La fonction d’un lymphocyte B est de produire une immunoglobuline (Ig) spécifique d’un antigène. Pendant bien longtemps rien ne ressemblait plus à un lymphocyte B qu’un autre lymphocyte B alors que le lymphocyte T se déclinait, entre autres, en T4, T8 ou Tgd. En fait, de nombreuses études ont mis en évidence l’hétérogénéité lymphocytaire B avec l’existence des lymphocytes B1 et B2, compliquée par la description de sous-populations particulières telles les B1a, B1b, B2 folliculaires ou marginaux et B régulateurs. Les lymphocytes B1 participent au système immunitaire inné. Très schématiquement, ils sont produits dans le foie fœtal, vont occuper des niches géographiques précises (entre autres, les muqueuses aériennes et digestives) où ils vont s’y renouveler et produire des IgM et des IgA poly-réactives assurant la première ligne de défense contre les pathogènes. Les lymphocytes B2, quant à eux, font partie de l’immunité acquise. Ils sont produits à partir de la moelle osseuse, vont terminer leur maturation dans les organes hématopoïétiques secondaires, produisent des Ig de haute affinité (grâce au processus d’hypermutation somatique, ou SHM) et d’isotypes variés (correspondant à différentes classes et sous-classes d’Ig : IgG1, 2, …, IgA1 …, IgE), grâce au mécanisme de commutation isotypique, ou CSR. Les lymphocytes B1 diffèrent donc des B2, entre autres par leur origine, leur fonction, leur spécificité antigénique, la diversité de leur répertoire, leurs marqueurs de surface et même leur distribution tissulaire. Les lymphocytes B1 et B2 partagent néanmoins la même fonction de base : produire des Ig.
Les différents événements géniques qui ont lieu lors de la lymphopoïèse B (recombinaisons V(D)J1 pour l’établissement du répertoire antigénique, maturation d’affinité par le SHM, modification des fonctions effectrices des Ig par la CSR, synthèse des Ig) requièrent des régulations à la fois spatiales et temporelles au niveau du locus des chaînes lourdes d’Ig (IgH). Leurs déroulements nécessitent l’intervention d’activateurs cis-transcriptionnels (ou enhancers). Le locus IgH murin en a deux principaux : l’activateur intronique Eμ (localisé entre les segments JH et le gène Cμ) et la région régulatrice en 3’ (3’RR) localisée en aval de Cα (Figure 1). Eμ est important pour les recombinaisons V(D)J et l’établissement du répertoire antigénique. La région 3’RR contrôle, aux stades B matures, la transcription du locus IgH, la synthèse d’Ig, la SHM et la CSR [1] (→).
(→) Voir la Synthèse d’A. Saintamand et al., m/s n° 11, novembre 2017, page 963
![]() | Figure 1. Lymphocytes B1-B2 et activateurs transcriptionnels du locus IgH.
A. Schéma simplifié et non à l’échelle
du locus des chaînes lourdes d’Ig (IgH) (immunoglobuline H) murin. Les deux
activateurs transcriptionnels Em et 3’RR (région régulatrice en 3’) sont mis
en évidence. La région 3’RR est constituée de quatre activateurs
transcriptionnels (représentés par des ronds de couleur); les trois premiers
étant inclus dans un quasi-palindrome (flèches blanches) de 25 kb.
B. Comparaison des effets de la
délétion de la région 3’RR sur la transcription du locus IgH, le répertoire
antigénique, le processus d’hypermutation somatique et la recombinaison
isotypique dans les lymphocytes B1 et B2. Les références bibliographiques
pertinentes sont indiquées. |
De récentes études ont montré que la région 3’RR n’est pas impliquée de la même façon dans la maturation des lymphocytes B1 et B2 dévoilant, pour la première fois, un rôle différent d’éléments cis-régulateurs du locus IgH dans leur maturation fonctionnelle (Figure 1).
La région 3’RR gouverne le devenir des lymphocytes B1 et B2 par son effet activateur transcriptionnel pour la synthèse de la chaîne m et donc l’expression d’un BCR (B-cell receptor) de membrane. Ainsi, si un lymphocyte B1 ou B2 utilise indifféremment un allèle IgH porteur ou non d’une région 3’RR fonctionnelle pour la création du répertoire antigénique, cette dernière est importante dès les stades au cours desquels la production d’une Ig est nécessaire pour exprimer un BCR de surface et passer les étapes de sélection qui en dépendent [2, 3]. L’analyse des souris déficientes pour la région 3’RR montre qu’elle n’est pas impliquée dans les phases précoces de la lymphopoïèse B2 lors des recombinaisons V(D)J pour l’élaboration du répertoire antigénique (supporté par le BCR) [4]. Il en est de même pour les lymphocytes B1. Toutefois, un répertoire B1 biaisé vers des BCR plus auto-réactifs est retrouvé chez les souris déficientes pour la région 3’RR en relation avec son rôle sur la transcription de la chaîne m dès les stades précoces [3]. Un retard ou une plus faible expression du BCR membranaire conduit, chez les lymphocytes B1, et à la différence des lymphocytes B2, à la sélection des clones les plus auto-réactifs, les lymphocytes B1 nécessitant une forte signalisation induite par le BCR pour survivre. La présence d’une région 3’RR fonctionnelle est nécessaire au processus de SHM à la fois pour les lymphocytes B2 [5] et les lymphocytes B1 [6], même si ces derniers hyper-mutent moins fréquemment que les B2. En revanche, si la région 3’RR est absolument nécessaire à la CSR pour le lymphocyte B2 [7], tel n’est pas le cas pour le lymphocyte B1 [8]. La capacité naturelle du B1 à la recombinaison isotypique vers a (pour produire une IgA) se déroule normalement en absence de la région 3’RR. En revanche, de par son effet indispensable sur la transcription du locus IgH, ces lymphocytes B1 exprimant un BCR IgA présentent une importante diminution de leur sécrétion d’IgA.
En conclusion, les activateurs transcriptionnels du locus IgH, et en particulier ceux de la région 3’RR, n’influencent pas de façon similaire la maturation/fonction des lymphocytes B1 et B2, montrant, pour la première fois, un rôle différent des éléments cis-régulateurs IgH dans leur devenir.