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| Med Sci (Paris). 35(6-7): 558–561. doi: 10.1051/medsci/2019101.Formation à l'éthique et à l'intégrité scientifique au
sein des écoles doctorales françaises Un premier état des lieux en 2018 Meriem Koual1,2,3 1Service de chirurgie cancérologique gynécologique et du
sein, Hôpital européen Georges Pompidou, AP-HP, 20 rue Leblanc, 75015Paris,
France. 2Inserm UMR-S1124, Toxicologie-pharmacologie et signalisation
cellulaire, 45, rue des
Saints-Pères, 75006Paris,
France. 3Université Paris Descartes, 45, rue des Saints-Pères,
75006Paris,
France. |
Vignette (Photo © Inserm- Koulikoff, Frédérique/Pinci, Alexandra). La déclaration de Singapour sur l'intégrité scientifique publiée en 2011 [1] a entraîné une forte mobilisation de la
communauté scientifique internationale contre les manquements à l'intégrité scientifique
ou les méconduites dans la recherche. En France, les initiatives dans ce sens se sont
multipliées avec la signature en janvier 2015 de la « chartre de déontologie des métiers
de la recherche » par la Conférence des Présidents d'Universités et par les institutions
de recherche françaises (Inserm, CNRS, IRD, INRA, INRIA, CIRAD) [2], et la remise du rapport du Professeur Pierre
Corvol intitulé « Bilan et propositions de mise en œuvre de la charte nationale
d'intégrité scientifique » [3,
7], qui a abouti à la
fondation de l'Office français de l'intégrité scientifique en mars 2017. Dans ce
contexte, des initiatives (→) ont vu le jour dans les universités et au
sein des écoles doctorales (ED), afin de sensibiliser les futurs chercheurs aux grands
enjeux de l'intégrité scientifique. Depuis mai 2016, la formation à l'éthique de la
recherche et à l'intégrité scientifique des doctorants est entrée dans un cadre légal
[4]. Cette mission a été
confiée aux ED, chargées d'assurer cette formation auprès de tous les doctorants, quelle
que soit leur discipline, selon des modalités qu'elles choisissent. L'objectif de notre
étude était de faire un état des lieux sur les conditions de cette formation au sein des
ED de France.
(→) Voir l’Éditorial de P. Corvol, m/s n° 8-9, août-septembre
2017, page 689
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Nous avons réalisé une enquête auprès des 269 écoles doctorales accréditées qui sont
répertoriées sur le site data.gouv.fr1. Un
questionnaire simple (formulaire Google), comportant six questions portant sur les
modalités de la formation des doctorants à l'éthique de la recherche et à
l'intégrité scientifique a été adressé par e-mail aux secrétariats et aux directeurs
des écoles doctorales en août 2018, avec un rappel un mois plus tard. Les questions
étaient les suivantes : 1) Existe-t-il une formation spécifique à l'intégrité scientifique au sein de votre
école doctorale ? 2) Si une telle formation existe, sous quelle forme se présente-t-elle ? 3) Cette formation est-elle obligatoire ? 4) Quel volume horaire représente-t-elle ? 5) Y-a-t-il des évolutions ou projets en cours dans le cadre de cette formation ? 6) Question ouverte : les participants avaient également la possibilité de laisser
des commentaires, remarques ou suggestions sur le sujet s'ils le souhaitaient. Il était précisé pour chaque répondant le nom de l'école doctorale, la ville, ainsi
que le domaine de recherche. Les réponses ont été extraites puis analysées. Les
écoles doctorales ont été regroupées par grands domaines de recherche (sciences
humaines et sociales, sciences technologiques, biologie/santé), et la répartition
géographique sur le territoire des répondants a été étudiée. Les commentaires faits
en réponse de la question ouverte ont été analysés afin d'en extraire les opinions
les plus fréquemment exprimées et les plus pertinentes. L'offre de formation
disponible en ligne sur les différents sites des écoles doctorales (cours en ligne,
programmes de cours, etc.) a été analysée afin d’en évaluer le contenu. |
Ce qui existe et ce qui pourrait exister |
Cinquante-cinq réponses ont été obtenues, dont 9 formulées au nom de collèges
doctoraux, qui regroupent plusieurs ED par grande ville ou par région. Cela a été le
cas pour les collèges doctoraux des universités de Bordeaux (8 ED), de Toulouse (15
ED), de Lyon (17 ED), de Bourgogne Franche-Comté (6 ED), de Bretagne-Loire (11 ED),
de Grenoble-Alpes (14 ED), de Limoges (8 ED), de Lorraine (8 ED) et de Paris-Saclay
(20 ED). L'échantillon des ED qui ont répondu s’est avéré représentatif des ED de France : 153
ED sur 269 au total se sont en effet manifestées, ce qui représente 57 % des ED
françaises. La répartition de ces ED sur le territoire est superposable à celle des
ED répertoriées (Figure 1). La
répartition des domaines de recherche a également été respectée : 33 % de ces 153 ED
proposent une formation en sciences humaines et sociales (dont droit, économie et
gestion) ; 31 % en sciences technologiques ; 25 % en biologie, médecine et santé ;
et 11 % sont multidisciplinaires.
