Fibromyalgie
2020
18-
Modèles animaux de fibromyalgie
La compréhension des mécanismes physiologiques à l’œuvre dans une pathologie et le développement d’une thérapie biomédicale la ciblant nécessite une première phase dite de « recherche préclinique ». Cette phase consiste en l’investigation des mécanismes biologiques anormaux qui mènent à la pathologie pour identifier des cibles thérapeutiques potentielles, puis en l’évaluation de l’efficacité d’une nouvelle approche thérapeutique ainsi imaginée (moléculaire, cellulaire, comportementale) sur des niveaux croissants de complexité biologique qui vont de la molécule à l’organisme entier. Pour cette dernière phase, des modèles animaux de la pathologie à laquelle ce nouveau traitement s’adresse sont encore bien souvent nécessaires, même si leur usage est réduit au maximum via le principe des 3R
1
qui est de raffiner, réduire, remplacer cet usage. Cette évaluation préclinique permet de sélectionner un petit nombre de molécules sur la base de leur efficacité sur le phénotype ciblé et de leur faible toxicité à l’échelle de l’organisme. Cette phase est requise pour développer des essais dits cliniques chez l’Homme qui s’intéresseront, dans l’exemple d’une nouvelle molécule, à sa pharmacocinétique et pharmacodynamie chez des volontaires sains en phase I (c’est-à-dire à l’effet de la molécule sur le corps et l’effet du corps sur cette molécule), avant d’être testée sur un petit échantillon de patients (phase II) puis un plus grand nombre (phase III) pour évaluer et confirmer son effet thérapeutique positif. Si elle n’est pas systématique, la recherche préclinique menée sur des modèles animaux expérimentaux reste dans de nombreux domaines médicaux encore nécessaire pour identifier à l’échelle de l’organisme, non encore modélisable, les mécanismes physiopathologiques qui sont à l’origine d’une pathologie, et pour tester l’effet de nouveaux traitements à cette même échelle.
Il faut ici souligner que le développement et l’utilisation de modèles animaux sont régulés – et contrôlés – par des lois de bioéthique européennes et nationales très strictes dont le bien-être animal est le point d’orgue. Ainsi, tous les projets scientifiques nécessitant l’utilisation d’animaux de laboratoire doivent avoir obtenu un accord préalable d’un comité d’éthique local validé par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
2
. Le chercheur doit justifier d’éléments éthiques clés comme : la nécessité du recours à l’animal, le choix de l’espèce, le nombre d’animaux requis qui doit être ajusté au mieux, la gravité des procédures proposées et la définition de points limites (qu’est-il prévu si quelque chose se passe mal ? au cours d’une chirurgie, ou une infection ? Comment suivre la douleur et la souffrance ? Que faire en cas de perte de poids importante ou signe de douleur ou souffrance ?). Les expériences doivent être réalisées par du personnel formé à cette expérimentation et qui possède une qualification agréée par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les zones et conditions d’hébergement des animaux suivent également des règles très strictes de suivi du renouvellement de l’air, de la température, de l’hygrométrie, du bien-être des animaux et d’autres conditions d’hébergement comme l’enrichissement du milieu.
Dans ce chapitre, une analyse critique sera menée sur les grands types de modèles développés pour reproduire une fibromyalgie (FM) chez l’animal qui sont actuellement utilisés dans la recherche académique. Dans une première partie, les écueils généraux du développement des modèles animaux seront abordés ainsi que les méthodes de validation récemment introduites. Nous analyserons ensuite à l’aide de cette grille de lecture générale les modèles animaux de FM actuellement utilisés et finirons par de nouvelles perspectives de modèles.
Complexité du développement et de la validation de modèles animaux
Les modèles animaux ont pour but de reproduire une pathologie humaine, ou certains de ses symptômes. Cependant, ils ne modélisent pas toujours entièrement la pathologie, et les symptômes observés chez l’homme ne peuvent pas toujours être suivis chez l’animal. Ceci est partiellement le cas pour la mesure de la douleur spontanée chez l’animal qui n’est que récemment étudiée. Enfin, des traitements qui se sont avérés efficaces chez l’animal ne le sont pas systématiquement chez l’homme. Les antagonistes des récepteurs de la substance P dans la douleur sont un très bon exemple de cette limite. En effet, cette approche thérapeutique avait donné de grands espoirs dans le domaine de la douleur chronique dans les années 2000 du fait de sa grande efficacité dans les modèles animaux (rongeurs), mais elle s’est avérée inefficace chez l’homme (Henry, 1993

).
Critères généraux de validation d’un modèle
De façon à éviter les écueils précédemment décrits, la communauté scientifique a proposé des critères pour définir les fondements scientifiques d’un modèle animal et surtout la validation de celui-ci (Willner et Mitchell, 2002

