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Med Sci (Paris). 35: 11–14. doi: 10.1051/medsci/2019181.Les oligonucléotides anti-sens
dans la SMA Retour d’expérience et données de la littérature 1Institut de Myologie, G.H. Pitié-Salpêtrière,
Paris,
France Corresponding author. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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La SMA est une des maladies neuromusculaires les plus fréquentes de l’enfant mais concerne également les adultes. C’est la cause génétique la plus fréquente de mortalité infantile [3]. Selon l’âge du début des premiers signes et le niveau moteur maximal atteint, la SMA est classée selon cinq types. La SMA de type 0 avec un début des signes dans la période anté- ou néonatale. La SMA de type 1 (ou maladie du Werdnig-Hoffmann) se caractérise par un début des premiers signes avant l’âge de 6 mois et une durée de vie sans traitement inférieure à 9-18 mois. Certains patients, dits de type 1bis, survivent plus de 18 mois mais n’acquièrent jamais la station assise indépendante. Pour la SMA de type 2, les premiers signes apparaissent après 6 mois et les enfants sont capables de se tenir assis de façon indépendante pendant plus d’une minute. Pour la SMA de type 3, (ou maladie de Kugelberg-Welander) le début est plus tardif, avec un risque important de perte progressive d’une marche autonome initialement acquise. Enfin la SMA de type 4 est caractérisée par un début des symptômes à l’âge adulte [4]. La SMA a une incidence de l’ordre de 1/10 000 naissances avec une fréquence de porteurs sains hétérozygotes de 1/50 [5]. C’est une maladie autosomique récessive due à des mutations dans le gène SMN1 (survival motor neuron 1) localisé sur le chromosome 5q13.2 [6]. Elle se caractérise par une faiblesse musculaire proximale suite à la dégénérescence progressive des motoneurones de la corne antérieure de la moelle épinière et du tronc cérébral. La prévalence communément admise pour la France (enquête SMA-Flash, Filnemus) tourne autour de 1 200 patients SMA dont 8 % de type 1, 47 % de type 2, 42 % de type 3 et 2 % de type 4 [7]. Données génétiques dans la SMA Dans 95 % des cas environ, la SMA est due à une délétion homozygote, soit de
l’exon 7, soit des exons 7 et 8, du gène SMN1 (5q12.2-q13.3)
codant la protéine de survie du motoneurone (SMN). Situé en région
centromérique, le gène SMN2, est capable de produire la
protéine SMN, mais celle-ci est non fonctionnelle dans 90 % des cas à cause
d’une erreur d’épissage. La seule différence entre les deux gènes réside dans la
substitution C->T qui génère un épissage alternatif de l’exon 7. Les 10 % de
la protéine SMN produite par le gène SMN2 sont insuffisants
pour maintenir la survie et le fonctionnement normal des motoneurones [6]. Le rôle de la protéine SMN n’est pas
encore complètement connu. Elle est associée avec la biogenèse de la protéine
nucléaire ribonucléique (snRNP) et le métabolisme des ARN messagers [8]. De plus, les données de
la littérature suggèrent qu’en son absence survient une dégénérescence des
neurones sensitifs et de la jonction neuromusculaire [8].Hétérogénéité phénotypique des patients atteints de SMA Le nombre de copies du gène SMN2 est inversement corrélé avec le
phénotype clinique. Il est important de souligner que le nombre de transcrits
SMN2 n’est pas forcement identique au nombre de copies de
SMN2 à cause de la variabilité de la régulation de la
transcription inter individus. Des données récentes ont rapporté des
polymorphismes du SMN2 en tant que modificateurs géniques
[9–11]. Malgré cela, aux États-Unis,
le groupe de travail multidisciplinaire SMA NBS a émis les
recommandations d’algorithme thérapeutique basé sur le nombre des copies de
SMN2 pour les patients SMA diagnostiqués par dépistage
néonatal [12]. Il est
important de connaître et de comprendre au mieux l’hétérogénéité génique et
clinique des patients pour le diagnostic et le pronostic clinique mais également
pour comprendre et quantifier la réponse thérapeutique.Options thérapeutiques Diverses thérapies incluant des oligonucléotides antisens (ASO) et des petites
molécules ont été mises au point pour interférer avec l’épissage alternatif de
SMN2 augmentant la transcription de l’ARN messager et par
voie de conséquence de la protéine SMN produite. Parmi ces nouvelles thérapies,
Spinraza® (nom commercial du nusinersen) s’administre en
injections intrathécales, avec une dose fixe de 12 mg par administration pour
tous les patients tout âge confondu [1, 2]. Le traitement doit débuter le plus tôt possible après le diagnostic,
avec quatre doses de charge aux jours 0, 14, 28 et 63. Une dose d’entretien doit
ensuite être administrée tous les quatre mois.D’autres options thérapeutiques telles que l’injection unique d’AAV par voie intraveineuse pour traiter les enfants SMA de moins de deux ans (Zolgensma®) et les petites molécules (comme la flunarizine) ne seront pas abordées dans cette revue. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Les résultats précliniques encourageants et des études en ouvert ont permis la réalisation des essais cliniques de phase 3 pour évaluer l’efficacité thérapeutique du nusinersen chez les patients SMA de types 1 et 2 (Tableau I).