 | Figure 1. Répartition des écoles doctorales (ED) prises en compte dans l'étude
selon le nombre et la ville ou région. |
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Une formation spécifique à l'intégrité en recherche est proposée aux doctorants dans
93 % des écoles doctorales analysées. Dans les cas où il n'existe pas de formations
spécifiques, les doctorants sont informés de la nécessité de participer à une telle
formation et sont orientés vers des offres externes. Cette formation est obligatoire
dans 75 % des cas, mais elle ne fait l'objet d'une évaluation que de façon
exceptionnelle. Concernant le type de formation proposée, 37 % des ED proposent des
cours en présentiel, 35 % des conférences/séminaires et 23 % des cours en ligne. Le
manque de formateurs a été souligné à plusieurs reprises, rappelant ainsi que la
sensibilisation des chercheurs à ces domaines est récente et doit encore être
développée. Le volume horaire d'enseignement est très faible : le plus souvent (dans
62 % des cas), il est compris entre 2 et 10 heures. Il dure entre 10 et 20 heures
dans 21 % des cas, plus de 20 heures pour 4 % des ED, mais aussi moins de 2 heures
pour 13 % d’entre elles. Ces résultats sont présentés sous forme graphique dans la
Figure 2.
 | Figure 2. Formation à l'intégrité scientifique Disciplines principales des ED
répondantes dans les écoles doctorales françaises en 2018. |
Les sujets récurrents abordés au cours des formations couvrent bien les questions
d'intégrité scientifique : les manquements à l'intégrité, les enjeux, la prévention
des inconduites, la sensibilisation au plagiat, etc. A contrario,
l'éthique de la recherche, qui peut être abordée de manière très différente selon
que l'on parle d'éthique médicale ou d'éthique en anthropologie ou dans d’autres
disciplines, n'est que rarement présentée dans les programmes des cours. Les écoles
doctorales/collège doctoraux proposent en effet souvent un enseignement unique à
tous leurs doctorants, sans prise en compte des spécificités de chaque discipline et
spécialité. Cinquante-deux pour cent des ED qui ont répondu ont déclaré que la
formation qu’elles prodiguaient faisait l'objet de projets en cours d’élaboration ou
d’évolution, avec des perspectives de renforcement. Et elles ont précisé leur
volonté d'impliquer davantage les doctorants : développement de MOOC
(massive open online course)2, mise en place d'ateliers et d'activités interactives, tels que des
quizz et des jeux de rôle. La nécessité de proposer une offre de formation en
anglais pour les étudiants non francophones a également été soulignée. Un travail
dans ce sens est déjà en cours dans plusieurs ED ou collèges d'ED. |
Désormais, depuis 2017, chaque étudiant en thèse doit signer à son inscription la
charte d'éthique du doctorat [6]. Pourtant, il ignore bien souvent les enjeux de l'intégrité
scientifique, et beaucoup d'erreurs ou de méconduites dont il sera l’auteur auront
pour origine une méconnaissance des bonnes pratiques de laboratoire et de
recherche. Le travail que nous présentons ici, première photographie en 2018 de l'offre de
formation à l'éthique en recherche et à l'intégrité scientifique au sein des écoles
doctorales françaises, nous permet d'affirmer que ces écoles sont globalement bien
sensibilisées et impliquées dans la formation des doctorants et qu'une dynamique
positive est enclenchée. Cependant, même si proposer une offre générale/globale avec
de plus en plus d'uniformisation des enseignements semble plus simple à réaliser
pour les écoles doctorales, cette formation devra être adaptée aux différents
domaines de recherche et prendre en compte les spécificités des spécialités. Il est
également important de souligner que la sensibilisation du doctorant aux manquements
à l'éthique et à l'intégrité scientifique nécessite l’engagement quotidien de
l'équipe qui l’encadre, notamment celui de son directeur de thèse, qui est en
général malheureusement encore peu sensibilisé au sujet et à la nécessité de la
transmission d’un savoir sur l'éthique en recherche et l'intégrité scientifique3. La sensibilisation des jeunes chercheurs en
formation pourrait permettre de mobiliser les chercheurs seniors eux-mêmes, à qui
ces formations pourraient être ouvertes, comme cela est parfois fait. De façon plus
générale, une formation aux enjeux cruciaux que représentent l'éthique en recherche
et l'intégrité scientifique devrait être donnée aux étudiants le plus tôt possible,
dès « le plus jeune âge », au sein des universités au cours de leur cursus
(licences, masters, IUT, BTS, école d’ingénieur, etc.), voire même au lycée. |
L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
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Footnotes |
1. Resnik
DB,
Shamoo
AE. The Singapore
statement on research integrity . Account
Res.
2011; ; 18 :
:71.–75. 6.
Exemple de charte du doctorat:
file:///C:/Users/3283887/Downloads/Charte%20du%20doctorat%20USPC.pdf.
7. Corvol
P.. L’intégrité
scientifique : de l’entre-soi à une approche systémique .
Med Sci (Paris).
2017; ; 33 :
:689.–690. |