). Il est ainsi crucial que les trois critères suivants soient renseignés et étudiés :
• Face validity : la validité apparente se réfère aux similitudes de symptômes ou des signes cliniques entre le modèle animal et l’homme pour la maladie considérée ;
• Construct validity : la validité conceptuelle d’un modèle correspond à la justification théorique utilisée pour le développer. Dans le cas des modèles de sclérose en plaques par exemple, il est basé sur le fait que celle-ci est une maladie inflammatoire dégénérative du système nerveux central. Les modèles classiques précliniques de sclérose en plaques chez l’animal s’insèrent dans cette logique car ils sont induits par immunisation contre un antigène du système nerveux central. Dans le cadre de la FM, la validité conceptuelle est difficile à établir dans la mesure où son étiologie biomédicale n’est pas clairement identifiée ;
•
Predictive validity : la validité prédictive indique la probabilité qu’une molécule efficace chez l’animal en recherche préclinique soit efficace dans les études cliniques menées chez l’homme. Il est également important que les traitements inefficaces ne le soient également pas. Par exemple, les modèles de lésion de constriction chronique (ligature du nerf spinal et la neuropathie diabétique induite par streptozotocine
3
Produit chimique utilisé pour détruire les cellules productrices d’insuline et pour générer des phénotypes diabétiques de type 1.
) auraient une sensibilité satisfaisante pour constituer un modèle de douleur neuropathique (Kontinent et Meert, 2003

).
Critères et limites de validité des modèles animaux disponibles
pour la fibromyalgie
Les similitudes retenues pour la validité apparente d’un modèle animal de FM seraient idéalement 1) une douleur persistante ; 2) le caractère diffus de cette douleur, qui devrait s’exprimer dans plusieurs territoires corporels ; 3) la présence d’autres symptômes tels qu’une fatigue, des troubles cognitifs, des symptômes de dépression, etc. Les modèles animaux de FM qui ont été développés avaient tous comme but de reproduire les symptômes d’une douleur persistante et envahissante. La validité conceptuelle aurait consisté à se baser sur l’une des altérations biologiques qui avaient été mises en évidence chez l’homme. Si les travaux menés chez l’homme rapportent des changements biologiques significatifs dans certaines études, ils ne sont pas systématiques dans ni spécifiques à la FM (voir les chapitres « Neurobiologie de la douleur chronique dans la fibromyalgie et biomarqueurs » et « Neuro-imagerie et neuro-modulation non invasive dans le syndrome fibromyalgique »). Il est évident que les difficultés majeures qui se posent dans le développement des modèles de FM sont 1) la grande hétérogénéité dans sa présentation clinique : quels sont les symptômes devant être présents chez l’animal ? Les douleurs chroniques diffuses seules ? La présence de fatigue, de troubles du sommeil ou cognitifs est-elle requise ? ; 2) l’absence de compréhension fine des mécanismes qui sous-tendent la FM, qui restent encore à être définis : sensibilisation centrale, anomalies de la réponse au stress, et/ou mécanismes périphériques (voir le chapitre « Neurobiologie de la douleur chronique dans la fibromyalgie et biomarqueurs ») ? Les bases de la validité apparente et conceptuelle sont donc difficiles à établir de façon consensuelle. Enfin, la validité prédictive reposerait sur une validation que les traitements, pharmacologiques ou non, connus pour être efficaces chez les patients atteints de FM, le sont également sur le modèle animal. Ici aussi, la multitude des approches thérapeutiques possibles et la diversité des réponses au traitement dans la FM pose problème.
Les modèles animaux développés pour reproduire
la fibromyalgie
Dans la suite de ce chapitre, nous allons détailler quatre modèles animaux, tous rongeurs (souris et rat) développés pour la FM en mettant l’accent sur leur validité conceptuelle tout en analysant lorsque cela est possible leur validité apparente et prédictive. L’analyse des mécanismes physiopathologiques évoqués pour rendre compte de la FM par ces travaux, qui ont fait l’objet d’une revue récente (DeSantana et coll., 2013

