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| Med Sci (Paris). 35: 39–41. doi: 10.1051/medsci/2019026.Un point de vue institutionnel De l’AMM à l’utilisation d’un traitement innovant : quel
parcours ! (4) Jonathan Belcastro1* 1Directeur de la Recherche clinique et de l’innovation au CHU
de Bordeaux, place Amélie
Raba Léon, 33000Bordeaux,
France |
Le dispositif français d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) a été conçu dans
l’objectif d’accélérer la mise à disposition des médicaments destinés à traiter des
maladies graves ou rares pour lesquelles n’existe pas de traitement approprié disponible
sur le marché. |
Un outil exceptionnel, mais imparfait Cette dérivation du parcours classique qui mène à l’autorisation de mise sur le
marché (AMM) fonctionne bien. Elle permet aux hôpitaux d’être remboursé. Aucun
directeur d’établissement de santé ne peut arguer du fait qu’un traitement innovant
sous ATU coûte trop cher. De même, en post-AMM, le système de la liste en sus
autorise une prise en charge à 100 % des dépenses de l’hôpital. Ce modèle français a
fait l’objet d’un rapport d’information du Sénat, publié en 2018 [1]. Les changements de la procédure des ATU nominative et de cohorte opérés en septembre
2018, avec la dématérialisation de certaines étapes, devraient permettre d’améliorer
la réactivité des acteurs (médecins et Agence nationale de sécurité du médicament et
des produits de santé) et donc de réduire les délais. Le système a cependant des
limites. Sur les 25 000 à 27 000 ATU délivrées chaque année, toutes ne concernent
pas, soyons honnêtes, des ruptures d’innovation. De plus, des études d’efficacité en
vie réelle restent nécessaires. Les industriels du médicament devraient, quand ils
disposent des premiers résultats, commencer à les communiquer aux spécialistes afin
que ces derniers puissent notamment affiner leur appréciation des bénéfices et des
risques. Une dernière limite du système des ATU concerne la complexité du modèle de
financement, depuis la refonte intervenue en 1997. Sur ce point, le rapport
d’information du Sénat émet des propositions, et notamment celle de rendre le
dispositif plus rapide et plus souple, mais révisable à tout moment sur la base des
données obligatoirement produites au cours des phases d’ATU et de post-ATU. Le
rapport parlementaire propose également d’autoriser les initiations de traitement
après délivrance de l’AMM pour les ATU nominatives, et de délivrer des ATU par
indication (et non plus par produit) de manière à couvrir les situations d’extension
d’indication qui surviennent après la délivrance de la première AMM. Les rapporteurs
suggèrent enfin de revenir sur le mode de calcul complexe de la remise
rétroactivement versée par les laboratoires au titre de la récupération sur
l’indemnité de la phase d’ATU, instauré par l’article 97 de la Loi de financement de
la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 [2]. L’étape suivante, d’AMM et de post-AMM, concerne en premier lieu la Haute autorité de
santé (HAS) à qui il revient d’évaluer le médicament innovant pour déterminer son
service médical rendu (SMR) et son amélioration du SMR (ASMR), puis l’État et les
industriels pour négocier le prix. La réglementation fixe un délai de 180 jours
entre l’obtention de l’AMM et la décision de prix. Dans la réalité, nous sommes
plutôt en France à 400 jours, ce qui pose question en termes de rapidité de
diffusion des thérapies innovantes. Là encore, le rapport du Sénat fait des
propositions d’amélioration, comme la structuration d’un cadre pérenne d’échanges
pour anticiper sur les innovations à venir susceptibles d’impacter le système de
santé, la création d’une procédure accélérée d’accès au marché pour des produits
innovants fléchés comme prioritaires, ou encore la possibilité d’un remboursement
temporaire, conditionné à l’apport de données supplémentaires après l’AMM, pour les
médicaments prometteurs insuffisamment développés.
Les parlementaires se penchent sur l’ATU
L‘accès aux molécules innovantes serait-il devenu plus lent en France qu‘à
l‘étranger ? Quels sont les atouts, mais aussi les freins, de notre modèle
d’accès précoce aux médicaments ? Comment l’adapter à l‘arrivée de nouveaux
médicaments qui s’annoncent comme particulièrement onéreux ? Autant de
questions sur lesquelles s’est penchée la Mission d‘évaluation et de
contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat. Elle a évalué les
conditions et les délais de mise à disposition des thérapies innovantes à
chaque étape, depuis les essais cliniques jusqu’à la commercialisation après
leur autorisation de mise sur le marché, en passant par le système
dérogatoire des autorisations temporaires d‘utilisation (ATU). Dans son
rapport d’information intitulé « Médicaments innovants : consolider le
modèle français d‘accès précoce », et rendu public en juin 2018, la Mecss
émet 18 propositions autour de quatre objectifs d’amélioration : •Consolider le dispositif des ATU en l’adaptant aux réalités nouvelles de
l’innovation. •Fluidifier l’accès de droit commun aux médicaments innovants après leur
autorisation de mise sur le marché. •Garantir l’équité d’accès des patients aux innovations. •Conforter le rôle des essais cliniques dans l’accès précoce des patients aux
traitements innovants.
