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| Med Sci (Paris). 35(11): 839–841. doi: 10.1051/medsci/2019162.Un nouvel acteur dans la neutralisation intracellulaire
des adénovirus par les anticorps Karim Benihoud1* 1Vectorologie et thérapeutiques anticancéreuses, UMR 8203,
CNRS, Université Paris-Sud, Gustave Roussy, Université
Paris-Saclay, 114 rue
Édouard Vaillant, 94805Villejuif,
France MeSH keywords: Adénovirus humains, Animaux, Anticorps neutralisants, Protéines de capside, Complément C1, Complément C4, Humains, Souris, Ribonucléoprotéines, Intégration virale, immunologie, physiologie, métabolisme |
Les adénovirus (Ad) sont des virus à ADN, à capside non enveloppée, responsables chez
l’homme d’infections souvent asymptomatiques. Dans le cas de l’Ad de sérotype 5 (Ad5),
l’infection des cellules hôtes débute par l’attachement d’une protéine de capside, la
fibre, sur le coxsackie and adenovirus receptor (CAR), suivi d’une
seconde interaction entre une autre protéine de capside, la base du penton, et les
intégrines, qui conduit à l’internalisation de la particule virale. Très rapidement, le
virus perd ses fibres, expose une protéine interne de capside, la protéine VI (pVI),
capable de lyser la membrane des endosomes ; la particule virale en partie désassemblée
va alors migrer via le réseau de microtubules jusqu’au noyau. L’Ad5
peut être modifié par génie génétique en un vecteur capable de transférer des gènes à
visée anti-tumorale ou vaccinale. Cependant, l’efficacité de ces vecteurs est limitée
par la forte prévalence des anticorps (Ac) anti-Ad chez l’homme. Ceux-ci sont dirigés
contre les protéines majeures de capside : fibre, base du penton et hexon, les Ac
anti-hexon étant majoritaires [1]. Les Ac anti-Ad peuvent neutraliser les particules virales dans le milieu
extracellulaire, mais agissent également au niveau intracellulaire [2]. L’équipe de Léo C. James a révélé que
les complexes Ac-Ad activent, via la région constante (Fc) des Ac
(Figure 1A), le récepteur
cytosolique TRIM21 (tripartite mojpg-containing protein 21), conduisant
à la dégradation de l’Ad par le protéasome [3].
 | Figure 1 Domaines d’interaction des anticorps et voie classique
d’activation du complément. A. Le schéma indique les
domaines variables (V) et constants (C) des chaînes lourdes (H) et légères
(L) d’un anticorps de type immunoglobuline (IgG). La région Fc contient les
zones d’interaction avec les protéines C1q et TRIM21.
B. L’interaction des complexes Ag-Ac
avec le complexe C1qrs déclenche l’activation en cascade de différents
composants du complément et la production de différentes molécules
impliquées dans l’inflammation (en rouge), jouant un rôle d’opsonines (en
bleu) ou impliquées dans la lyse des microorganismes pathogènes (en
vert). |
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Neutralisation des adénovirus par les anticorps associés aux composés C1 et C4 du
complément Récemment, l’équipe de Léo C. James a cherché à mieux comprendre les mécanismes à
l’origine de la neutralisation intracellulaire des Ad par les Ac en analysant la
contribution du complément [4], un ensemble de protéines sériques qui s’activent en cascade selon
différentes voies. En particulier, l’activation de la voie classique est déclenchée
par les complexes immuns qui recrutent le complexe C1 (constitué par les sous-unités
C1q, C1r et C1s), aboutissant à l’activation de la protéine C4. Celle-ci, après
interaction avec le composant C2, conduit à la production d’une C3 convertase
(C4bC2a), puis à l’activation de différents composés (C5-C9), déclenchant les
fonctions effectrices du complément (Figure
1B). Dans un premier temps, l’équipe de chercheurs a analysé comment un Ac monoclonal
dirigé contre l’hexon (composant principal de la capside) neutralisait l’Ad5 en
présence de sérum humain1,. En accord avec leurs
résultats précédents [3], les chercheurs ont
montré que l’Ad5 était bien neutralisé par les Ac dans les cellules exprimant
TRIM21, mais qu’il l’était également dans des cellules déficientes en TRIM21, ce qui
suggérait l’existence d’un autre mécanisme de neutralisation. Ils ont donc évalué le
rôle de la voie classique du complément en s’intéressant à l’étape initiale de cette
voie, l’interaction des Ac avec C1q. Les Ac anti-hexon mis en présence d’un sérum
humain déficient en C1q sont apparus incapables de neutraliser l’Ad5. De même, un Ac
anti-hexon incapable d’interagir avec C1q s’est avéré également incapable de
neutraliser l’Ad5. Ayant démontré le rôle de C1q dans la neutralisation des Ad, les
chercheurs ont analysé si d’autres acteurs moléculaires de la voie classique étaient
impliqués dans la neutralisation de l’Ad par les Ac. Des expériences de déplétion de
sérum humain en différents facteurs du complément ont non seulement confirmé que C1q
mais aussi révélé que C4 étaient tous deux indispensables à la neutralisation des Ad
par les Ac, contrairement au composé C2, situé en aval du C4 dans la cascade de la
voie classique (Figure 1B).