), ne seront pas développés dans ce chapitre. En effet, l’analyse de la littérature indique que ces modèles ne sont pas suffisamment valides pour être considérés comme modèles de FM en l’état. De plus, les études ont généralement été menées sur des animaux mâles, alors qu’elles auraient dû être réalisées au minimum chez les animaux des deux sexes pour les comparer au mieux aux données issues des travaux menés chez l’homme, réalisés en très grande majorité sur des sujets féminins.
Les modèles animaux de FM qui ont été développés avaient tous comme but de reproduire les symptômes d’une douleur persistante envahissant l’ensemble du corps. Aussi, leur point commun est la reproduction d’une hyperalgésie généralisée durant plusieurs jours à semaines, sans lésion tissulaire apparente des tissus périphériques, reproduisant sur cet aspect le tableau clinique de la FM. Plusieurs utilisent des stimulations répétées de faible intensité pour induire l’hyperalgésie généralisée. Un modèle utilise la perturbation de la concentration de certains neurotransmetteurs (dopamine, sérotonine, adrénaline) dans le système nerveux central pour imiter les changements centraux rapportés chez des patients atteints de FM. Enfin, plusieurs utilisent un stress répété, l’un des facteurs déclencheurs de FM rapportés chez l’homme (voir chapitre « Épidémiologie du syndrome fibromyalgique »).
Nous tenons à mettre l’accent sur le fait que chez l’animal, une douleur qui persiste pendant quelques jours est considérée comme étant aiguë ou sub-aiguë, alors qu’une persistance de plusieurs semaines sera considérée comme chronique. En conséquence, la définition de l’aspect chronique de la douleur a une composante temporelle différente entre l’animal et l’homme et ce point fait encore l’objet de controverses dans la communauté des spécialistes concernant la douleur chronique et sa modélisation chez l’animal.
Explorations comportementales menées dans les modèles animaux
Plusieurs tests comportementaux et physiologiques sont établis et validés chez le rongeur, essentiellement de sexe mâle, pour quantifier la douleur chronique. Tous ne sont pas listés ici.
Hypersensibilité cutanée
L’hypersensibilité cutanée peut se manifester de diverses façons : elle peut être une hypersensibilité aux stimuli mécaniques et/ou thermiques (au froid ou au chaud).
Une sensibilité mécanique cutanée est quantifiée par application de poils calibrés au niveau du coussinet plantaire de chaque patte postérieure de l’animal quand ce dernier est placé dans un compartiment grillagé. Le plus petit poil induisant un retrait franc et reproductible de la patte stimulée est considéré comme le seuil (exprimé en gramme) de sensibilité mécanique cutanée. Une réduction de ce seuil est considérée comme une hypersensibilité mécanique.
Une sensibilité cutanée à des stimuli thermiques (chauds ou froids) peut également être mesurée. Il s’agit comme pour la sensibilité mécanique de l’application d’une source, ici de chaleur ou de froid, au niveau des coussinets plantaires des pattes postérieures avec la mesure d’un seuil de retrait (exprimé en oC). Un retrait pour une température moins chaude que le groupe contrôle (38 oC au lieu de 42 oC par exemple), ou moins froide (10 oC au lieu de 4 oC) sont considérés respectivement comme une hypersensibilité thermique au chaud et au froid.
Hyperalgésie musculaire
Une hyperalgésie musculaire peut être mise en évidence par la mesure de la pression des muscles gastrocnémiens
4
Ensemble de muscles squelettiques de la patte postérieure.
(exprimée en mN) nécessaire pour induire un retrait de la patte stimulée. Une réduction de ce seuil est considérée comme une hypersensibilité musculaire (hyperalgie).
Troubles du sommeil
Comme chez l’homme, il est possible de réaliser des enregistrements polysomnographiques du sommeil pour détecter des troubles de ce dernier. Les électrodes utilisées sont implantées en intracérébral de manière pérenne dans différentes parties du cerveau. Ces enregistrements permettent l’analyse des ondes typiques observées dans le cerveau dans l’éveil et les différentes parties du sommeil, de déterminer le temps passé par l’animal à dormir, ainsi le temps passé dans les différentes phases du sommeil.
Troubles de type dépressif
La mesure de troubles dépressifs peut être réalisée par un test dit de nage forcée. Dans ce test, les animaux sont placés individuellement dans un cylindre en plexiglas transparent rempli d’eau tempérée (température de confort). Le test dure 5 minutes. Le cylindre ne comportant aucune plateforme sur lequel il pourrait se poser, l’animal est forcé de nager pendant ces 5 minutes, ce qui va conduire au bout de quelque temps à un comportement de résignation : l’animal reste immobile, tête hors de l’eau. Les animaux montrant des symptômes de type dépressif se résignent plus vite que les animaux ne présentant pas de symptôme dépressif, et présentent une augmentation du temps d’immobilité dans ces 5 minutes de durée du test.
Troubles cognitifs
L’évaluation de troubles cognitifs peut être réalisée chez le rongeur par un ensemble de tests variés, comme la capacité à reconnaitre un nouvel objet, la capacité à mémoriser de nouvelles expériences ou la capacité à mémoriser une discrimination olfactive (Hölter et coll., 2015

).
Modèles animaux de douleur chronique généralisée explorés
dans la littérature
Modèle rongeur de douleur généralisée induite par injections intramusculaires répétées d’une solution d’acide dilué
• Description et validité apparente
Comme son nom l’indique, ce modèle est obtenu par deux injections de solution de sérum physiologique acide (pH 4,0) espacées de 2 à 5 jours, administrées unilatéralement dans le muscle gastrocnémien de la patte postérieure. Si elles ne résultent pas en une lésion tissulaire au site d’injection avec signes d’inflammation, elles induisent une diminution bilatérale des seuils de retrait de la patte arrière en réponse à un stimulus douloureux mécanique. La localisation disséminée des points sensibles suggère une hypersensibilité généralisée cutanée et musculaire qui dure 4 semaines chez les rats et souris des deux sexes (Sluka et coll., 2001

; Yokoyama et coll., 2007

; Sharma et coll., 2009

).
Ce modèle de douleur possède une validité apparente pour des états douloureux chroniques et généralisés sans lésion tissulaire apparente. En effet, l’hyperalgésie se développe de façon similaire entre les souris mâles et femelles et montre des résultats identiques entre rats et souris, ce qui souligne sa reproductibilité (Sluka et coll., 2001

