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| Med Sci (Paris). 35: 57–59. doi: 10.1051/medsci/2019051.Poursuivre ensemble le chemin vers l’accès aux
thérapeutiques Quelques repères Christian Cottet1* 1Directeur Général, AFM-Téléthon, Association Française
contre les Myopathies (AFM-Téléthon), 1, rue de l’Internationale,
91000Évry,
France |
Les nouvelles thérapeutiques pour les maladies neuromusculaires, nous les attendions
depuis longtemps. Nous les avons rêvées. Nous les avons initiées. Et le rêve devient
aujourd’hui réalité. Pour autant, gardons raison et restons humbles. Ce ne sont que les
premiers traitements. Beaucoup reste à faire pour les maladies rares en général, et pour
les pathologies neuromusculaires en particulier. Le chemin qui reste à parcourir est
semé de nouveaux enjeux, à commencer par le design des protocoles d’essais cliniques.
Ils comportent une segmentation des populations de malades. Ce faisant, ils offrent
davantage de possibilités de démontrer une efficacité thérapeutique. L’envers de cette
médaille, c’est l’impact de la segmentation des essais sur le parcours réglementaire des
thérapies innovantes, à l’exemple de ce que nous vivons aujourd’hui avec le
Spinraza®. Cette innovation thérapeutique a été évaluée dans certaines
formes seulement d’amyotrophie spinale infantile, ce qui risque d’avoir des conséquences
sur son remboursement ultérieur. Nous devons anticiper de telles conséquences à
l’avenir. Un autre enjeu important concerne les fenêtres d’indication : traitement des
nouveau-nés, et là se pose la question du dépistage néonatal des maladies
neuromusculaires, traitement pré-symptomatique, symptomatique précoce ou plus tardif
lorsque la maladie a fait ses premiers dégâts, traitement chez l’adulte… L’expertise des
malades est éclairante sur tous ces nouveaux questionnements. Ce ne sont pas que des
patients. Ce sont des pionniers, mais aussi et surtout des experts d’expérience de la
maladie. |
Une complexité réglementaire à décrypter Comme tous les acteurs du système de soins, ils doivent composer avec une
règlementation complexe et évolutive. En France, il s’écoule un délai moyen de 400
jours entre l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et la mise à disposition
effective d’un médicament. C’est sovuent bien davantage pour les biothérapies. Il y
a quelques années, nous pensions naïvement que l’obtention d’une AMM était un
aboutissement. Nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien. La « mise sur le marché
» est un parcours lent et progressif, de l’AMM à la phase d’évaluation
médico-économique, à la négociation de prix puis au suivi en post-AMM. L’accès
anticipé, via les dispositifs d’expanded access programs (EAP), et
en France d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) puis de post-ATU, ne sont
pas et ne doivent pas être une exception. Ce sont autant de leviers à défendre et à
utiliser absolument. L’ATU de cohorte est subordonnée à la mise en Ĺ“uvre d’un
protocole d’utilisation thérapeutique (PUT) et de recueil d’informations
obligatoire. Dans le cadre de ces dispositifs dérogatoires, en phase d’ATU comme de
post-ATU, aucun poids financier ne pèse sur le budget des hôpitaux qui administrent
une thérapie innovante et ce quel que soit le prix revendiqué par le laboratoire qui
la commercialise. Aujourd’hui, l’argument financier n’est donc pas une raison
valable pour limiter l’accès à un traitement pendant la phase dérogatoire. Il faut
le dire et le répéter, car la réglementation reste mal connue des acteurs du
parcours de soins, au risque de méconnaitre les ouvertures qu’elle offre. Il serait
vraiment dommage de s’en priver, notamment en matière d’accès précoce à l’innovation
thérapeutique. Les échanges et le partage d’informations sur ces sujets sont une
nécessité. Ce besoin fait l’objet de l’action 4.2 du troisième Plan national
maladies rares, un document dont la volonté affichée est notamment de parvenir à «
un traitement pour chacun ». La complexité du parcours réglementaire concerne également les prescriptions hors
AMM, une source non négligeable d’innovation thérapeutique dans les maladies
neuromusculaires, ainsi que le dispositif de recommandation temporaire d’Utilisation
(RTU). Ce dernier a été élaboré par l’Agence nationale de sécurité des médicaments
(ANSM) pour encadrer les prescriptions non conformes à l’AMM lorsqu’existe un besoin
thérapeutique et que le rapport bénéfice/risque du médicament est présumé favorable.
