Logo of MSmédecine/sciences : m/s
Med Sci (Paris). 35: 45–46.
doi: 10.1051/medsci/2019240.

Génétique : Une mutation du gène TNPO3 impliquée dans la LGMD D2 confère une protection à l’infection par le VIH-1

Valérie Allamand1*

1Centre de Recherche en Myologie, Sorbonne Université, Inserm UMRS 974, Institut de Myologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France
Corresponding author.

MeSH keywords: Infections à VIH, VIH-1 (Virus de l'Immunodéficience Humaine de type 1), Humains, Dystrophies musculaires des ceintures, Mutation, Caryophérines bêta, génétique, prévention et contrôle, immunologie, physiologie

 

inline-graphic medsci190240s-img1.jpg

© V. Allamand

Résumé

La dystrophie musculaire des ceintures autosomique dominante de type D2 (ou LGMD 1F d’après l’ancienne nomenclature) est causée par une mutation hétérozygote (délétion d’un nucléotide dans le codon de terminaison de la traduction) dans le gène TNPO3 codant le facteur d’import nucléaire Transportine 3 [1]. Cette mutation entraîne un allongement de la protéine de 15 acides aminés au niveau carboxy-terminal, ce qui produit la co-expression de la protéine sauvage (TNPO3_wt) et de celle mutée (TNPO3_mut) dont la fonction est inconnue. TNPO3 a été impliquée dans le transport nucléaire de protéines riches en résidus sérine et arginine, tels que des facteurs d’épissage. Elle jouerait aussi un rôle dans l’infection au VIH-1 en interagissant avec l’intégrase et la capside des particules virales. Dans cette étude, les auteurs ont analysé les effets de la protéine mutée sur l’infection au VIH-1 en infectant ex vivo des cellules sanguines (PBMCs) de patients atteints de LGMD D2. L’infection au VIH-1 était significativement altérée dans ces cellules et l’intégration virale diminuée d’un facteur 16. L’absence d’effet sur la reverse transcription virale et la présence des cercles épisomiques suggèrent que c’est l’intégration du génome viral qui est altérée. Cette étude est le second exemple d’un défaut génétique (après celui du gène du récepteur de chimiokine CCR5Δ32) ­conférant une résistance à l’infection par le VIH-1.

Commentaires

De prime abord, le lien entre une dystrophie musculaire des ceintures et l’infection à VIH peut ne pas sembler évident. L’intérêt de cette étude, comme celles sur le variant CCR5del32 avant elle [2, 3], est de rapprocher ces deux thématiques de santé humaine puisque la protéine impliquée dans la forme LGMD D2 [4] est une protéine nucléaire intervenant dans l’épissage des ARN messagers et faisant aussi partie des co-facteurs indispensables à l’infection par le VIH-1, tout comme le CCR5 d’ailleurs. Le lien exact entre la TNPO3 et le VIH-1 reste mal connu et pourrait être direct ou indirect. Cette étude démontre, en utilisant comme modèle des lymphocytes de patients porteurs de la mutation c.2771del dans l’exon 22 du gène TNPO3 initialement décrite en 2013 [5, 6], une délocalisation du facteur d’épissage CPSF6 (du noyau au cytoplasme), un co-facteur important de l’infection au VIH-1 interagissant avec la capside virale. De même, la mutation modifie la localisation sub-cellulaire de la TNPO3, qui se retrouve en péri-nucléaire plutôt qu’au noyau. La résistance à l’infection au VIH-1 conférée par la mutation TNPO3 semble bien liée à un défaut d’intégration et de réplication du génome viral, même si son mécanisme précis reste à élucider. Il s’agirait donc d’une piste intéressante pour mieux comprendre ces étapes cruciales de l’infection, indépendamment de la souche virale.

Par ailleurs, de nouvelles mutations du gène TNPO3 ont été rapportées ces derniers mois, toutes très proches de celle étudiée dans le travail présenté ici: c.2757delC (p.Arg920Glyfs*20) et c.2767delC (p.Arg923Aspfs*17) dans l’exon 22 [7-9]. À nouveau, ces mutations touchent le domaine C-terminal de la protéine et devraient conduire à la synthèse d’une protéine plus longue. Cette région semble donc un « hot-spot » de mutation et ces études élargissent aussi le spectre phénotypique des LGMD D2 liées à la TNPO3.‡

Liens d’intérêt

L’auteure déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Rodríguez-Mora S , De Wit F , García-Perez J , et al. The mutation of Transportin 3 gene that causes limb girdle muscular dystrophy 1F induces protection against HIV-1 infection . PLoS Pathog. 2019;; 15: :e1007958..
2.
Samson M , Libert F , Doranz BJ , et al. Resistance to HIV-1 infection in caucasian individuals bearing mutant alleles of the CCR-5 chemokine receptor gene . Nature. 1996;; 382: :722.–6.
3.
Liu R , Paxton WA , Choe S , et al. Homozygous defect in HIV-1 coreceptor accounts for resistance of some multiply-exposed individuals to HIV-1 infection . Cell. 1996;; 86: :367.–77.
4.
Straub V , Murphy A , Udd B ; LGMD workshop study group . 229th ENMC international workshop: Limb girdle muscular dystrophies-Nomenclature and reformed classification, Naarden, the Netherlands, 17-19 March 2017 . Neuromuscul Disord. 2018;; 28: :702.–10.
5.
Melià MJ , Kubota A , Ortolano S , et al. Limb-girdle muscular dystrophy 1F is caused by a microdeletion in the transportin 3 gene . Brain. 2013;; 136: :1508.–17.
6.
Torella A , Fanin M , Mutarelli M , et al. Next-generation sequencing identifies transportin 3 as the causative gene for LGMD1F . PLoS One. 2013;; 8: :e63536..
7.
Angelini C , Marozzo R , Pinzan E , et al. A new family with transportinopathy: increased clinical heterogeneity . Ther Adv Neurol Disord. 2019;; 12: :1.–7.
8.
Vihola A , Palmio J , Danielsson O , et al. Novel mutation in TNPO3 causes congenital limb-girdle myopathy with slow progression . Neurol Genet. 2019;; 5: :e337..
9.
Pál E , Zima J , Hadzsiev K , et al. A novel pathogenic variant in TNPO3 in a Hungarian family with limb-girdle muscular dystrophy 1F . Eur J Med Genet. 2019;; 62: :103662..