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doi: 10.1051/medsci/2019078.

L’interleukine 33
De la biologie aux implications thérapeutiques

Pauline Schmitt,1 Jean-Philippe Girard,1* and Corinne Cayrol1**

1Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale, IPBS, Université de Toulouse, CNRS, UPS, 205, route de Narbonne, 31077Toulouse, France
Corresponding author.
 

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Vignette [Structure de l’IL-33 (rouge) en complexe avec ST2L (bleu)]. Photo © Protein Data Bank ID:4KC3.

Découverte et structure de l’interleukine 33

L’interleukine 33 (IL-33) (initialement nommée NF-HEV pour nuclear factor of high endothelial venule) a été découverte comme un facteur nucléaire exprimé dans les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins HEV1 chez l’homme [1]. Quelques années plus tard, elle a été rattachée aux membres de la famille des interleukines 1 (IL-1) en raison d’une homologie structurale de sa partie C-terminale (acides aminés [aa] 112 à 270) [2]. En effet, ce domaine présente une structure tridimentionnelle en 12 brins bêta organisés en trèfle bêta, caractéristique de l’IL-1 [3] et est doté de l’activité cytokine de la protéine [4]. Sa partie amino-terminale (aa 1 à 78) est nécessaire et suffisante pour amener l’IL-33 dans le noyau et permettre son attachement à la chromatine [5]. Elle comprend une séquence présumée de localisation nucléaire (ou NLS, correspondant aux aa 61 à 78) et un motif de liaison à la chromatine (CBM, aa 40 à 58). Ce motif (MXLRSG) a été identifié comme interagissant avec la poche acide formée par le dimère d’histones H2A-H2B, à la surface du nucléosome [6]. Les domaines N- et C-terminaux de la protéine IL-33 sont conservés au cours de l’évolution (respectivement 59 et 57 % d’identité entre l’homme et la souris), suggérant des fonctions importantes de ces deux domaines. Le domaine central de la protéine (aa 79 à 111 chez l’homme) est une plateforme de clivage et d’activation pour un grand nombre de protéases, endogènes ou exogènes, libérées au cours d’une inflammation allergique ou d’une infection [7-9].