; Sluka et coll., 2003

). En outre, il existe une hyperalgésie viscérale secondaire et une réduction de l’activité physique des animaux mâles (femelles non testées) (Miranda et coll., 2004

; Pratt et coll., 2013

). L’analyse morphologique du muscle injecté ne révèle aucune lésion musculaire évidente ni inflammation associée aux injections salines acides. Une modulation du système nerveux autonome a été décrit après le développement de l’hyperalgésie mécanique cutanée avec modification de l’équilibre autonome vers une prédominance sympathique cardio-accélératrice (Oliveira et coll., 2012

). Une fois cette hypersensibilité développée, elle peut être inversée par le blocage de l’activité excitatrice spinale ou supraspinale (Tillu et coll., 2008

; Da Silva et coll., 2010

).
Ensemble, ces données suggèrent qu’une fois l’hyperalgésie développée (cutanée et musculaire), elle est maintenue principalement par des mécanismes nociceptifs centraux et qu’elle est indépendante d’un entraînement nociceptif. Ce modèle imite la présentation des symptômes observés dans la FM avec une hyperalgésie généralisée, des modifications du traitement nociceptif central et des altérations du système nerveux autonome. Cela renforce l’hypothèse selon laquelle les trois systèmes nerveux (central, autonome et périphérique) sont altérés dans la FM.
• Validité prédictive
La validité prédictive de ce modèle repose sur la prévention et l’amélioration de la douleur généralisée induite par l’injection répétée d’acides. Ce modèle présente un profil de gestion pharmacologique similaire à celui du traitement proposé dans la FM (tableau 18.I

). Une réduction de l’allodynie et de l’hyperalgésie cutanée est obtenue à l’aide d’antidépresseurs, d’antiépileptiques, d’opioïdes et d’antagonistes des récepteurs du glutamate (Sluka et coll., 2002

; Nielsen et coll., 2004

; Yokoyama et coll., 2007

; Kim et coll., 2009

). Des inhibiteurs de canaux ioniques potassiques ou sodiques sont également efficaces pour réduire l’hyperalgésie (Nielsen et coll., 2004

; Bement et Sluka, 2005

). Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens ont également montré une efficacité chez les rats mâles (Nielsen et coll., 2004

; Bement and Sluka, 2005

).
Tableau 18.I Résumé des études ayant testé l’efficacité pharmacologique de différents traitements sur l’hyperalgésie généralisée dans le modèle d’injections musculaires répétées d’acide
Traitement
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Efficacité
|
Références
|
Antidépresseurs seuls ou en combinaison (tramadol, milnacipran)
|
Efficace
|
Nielsen et coll., 2004  ; Kim et coll., 2009
|
Anti-épileptique (prégabaline)
|
Efficace
|
Nielsen et coll., 2004  ; Yokoyama et coll., 2007
|
Bloqueurs de canaux sodiques (méxilétine)
|
Efficace
|
Nielsen et coll., 2004
|
Activité physique (exercises aérobie)
|
Efficace
|
Bement et Sluka, 2005  ; Sharma et coll., 2010  ; Sluka et coll., 2013
|
Anti-inflammatoire non stéroïdien (carprofen)
|
Inefficace
|
Nielsen et coll., 2004
|
Benzodiazepine (diazepam)
|
Inefficace
|
Nielsen et coll., 2004
|
L’administration d’alosétron, un antagoniste des récepteurs de la sérotonine 5-HT3, par voie intraveineuse ou intrathécale, inverse l’hypersensibilité cutanée observée après des injections de solution saline acide et empêche le développement d’une hyperalgésie viscérale (Miranda et coll., 2006

). La prégabaline (anti-épileptique de seconde génération utilisé comme analgésique dans la FM, voir chapitre « Prise en charge médicamenteuse du syndrome fibromyalgique ») diminue l’hyperalgésie des tissus cutanés et profonds (Yokoyama et coll., 2007

). De plus, le tramadol (un analgésique opioïde synthétique à action centrale utilisé pour traiter la douleur modérée à modérément sévère) et le milnacipran (inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ou IRSN, utilisé dans le traitement clinique de la FM) ont montré un puissant effet anti-hyperalgique lors d’administration conjointe (Kim et coll., 2009

). Dans l’ensemble, l’hyperalgésie généralisée induite par l’injection intramusculaire répétée d’acide peut donc être inversée par une série de stratégies analgésiques utilisées dans la FM.
L’activité physique est le traitement préconisé en première ligne contre la FM. Dans le modèle acide répété, l’hyperalgésie mécanique est inversée ou prévenue grâce à différents protocoles d’activité physique (Bement et Sluka, 2005

