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| Med Sci (Paris). 35: 37–39. doi: 10.1051/medsci/2019024.L’organisation de la pharmacovigilance en France, en
Europe et dans le monde De l’AMM à l’utilisation d’un traitement innovant : quel
parcours ! (3) Bénédicte Lebrun-Vignes1* 1Responsable du Centre Régional de Pharmacovigilance Groupe
Hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital,
75013Paris,
France |
Mais c’est quoi ? Et puis ça sert à quoi ? Ils ont toujours un train de retard. Ils
demandent de remplir d’énormes dossiers. Ils n’y connaissent rien à la médecine et au
terrain… Toutes ces phrases sont dites à propos de la pharmacovigilance. Dans la vraie
vie, tout commence par un patient et son médecin qui réfléchissent, au mieux ensemble, à
un événement indésirable. Le premier bon réflexe à avoir, c’est de se demander si un
médicament est en cause. Le deuxième, c’est de contacter un centre de pharmacovigilance
pour en discuter. Est-il possible que cet évènement soit lié au médicament ou non ? Cet
effet est-il connu ? Le centre de pharmacovigilance mène une réflexion sur le rôle du
médicament (imputabilité) dans la survenue de l’évènement, avant d’apporter une réponse
au clinicien : oui il s’agit d’un effet indésirable du médicament, non ce n’en est pas
un, ou peut-être… Le centre enregistre le cas dans la base nationale de
pharmacovigilance. Gérée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des
produits de santé (ANSM), elle est indépendante des laboratoires pharmaceutiques. En
parallèle, les industriels du médicament fournissent à l’ANSM des éléments qu’ils
recueillent auprès des prescripteurs, des patients ou des associations de patients. À
partir de ces différentes remontées vont pouvoir être identifiés de nouveaux effets
indésirables, de nouvelles précautions d’emploi ou contre-indications d’un médicament,
voire des arguments en faveur de son retrait du marché. Ces données figurent dans le
résumé des caractéristiques du produit (RCP) que l’on peut consulter notamment sur la
Base de données publiques des médicaments1 qui est
en accès libre. |
En France, le système national de pharmacovigilance repose sur un réseau de 31
centres régionaux. Six d’entre eux sont localisés en Île-de-France, dans des
hôpitaux de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (APHP) : Hôpital Européen
Georges Pompidou, Saint-Antoine, Pitié-Salpêtrière, Cochin, Fernand Widal et Henri
Mondor. Les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) sont coordonnés par
l’ANSM, qui est l’une de leurs tutelles. L’autre est représentée par les Agences
régionales de santé (ARS). Les CRPV sont tous implantés dans des établissements
publics de santé (centre hospitalo-universitaire ou CHU) et dirigés par un médecin
pharmacologue. Leurs équipes, de taille variable, comptent des médecins, des
pharmaciens et de plus en plus souvent des attachés de recherche clinique (ARC) pour
recueillir, documenter et enregistrer les observations. Les CRPV sont à la
disposition des professionnels de santé, qu’ils soient médecins ou autres,
hospitaliers ou libéraux, mais aussi des particuliers d’un territoire donné. Le
centre de la Pitié-Salpêtrière couvre par exemple les 5e, 8e
et 13e arrondissements de Paris. C’est un centre à la fois de
pharmacovigilance et d’information sur le médicament. Pour déclarer un évènement
indésirable médicamenteux à un centre de pharmacovigilance quel qu’il soit, tous les
moyens sont bons : courrier, compte rendu d’hospitalisation, appel téléphonique,
e-mail, fax ou télédéclaration sur le site Internet du CRPV concerné2,. Depuis mars 2017, il existe également un
Portail de signalement des évènements sanitaires indésirables3. Dépendant du ministère chargé de la santé, il est ouvert aux
particuliers et aux professionnels de santé. Il transmet tout signalement en lien
avec un médicament au centre régional de pharmacovigilance approprié. Ce portail a
été largement expérimenté avec les près de 40 000 déclarations liés
Lévothyrox® réalisés entre 2017 et 2018. Pour être pris en compte au
mieux, un signalement doit comporter une source identifiable (le notificateur), un
patient identifiable (au minimum son âge et ses initiales) pour éviter la création
de doublon, le nom du produit suspecté et la nature de l’effet indésirable.
Et dans les maladies neuromusculaires ?