L’axe IL-33/ST2L : de l’expression à l’activation des cellules cibles
Expression de l’IL-33
La séquence de l’IL-33 a été établie dans plus de 110 espèces appartenant toutes à la classe des mammifères. Chez l’homme, l’IL-33 est produite de façon constitutive en condition basale, essentiellement au niveau des vaisseaux sanguins et dans les tissus muqueux exposés à l’environnement extérieur qui constituent la première ligne de défense contre les pathogènes [10]. On la retrouve notamment dans le noyau des cellules endothéliales tout le long de l’arbre vasculaire, des cellules épithéliales de tissus en contact avec l’extérieur (glande salivaire, poumons, estomac, intestin, vagin, etc.), mais aussi dans des fibroblastes (fibroblastic reticular cells, ou FRC) des organes lymphoïdes secondaires [10] et des cellules mésenchymateuses. L’expression de l’IL-33 humaine peut également être induite dans un contexte pathologique qu’il soit d’origine inflammatoire, fibrotique ou infectieux, non seulement dans ces mêmes cellules mais aussi dans d’autres types cellulaires comme les kératinocytes de la peau ou des myofibroblastes au niveau du foie, du pancréas ou des reins [11, 12]. Une expression similaire à celle trouvée chez l’homme a été observée chez la souris à l’exception, notamment, de l’endothélium où seule une expression inductible (lors d’une réaction inflammatoire par exemple) a pu être mise en évidence [13]. D’autres différences d’expression entre l’homme et la souris ont été décrites, par exemple au niveau des cellules épithéliales des voies respiratoires puisque la forme murine est exprimée dans les cellules alvéolaires de type II tandis que chez l’homme, elle est retrouvée dans les cellules épithéliales basales bronchiques [14].
Libération de l’IL-33
L’IL-33 ne possède pas de peptide signal. Elle n’est donc pas sécrétée dans le milieu extracellulaire par la voie de sécrétion classique qui emprunte la route du réticulum endoplasmique et de l’appareil de Golgi. Contrairement à d’autres membres de la famille de l’IL-1, l’IL-33 ne nécessite pas de clivage par la caspase-1 pour être libérée sous forme active dans le milieu extracellulaire [15]. Il est vraisemblable qu’elle soit rapidement libérée de façon passive par les cellules nécrotiques, endommagées à la suite d’un stress tissulaire ou cellulaire, au cours d’une inflammation, d’une infection ou après une lésion. Cependant, il n’est pas exclu que des mécanismes de sécrétion active permettent la libération de l’IL-33 dans le milieu extracellulaire sans qu’il y ait véritablement de mort cellulaire. Différents mécanismes de sécrétion active ont ainsi été proposés, comme le stress oxydatif, l’activation cellulaire par l’ATP, l’acide urique ou les récepteurs PAR (récepteurs activés par les protéases) impliquant notamment une élévation du calcium intracellulaire [16].
Le récepteur de l’IL-33, ST2L, et les voies de signalisation induites dans les cellules cibles
Le récepteur ST2L (suppressor of tumorigenicity 2) est codé par le gène IL1RL1 (interleukin-1 receptor-like 1) et est présent à la surface de nombreuses cellules du système immunitaire, son expression pouvant être constitutive ou induite par l’environnement [12]. Les cellules cibles majeures de l’IL-33 sont les cellules immunitaires innées qui résident dans les tissus et expriment le récepteur ST2L de façon constitutive comme les cellules lymphoïdes innées de type 2 (ILC2), les mastocytes, les basophiles, les macrophages et les lymphocytes T régulateurs (Treg) [16-19] () qui sont capables de répondre très rapidement à la libération d’IL-33 dans les tissus. Les voies de signalisation activées par l’IL-33 (Figure 1) dans les cellules cibles sont très similaires à celles activées par l’IL-1 et l’IL-18 [4]. L’expression différentielle des récepteurs ST2L, IL-1R et IL-18R (les récepteurs des IL-1 et IL-18) sur les cellules cibles est ainsi critique pour expliquer les effets biologiques uniques de chaque cytokine.

(→) Voir la Synthèse de A. Crinier et al., m/s n° 5, mai 2017, page 534

Fonctions biologiques de l’IL-33 et pathologies associées

L’expression constitutive de l’IL-33 au niveau de l’endothélium et des barrières épithéliales en fait une cytokine de choix pour initier rapidement les réponses immunes à la suite de dommages causés par divers agents pathogènes (virus, parasites) ou environnementaux (allergènes). L’IL-33 fonctionne comme un signal d’alarme (ou alarmine), qui sent le dommage tissulaire et alerte les cellules du système immunitaire.

Rôle majeur de l’IL-33 dans les réponses immunes de type 2 et les maladies allergiques

De nombreuses études ont permis de montrer que l’administration exogène d’IL-33 à des souris, par exemple par voie intra-nasale ou péritonéale, entraîne l’activation et l’expansion de cellules immunitaires innées cibles de l’IL-33, notamment les ILC2, les mastocytes et les basophiles [19]. Cette activation conduit à la production massive de cytokines de type 2 (IL-4, IL-5 et IL-13), de chimiokines (éotaxine), et de médiateurs pro-inflammatoires (IL-6, protéases, histamine, eicosanoïdes, etc.). Une immunité de type 2 est alors mise en place, entraînant une éosinophilie, l’hyperplasie des cellules caliciformes, la production de mucus, la contraction des muscles lisses et la commutation isotypique2, vers la synthèse d’immunoglobulines d’isotype E (IgE) [16, 17] (Figure 2). Ces réponses sont également observées chez des souris déficientes en lymphocytes B et T (les souris Rag2-/- [recombination activating gene 2]) suggérant que les cellules innées sont des cibles majeures de l’IL-33. D’autres cellules immunitaires innées (éosinophiles, macrophages alvéolaires de phénotype M2, cellules dendritiques, iNKT [invariant natural killer T]) ou adaptatives (lymphocytes T CD4+), recrutées sur le site inflammatoire et exprimant le récepteur ST2L de façon constitutive ou inductible, sont également activées et/ou polarisées par l’IL-33 et participent au processus inflammatoire.