). Des exercices de faible intensité (marcher sur un tapis roulant pendant 15-30 min par jour pendant 5 jours consécutifs) inversent l’hyperalgésie via des mécanismes faisant intervenir le système opioïde endogène. Un entraînement physique d’intensité modérée (marcher sur un tapis roulant 30-60 min par jour, 5 jours par semaine pendant 3 semaines) diminue également une hyperalgésie musculaire qui est induite par des injections cutanées et profondes de sérum physiologique. Un entraînement physique régulier sur roue (accès libre pendant 8 semaines) empêche le développement d’une hyperalgésie musculaire chronique chez la souris mâle en réponse aux injections (Sluka et coll., 2013

). Parallèlement, l’augmentation de la phosphorylation du récepteur NMDA, qui a un rôle essentiel de potentialisation de la douleur et qui se produit après des injections d’acide répétées, ne se produit pas chez les animaux physiquement actifs (roues en libre accès ; Sluka et coll., 2013

).
• Limites du modèle
L’hyperalgésie qui se développe dans ce modèle animal est considérée comme généralisée et comprend la peau des pattes postérieures, les muscles bilatéraux des membres postérieurs et les viscères (Miranda et coll., 2004

; Yokoyama et coll., 2007

). Cependant, il n’est pas clair s’il y a des changements algésiques dans d’autres zones corporelles, telles que les membres antérieurs. Le modèle montre des niveaux d’activité réduits et se développe plus aisément chez des animaux sédentaires (Sluka et coll., 2013

). Cela imiterait pour certains auteurs le déconditionnement physique observé chez les personnes atteintes de FM (voir chapitre « Activités physiques et thérapie multidisciplinaire dans le syndrome fibromyalgique »). Il n’est pas clair si ce modèle présente des symptômes autres que la douleur observée dans la FM comme des symptômes dépressifs, de fatigue ou encore de troubles du sommeil ou cognitifs.
Modèle rongeur de douleur généralisée induite par combinaison fatigue – injection musculaires
• Description et validité apparente
L’association d’une tâche musculaire fatigante à une atteinte musculaire de faible intensité permet d’obtenir non pas une hyperalgésie musculaire locale, c’est-à-dire restreinte au muscle injecté, mais une hyperalgésie généralisée (musculaire et cutanée) qui persiste sur plusieurs jours (Yokoyama et coll., 2007

; Sluka et Rasmussen, 2010

; Sluka et coll., 2012

). Dans ce modèle, la fatigue musculaire est provoquée par une course sur une roue de façon continue pendant 30 minutes ou 2 heures. Deux injections intramusculaires de solution acide (pH 5,0) ou une injection intramusculaire de carragénine
5
Mélange de polysaccharides sulfatés extraits d’algues rouges utilisé pour induire des foyers inflammatoires en expérimentation animale.
avant ou à la suite de ce protocole induisent une hyperalgésie généralisée un jour après l’injection, qui se maintient sur plusieurs jours. Si l’injection de solution acide provoque un modèle non inflammatoire, celle de carragénine induit une inflammation dans le muscle injecté (Yokoyama et coll., 2007

).
Des différences de réponses entre mâles et femelles ont été décrites pour ce modèle de douleur généralisée induite par la combinaison fatigue – atteinte musculaire avec une hyperalgésie plus marquée chez les femelles. Par exemple, une étude utilisant une tâche de fatigue d’un seul muscle, induite par stimulation électrique, suivie de deux injections de solution saline à pH 5,0, a montré que, si l’hyperalgésie musculaire était similaire entre mâles et femelles 24 heures après l’induction, elle était potentialisée chez ces dernières avec une durée significativement plus longue (moins de 14 jours chez les mâles et entre 35 et 42 jours chez les femelles) et un plus grand nombre de muscles douloureux (Gregory et coll., 2013

). Cette différence n’était pas liée aux œstrogènes circulants, hormones sexuelles féminines. Dans le modèle de fatigue suivi d’une injection de carragénine, l’hyperalgésie généralisée (cutanée et musculaire) est rapportée comme plus marquée chez les femelles de manière œstrogène-dépendante (Yokoyama et coll., 2007

).
• Validité prédictive et limites du modèle
L’hyperalgésie généralisée qui se développe dans le modèle induit par la fatigue est spontanément réversible, durant moins de 14 jours pour les mâles et moins de 42 jours pour les femelles (Dina et coll., 2008

; Gregory et coll., 2013

). Ces études indiquent clairement que la fatigue musculaire peut augmenter l’hyperalgésie généralisée produite par une atteinte musculaire, qu’elle soit inflammatoire ou non, de faible intensité. Cependant, la relation entre fatigue musculaire et développement d’une hyperalgésie généralisée (musculaire mais aussi cutanée) reste incomprise. La prégabaline s’est avérée efficace pour réduire l’hyperalgésie cutanée et musculaire dans ce modèle (Yokoyama et coll., 2007