La complexité réglementaire, c’est enfin l’intervention du Comité économique des
produits de santé (CEPS) et des négociations de prix pour les thérapies innovantes,
avec tout ce qu’elles comportent d’opacités : le poids du secret, les mécanismes de
caping, la dissociation entre le prix public et le prix
réel.
Des connaissances mutualisées utiles à tous
L’axe 4 du troisième Plan national maladies rares porte sur les moyens de
promouvoir l’accès aux traitements dans les maladies rares. Son action 4.2
prévoit la création d’un observatoire des traitements, au sein de chaque
filière de santé maladies rares. Son rôle sera : • de détecter des nouvelles molécules d’intérêt, des molécules à
repositionner, des preuves de concept intéressantes, des usages hors AMM
pertinents et des approches non médicamenteuses intéressantes ; • d’identifier les dispositifs médicaux innovants permettant d’améliorer la
prise en charge et/ou le suivi des malades ; • d’identifier des besoins en développement ou investissement ; • d’appuyer le développement d’avis destinés à conseiller les malades et les
professionnels de santé dans le choix d’objets connectés (uncertain nombre
pouvant être qualifié de dispositifs médicaux) fiables et médicalement
pertinents. Source : Plan national maladies rares 2018-2022. Ministère des Solidarités et
de la Santé – Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de
l’innovation. Juillet 2018.
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Un tsunami auquel s’adapter La révolution que constitue l’apparition des thérapies innovantes dans les maladies
neuromusculaires n’a pas de prix. Elle a néanmoins un coût et confronte les hôpitaux
à des difficultés nouvelles. Ce coût recouvre des moyens humains, techniques et
organisationnels. Nous devons parvenir à dépasser l’inertie des organisations et des
structures, pour avancer ensemble. À cet égard, les expériences passées peuvent
éclairer le chemin actuel, à l’exemple de l’alglucosidase alfa (Myozyme®)
dans la maladie de Pompe qui apporte une courbe d’expérience pour le déploiement du
nusinersen (Spinraza®) dans l’amyotrophie spinale infantile. Au-delà du
seul prix du médicament, il faut également prévoir les moyens matériels et humains
nécessaires à l’accueil des malades, à la réalisation du traitement, au suivi et à
la tenue de registres. De surcroît, certaines innovations thérapeutiques vont
améliorer et prolonger l’espérance de vie sans pour autant supprimer totalement la
dépendance du malade, ce qui ne va pas manquer de générer de nouvelles dépenses pour
le système de santé et pour la société. Chacun de ces paramètres doit être pris en
compte. Il faut également garder à l’esprit la nécessité de maintenir la
pluridisciplinarité de la prise en charge et sa qualité. L’arrivée d’une thérapie
innovante, quel que soit l’espoir qu’elle suscite, ne doit pas faire oublier
l’importance de la prise en charge pluridisciplinaire « classique », qui reste
essentielle. Elle ne doit, par exemple, pas faire repousser une arthrodèse
vertébrale si celle-ci est indiquée pour une scoliose évolutive. Dans le même temps,
les thérapies innovantes nous confrontent à la nécessité nouvelle de la
pharmacovigilance, pour évaluer la tolérance en vie réelle. Il existe également un
besoin d’études d’efficacité en vie réelle. Ces travaux peuvent fournir des
arguments utiles pour élargir les indications, parfois très restrictives
initialement, d’un nouveau médicament. À toutes les étapes, nous devons être en
capacité de partager l’information. Les neuropédiatres ont par exemple instauré, à
l’arrivée en France du Spinraza®, une réunion mensuelle pour échanger et
faire le point. C’est très important. Nous devons également garantir une information
accompagnée vers les malades. Ils ont désormais des attentes et des questionnements
multiples, complexes, parfois très rationnelles, parfois illusoires. Où se fait la
synthèse de l’information sur les thérapies innovantes pour les malades ? Au cours
de réunions dédiées. Il en existe et c’est très bien. Mais il faudrait également
organiser des réunions de débat au cours desquelles cliniciens, scientifiques et
malades pourraient échanger et confronter leurs idées, encore une fois pour avancer
ensemble. Nous devons également renforcer la concertation et la collaboration,
partager les informations et les interrogations entre les réseaux associatifs et les
experts des Centres de Référence. Les réseaux de professionnels et de bénévoles de
l’AFM-Téléthon et d’autres associations ont un rôle de facilitateur au côté du
malade, sans jamais bien entendu se substituer au médecin. Les thérapies innovantes
doivent nous conduire à renforcer l’accompagnement des malades et leur information,
et pour cela à consolider la coopération au sein de la filière des maladies rares
neuromusculaires Filnemus afin d’optimiser la cohérence d’actions et de prise en
charge. Notre enjeu collectif, c’est d’améliorer en continu la qualité de la prise
en charge et d’accélérer le développement thérapeutique.