Ainsi, l’IL-33 joue un rôle prépondérant dans l’initiation et le développement des réponses immunes de type 2, qui s’avèrent primordiales lors de l’infection de l’hôte par des helminthes, par exemple. En effet, l’administration de l’IL-33 à des souris infestées par ces vers parasites permet de les expulser [20], notamment en induisant les cytokines de type 2, IL-4 et IL-13, et des souris déficientes en IL-33 présentent un défaut d’élimination de ces vers. Chez l’homme, l’expression de l’IL-33 est augmentée dans le sérum de patients infestés par Schistosoma japonica3,, et est corrélée à une induction des cytokines de type 2. L’IL-33 exerce ainsi un effet protecteur contre les infestations4, par de nombreux vers parasites. En revanche, cette immunité de type 2, induite par l’IL-33, peut contribuer au développement de diverses maladies allergiques telle que l’asthme, la dermatite atopique, la rhinite allergique ou la rhinosinusite chronique [12]. De nombreuses études réalisées dans divers modèles de rhinite ou d’asthme allergique chez la souris ont ainsi montré que la voie IL-33/ST2L/ILC2 était requise pour l’inflammation allergique des voies aériennes [21-25]. De même, dans un modèle expérimental de dermatite atopique, le développement de la maladie est inhibé chez les souris invalidées pour le gène Il-33 ou Il1rl1. La surexpression de l’IL-33 dans la peau entraîne également des symptômes caractéristiques de la dermatite atopique [26], suggérant un rôle important de la cytokine dans cette pathologie. Ainsi, l’IL-33, en initiant et amplifiant les réponses immunes de type 2, apparaît être un acteur central dans la marche atopique, depuis la dermatite atopique jusqu’à la rhinite allergique et l’asthme [27]. Chez l’homme, l’IL-33 semble impliquée dans ces mêmes pathologies allergiques. En effet, les niveaux d’expression d’IL-33, d’IL-5, d’IL-13 ainsi que le nombre d’éosinophiles et d’ILC2 augmentent chez les patients atteints de dermatite atopique, de rhinite allergique ou d’asthme, et sont corrélés à la sévérité de la maladie [28]. Il a été par ailleurs proposé que l’IL-33 soit un médiateur du remodelage des voies respiratoires chez les enfants atteints d’asthme sévère [29].

Les autres rôles de l’IL-33 (Figure 3)
Dans les réponses immunes de type 1

Un nombre croissant d’études montre que l’IL-33 présente des propriétés immunologiques différentes en fonction du microenvironnement qui module la distribution du récepteur ST2L et le type de cellules activées. Elle peut notamment promouvoir des réponses immunitaires de type 1, par exemple dans un contexte infectieux et/ou d’inflammation chronique. Ainsi, l’IL-33, en combinaison avec l’IL-12 produite en réponse à une infection virale, contribue à l’expansion et à l’activation des cellules NK et iNKT, en induisant la production d’interféron-g (IFN-g) [30]. De même, l’IL-33 et l’IL-12 coopèrent pour permettre l’augmentation transitoire de l’expression du récepteur ST2L sur les lymphocytes T cytotoxiques (CTL) CD8+, et stimulent l’expansion et la fonction effectrice des CTL activés ainsi que la sécrétion des cytokines antivirales, telles que l’IL-10 ou l’IFN-g [31]. Ainsi, l’IL-33 joue un rôle important dans l’immunité antivirale protectrice. Dans un contexte de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’IL-33 entraîne la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires comme le TNF-a (tumor necrosis factor), l’IL-12 et l’IFN-g, par les macrophages et les cellules NK, augmentant ainsi les réponses pro-inflammatoires de type 1 et exacerbant la maladie inflammatoire chronique [32].

