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Med Sci (Paris). 35: 51–54.
doi: 10.1051/medsci/2019180.

Le réseau européen de référence pour les maladies neuromusculaires rares (EURO-NMD)
De sa constitution à ses premiers pas

Teresinha Evangelista1,2*

1Coordinatrice de l’EURO-NMD,  
2Institut de Myologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France
Corresponding author.
 

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Création des réseaux européens de référence

La gestation des ERNs a été longue. Elle a nécessité plus de 10 ans. Ceci a débuté avec le groupe de travail sur les maladies rares [Rare Diseases Task Force (RDTF)] créé en 2004-2009. En 2005, le RDTF a publié les premières recommandations faisant référence aux ERNs : Overview of Current Centres of Reference on rare diseases in the EU (www.eucerd.eu/?post_type=document&p=1198). Les travaux se sont poursuivis avec le « Comité d’experts » (2010-2013) puis le « Groupe d’experts » (à partir de 2014) sur les maladies rares de l’Union Européenne. La publication en mars 2011 de la directive européenne sur l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontières (Cross-border healthcare directive) a constitué une étape importante en vue de la création des ERNs [1]. Cette directive clarifiait les règles d’accès aux soins de santé dans un pays de l’UE différent du pays d’origine du patient et aussi les règles de remboursement des actes médicaux. En 2014, la Commission Européenne (CE) a publié les décrets d’application servant de cadre à la création des ERN [2, 3]. Selon ces derniers, les ERN sont des « réseaux virtuels de prestataires de soins de santé hautement spécialisés en Europe qui visent à faciliter la discussion sur des maladies et affections complexes ou rares nécessitant un traitement hautement spécialisé, ainsi que des connaissances et des ressources concentrées ». En mars 2017, 24 ERNs thématiques (Tableau I) ont officiellement été mis en place à Vilnius, dont l’ERN EURO-NMD, le réseau européen de référence pour les maladies neuromusculaires rares (MNM).

EURO-NMD, l’histoire

Les travaux en vue de l’établissement de l’ERN EURO-NMD ont débuté en 2013 avec l’organisation d’un workshop ENMC intitulé « Réseaux de référence européennes: recommandations et critères dans le domaine neuromusculaire » [4]. Parmi les décisions, il a été établi qu’EURO-NMD devrait être un réseau européen de référence pour les maladies neuromusculaires rares couvrant les maladies du motoneurone, celles du nerf périphérique, de la jonction neuromusculaire, du muscle et de la mitochondrie, le tout, aussi bien pour les cas pédiatriques qu’adultes (Figure 1). La structure de l’EURO-NMD a été affinée lors d’un deuxième atelier organisé à Newcastle en 2016, intitulé « Workshop for the preparation of the Rare Neuromuscular Diseases ERN ». Quatre groupes transversaux dédiés au diagnostic ainsi que des groupes de travail consacrés à la recherche, à l’éthique, à l’éducation et un comité consultatif de patients ont été inclus en plus des cinq groupes de travail sur les différents sous-groupes de maladies.

La première année d’activité – ce qui a été réalisé, ce qui manque

Les MNM touchent collectivement environ 500 000 citoyens de l’UE et entraînent des coûts importants pour les familles et les systèmes de santé. L’EURO-NMD regroupe 61 établissements de santé impliqués dans les MNM et répartis dans 14 états membres, ainsi que de nombreuses organisations de patients très actives. L’EURO-NMD repose sur trois piliers principaux : le soin, l’éducation et la recherche. Différents groupes de travail (Figure 2) visent la mise au point, l’harmonisation et la mise en place des meilleures pratiques cliniques et diagnostiques, améliorant ainsi la qualité et l’équité des soins dans les États membres tout en luttant contre l’errance diagnostique.

L’EURO-NMD a trois ans d’existence. Malgré quelques turbulences liées aux incertitudes du Brexit, nous avons atteint certains de nos principaux objectifs. La coordination de l’ERN est désormais basée en France, à l’Institut de Myologie de Paris.

L’EURO-NMD a rassemblé et analysé les informations existantes sur les MNM et a dressé une carte des compétences existantes en Europe. Ces travaux sont documentés sur son site web mis en place en juin 2017 (https://ern-euro-nmd.eu/). Dans le cadre de ses objectifs, EURO-NMD a établi des interactions étroites avec d’autres ERN, tels que l’ERN pour les maladies neurologiques rares (ERN RND) et des interactions privilégiées avec les sociétés savantes, en particulier l’Académie Européenne de Neurologie et la Société Européenne de Neurologie Pédiatrique. Ces partenariats évitent la duplication d’efforts dans des domaines tels que la formation et l’élaboration de recommandations. Ils renforcent la capacité de fournir de meilleurs soins à nos patients et, parallèlement, sensibilisent cliniciens et tous autres acteurs pouvant être intéressés par les activités de l’ERN.