Ces résultats démontrent l’existence d’un nouveau mécanisme de neutralisation par
les Ac, indépendant de TRIM21, et impliquant C1q et C4 indépendamment de leur rôle
dans la formation de la C3 convertase. |
Déshabillage interdit pour l’adénovirus, un rôle inattendu du C4 ! Ayant observé que l’incubation de l’Ad avec l’Ac anti-hexon en présence de sérum
humain conduisait à un clivage de C4 en C4a et C4b, les chercheurs ont évalué si la
neutralisation des Ad par le complément découlait d’un effet de C4a sur les cellules
cibles ou résultait de la fixation de C4b sur l’Ad. L’analyse de l’expression de
transgènes après co-incubation des cellules avec un Ad codant un transgène et un Ad
recouvert de C4b codant un autre transgène a montré que seul l’Ad recouvert de C4b
était neutralisé. Ceci permettait d’éliminer l’hypothèse d’une modification des
cellules cibles et suggérait un rôle de C4b dans le processus de neutralisation.
Après incubation des Ad avec des Ac en présence de sérum humain (ou de C1q et C4
purifiés), les chercheurs ont observé que le C4 était associé aux particules
virales, ce qui suggérait que le fragment C4b se fixait aux particules adénovirales
et que cette fixation permettait leur neutralisation. Les étapes de fixation aux
cellules cibles et d’internalisation des particules virales ne sont pas affectées
par la fixation de C4b, mais les particules virales opsonisées par C4b deviennent
incapables de libérer les fibres, une étape du désassemblage de la capside qui a
lieu au cours de l’infection virale. L’étude du trafic intracellulaire par
microscopie confocale montre que les particules virales opsonisées par C4b et
présentes dans les endosomes n’exposent pas la protéine adénovirale pVI à la surface
de leur capside. Il en résulte un défaut de lyse de la membrane de l’endosome, qui
bloque la libération des particules virales dans le cytosol. |
Action synergique du composant C4 et du récepteur TRIM21 dans la neutralisation
intracellulaire des adénovirus par les anticorps Après avoir montré le rôle de C4 dans la neutralisation des Ad à l’aide de modèles
cellulaires, l’équipe de Léo C. James a analysé l’importance physiologique de ce
mécanisme en administrant, par voie intraveineuse, des vecteurs adénoviraux à des
souris ayant des Ac anti-hexon. Les chercheurs ont ainsi montré que le transfert de
gènes par un vecteur adénoviral est plus efficace chez les souris génétiquement
déficientes en C4 que chez les souris témoins, ce qui confirme le rôle de C4 dans la
neutralisation intracellulaire des Ad in vivo. Le rôle de C1q dans
ce phénomène est également étayé, puisque le transfert de gènes chez les souris
témoins est augmenté si la région Fc de l’Ac anti-hexon est mutée pour empêcher son
interaction avec le C1q. En se fondant sur leurs travaux précédents montrant la
neutralisation intracellulaire des Ad recouverts d’Ac suite à l’interaction de ces
derniers avec le récepteur TRIM21 via leur région Fc [5], les chercheurs ont montré
que l’administration de l’Ac anti-hexon muté pour empêcher son interaction avec le
C1q à des souris déficientes en TRIM21 aboutissait à un transfert de gènes
comparable à celui observé chez des souris dépourvues d’Ac anti-hexon. Ces résultats
indiquent que TRIM21 et C1q/C4 mettent en jeu des mécanismes indépendants de
neutralisation intracellulaire par les Ac, ce qui est en accord avec le fait que C1q
et TRIM21 interagissent avec différentes régions de la région Fc des Ac
(Figure 1A). |
Vers une inhibition des fonctions neutralisantes du complément et de
TRIM21 Ainsi, alors que l’infection des cellules par l’Ad en absence d’Ac conduit à un
échappement de l’endosome et au transfert du génome viral dans le noyau
(Figure 2A),
l’infection en présence d’Ac conduit à une neutralisation intracellulaire des Ad par
le composé C4, capable d’inhiber le désassemblage de la capside virale et
l’échappement de l’endosome (Figure
2B) par un mécanisme très proche de celui décrit précédemment
pour certaines défensines [6]. Cette neutralisation intracellulaire des Ad par les Ac a lieu à une
étape plus précoce que celle enclenchée par TRIM21, reposant sur la détection et la
dégradation des complexes Ad-Ac dans le cytosol (Figure 2C). Les travaux de Bottermann et
al. ont révélé un seuil différent de mise en œuvre de ces mécanismes,
le virus étant neutralisé par le complément lorsque de fortes concentrations d’Ac
anti-Ad sont présentes, et par le récepteur TRIM21 pour de faibles concentrations
d’Ac. Le fait que l’Ad préincubé avec un Ac anti-hexon dépourvu de sa région Fc
(i.e., comportant uniquement la région Fab) ou muté dans sa
région Fc afin d’empêcher son interaction avec C1q et TRIM21 échappe à la
neutralisation intracellulaire par les Ac ouvre de nouvelles perspectives pour le
transfert de gènes par Ad. Ainsi, des Ac de type single chain fragment
variable (scFv) ou des protéines à domaines ankyrine [7] pourraient être utilisés pour masquer
les sites antigéniques de la capside virale, prévenant ainsi la fixation d’Ac
anti-Ad et la neutralisation intracellulaire dépendant de C4 et TRIM21. Des
modifications ciblées de la capside capables de bloquer l’interaction avec les Ac
pourraient également être envisagées [8].
 | Figure 2 Mécanismes de neutralisation intracellulaire des adénovirus
par les anticorps. A. Étapes de l’infection des
cellules par les Ad, en l’absence d’Ac.
B.C. Rôle de C4
(B) ou de TRIM21
(C) lors de l’infection des
cellules par les Ad en présence d’Ac. CAR : coxsackie and
adenovirus receptor. |
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L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
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Footnotes |
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