2008


ANALYSE

15-

Autres stratégies de dépistage

Certaines stratégies de dépistage ne ciblent pas des populations, mais sont fondées sur le repérage de facteurs de risque chez des enfants « en tout-venant ».
La figure 15.1 schématise divers exemples où de telles stratégies ont été mises en place.
Figure 15.1 Entrées non environnementales ni populationnelles

Repérage individuel systématique lors des consultations

Le guide DGS 2006 (Direction générale de la santé, 2006arenvoi vers et brenvoi vers) préconise que les facteurs de risque d’exposition au plomb soient systématiquement recherchés chez l’enfant de moins de 6 ans à l’occasion des visites médicales. Un questionnaire est rempli avec les parents de l’enfant et les résultats doivent être mentionnés dans le carnet de santé. On ne connaît pas l’étendue actuelle de la mise en Ĺ“uvre de cette préconisation.
Le système de surveillance des plombémies permet de constater une augmentation récente d’un dépistage diffus en médecine libérale qui doit sans doute, au moins en partie, correspondre à cette approche : la part des médecins libéraux dans l’activité de primodépistage qui était de 5 % en 2000 et 2001 est passée à 14 % en 2002, 20 % en 2003 et 2004 et 25 % en 20051 . Mais les médecins libéraux les plus motivés pour le repérage systématique des cas dans leur clientèle sont ceux qui sont installés dans les quartiers les plus à risque ; on rejoint là le dépistage par zones à risque précédemment décrit.
Le dépistage mené par la PMI de Paris, depuis l’élargissement du dépistage à l’ensemble des quartiers parisiens en 1993, se rapproche d’un repérage systématique tel que préconisé par le guide DGS 2006. Mais il est difficile de savoir si le degré de vigilance des médecins de PMI est le même selon qu’ils interviennent dans des quartiers historiquement à forte prévalence ou dans des quartiers moins à risque. Par ailleurs, ce dépistage est évidemment limité à la clientèle PMI, ce qui représente en soi un certain ciblage d’une population plus à risque.

Dépistage par les centres d’examens de santé de l’enfant

Le principe repose sur la convocation systématique ou aléatoire d’enfants pour un bilan de santé, à l’occasion duquel un questionnaire d’évaluation du risque d’exposition au plomb est renseigné avec le parent présent ; un prélèvement sanguin est réalisé pour la mesure de la plombémie si une possibilité de surexposition est mise en évidence.

Exemple du Centre d’examen de santé de l’enfant de la CPAM de Paris

Entre avril et septembre 2004, les enfants affiliés au régime général de la Sécurité sociale habitant en Île-de-France ont reçu une convocation pour un examen de santé comportant une évaluation du risque d’exposition au plomb. Sur la période étudiée, 2 779 enfants (principalement des parisiens de 12 à 20 mois) ont été examinés ; une plombémie a été prescrite à 311 enfants jugés à risque d’exposition (le prélèvement étant effectué sur place, il n’y a pas eu de perdus de vue) ; 22 enfants (soit 7 %) avaient une plombémie ≥ 100 µg/l (Vincelet et coll., 2005renvoi vers). Les enfants ayant bénéficié d’une plombémie ont donc été bien ciblés puisque le taux moyen en France d’une plombémie ≥ 100 µg/l parmi les enfants primodépistés était de 5,9 % en 20042 . Le travail de ciblage a été important puisque 11 % des enfants ont été jugés à risque d’exposition. Il est à noter que seuls les enfants volontaires pour l’examen de santé peuvent être ainsi dépistés.

Repérage systématique du risque lors du bilan de santé du 24e mois

Une action originale de dépistage a été mise en place en Moselle et dans les Vosges en 2004. Le rapport d’évaluation en a été fait par la Cellule interrégionale d’épidémiologie de l’Est (Cire) (InVS, 2006renvoi vers). Les Caisses d’allocations familiales des Vosges et de Moselle et la Mutualité sociale agricole des Vosges ont envoyé à tous les parents d’enfants dont l’âge s’approchait de deux ans un questionnaire d’évaluation du risque d’exposition au plomb à remplir avec leur médecin traitant lors du bilan de santé du 24e mois. Selon les réponses aux questions, le médecin devait prescrire ou non une plombémie en fonction d’un arbre de décision. Les questionnaires remplis devaient être adressés par les médecins aux services de PMI pour évaluation du dispositif. La période d’étude allait de septembre 2003 à septembre 2004.
Au total, sur 13 978 questionnaires envoyés dans les deux départements, 8 659 ont été retournés remplis par les médecins ; 217 plombémies ont été prescrites et 107 ont été effectivement réalisées. Quatre enfants présentant un saturnisme ont été dépistés.
Le taux de plombémies ≥ 100 µg/l (3,4 %) était modeste sans être très différent du taux moyen relevé lors des primodépistages réalisés en 2004 en France (5,9 %). Ce qui étonne en revanche, c’est le très faible rendement si on le rapporte au nombre de questionnaires d’évaluation du risque remplis par les médecins. En tenant compte des plombémies non réalisées, et en supposant que des enfants exposés n’ont pas été exclus, ce travail conduirait à estimer des prévalences respectives de 0,38 % (IC 95 % [0-0,76]) et 0,12 % (IC 95 % [0-0,21]) dans les Vosges et la Moselle, ce qui est très en dessous de la prévalence nationale mesurée en 1995-1996 (2,1 %) et de la prévalence mesurée dans les Vosges au cours d’une étude réalisée de 1996 à 1998 (1,5 %).
Cette action de dépistage qui ciblait quasiment toute une classe d’âge sur deux départements à l’âge le plus à risque a été vécue comme un échec en termes de coût-efficacité et démobilisatrice pour les acteurs. Pourtant elle avait été assez bien suivie, tant par les familles que par les médecins traitants. La Cire n’a donc pas conseillé de pérenniser ou d’élargir cette action de dépistage, mais d’essayer de définir localement les populations les plus à risque pour exercer une vigilance accrue dans leur direction. La question de savoir si les enfants les plus à risque ont échappé préférentiellement au dépistage demeure.
En conclusion, les actions de repérage individuel véritablement non ciblées sur des populations ou des zones à risque paraissent relativement peu pratiquées. La publication du guide du dépistage et du nouveau carnet de santé de l’enfant en 2006 va sans doute amener leur développement. Le rendement de la prescription de plombémie peut être correct si le ciblage est bien réalisé. En revanche, le travail de ciblage des enfants estimés exposés est très lourd, et peut être démobilisateur.

Bibliographie

[1]direction générale de la santé (dgs). Guide de dépistage et de prise en charge de l’intoxication par le plomb de l’enfant et de la femme enceinte. Paris:2006a; Retour vers
[2]direction générale de la santé (dgs). Guide de dépistage et de prise en charge de l’intoxication par le plomb de l’enfant et de la femme enceinte. Le concours médical. 2006b; 128:745-754Retour vers
[3]invs. Dépistage du saturnisme infantile chez les enfants de deux ans en Moselle et dans les Vosges, 2003-2004, résultats et évaluation. Mai 2006; Retour vers
[4] vincelet c, bangratz c, foucault c, centre d’examens de santé de l’enfant , caisse primaire d’assurance maladie de paris . Dépistage du saturnisme dans une population d’enfants âgés de 12 à 20 mois ayant consulté dans un centre d’examens de santé de Paris, avril-septembre 2004. Bull Epidémiologique Hebdomadaire. 2005; 15:57-58Retour vers

→ Aller vers SYNTHESE
Copyright © 2008 Inserm