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Les essais cliniques, un moteur d’innovation à investir plus largement Les Centres hospitaliers universitaires (CHU) ont également une carte à jouer pour
améliorer l’accès à l’innovation. En effet, ils n’ont pas seulement un rôle
d’enseignement et des soins. Leur mission est aussi de mener des travaux de
recherche, qui impliquent les médecins et les paramédicaux des CHU, les patients et
leurs familles. Tout le monde peut contribuer aux essais cliniques, même si en ce
domaine les responsabilités de l’investigateur ne sont pas celles de son promoteur,
ou des familles. La recherche d’aujourd’hui, c’est le soin de demain. Nous devons
intégrer les essais cliniques dans les soins. Les mener à l’hôpital signifie faire
profiter au plus vite les patients d’effets bénéfiques. Or les essais internationaux
actuels sont souvent déployés dans d’autres pays que la France. La compétition
internationale doit nous engager à adapter la réglementation. Nous devons également
nous efforcer de maintenir un haut niveau de qualité des investigateurs, des
promoteurs et des structures supports. La recherche nécessite beaucoup de moyens et
fait intervenir de la pharmacovigilance, des dossiers techniques ou réglementaires,
autant d’éléments indispensables pour assurer la qualité de l’investigation autant
que la sécurité des personnes. C’est avant tout pour cela que les promoteurs, les
investigateurs, et les structures supports sont là. La qualité de la recherche en
général, et celle des essais cliniques en particulier, est primordiale. Sur ce
point, et pour consolider l’attractivité de la France, le rapport du Sénat publié en
juin dernier propose le renforcement des comités de protection des personnes (CPP)
et de leur expertise, notamment par l’adaptation du système du tirage au sort, pour
l’appliquer à un groupe restreint de CPP spécialisés, en fonction du domaine
concerné par l’essai clinique. Cette modification du tirage au sort a été adoptée en
première lecture par l’Assemblée nationale le 17 mai dernier1. L’objectif est que chaque essai clinique soit examiné par un
CPP compétent, parce que spécialisé. Le Sénat a également proposé dans son rapport
d’information d’augmenter les moyens de l’Agence nationale de sécurité du médicament
et des produits de santé (ANSM) dédiés à l’instruction des essais cliniques
précoces, et de poursuivre l’optimisation de la procédure de gestion des essais
cliniques. Là encore, l’enjeu est d’accélérer les procédures, cette fois par des
moyens renforcés. Une dernière proposition sénatoriale porte sur la simplification
et la généralisation de la convention unique [3]. Ce document créé en 2016 a contribué à réduire les délais
pour les études à promotion industrielle. En revanche, un effort reste à faire sur
les études à promotion académique, non soumises au dispositif de la convention
unique. C’est un point sur lequel les CHU mènent actuellement une réflexion, à
l’instar des promoteurs industriels, afin notamment d’harmoniser leurs
pratiques. Favoriser les essais cliniques en France nécessite également d’impliquer plus
largement les patients, et ce dès l’élaboration du protocole de recherche, pour
favoriser son acceptation et les inclusions ultérieures. La formation des jeunes à
la recherche est tout aussi primordiale. À cet égard, le lien entre les universités
et les CHU est fondamental pour stimuler la recherche, et donc favoriser l’accès des
malades à des traitements innovants.
Un nouveau mode de régulation financière
L’article 97 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 porte
sur la préservation du dispositif d’ATU et de post-ATU et la création d’un
outil de maîtrise financière qui garantit sa soutenabilité. Il stipule que
le remboursement rétroactif de la différence entre l’indemnité fixée par les
laboratoires pendant l’ATU et le prix du médicament fixé après son AMM
repose sur une prévision des volumes de vente pour les trois années suivant
la sortie du dispositif. La complexité de ce mode de calcul remet en cause
la lisibilité du système et pourrait éroder son attractivité, en particulier
pour les entreprises de biotechnologies qui constituent des acteurs majeurs
de l’innovation.
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Convention unique, une volonté de simplification administrative et
de transparence
La loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 a créé la
convention unique pour réduire le délai de contractualisation et donc de
mise en place des travaux de recherche biomédicale qui portent sur les
médicaments et les dispositifs médicaux. Cette convention associe, pour un
même lieu de recherche, le promoteur industriel, l’établissement, la maison
ou le centre de santé ainsi que, le cas échéant, la structure tierce
destinataire de contreparties. Elle a vocation à être utilisée à l’identique
par tous les établissements, maisons et centres de santé français qui
participent à une même recherche. Ce document précise les engagements de
chacune des parties, mais aussi les dispositions liées aux droits de la
propriété intellectuelle. Source : Ministère des Solidarités et de la Santé
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L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
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Footnotes |
1. Daudigny
Y,
Deroche
C,
Guillotin
V. Médicaments innovants :
consolider le modèle français d’accès précoce . Rapport
d’information n° 569 (2017–2018). Mission d’évaluation et de contrôle de la
sécurité sociale. Paris, France : Sénat, juin 2018 (sur www.senat.fr).. 2. Loi n° 2016–1827 du 23 décembre
2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017. JORF n° 0299 du 24
décembre 2016 (sur www.legifrance.gouv.fr).. 3. Décret n° 2016–1538 du 16 novembre
2016 relatif à la convention unique pour la mise en Ĺ“uvre des recherches à
finalité commerciale impliquant la personne humaine dans les établissements
de santé, les maisons et les centres de santé. JORF n° 0267 du 17 novembre
2016, texte n° 28 (sur www.legifrance.gouv.fr).. |