés, comme le DSF (diffusible signaling factor), sont utilisés par les bactéries Xanthomonas spp., Burkholderia spp. et Xylella spp. ; des cétones (CAI-1 [cholerae autoinducer-1] et LAI-1 [legionella autoinducer-1]) par Vibrio spp. et Legionella spp. ; l’épinéphrine et ses dérivés sont utilisés par les bactéries entérohémorragiques [16]. Le système de QS de P. aeruginosa utilise également une quinolone (PQS, pour pseudomonas quinolone signal) qui, à cause de son insolubilité en milieu aqueux, transite entre les cellules par des vésicules membranaires [17]. Un autre AI est utilisé par les bactéries à Gram positif et négatif, le diester AI-2. Il existe sous forme borée (chez Vibrio spp.) ou non borée (chez Escherichia coli ou Salmonella spp.). Utilisé par un large spectre de bactéries, il est considéré comme une molécule signal inter-espèces [18].

Comment interférer avec le quorum sensing ? Le quorum quenching

Le quorum sensing (QS) intervient dans l’activation et la régulation de nombreux phénotypes bactériens pouvant être problématiques pour l’homme. Différentes stratégies ont donc été développées pour inhiber ces comportements régulés par le QS en bloquant la communication entre les bactéries (Figure 1). Cette méthode d’inhibition du QS est appelée quorum quenching (QQ). La composante principale du QS étant la production et la détection de molécules signal, le QQ peut interférer de différentes manières avec ce système, soit au niveau intracellulaire, soit au niveau extracellulaire. L’utilisation de molécules inhibitrices, nommées inhibiteurs du QS (QSI), mimant les AI, permet ainsi d’intervenir au niveau des cellules bactériennes pour inhiber la production ou la perception des AI [19]. D’autres stratégies ciblent directement les molécules de communication sécrétées dans l’environnement avant qu’elles n’atteignent leur cible, soit en les séquestrant à l’aide d’anticorps [20] ou de macromolécules comme les cyclodextrines [21], soit en les dégradant avec des enzymes spécifiques (ou QQE pour quorum quenching enzyme) [22]. Le QQ présente l’avantage de ne pas affecter la croissance des bactéries, contrairement aux antibiotiques, ce qui minimise nettement la pression de sélection et devrait limiter l’apparition de résistance [23]. Le QQ représente donc une approche idéale pour la prévention et le traitement des infections bactériennes et pourrait constituer une alternative élégante aux antibiotiques.

Les inhibiteurs du quorum sensing

De nombreux inhibiteurs du QS (QSI) d’origines variées ont été étudiés. Beaucoup de QSI ont été isolés à partir de produits naturels, comme le thé, les champignons, le miel, l’ail, le clou de girofle, et d’organismes marins [19]. D’autres ont été synthétisés en laboratoire, en mimant la structure des AI pour créer des molécules similaires, mais inactives (antagonistes) [24]. Certains AI comme l’azithromycine étaient déjà utilisés pour leurs propriétés antibiotiques avant que leur potentiel de QQ ne soit découvert. L’azithromycine a été évaluée chez des patients atteints de pneumonie et aurait de potentiels effets bénéfiques pour traiter des infections à P. aeruginosa. Le 5-fluorouracile, une molécule déjà disponible dans le traitement de cancers, a été testé pour ses propriétés QQ. L’efficacité de cette molécule a été évaluée in vitro sur plusieurs phénotypes bactériens régulés par le QS, dont la formation de biofilm chez P. aeruginosa [25]. Hormis quelques QSI, très peu de molécules à visée QQ ont atteint les premières phases d’un essai clinique. Pourtant de nombreuses molécules de QQ ont montré des effets bénéfiques in vivo dans des modèles animaux comme les amibes, le ver Caenorhabditis elegans et les modèles murins [26].

Les séquestreurs d’AI

L’utilisation d’anticorps capables de séquestrer les molécules signal a également été considérée. L’anticorps synthétique AP4-24H11 est, par exemple, capable de se lier aux peptides autoinducteurs AIP-4 (autoinducing peptide 4) utilisé par Staphylococcus aureus pour réguler sa virulence et inhiber certains mécanismes, comme son activité hémolytique [20]. D’autres molécules peuvent également être utilisées pour piéger les AI et perturber la communication bactérienne. C’est le cas des cyclodextrines, des oligosaccharides cycliques composées de plusieurs unités D-glucopyranosyle formant une cage moléculaire capable de piéger les AHL et contrôler le QS [21].