Dans la résolution de l’inflammation, la réparation tissulaire et l’homéostasie
Même si l’IL-33 est impliquée dans les processus inflammatoires, elle contribue également à la résolution de l’inflammation et permet le retour à l’homéostasie en participant au processus de réparation tissulaire. Par exemple, il a été démontré que la signalisation induite par la liaison de l’IL-33 à son récepteur ST2L était requise pour restaurer l’intégrité de l’épithélium des voies respiratoires, après une infection des poumons par le virus de l’influenza ou après une infestation par le nématode Nippostrongylus brasiliensis 5, [11]. Cette réparation est due en partie à l’amphiréguline, un facteur de croissance sécrété notamment par les ILC2, les mastocytes et les lymphocytes T régulateurs (Treg) et qui se lie au récepteur EGFR (epidermal growth factor receptor) [33, 34]. D’autres évidences suggèrent que l’IL-33 est également un important régulateur de la réparation tissulaire dans la peau, les muscles, le foie et l’intestin, en permettant l’expansion et la fonction effectrice des lymphocytes Treg, directement ou indirectement via l’activation des ILC2 et la polarisation des macrophages6. Cependant, lorsque ce processus de réparation est mal contrôlé, il peut contribuer au développement de fibrose dans différents organes [35].

L’IL-33 semble jouer un rôle important dans l’homéostasie du poumon puisque qu’elle permet l’expansion et l’activation des ILC2 dans les poumons des nouveau-nés [36, 37]. Les réponses immunes de type 2 qui en résultent sont préservées tout au long de la vie et, à l’homéostasie, elles maintiennent les macrophages alvéolaires dans un phénotype de type M2 [37], induisent un état d’activation basal des ILC2 [38] et modulent le transcriptome des basophiles résidant dans les poumons [39]. L’IL-33 est également requise pour le maintien de l’homéostasie dans le tissu adipeux, en facilitant la différenciation et le maintien des lymphocytes Treg Foxp3+ ST2+ et des ILC2 dans le tissu adipeux viscéral. Cela a pour conséquence de limiter l’inflammation associée à l’obésité et de préserver la sensibilité à l’insuline ainsi que la tolérance au glucose [40].

L’IL-33 et les pathologies
Au vu du large spectre d’expression de l’IL-33, de ses cellules cibles et de ses fonctions, il n’est pas étonnant que l’IL-33 soit associée à de nombreuses pathologies, non seulement les maladies allergiques comme évoqué plus haut, mais également les pathologies inflammatoires chroniques et fibrotiques touchant l’intestin (rectocolite hémorragique ou colite ulcéreuse) ou le poumon (BPCO), les maladies infectieuses (sepsis, infection par des vers, virus ou bactéries), et les maladies cardiovasculaires (athérosclérose), rénales et métaboliques [12]. L’IL-33 joue tantôt un rôle protecteur, tantôt un rôle néfaste dans ces pathologies (Tableau I).

Régulation de l’IL-33

La protéine IL-33 doit être finement régulée afin qu’elle puisse exercer pleinement ses fonctions en cas de danger, sans devenir néfaste en participant au développement de diverses pathologies aiguës ou chroniques. Plusieurs mécanismes moléculaires sont impliqués dans la régulation de son activité.