). Les effets d’autres traitements pharmacologiques et non pharmacologiques préconisés dans la FM et la présence de symptômes autres que la douleur restent cependant à décrire.
Modèle de douleur généralisée induite par déplétion en amines biogéniques
Description et validité apparente
La validité apparente de ce modèle est la diminution de la concentration des amines biogéniques comme la dopamine, la noradrénaline ou encore la sérotonine au niveau du système nerveux central (liquide céphalo-rachidien, neuroimagerie), qui a été rapportée chez des patients atteints de FM (voir chapitres « Neurobiologie de la douleur chronique dans la fibromyalgie et biomarqueurs » et « Neuro-imagerie et neuro-modulation non invasive dans le syndrome fibromyalgique »). Cette déplétion partielle de dopamine, noradrénaline et de sérotonine, mesurée par les auteurs dans la moelle épinière, le thalamus et le cortex préfrontal, est induite chez le rongeur par l’administration répétée (une fois par jour pendant 3 jours consécutifs) de réserpine
6
Molécule antihypertensive et tranquillisante extraite des racines de certaines espèces de Rauwolfia, plantes tropicales et semi-tropicales.
en mode sous-cutané (Nagakura et coll., 2009

; Kiso et coll., 2018

). Ce traitement provoque une hyperalgésie généralisée cutanée et musculaire qui se maintient pendant un mois chez le rat quel que soit le sexe (Ogino et coll., 2013

). Cet effet est supposé être central et non pas périphérique car il n’était pas associé à une dégradation détectable des fibres nerveuses périphériques ou de signes périphériques d’inflammation (Nagakura et coll., 2012

). Une altération cellulaire avec vacuolisation des neurones de la substance noire
7
La substance noire (ou substantia nigra) est une petite zone du cerveau localisé dans le tronc cérébral.
a en revanche été observée, suggérant une atteinte de ces neurones sécréteurs de dopamine. Cette observation est cohérente avec le mode d’action de la réserpine, qui est un bloqueur irréversible des transporteurs des monoamines (noradrénaline, dopamine et sérotonine ; Davies et Shepherd, 1955

).
Ce modèle est particulièrement intéressant lorsqu’il est induit chez des femelles ovariectomisées, c’est-à-dire chez qui la sécrétion d’œstrogènes a été supprimée. En effet, Hernandez-Leon et coll. ont montré que le traitement par réserpine, qui est connu pour perturber le cycle ovarien normal chez les femelles en les entraînant dans la phase lutéale
8
La phase lutéale constitue la seconde partie du cycle ovarien, aussi appelé cycle menstruel, de la femme.
(Barraclough et Sawyer, 1959

), entraîne une hyperalgésie musculaire et une allodynie cutanée de manière similaire chez le mâle et la femelle non ovariectomisée (Hernandez-Leon et coll., 2018a

). Chez les rates ovariectomisées, la douleur musculaire, mais pas cutanée, en réponse à la déplétion en amines biogéniques est significativement augmentée en absence d’œstrogènes. Ces résultats suggèrent une validité du modèle de douleur généralisée induite par la réserpine pour la recherche de traitements alternatifs pendant des phases particulières, telle que la ménopause.
Ce modèle de douleur chronique généralisée est actuellement le plus étudié, en particulier chez la femelle ovariectomisée, dans le domaine de la FM. Ils présentent en effet certains symptômes communs. Une augmentation de l’activation fonctionnelle dans le cortex cingulaire, le cortex rétrosplénial et le thalamus latéral (mesurée en IRM fonctionnelle chez l’animal anesthésié) est observée en réponse à une stimulation nociceptive de moyenne intensité (Wells et coll., 2017

). Une augmentation du temps d’immobilité dans le test de natation forcée suggère la présence de symptômes dépressifs en plus de la douleur généralisée, au moins chez les rats mâles, les seuls testés dans cette étude (Nagakura et coll., 2009

). De façon tout à fait intéressante, les animaux présentent une altération de l’architecture du sommeil avec augmentation du temps de veille total et diminution drastique du temps passé en sommeil paradoxal (Hernandez-Leon et coll., 2018a

).
Validité prédictive
L’hyperalgésie résultant de la déplétion centrale en amines biogéniques induite par la réserpine est réduite par l’administration de prégabaline ou d’inhibiteurs de la recapture de la sérotonine comme la duloxetine (tableau 18.II

) (Klein et coll., 2014

; Shibrya et coll., 2017

; Hernandez-Leon et coll., 2018a

; Kiso et coll., 2018

). Les agonistes des récepteurs sérotoninergiques 5HT2C inversent également l’hyperalgésie induite par la réserpine, au moins chez les mâles (Ogino et coll., 2013

). Les troubles du sommeil sont partiellement supprimés par un traitement avec la fluoxétine, un inhibiteur spécifique de la recapture de la sérotonine utilisé dans la FM (Hernandez-Leon et coll., 2018a

). L’absence d’analgésie induite par les anti-inflammatoires non stéroidiens et des bloqueurs de canaux sodiques sont d’autres éléments suggèrant un profil pharmacologique de prise en charge de la douleur chronique proche de celui de la FM (Nagakura et coll., 2012

