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| Med Sci (Paris). 35(8-9): 702–705. doi: 10.1051/medsci/2019138.La stimulation des lymphocytes Treg
via le TNFR2 et GITR comme nouvelle approche thérapeutique
dans les maladies auto-immunes Morgane Hilaire1* and Nicolas Aubert2 1Master Biologie Moléculaire et Cellulaire-M2 Parcours
Génopath, Université Claude Bernard Lyon 1, Université de
Lyon, France 2Sorbonne Université, Inserm, CNRS, Centre d’immunologie et
des maladies infectieuses-Paris, Cimi-Paris, 75013Paris,
France MeSH keywords: Animaux, Anticorps monoclonaux, Maladies auto-immunes, Division cellulaire, Évaluation préclinique de médicament, Encéphalomyélite auto-immune expérimentale, Protéine associée au récepteur du TNF induit par les corticoïdes, Humains, Tolérance immunitaire, Immunosuppresseurs, Agranulocytes, Souris, Thérapie moléculaire ciblée, Récepteur au facteur de nécrose tumorale de type II, Sepsie, Sirolimus, Lymphocytes T régulateurs, Sérine-thréonine kinases TOR, Facteur de nécrose tumorale alpha, pharmacologie, usage thérapeutique, traitement médicamenteux, immunologie, effets des médicaments et substances chimiques, agonistes, déficit, thérapie |
La tolérance immunitaire permet de prévenir les réponses immunitaires contre les tissus
sains de l’organisme. Les Treg (lymphocytes T régulateurs) participent à ce processus
biologique en périphérie via leurs activités immunosuppressives sur les
cellules immunitaires impliquées, comme les Tconv (lymphocytes T conventionnels). Les
Treg se différencient des Tconv par l’expression constitutive de CD25 (la chaîne a du
récepteur de l’interleukine 2) et de FOXP3 (Forkhead box P3). Le
facteur de transcription FOXP3, spécifique de ces cellules, est impliqué dans leur
différenciation, leur fonction et leur stabilité. Pour réguler l’activité du système
immunitaire, les Treg agissent en secrétant des cytokines immunosuppressives ou par
contact cellulaire direct. Lors de maladies auto-immunes, des Tconv auto-réactifs
échappent au processus de tolérance centrale et périphérique. Les Treg jouent alors un
rôle essentiel pour contrôler ces cellules. Cependant, dans de nombreuses maladies
auto-immunes, comme dans la sclérose en plaques, des altérations quantitatives et
qualitatives des Treg sont retrouvées [1]. Ces altérations conduisent à l’activation et la prolifération de Tconv
auto-réactifs, perturbant l’équilibre entre Tconv et Treg. L’implication des Treg dans
les maladies auto-immunes suggère qu’ils pourraient être une cible thérapeutique pour le
traitement de ces maladies. Ainsi, restaurer leur nombre ou leur fonction
immunosuppressive permettrait de contrôler les réponses immunitaires excessives et de
rétablir la tolérance. Certains membres de la famille des récepteurs du TNF (TNFRF pour tumor necrosis
factor receptor family) sont exprimés préférentiellement par les Treg et
interviennent dans leur développement thymique. Bloquer ces récepteurs inhibe le
développement et la maturation des Treg et a un impact négatif sur le contrôle des
maladies auto-immunes [2]. Parmi
ces récepteurs, TNFR2 (tumor necrosis factor receptor 2) et GITR
(glucocorticoid-induced tumor necrosis factor receptor) semblent
particulièrement importants. Ces récepteurs étant fortement exprimés par les Treg, leur
stimulation par des agonistes pourrait permettre l’expansion des Treg et être utilisée
comme voie thérapeutique dans les maladies auto-immunes. Les Treg ainsi stimulés
permettraient de rétablir la balance perturbée entre les Treg et les Tconv. |
Expansion des lymphocytes Treg par des agonistes de TNFR2 TNFR2: une cible prometteuse Le TNFa est une cytokine dont l’action est dépendante de deux récepteurs de
structure similaire mais fonctionnellement différents: TNFR1 et TNFR2. Le TNFR1,
exprimé à la surface de nombreux types cellulaires, est associé à
l’inflammation, la cytotoxicité et l’apoptose. Le TNFR2 est, quant à lui,
présent majoritairement à la surface des lymphocytes et promeut leur survie et
leur prolifération. L’expression du TNFR2 est plus élevée sur les Treg que sur les Tconv et corrèle