Séquestration de l’IL-33 dans le noyau
Dans un modèle de souris knock-in, dans lequel le domaine amino-terminal de l’IL-33, comprenant le CBM, a été éliminé, l’IL-33 n’est plus séquestrée dans le noyau de la cellule. Elle est alors libérée de façon constitutive dans le milieu extra-cellulaire et sécrétée dans le sérum, ce qui induit une inflammation massive au niveau de nombreux organes [41]. Cette inflammation est dépendante du récepteur ST2L et entraîne la mort des souris à l’âge de trois mois. Plusieurs études de transcriptomique et protéomique ont démontré, tant in vitro qu’in vivo, que l’IL-33 localisée dans le noyau de cellules endothéliales ou épithéliales n’avait pas d’effet sur la transcription des gènes. En revanche, l’IL-33 exogène joue son rôle de cytokine [42]. Ainsi, l’IL-33 n’aurait pas de rôle actif au sein du noyau, mais y serait retenue pour limiter sa fonction de cytokine inflammatoire extra-cellulaire. Cette localisation dans le noyau a été conservée au cours de l’évolution probablement pour maintenir l’homéostasie tissulaire et protéger l’organisme d’une inflammation létale non contrôlée.
Séquestration de l’IL-33 par le récepteur soluble sST2
Deux isoformes majeures du récepteur ST2 ont été décrites : la forme transmembranaire (ST2L) et une forme soluble (sST2) qui ne possède que le domaine extracellulaire. La forme soluble sST2 est sécrétée par de nombreux types cellulaires, notamment les mastocytes et les lymphocytes T de type Th2. Elle agit comme un récepteur leurre capable de neutraliser l’IL-33 libre dans les fluides biologiques [21], empêchant ainsi les effets systémiques de la cytokine dans le sang. De hauts niveaux de sST2 sont retrouvés dans le sérum des patients atteints de maladies inflammatoires. Ils sont généralement corrélés à la sévérité de la maladie.
Inactivation de l’IL-33 par oxydation
L’activité biologique de l’IL-33 est régulée par oxydation [43]. Elle est libérée dans le milieu extracellulaire sous sa forme réduite et est rapidement (en moins de 2 heures) oxydée au niveau de quatre cystéines situées dans son domaine C-terminal (Cys208, Cys227, Cys232 et Cys259). Cette oxydation induit la formation de deux ponts disulfures et un changement conformationnel de la protéine qui entraîne son inactivation. La mutation de ces quatre cystéines a pour effet de prolonger l’activité de l’IL-33 dans le poumon. Les premières heures qui suivent sa libération dans le milieu extracellulaire sont donc critiques pour l’activation des cellules cibles.
Régulation de l’IL-33 par les protéases
L’IL-33 est un substrat de nombreuses protéases qui régulent son activité, que ce soit en l’inhibant ou en l’activant. Plusieurs études ont démontré que les caspases apoptotiques 3 et 7 clivent l’IL-33 dans son domaine cytokine et l’inactivent, probablement afin qu’elle ne provoque pas de réaction inflammatoire inopportune au cours de la mort cellulaire programmée [15]. D’autres travaux ont montré que les protéases endogènes produites par les mastocytes (chymase, tryptase) et les neutrophiles (cathepsine G, élastase et protéinase 3), clivent l’IL-33 dans son domaine central [7, 8] générant ainsi des formes matures biologiquement « superactives ». Une étude récente a démontré que l’IL-33 est un véritable détecteur (sensor) des activités protéolytiques associées aux allergènes environnementaux, tels que les pollens, les champignons, les acariens, etc. [9]. En effet, elle est clivée dans son domaine central par de nombreuses protéases exogènes provenant d’allergènes. Les fragments C-terminaux de la protéine ainsi générés présentent une activité au moins 30 fois supérieure à celle de la forme complète, conduisant à l’initiation de l’inflammation allergique. Ces clivages pourraient avoir un rôle déterminant in vivo comme facteur déclenchant de réactions allergiques, en particulier lorsque l’IL-33 est présente à de faibles concentrations.
Implications thérapeutiques : de nouveaux traitements en perspective pour l’asthme sévère et les maladies allergiques