).
Tableau 18.II Résumé des études ayant testé l’efficacité pharmacologique de différents traitements dans le modèle de déplétion centrale en amines biogéniques
Traitement
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Efficacité
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Références
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Antidépresseur (fluoxetine)
|
Efficace (douleur musculaire et altérations cycles sommeil)
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Hernandez-Leon et coll., 2019
|
Agonistes 5-HT(2C) (lorcaserin, vabicaserin and YM348)
|
Efficace (douleur musculaire)
|
Ogino et coll., 2013
|
Anti-épileptique (prégabaline)
|
Efficace (douleur musculaire, symptômes dépressifs)
|
Klein et coll., 2014  ; Peres Klein et coll., 2016  ; Kiso et coll., 2018
|
Resolvin D1, D2 (médiateurs de l’inflammation)
|
Efficace (douleur et symptômes dépressifs)
|
Klein et coll., 2014
|
Antidépresseur (duloxétine)
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Efficace (sur douleur musculaire et altération monoamines)
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Shibrya et coll., 2017  ; Kiso et coll., 2018
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Antidépresseur (duloxétine + faible irradiation)
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Efficace (symptômes dépressifs)
|
Shibrya et coll., 2017
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Resveratrol
|
Efficace (douleur)
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Peres Klein et coll., 2016
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Bloqueur des canaux sodiques (méxilétine)
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Inefficace
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Nagakura et coll., 2012
|
Resveratrol : polyphénol de la classe des stilbènes présent dans certains fruits comme les raisins, les mûres ou les cacahuètes.
Limites du modèle
Les effets de la réserpine ont été décrits depuis plus d’un demi-siècle (Barraclough et Sawyer, 1959

). Elle agit sur de nombreux systèmes physiologiques, comme le système nerveux sympathique et diverses parties du système nerveux central. Elle est utilisée chez l’homme dans le traitement de l’hypertension et des troubles psychotiques. L’une des faiblesses de ce modèle est donc son manque de spécificité et notre méconnaissance des nombreuses cibles moléculaires, cellulaires et tissulaires modifiées par ce traitement. Bien que ce modèle ait été caractérisé pharmacologiquement et que les animaux présentent des symptômes fibromyalgiques autres que la douleur comme des symptômes dépressifs et des troubles du sommeil, il n’a pas été utilisé pour déterminer dans quelle mesure les altérations des niveaux d’amines biogéniques contribuent au développement et au maintien de l’ensemble de ces symptômes, y compris de l’hyperalgésie. En outre, les études les plus récentes se sont centrées sur l’effet de la réserpine chez la femelle ovariectomisée, et donc du rôle de la réduction d’hormones féminines dans le développement de douleurs persistantes, ce qui n’est pas représentatif de la population de patients souffrant de FM.
Modèles de stress répété : modèle de stress au froid intermittent (SFI)
Plusieurs modèles de stress répété pour induire une douleur chronique généralisée existent dans la littérature : stress au froid, au son, nage forcée (DeSantana et coll., 2013

). Nous ne développerons dans cette analyse que le modèle de stress répété au froid, car il est le plus étudié et il semble être celui avec la meilleure validité prédictive.
Description et validité apparente
Le modèle de SFI est un modèle dans lequel des rongeurs (souris ou rats) adultes sont placés de manière intermittente dans une chambre froide (températures comprises entre -3 et +4
oC) sur 3 jours. Pendant ces 3 jours, ils sont placés chaque soir en chambre froide pour une durée de 16 heures, puis transférés toutes les 30 minutes la journée suivante entre température ambiante (24
oC) et la chambre froide (Nishiyori et Ueda, 2008

). Cette procédure induit une hyperalgésie musculaire et thermique sur plusieurs jours pour les deux sexes. La durée et la sévérité de cette hyperalgésie sont inversement corrélées à la température froide appliquée (plus elle est froide, plus la douleur est longue et sévère) (Nasu et coll., 2010

). Dans le cas d’une température inférieure à -3
oC, une hyperalgésie cutanée se développe également, phénomène qui n’est pas observé pour une température froide égale à +4
oC. Bien que la concentration plasmatique de corticostérone, une hormone impliquée dans la régulation des réponses au stress, augmente après le SFI, des comportements anxieux ou dépressifs ne se développent pas (Nishiyori et coll., 2011

).
Validité prédictive
Des antiépileptiques et des antidépresseurs utilisés dans la FM contre la douleur réduisent l’hyperalgésie induite dans le SFI (tableau 18.III

). La gabapentine administrée par voie systémique ou centrale inverse l’hyperalgésie chez les souris mâles et femelles (Nishiyori et Ueda, 2008

). Injectée en voie centrale, une dose unique a un effet analgésique sur 4 à 5 jours. Une administration intrathécale unique ou répétée d’antidépresseurs (milnacipran, amitriptyline, mianserine ou paroxetine) réduit également l’hyperalgésie (Nishiyori et coll., 2011

).
La morphine produit une analgésie chez les souris soumises à ce modèle lorsqu’elle est injectée par voie spinale ou périphérique, mais pas par voie systémique ou supraspinale (Nishiyori et coll., 2010