Les enzymes à activités QQ

Les enzymes capables de dégrader les AI (les QQE, quorum quenching enzyme) ont été découvertes chez la bactérie Bacillus spp. [27]. Depuis, de nombreuses enzymes ont été identifiées, caractérisées et améliorées dans le but de les utiliser comme agents de QQ [22]. Ces enzymes présentent l’intérêt d’agir au niveau extracellulaire et en quantité catalytique (Figure 3). Plusieurs classes de QQE ont été décrites, la plupart ciblant les AHL, comme les lactonases, acylases et oxydoréductases [22]. Quelques enzymes agissant sur l’AI-2 et le PQS de P. aeruginosa ont aussi été rapportées, mais elles restent minoritaires [22,28]. La principale limitation de l’utilisation thérapeutique de ces enzymes est liée à leur faible stabilité. Des enzymes issues d’organismes extrêmophiles, capables de résister à de nombreuses contraintes (température, solvants, détergents), ont donc été étudiées [29]. Une attention particulière a été portée à la lactonase hyperthermophile SsoPox (Sulfolobus solfataricus paraoxonase) isolée de l’archée Sulfolobus solfataricus provenant des sources chaudes du Vésuve, pour le QQ de P. aeruginosa, à la fois in vitro, sur des isolats cliniques, et in vivo, dans un modèle de pneumonie développé chez le rat [30,31]. L’administration intratrachéale de l’enzyme, capable de dégrader les AHL, a ainsi permis d’augmenter le taux de survie chez l’animal d’un facteur 4.

Le potentiel thérapeutique du quorum quenching
Complémentarité du QQ et des traitements existants
Face à l’émergence des bactéries antibiorésistantes, le QQ apparaît comme une stratégie idéale pour élargir l’arsenal thérapeutique contre ces bactéries. Différents travaux ont montré que le QS était lié à la régulation de mécanismes impliqués dans la tolérance ou la résistance aux antimicrobiens. Par exemple, chez P. aeruginosa, le QS induit l’expression de peroxydases conférant aux bactéries une protection contre le peroxyde d’hydrogène et les antibiotiques de la famille des β-lactamines. Chez la même bactérie, il est également lié à la tolérance aux quinolones, à la tétracycline et à la kanamycine via l’induction de l’expression du régulateur transcriptionnel nfxB, un répresseur d’une pompe à efflux impliquée dans la résistance aux antibiotiques. En particulier, le biofilm, régulé par le QS [10], offre un environnement protecteur, favorisant une tolérance accrue aux agents antimicrobiens [32] ().

(→) Voir la synthèse de N. Dufour et L. Debarbieux, m/s n° 4, avril 2017, page 410

Ainsi l’utilisation du QQ permettrait d’augmenter la sensibilité aux antimicrobiens. Par exemple, des effets synergiques entre QQ et antibiothérapie ont été observés avec l’hydrate de baïcaline et la tobramycine chez P. aeruginosa et Burkholderia cepacia. Après exposition aux inhibiteurs du QS (QSI), les bactéries sont plus sensibles au traitement antibiotique in vitro mais également dans plusieurs modèles in vivo [33].

Outre les antibiotiques, une autre stratégie a été développée pour limiter la propagation des bactéries : la phagothérapie [34] ().

(→) Voir la synthèse de N. Dufour et L. Debarbieux, m/s n° 4, avril 2017, page 410

Cette stratégie, délaissée dans un premier temps, suscite un regain d’intérêt depuis quelques années. Ce traitement consiste à utiliser les bactériophages, prédateurs naturels des bactéries, pour traiter les infections bactériennes. La phagothérapie est utilisée depuis près d’un siècle en Europe de l’Est, notamment en Géorgie et en Russie. Son utilisation a précédé celle des antibiotiques. Elle offre un traitement spécifique et personnalisable pour lutter contre les infections. Les bactéries ont néanmoins mis au point des mécanismes de défense et de résistance contre ces virus, dont certains sont sous le contrôle du QS. L’adsorption et la dégradation de plusieurs phages chez Vibrio cholerae semblent être soumises à la régulation du QS [35]. En effet, une souche de V. cholerae déficiente en QS présente une sensibilité accrue aux bactériophages par rapport à la souche sauvage [35]. Des études récentes ont mis en évidence des liens entre le QS et le système de défense bactérien CRISPR-Cas, qui permet aux bactéries de se prémunir contre les infections phagiques en intégrant des fragments d’ADN de phage dans leur génome pour renforcer leur « immunité » [36]. Il a été montré que la baïcaline, un QSI, inhibe le système CRISPR-Cas chez P. aeruginosa [37].

L’inhibition de la communication bactérienne, entraînant une diminution de la virulence et de la formation de biofilm, mais également une augmentation de la sensibilité aux traitements antimicrobiens, présente donc des intérêts thérapeutiques très prometteurs en complément des thérapies existantes et pourrait permettre de contrer les phénomènes d’antibiorésistance.