De nombreuses études génétiques ont montré que l’IL-33 joue un rôle majeur dans l’asthme chez l’homme. En effet, les gènes IL33 et IL1RL1 ont été identifiés, de façon récurrente, comme des gènes de susceptibilité majeurs à l’asthme dans des études de très grande envergure (genome wide association studies, GWAS) impliquant plus de 10 000 patients d’origines ethniques différentes et présentant différentes formes d’asthme [16, 44, 45]. La mutation d’un seul allèle, qui entraîne une perte de fonction de l’IL-33, réduit ainsi le nombre d’éosinophiles dans le sang et protège de l’asthme [46]. D’autres gènes de susceptibilité à l’asthme jouant des rôles importants dans la différenciation des ILC2 (RORA [RAR-related orphan receptor A]), leur prolifération (IL2RB [interleukin 2 receptor subunit beta]), leur activation (TSLP [thymic stromal lymphopoietin], IL2RB) et leur fonction (IL13), ont été identifiés dans diverses études génétiques, indiquant que l’axe IL-33/ST2/ILC2 joue un rôle crucial dans l’asthme [45]. De plus, le fait que l’IL-33 soit libérée très rapidement après exposition à un allergène [9], qu’elle soit impliquée en amont de la cascade des réactions allergiques, et qu’elle soit active dans différentes étapes de la maladie atopique, suggère qu’elle est une cible thérapeutique de choix pour le traitement de l’asthme et, de façon plus générale, des maladies allergiques. D’ailleurs, l’inhibition de la voie IL-33/ST2 permet d’améliorer les symptômes de la maladie allergique dans des modèles murins de rhinite allergique [47], d’asthme allergique, d’allergie alimentaire (phase de sensibilisation) et de dermatite atopique. Chez l’homme, de nouveaux traitements des maladies allergiques fondés sur l’utilisation d’anticorps monoclonaux ciblant la voie IL-33/ST2 sont en phases d’essais cliniques et semblent très prometteurs (Tableau II).

Conclusion et perspectives

De plus en plus de travaux montrent que l’IL-33, au-delà de sa fonction d’alarmine, se comporte comme une cytokine pléiotrope, n’agissant pas de façon isolée. En effet, d’autres facteurs (cytokines, médiateurs lipidiques, neuropeptides, etc.) peuvent amplifier, diminuer, complexifier ou détourner son action. Étudier la coopération de l’IL-33 avec d’autres régulateurs en homéostasie ou dans des contextes pathologiques devrait permettre d’obtenir une vue plus complète et complexe de ses fonctions. Même si de grands pas ont été réalisés ces dernières années, notamment la découverte des cellules cibles ILC2, certaines interrogations subsistent, en particulier : quels sont les facteurs qui régulent l’expression de l’IL-33 ? Comment l’IL-33 est-elle libérée dans le milieu extracellulaire ? Pourquoi ne sommes-nous pas tous allergiques ? Comment réconcilier le rôle de l’IL-33 tantôt néfaste, tantôt protecteur, dans différentes pathologies qui, parfois, coexistent au sein d’un individu, comme dans l’asthme associé à l’obésité par exemple ?

Tant de questions auxquelles nous n’avons pas encore de réponse. Cependant, l’intérêt grandissant des biologistes et des entreprises pharmaceutiques pour l’IL-33, soutenu par les avancées technologiques, notamment le séquençage à haut débit sur cellule unique réalisé dans différents contextes, devraient permettre de répondre rapidement à de telles questions.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Remerciements

Ce travail est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR-12-BSV3-0005-01 et ANR-16-CE15-0009-01 à J.-P.G.). P. Schmitt est financée par des bourses du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, et de la Fondation ARC pour la Recherche sur le Cancer (ARC DOC20180507586).

 
Footnotes
1 Ou veinules postcapillaires à endothélium épais. Ce sont des vaisseaux permettant aux lymphocytes d’entrer dans les ganglions lymphatiques et dans certains autres organes lymphoïdes secondaires.
2 Processus qui, lors de la maturation d’un lymphocyte B, permet de modifier l’isotype des immunoglobulines produites.
3 C’est l’espèce d’helminthe la plus pathogène pour l’homme. Elle est responsable de la bilharziose artério-veineuse.
4 On parle d’infestation et non d’infection lorsqu’il s’agit de parasites.
5 N. brasiliensis infeste son hôte en traversant la peau. Il migre vers les poumons où la larve mature, puis vers l’intestin où la forme adulte du ver réside.
6 Processus par lequel les macrophages adoptent différents programmes fonctionnels en réponse à des signaux du microenvironnement ; on distingue la polarisation classique de type M1 qui est associée à la production de cytokines pro-inflammatoires et la polarisation alternative de type M2 qui participe à la régulation de l’inflammation et au phénomène de réparation tissulaire.
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