En Europe, le nusinersen a été administré initialement dans le cadre d’un programme d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU/EAP). Certains résultats du suivi de ces patients seront discutés ci-dessous. SMA de type 1 Dans l’essai clinique multicentrique ENDEAR (CS3B) de phase 3 contrôlé en double
aveugle ont été inclus 121 enfants avec SMA de type 1, tous avec deux copies de
SMN2 et âgés de moins de 7 mois à la visite de sélection.
L’étude a été arrêtée prématurément au bout de 13 mois suite aux résultats
d’analyse intermédiaire qui ont montré une réponse positive significative du
test HINE (Hammersmith Infant Neurological Examination) chez
les patients sous traitement. Les patients ont été tous inclus dans le groupe
traité et à la fin de l’étude les survivants ont été inclus dans l’étude CS11
[1].SMA de type 2 Dans l’essai clinique CHERISH (CS4) de phase 3 multicentrique, contrôlé en double
aveugle, 126 enfants ont été inclus. Les patients inclus présentaient une SMA de
type 2 (2 à 12 ans), sans scoliose sévère ou rétractions articulaires avec une
randomisation de 2:1. L’analyse intermédiaire à 15 mois a mis en évidence une
différence significative du score HFMSE (Hammersmith Functional Motor
Scale Expanded) entre le groupe traité versus
contrôle, ce qui a conduit à un arrêt prématuré de l’étude et la mise en place
d’une phase d’extension CS11 [2].Patients présymptomatiques Dans l’étude NURTURE (CS5/SM201), 17 patients ont été inclus avec diagnostic
prénatal ou à la naissance de SMA. La majorité des patients avait deux copies de
SMN2 (12/17). Tous les patients traités ont survécu sans
aide ventilatoire et ils continuent de progresser dans leur développement
psychomoteur.Patients SMA de type 1/1bis tout âge confondu traités sous ATU Plusieurs études récentes ont évalué l’évolution clinique chez des patients SMA
de types 1 et 1bis traités par Spinraza® dans le cadre de l’ATU (EAP)
[13, 14]. En comparaison avec les essais
cliniques, les patients inclus dans ces cohortes étaient d’âges variables et
avec une durée d’évolution de la maladie plus longue et un début de traitement
parfois bien au-delà de la limite des 6 mois choisie lors des essais cliniques.
Globalement, les évaluations motrices chez les patients avec un début de
traitement précoce avant 7 mois ont été comparables aux résultats rapportés dans
les essais cliniques. L’étude italienne rapporte une amélioration après 12 mois
de traitement des résultats de CHOP INTEND (Children’s Hospital of
Philadelphia Infant Test Neuromuscular Disorder scale) (moyenne
5,46 points) et dans moins de 15 % des cas une aggravation dans cette cohorte
[9]. Dans une étude allemande, il a
été proposé aux parents de donner leur appréciation sur l’évolution sur le plan
moteur chez les enfants SMA de type 1bis traités. Dans 93,4 % de cas, la réponse
au traitement a été jugée favorable par les familles. Cette appréciation n’était
toutefois pas significativement corrélée avec les résultats du CHOP-INTEND
[13]. Par ailleurs, il est encore
difficile d’établir une corrélation des progrès identifiés avec la CHOP-INTEND
et leur traduction au quotidien chez les patients avec SMA de type 1. Cette
échelle reste néanmoins un outil précieux de suivi des patients SMA. Après la
mise sur le marché du nusinersen, la question de poursuivre ce type de
traitement lourd et onéreux se pose pour les patients avec peu ou avec des
progrès modestes. Dans l’étude italienne, moins de 7,5 % des patients ont arrêté
le traitement [13]. Le suivi des
patients, issus de différents pays de la Communauté Européenne, a mis en
évidence une différence de prise en charge entre centres et entre pays. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Spinraza® (nusinersen) est le premier traitement approuvé et mis sur le marché en Europe et aux États-Unis. La première injection de Spinraza® dans le cadre d’une ATU a été réalisée en France (Institut I-Motion, Hôpital Trousseau). Le traitement des patients SMA de type 1 est maintenant devenu possible dans de nombreux centres hospitaliers en France. Spinraza® est aussi disponible actuellement pour les patients SMA de types 2 et 3. L’intérêt du traitement serait de préserver les acquisitions des patients et d’empêcher la progression de la maladie. Chez les patients avec la SMA de type 1bis, l’indication au cas par cas semblerait être une attitude plus prudente suite aux résultats modestes chez ces patients dans les cohortes traitées initialement dans le cadre d’une ATU. Les données précliniques et les résultats des essais thérapeutiques mettent en évidence l’existence d’une fenêtre d’administration thérapeutique pour une meilleure réponse clinique. Ces données ouvrent le débat autour du dépistage néonatal pour la mise en place du traitement dans les délais recommandés par les essais cliniques. Un groupe de travail ad hoc est désormais en place sous l’égide de la filière FILNEMUS rassemblant les professionnels de santé concernés et les représentants de patients. Les études publiées sur les cohortes des patients traités sous ATU en Europe ont mis en évidence une large hétérogénéité dans la prise en charge de ce type de patients, avec la présence dans certains cas de l’assistance ventilatoire et/ou des différences dans le type de rééducation motrice et la prise en charge nutritionnelle. Ces études soulignent largement l’intérêt de l’implémentation des standards de soins concomitante à toute démarche thérapeutique.
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E. Gargaun a travaillé en tant qu’investigateur dans les essais cliniques sur le nusinersen et a réalisé les premières injections dans le cadre de l’ATU en France à I-Motion. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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