avec une forte activité suppressive des Treg. In vitro, la
présence de TNFa permet d’activer la prolifération des Treg et de stimuler leur
fonction suppressive sur les Tconv. Dans un modèle de sepsis chez la souris, la
délétion du gène Tnfrsf1b, codant le TNFR2, entraîne un échec
de l’expansion des Treg; l’inflammation n’est alors plus contrôlée et est
généralisée [3], montrant
ainsi l’importance de ce récepteur pour l’activité des Treg et son rôle dans le
maintien de la tolérance immunitaire. Le TNFR2 apparaît donc comme une cible de
choix pour augmenter le nombre et la fonction suppressive des Treg. Utilisation d’agonistes de TNFR2 De nouvelles stratégies de thérapies cellulaires pour le traitement des maladies
auto-immunes sont actuellement envisagées. Elles consistent en l’injection de
Treg après une phase d’expansion ex vivo dans le but de
rétablir la balance Treg/Tconv dérégulée. Cependant, il existe plusieurs
obstacles techniques à cette stratégie, notamment la difficulté de la
purification des Treg et leur faible stabilité après réinjection. En effet, la
purification et l’expansion ex vivo de Treg pourrait entraîner
une perte d’expression de FOXP3 conduisant à une perte de la stabilité et de la
fonction suppressive des Treg [ 4]. Ils pourraient alors acquérir un phénotype pro-inflammatoire qui
serait néfaste dans ce type de traitement. L’utilisation d’agonistes de TNFR2 ex vivo semble être une
stratégie prometteuse pour répondre à ces contraintes (Tableau I). En effet, une
stimulation ex vivo à l’aide d’un agoniste de TNFR2
(l’anticorps MR2-1) en combinaison avec de l’interleukine 2 (IL-2), des
anticorps anti-CD3/CD28 et de la rapamycine (un inhibiteur de la protéine mTOR
connu pour favoriser l’expansion des Treg) permet une expansion importante de
Treg CD4+CD25+ isolés à partir de cellules mononucléées du
sang périphérique (ou PBMC pour peripheral blood mononuclear
cell) de donneurs sains [4].
Leur stabilité et leur fonction suppressive sont conservées et ils ne présentent
pas de phénotype pro-inflammatoire. De plus, cette expansion peut être efficace
même si la pureté des Treg triés à partir des PBMC totaux est faible (60 à 80%
de Treg FOXP3+). Ces Treg stimulés ex vivo
permettent in vivo, après un transfert, de réduire
l’inflammation de la peau dans un modèle de souris dont le système immunitaire
est humanisé. Cependant, cette stratégie de thérapie cellulaire requiert
l’utilisation d’un protocole lourd à mettre en place et très coûteux.
Tableau I.
|
Agoniste |
Impact sur les Treg |
Impact sur la réponse immune |
Réf |
Ciblage
TNFR2
|
Anticorps anti-TNFR2 (MR2-1) |
Stimulation ex vivo
|
Réduction de l’inflammation de la peau après
transfert de Treg stimulés ex
vivo
|
[4] |
TNCscTNF80 |
Stimulation in vivo
|
Réduction de la sévérité de la pathologie dans
un modèle d’arthrite auto-immune |
|
[5] |
Ciblage GITR
|
Fc-GITR-L |
Stimulation ex vivo et
in vivo
|
Suppression de la réponse immunitaire contre un
antigène exogène |
[8] |
Ligand naturel (expression constitutive dans
des souris transgéniques) |
Stimulation ex vivo et
in vivo
|
Réduction de la sévérité de la pathologie dans
un modèle d’encéphalomyélite auto-immune expérimentale |
|
[9] |
Ac anti-GITR
(DTA-1) |
Blocage de l’activité suppressive in
vitro
|
|
|
[10] |
Effets de différents agonistes du TNFR2 et de GITR sur les Treg. |
Pour ne pas avoir à effectuer une approche lourde de thérapie cellulaire, une
alternative consisterait à injecter directement l’agoniste de TNFR2 chez les
patients pour stimuler les Treg endogènes. Dans un modèle murin d’arthrite
auto-immune, le traitement par un agoniste de TNFR2 (TNCscTNF80) permet
l’expansion des Treg in vivo [5]. La fréquence de Treg au sein de la population de lymphocytes T
CD4+ est augmentée. Ce traitement permet de diminuer la sévérité
des symptômes, suggérant qu’il pourrait être utilisé dans le cadre de traitement
contre les maladies auto-immunes. Cependant, l’injection d’agoniste de TNFR2
pourrait également stimuler les Tconv, puisqu’ils expriment aussi ce récepteur.