L’une des principales missions du coordonnateur et de son secrétariat est de créer un ERN performant. Pour cela, nous collaborons et interagissons avec les 61 centres appartenant à l’ERN et avec le comité consultatif des patients (PAB, for Patient Advisory Board). Différents groupes de travail ont été formés et ont défini leurs objectifs : rassembler, approuver et élaborer des recommandations et des procédures ; déployer des activités de formation et participer à des projets de recherche. L’une des principales réalisations concernant les activités pédagogiques a été l’organisation en juillet 2018 et juillet 2019 de la première et deuxième école consacrée à la recherche translationnelle dans les maladies neuromusculaires (Neuromuscular Translational School). Cette école d’été a été créée pour les chercheurs et cliniciens intéressés par la recherche translationnelle et se fait en partenariat avec l’Alliance TREAT-NMD (http/www.Treat-nmdEut/) en attendant que pareillement à l’école d’été organisée à Paris par l’Institut de myologie, « Myology summer school », elle devienne un événement unique dans le domaine neuromusculaire. Par ailleurs, et toujours au niveau de l’éducation, l’EURO-NMD a commencé à organiser une série de webinaires thématiques destinés à diffuser les connaissances sur les maladies rares neuromusculaires auprès des cliniciens et des patients.

L’EURO-NMD est partenaire de deux projets financés par le programme Horizon 2020 de l’Union Européenne à savoir Share4 Rare et Solve-RD. Le projet Share4 Rare vise à développer une plateforme informatique d’intelligence collective pour les patients et leurs familles, tandis que Solve-RD est un projet visant à diagnostiquer les patients atteints de maladies rares avec des techniques génétiques les plus récentes. L’EURO-NMD est également l’un des bénéficiaires du programme conjoint européen sur les maladies rares « Rare Disease European Joint Programme Cofound (EJP) ».

Le parcours de soins du patient est particulièrement important au sein de l’Euro-NMD. Il s’agit du temps qui s’écoule entre le moment où le patient est dirigé vers l’ERN et l’émission d’un compte rendu de sortie. Les patients sont référés vers l’ERN par leur médecin traitant et un panel d’experts est organisé pour évaluer le cas clinique (consultation électronique). Pour les consultations en ligne, les ERNs disposent d’une plateforme Web sécurisée, le système de gestion clinique des patients (CPMS), fourni par la CE. Le CPMS permet aux médecins à l’intérieur et à l’extérieur du réseau ERN d’inscrire des patients afin d’obtenir, de la part d’experts européens hautement spécialisés des conseils en matière de diagnostic, de soins et de thérapies innovantes. Malheureusement, l’utilisation du CPMS s’est heurtée à des obstacles juridiques notamment en matière de responsabilité médicale. Nous avons demandé à la CE que ce cadre juridique soit mieux défini. Une grande partie de notre travail a été consacrée à l’interaction avec la CE par le biais du « groupe de coordinateurs des ERNs » ; le « comité consultatif informatique » et le « groupe de travail sur les soins de santé transfrontaliers et de continuité des activités ». Depuis sa création, l’EURO-NMD fait partie du conseil consultatif en informatique. Nous avons beaucoup aidé avec notre expertise en fournissant des conseils pour le développement des différentes plateformes informatiques liées aux ERN (ERN Collaborative Platform et le CPMS). Grâce à notre interaction avec la CE, nous avons aussi contribué à l’élaboration de documents essentiels au fonctionnement des ERNs tels que les formulaires de consentement. Nous avons apporté des contributions dans des domaines tels que la définition de l’ensemble des données à collecter pour les consultations électroniques ; les méthodologies pour produire ou approuver les lignes directrices ou l’appel à l’adhésion de nouveaux membres et la reconnaissance des ERN dans les systèmes de santé nationaux.

Nous avons encore un long chemin à parcourir, à commencer par une clarification politique et juridique du rôle des centres britanniques une fois que le Royaume-Uni aura quitté l’UE.

Liens d’intérêt

L’auteurs déclare n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

References
1.
Directive 2011/24/EU of the European Parliament and of the Council of 9 March 2011 on the application of patients’ rights in cross-border healthcare . OJ L. 88, 4.4.2011;, p. :45.–65.
2.
2014/286/EU: Commission Delegated Decision of 10 March 2014 setting out criteria and conditions that European Reference Networks and healthcare providers wishing to join a European Reference Network must fulfil Text with EEA relevance . OJ L. 147, 17.5.2014;, p. :71.–78.
3.
2014/287/EU: Commission Implementing Decision of 10 March 2014 setting out criteria for establishing and evaluating European Reference Networks and their Members and for facilitating the exchange of information and expertise on establishing and evaluating such Networks Text with EEA relevance . OJ L. 147, 17.5.2014;, p. :79.–87.
4.
Evangelista T , van Engelen B , Bushby K . 200th ENMC International Workshop “European reference networks: recommendations and criteria in the neuromuscular field”, 18–20 October 2013, Naarden, The Netherlands . Neuromuscul Disord. 2014;; 24: :537.–45.