Les dispositifs médicaux
Les dispositifs médicaux (ou DM) - comme les pansements, les cathéters, les endoscopes - sont des outils indispensables à la médecine moderne, mais ils peuvent constituer un point d’entrée pour les microorganismes pathogènes : on parle alors d’infections associées aux soins (IAS) ou infections nosocomiales [38]. Les DM constituent des supports sur lesquels les bactéries, notamment les espèces formant des biofilms, peuvent proliférer [32]. Une fois colonisé, le DM devient un réservoir infectieux pouvant héberger des bactéries parfois antibiorésistantes. Pour limiter ces IAS, de nouvelles stratégies visent à limiter la colonisation de ces dispositifs médicaux par les bactéries [32]. Parmi les solutions envisagées, le QQ offre la possibilité de limiter la formation de biofilm, la tolérance aux antimicrobiens et la virulence des microbes [16, 26]. Des QSI et des peptides inhibiteurs greffés à la surface des implants, de biomatériaux, de cathéters urinaires et sanguins, se sont montrés efficaces pour réduire la colonisation bactérienne in vivo et in vitro [16]. Les QQE ont aussi fait l’objet de beaucoup d’attention pour la fonctionnalisation des dispositifs médicaux. Leur action extracellulaire leur permet d’agir sans contact direct avec les bactéries, en réduisant la concentration locale des AI. Des essais prometteurs ont été réalisés par incorporation d’enzymes dans les revêtements constituants les cathéters, les membranes, les capsules et les nanofibres, ainsi que pour d’autres applications thérapeutiques, comme des traitements topiques ou oraux par aérosolisation [16, 39].
Autres applications du quorum quenching
Si le blocage du QS présente des avantages évidents en santé humaine, d’autres domaines pourraient bénéficier des avancées de cette problématique (Figure 4). En effet, les bactéries sont responsables d’infections, que ce soit chez les animaux ou chez les plantes, et les biofilms qu’elles forment posent des problèmes dans de nombreux secteurs [39]. Le rôle du QS dans les infections des poissons et des crevettes a, par exemple, été mis en évidence chez Vibrio spp. et Aeromonas spp. avec de sévères répercussions en aquaculture [40]. Chez les plantes, la bactérie Pectobacterium carotovorum (ou Erwinia carotovora) est responsable du feu bactérien, une maladie ciblant de nombreux arbres fruitiers engendrant chaque année de sérieuses conséquences en agriculture [39]. La formation des biofilms bactériens joue également un rôle prépondérant dans l’agrégation de salissures sur les surfaces immergées et les coques de bateaux, mieux connue sous le nom de biofouling [41], dont les enjeux environnementaux sont considérables, et les conséquences économiques estimées à plusieurs dizaines de milliards d’euros chaque année [41].

Conclusion

Le QS module l’expression de nombreux gènes impliqués dans la sécrétion de toxines ou de facteurs de virulence, la compétence, la perméabilité membranaire, la motilité ou encore la formation de biofilm. Ce dernier contribuerait à de nombreux mécanismes impliqués dans la résistance aux agents antibactériens, en limitant leur diffusion ou en augmentant la fréquence des mutations des agents microbiens [42]. Compte tenu de son rôle prépondérant, à la fois dans la virulence et la résistance bactérienne, le QS est devenu une cible privilégiée pour le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques pour répondre aux problèmes posés par l’utilisation massive d’antibiotiques. Des approches mettant en œuvre des inhibiteurs chimiques, des anticorps ou des enzymes ont été développées pour contrer les effets du QS [16]. Contrairement aux agents bactéricides, l’inhibition du QS cible le système de communication des bactéries et n’affecte pas directement leur survie. Ceci est particulièrement vrai pour les enzymes qui agissent sur les molécules de communications sécrétées dans l’environnement. Certains inhibiteurs peuvent également montrer des effets biocides au-delà de certaines concentrations. L’effet synergique du QQ avec des traitements antibactériens tels que les antibiotiques, les antiseptiques ou les bactériophages ouvre donc la voie à des multithérapies.

Le QQ pourrait être à l’origine de nombreuses applications pour lutter contre les infections et pourrait permettre de réduire les doses d’antibiotiques utilisées en santé humaine et animale pour contrer les phénomènes de résistances bactériennes. Son efficacité contre la formation de biofilms constitue une alternative de choix aux agents biocides, tels que le cuivre utilisé notamment dans les peintures marines, qui s’accumule dans l’environnement et pose de sérieux problèmes de toxicité pour les écosystèmes marins. Le QQ se révèle être donc une nouvelle arme pour renforcer l’arsenal antibactérien disponible. L’efficacité du QQ a été largement documentée, à la fois in vitro, in situ et in vivo, soulignant son énorme potentiel. Son développement nécessite désormais des phases pré-cliniques et cliniques plus approfondies pour répondre aux exigences réglementaires. Nul doute que le QQ constituera un axe de recherche thérapeutique majeur durant les prochaines années et que des investissements conséquents y seront consacrés tant les enjeux sanitaires, écologiques et économiques associés sont immenses.

Liens d’intérêt

Laure Plener, Éric Chabrière, David Daudé ont des intérêts financiers dans l’entreprise Gene&GreenTK.

Sonia Mion, Benjamin Rémy déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Remerciements

Ce travail a été réalisé dans le cadre d’un contrat DGA-RAPID (LACTO-TEX) de la Direction générale de l’armement (DGA, France). Ce travail est également supporté par le programme « Investissements d’avenir » (Méditerranée Infection 10-IAHU-03) de l’Agence nationale de la recherche (ANR). B. Rémy est financé par une bourse de thèse du programme « Emplois Jeunes Doctorants » de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA, France). S. Mion est financée par une bourse de thèse de la Direction générale de l’armement (DGA).

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