Faut-il traiter avec le Spinraza® un malade SMA de type
III ?Les éléments de réponse au 14 septembre 2018
• Les bases scientifiques et réglementaires
Le nusinersen (Spinraza®) cible la voie biologique causale unique
de l’amyotrophie spinale infantile (SMA). Seuls deux essais cliniques limités ont été publiés. Le Spinraza® a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM)
pour « le traitement étiologique de l’amyotrophie spinale 5q », sans
distinction de type. Son autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte et son dispositif
de post-ATU couvrent toutes les formes de la maladie, même le type IV. La Commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé a attribué au
Spinraza® un service médical rendu (SMR) « important » pour
les types I, II et III, mais une amélioration du SMR (ASMR) qui dissocie le
type I et II d’une part (ASMR modérée) et le type III d’autre part (ASMR
absente). Il n’existe actuellement pas ou peu d’évidence clinique démontrée de
l’efficacité du Spinraza® pour la SMA de types III. Le mécanisme physiopathologique de la maladie est unique, avec un
continuum entre ses différents types. La classification clinique s’avère insuffisante.
• Les aspects réglementaires et financiers
Le distinguo établi par la Commission de la transparence entre l’ASMR des
types I, II d’une part et III d’autre part engendre un risque à terme pour
le taux de remboursement du traitement pour les types III. Pour autant, dans
le cadre du dispositif post-ATU en vigueur, il n’existe aucune restriction
réglementaire au remboursement du traitement pour les malades de type III.
Si le malade le demande, il faut utiliser le levier que permet la
réglementation sur les ATU. • La demande du malade atteint d’une SMA de type III doit être
prise en compte dans le choix éclairé de le traiter ou non par
Spinraza®. Dans le contexte actuel, aucun argument économique
ne saurait y faire obstacle.
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C’est également ensemble que nous devons réfléchir aux questionnements éthiques,
légitimes, suscités par l’innovation thérapeutique. Les scientifiques, les médecins
et les malades doivent pouvoir partager leurs interrogations et leurs espoirs. La
diversité des points de vue peut s’entendre. À l’inverse, un positionnement
individuel ne doit pas conduire à des exclusions de traitement. Le questionnement
éthique doit être partagé, discuté et confronté, dans la transparence de l’échange
entre toutes les parties prenantes. Il découle des avancées de la science. À chaque
moment de l’histoire de la médecine se posent de nouvelles interrogations éthiques.
Cependant, la question de l’efficacité thérapeutique est première. Si nous
disposions aujourd’hui d’un médicament qui permette à tous les malades
neuromusculaires de se lever de leur fauteuil roulant et de marcher, nous n’aurions
aucun scrupule d’ordre éthique sur l’utilisation ou non de ce traitement dans telle
ou telle sous-population ! Le dialogue est non seulement possible, mais nécessaire
avec le malade. Il n’est pas « en sucre ». Et sa demande doit être considérée. Nous
avons également l’obligation de lui apporter une information adéquate afin qu’il
puisse prendre librement une décision la plus éclairée possible à propos de son
parcours de soins. Et lorsqu’il s’agit d’accéder à un traitement qui fait débat, à
l’exemple du nusinersen (Spinraza®) pour certains types d’amyotrophie
spinale infantile, le choix doit être partagé entre le malade et le clinicien dans
le cadre du « colloque singulier ». Sur tous ces thèmes, la Journée de Recherche
clinique « Innovation thérapeutique et parcours de soins » n’est pas un
aboutissement mais un tremplin, pour aller plus loin. La filière Filnemus, qui
réunit toutes les parties prenantes, depuis la recherche fondamentale jusqu’au
parcours de soins des malades neuromusculaires, a tout du lieu privilégié pour
progresser ensemble. |
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
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