Il serait donc nécessaire de prendre en compte ce paramètre pour éviter une
aggravation de la pathologie due à une prolifération non souhaitée des
Tconv. |
Expansion des Treg par des agonistes de GITR GITR: une cible potentielle GITR ( Tnfrsf18) est une molécule de co-stimulation importante
pour le développement et la maturation des Treg. Sans ce signal, la conversion
des progéniteurs thymiques en Treg matures, exprimant FOXP3, est altérée [ 2]. Ce récepteur est fortement exprimé par
les Treg et son expression augmente encore lorsqu’ils sont activés [ 6]. Il est également
exprimé par les Tconv mais à des niveaux beaucoup plus faibles. L’expression de
GITR semble être associée à une forte activité suppressive des Treg. En effet,
chez des patients atteints du syndrome de Sjögren, une maladie auto-immune
systémique touchant les glandes exocrines, la fréquence de Treg GITR +
dans le sang est plus importante chez les patients avec une forme inactive de la
maladie [ 7]. L’importance
de GITR pour les Treg et son rôle dans les maladies auto-immunes, suggèrent que
ce récepteur pourrait être une cible thérapeutique dans ces pathologies. Utilisation d’agonistes de GITR Des agonistes de GITR sont actuellement à l’étude pour stimuler l’expansion des
Treg ex vivo et in vivo (Tableau I). In vitro, l’activation de GITR avec
une protéine de fusion constituée du domaine extracellulaire du ligand de GITR
fusionné à la région Fc d’une IgG (Fc-GITR-L) stimule la prolifération de Treg
de souris [ 8]. Les Treg ainsi générés sont
stables et leur fonction suppressive est conservée, voire augmentée. De plus,
l’administration directement in vivo de Fc-GITR-L aux souris,
favorise également la prolifération des Treg [ 8]. Le traitement supprime transitoirement la réponse immunitaire
contre un antigène exogène. Ainsi, nous pouvons supposer que l’utilisation d’un
agoniste de GITR ex vivo favoriserait l’expansion des Treg
avant la ré-administration aux patients ou permettrait, in
vivo, de rétablir une tolérance immunitaire chez les patients
auto-immuns. L’utilisation d’agonistes de GITR pose cependant le problème de la spécificité et
de l’efficacité du traitement sur les Treg et de son impact sur les Tconv.
Différentes études menées dans des modèles précliniques soulignent le fait que
l’engagement de GITR sur les Treg peut entraîner des effets différents en
fonction du type de ligand utilisé. L’expression transgénique dans des souris du
ligand naturel de GITR induit une prolifération et une activation des Treg, mais
également une accumulation de Tconv, bien que celle-ci soit plus faible [9]. L’induction d’une encéphalomyélite
auto-immune expérimentale (un modèle murin de la sclérose en plaques) dans ces
souris transgéniques est d’ailleurs retardée par rapport à des souris non
transgéniques, démontrant un effet protecteur de l’augmentation du nombre de
Treg [9]. De même, le ligand Fc-GITR-L
induit une expansion des Treg in vivo, cette expansion semblant
plus spécifique puisqu’elle n’affecte pas les Tconv [8]. En revanche, in vitro, l’utilisation
d’un anticorps agoniste de GITR (Ac anti-GITR, DTA-1) dans une co-culture de
Treg et de Tconv murins inhibe la capacité suppressive des Treg sur les Tconv
[10]. Selon cette étude, l’engagement
de GITR sur les Tconv les rendrait résistants à la suppression par les Treg. Un
tel mécanisme pourrait être délétère lors d’immunothérapies ciblant GITR en
aggravant la pathologie. Le choix du ligand utilisé pour stimuler l’expansion
des Treg semble donc primordial, et le développement de meilleurs agonistes de
GITR, permettant de stimuler préférentiellement les Treg est indispensable dans
le cadre de stratégies thérapeutiques utilisées pour le traitement de maladies
auto-immunes. |
L’utilisation d’agonistes de TNFR2 et GITR, deux membres des TNFRF, permet de
stimuler la prolifération et la fonction suppressive des Treg. Ces propriétés
pourraient être bénéfiques dans le cadre de futurs traitements de maladies
auto-immunes pour rétablir la tolérance. Pour cela, deux stratégies thérapeutiques
sont envisageables: 1) Stimuler ex vivo l’expansion des Treg
purifiés provenant de patients atteints de maladies auto-immunes
via ces agonistes, puis les réinjecter chez ces patients. 2)
Utiliser ces agonistes directement in vivo pour induire l’expansion
des Treg. Cependant, l’équilibre entre réponse inappropriée et immunosuppression est
fragile. Il est donc primordial d’identifier les doses et les traitements permettant
de stimuler la réponse Treg, tout en évitant d’une part, d’activer des Tconv
auto-réactifs et, d’autre part, de stimuler excessivement les Treg. En conclusion,
bien que la stimulation des Treg via le TNFR2 et GITR semble
prometteuse, de nombreux paramètres restent encore à déterminer afin de pouvoir
utiliser cette stratégie de manière optimale. |
L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
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