). Une hypothèse proposée par les auteurs est que le manque d’analgésie induite par la morphine au niveau supraspinal résulte d’une perte de l’activation des voies inhibitrices de la douleur descendante.
Tableau 18.III Résumé des études ayant testé l’efficacité pharmacologique de différents traitements dans le modèle du stress induit par le froid intermittent
Traitement
|
Efficacité
|
Références
|
Anti-épileptique (gabapentine)
|
Efficace
|
Nishiyori et Ueda, 2008
|
Antidépresseurs (milnacipran, amitriptyline, mianserin, paroxetine)
|
Efficace
|
Nishiyori et coll., 2011
|
Morphine
|
Efficace (uniquement applications périphériques
et spinales)
|
Nishiyori et coll., 2010
|
Limites
La durée de l’hyperalgésie provoquée dans ce modèle est dépendante de la température froide imposée, et celle espérée n’est pas toujours indiquée dans les essais menés. Les agents pharmacologiques utilisés contre la douleur chronique dans la FM sont efficaces dans ce modèle. L’anxiété et les comportements de type dépressif ne se développent pas dans ce modèle, et la présence d’autres symptômes comme les troubles du sommeil n’ont pas été testés. Encore une fois, la plupart des études ont été réalisées uniquement chez des mâles.
Enfin, il est à noter que chez la souris, ce modèle est associé à une atteinte musculaire avec une perte importante de la taille et du nombre des fibres musculaires 48 heures après exposition au froid. Ceci n’a à ce jour été observé que par une équipe, et sur des animaux qu’ils ont laissés les 24 premières heures à +4
oC (et non une nuit), induisant une exposition plus prolongée au froid par rapport aux autres études (Bonaterra et coll., 2016

). Si ces résultats se vérifiaient, cela signifierait que ce modèle ne modélise pas correctement la FM, chez laquelle les atteintes musculaires ne sont pas majeures (voir chapitre « Neurobiologie de la douleur chronique dans la fibromyalgie et biomarqueurs »).
Conclusion
Les modèles décrits ci-dessus sont développés principalement en réponse à des stimuli répétés ou à un stress associé à des stimuli appliqués directement aux muscles squelettiques. Ces stimuli sont souvent inférieurs au seuil nociceptif déclenchant une douleur chez l’animal, mais lorsqu’ils sont répétés ou combinés, ils produisent une hyperalgésie plus longue qu’un stimulus unique. La durée de l’hyperalgésie ainsi obtenue varie d’un modèle à l’autre et, selon les études, d’un sexe à l’autre. Le temps séparant les stimulations stressantes imposées est un paramètre important pour l’induction de l’hyperalgésie avec une fenêtre « idéale » dépendant du type de stress appliqué. Les facteurs de stress utilisés peuvent être des lésions tissulaires, localisées ou non, répétées et de faible intensité ou inclure des conditions de vie imposées non optimales comme une sédentarité, une fatigue, une surcharge pondérale, etc. Ces observations suggèrent qu’une combinaison de plusieurs facteurs de stress sur l’organisme soit nécessaire pour qu’une hyperalgésie généralisée et persistante se produise en réponse à ceux-ci. Il est bien établi que ces facteurs peuvent entraîner des modifications moléculaires et cellulaires des nocicepteurs et des neurones centraux, entraînant une sensibilisation centrale (DeSantana et coll., 2013

).
S’ils apportent des connaissances fondamentales importantes pour la compréhension de l’hyperalgésie généralisée sans lésion apparente, les modèles animaux présentés dans la littérature comme étant des modèles de FM ne modélisent pas réellement cette dernière. Le tableau 18.IV

résume les forces et faiblesses des modèles décrits dans cette analyse. Si l’hyperalgésie généralisée induite dure plusieurs jours, elle disparaît progressivement et spontanément, ce qui ne modélise pas la douleur fibromyalgique. Dans le meilleur des cas, les modèles reproduisent un petit nombre des symptômes fibromyalgiques autres que la douleur comme les symptômes dépressifs ou les troubles du sommeil.
Tableau 18.IV Comparaison des grands types de modèles animaux de fibromyalgie
Nom du modèle
|
Modélisation ou mécanismes découverts
|
Validité prédictive
|
Remarque / recommandation
|
Injections répétées d’acide intramusculaire
|
Changements périphériques et centraux (balance excitation-inhibition au sein de la RVM)
|
+++
|
Bon modèle ++
|
Déplétion amines bio-géniques (réserpine)
|
Réduction des taux de dopamine, noradrénaline et de sérotonine
|
++
(douleur et symptômes dépressifs)
|
Intéressant. Utile pour l’étude des effets hormones sexuelles (ménopause)
|
Fatigue musculaire + injection (répétée ou non) intramusculaire d’acide
|
Changements centraux
|
?
|
Intéressant. Nécessite une caractérisation pharmacologique
|
Stress induit par le froid intermittent
|
Changements périphériques et centraux (balance excitation-inhibition au sein de la RVM)
|
+
|
Problème : altérations musculaires chez la souris
|
RVM : rostro ventromedial medulla.
Références
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