• Indiqué dans la maladie de Pompe, l’alglucosidase alfa
(Myozyme®) est à l’origine de : - 34 cas d’effets indésirables, dont 12 cas « graves », déclarés et
enregistrés dans la Base nationale de pharmacovigilance, - 1 228 cas d’effets indésirables, dont 58 % déclarés en Europe, enregistrés
dans la base mondiale de pharmacovigilance de l’OMS. • Pour le nusinersen (Spinraza®), qui est utilisé dans
l’amyotrophie spinale infantile, sont recensés : - 7 cas d’effets indésirables, dont 4 cas « graves », déclarés et enregistrés
dans la Base nationale de pharmacovigilance de l’ANSM, - 1 344 cas d’effets indésirables, dont 13 % déclarés en Europe, enregistrés
dans la base mondiale de pharmacovigilance de l’OMS. (Données au 12/09/2018)
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Une enquête très argumentée Le rôle du « pharmacovigilant » est de recueillir la déclaration d’évènement
indésirable médicamenteux ou la demande d’avis, de l’enrichir en contactant le
déclarant pour recueillir des informations complémentaires et de l’analyser afin de
se prononcer sur l’imputabilité, c’est-à-dire sur le lien de causalité entre
l’événement indésirable et le médicament. Il utilise pour ce faire des éléments
simples et de bon sens : la chronologie, la sémiologie, la bibliographie et les
bases de pharmacovigilance. La chronologie vise à récapituler, jour par jour, à la
fois l’ensemble des prises médicamenteuses (introduction, arrêt et réintroduction
éventuels pour chaque produit) et les manifestations cliniques ou paracliniques
(début, évolution). Ce travail peut prendre beaucoup de temps. Un patient
hospitalisé dans un service de réanimation pendant trois semaines peut avoir reçu
plus de 20 médicaments. La sémiologie, c’est l’événement indésirable. Il peut s’agir
par exemple d’une éruption cutanée. Cette appellation générique regroupe des
tableaux très divers. Le pharmacovigilant cherche à établir un diagnostic beaucoup
plus précis, en s’aidant de l’examen clinique et des examens paracliniques. Ce
diagnostic précis l’aide à éliminer d’autres étiologies. Une éruption cutanée peut
être liée à un médicament, mais aussi à une infection virale ou bactérienne. Le
dernier outil est la bibliographie. Un grand nombre de ressources sont disponibles,
du portail international des publications référencées Pubmed (en accès libre), à
l’application professionnelle Vidal Hoptimal® (destinée aux
établissements de santé) et aux bases de pharmacovigilance. Son analyse terminée, le
pharmacovigilant répond au déclarant par téléphone et/ou par courrier, et le cas
échéant sur le dossier médical informatisé. Il donne son avis sur l’imputabilité du
ou des médicaments, et éventuellement propose une conduite à tenir : arrêt et
contre-indication, ou poursuite du traitement. Si le rôle d’un médicament dans
l’évènement indésirable déclaré est retenu, les données anonymisées sont
enregistrées (codage) dans la Base nationale de pharmacovigilance. Créée en 1985, et
alimentée par l’ensemble des CRPV, elle rassemble aujourd’hui près de 765 000 effets
indésirables médicamenteux, au rythme de 45 000 et 50 000 nouveaux cas chaque année.
Ces données nationales sont transmises à la base de pharmacovigilance de l’Agence
européenne du médicament (European medicines agency ou EMA). Elles
sont également transmises à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui possède
une base de données internationales nommée Vigilyze. Elle se localise en Suède
(Uppsala monitoring center) et compile désormais 18 millions de
cas. Consulter ces différentes sources fournit des informations quantitatives (nombre
d’évènements déclarés pour un médicament donné) mais aussi qualitative. La base
nationale de pharmacovigilance donne accès par exemple à de nombreux détails pour
chaque observation anonymisée. Lorsque l’évènement indésirable déclaré ne fait pas
partie des effets attendus du médicament, au regard du résumé des caractéristiques
du produit (RCP) et de la bibliographie, le Comité technique de pharmacovigilance de
l’ANSM est alerté et peut décider, en fonction du nombre de cas et de leur gravité,
de demander une modification du RCP (ajout d’une précaution d’emploi, d’une
contre-indication) voire un retrait du médicament, en lien avec les autorités de
santé européennes. Les Centres Régionaux de Pharmacovigilance peuvent également être
amenés à mener des études de pharmaco-épidémiologie. |
En finir avec la sous-déclaration Dans ce champ des maladies rares en particulier, et au-delà dans toutes les
spécialités, les professionnels de santé, les patients et leurs associations ont
doublement intérêt à signaler un possible effet indésirable médicamenteux. Cet
intérêt est d’abord individuel. Le pharmacovigilant donne au déclarant un avis le
plus éclairé possible sur le ou les médicaments suspects et sur la nécessité de les
contre-indiquer chez le patient concerné, ou au contraire sur la possibilité de
poursuivre le traitement. C’est essentiel. L’intérêt du signalement est également
collectif puisque chaque cas signalé permet d’alimenter le réseau national et
international de pharmacovigilance, qui génère en retour si nécessaire des alertes
utiles à tous. |
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
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Footnotes |