Pesticides et effets sur la santé : Nouvelles données

2021


ANALYSE

1-

Pesticides et santé : la montée des préoccupations

Les questions de santé publique que pose l’usage des pesticides sont nombreuses et concernent des populations multiples, notamment les consommateurs, les populations du secteur agricole mais aussi des professionnels tels que les employés des parcs et jardins et les particuliers qui recourent à ces produits dans leur foyer. Au cours de la dernière décennie, les controverses relatives aux pesticides se sont surtout multipliées en lien avec leurs usages agricoles et leurs effets sur la santé des agriculteurs, des riverains des parcelles agricoles et des consommateurs de produits traités. Largement relayées par les médias spécialisés et généralistes, elles revêtent des dimensions inextricablement politiques et scientifiques. Sur le plan politique, les pesticides ont donné lieu à des mobilisations protestataires particulièrement visibles, mais aussi à des évolutions institutionnelles importantes. Longtemps principalement mis en œuvre par les institutions nationales dédiées à l’agriculture (ministère de l’Agriculture, Mutualité sociale agricole ; MSA), le contrôle des pesticides et la surveillance de leurs effets sanitaires indésirables sont en effet aujourd’hui partagés entre un grand nombre d’acteurs administratifs évoluant à différentes échelles de gouvernement : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui évalue les risques des pesticides et autorise leur mise sur le marché, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (European food safety authority ; Efsa) qui homologue les substances actives, l’Agence européenne des produits chimiques (Echa), mais aussi les ministères chargés de la santé, du travail et de l’environnement... Sur le plan de la connaissance scientifique, la période contemporaine est marquée par l’accumulation de données épidémiologiques mettant en évidence un risque augmenté de survenue de certaines pathologies chroniques, comme la maladie de Parkinson, certaines hémopathies malignes ou le cancer de la prostate, parmi les populations les plus exposées aux pesticides (Inserm, 2013renvoi vers). Ces résultats alimentent de nombreux conflits d’interprétation, notamment lorsqu’ils sont mobilisés pour évaluer les effets de pesticides particuliers, comme le chlordécone, le glyphosate et très récemment les fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHi). Ce chapitre décrit ces controverses, qui constituent le contexte de cette expertise collective. Il revient en premier lieu sur la politisation des questionnements relatifs aux liens entre pesticides et santé humaine, avant d’analyser les ressorts des conflits d’interprétation autour des données scientifiques disponibles.

La politisation des interrogations sur les liens entre pesticides et santé humaine

Si des inquiétudes relatives aux effets des pesticides sur la santé humaine sont documentées de longue date par des travaux historiques portant sur la France (Fourche, 2004renvoi vers ; Jas, 2007renvoi vers ; Jas, 2010renvoi vers), les conflits politiques relatifs à ces enjeux ont pris une acuité sans précédent dans notre pays. Ces conflits sont alimentés à la fois par des mobilisations protestataires et par la concurrence entre administrations pour le contrôle des politiques publiques dédiées à la protection des populations exposées à ces produits.

Les pesticides et leurs dangers comme objets de mobilisation

L’intensification de l’usage agricole des pesticides à partir de la Deuxième Guerre mondiale a permis une substantielle augmentation des rendements (Fourche, 2004renvoi vers). Cependant, dans les années qui ont suivi, ces produits ont suscité des inquiétudes en raison des risques que leur utilisation massive induit pour la santé et pour l’environnement. Les questions de santé au travail affectant la main d’œuvre agricole font notamment l’objet de l’attention de certains médecins du travail agricole dans les années 1960 (Jas, 2010renvoi vers). Dans certains pays étrangers, comme les États-Unis, ces critiques ont alimenté dès les années 1960 d’importantes mobilisations protestataires, dénonçant les effets nuisibles des pesticides pour les saisonniers agricoles (Nash, 2006renvoi vers), les consommateurs (Whorton, 1974renvoi vers) ou pour la faune sauvage (Bosso, 1987renvoi vers). En France, les premières mobilisations de ce type ne se sont cependant réellement structurées qu’au xxie siècle. Le début des années 2000 a été marqué par d’importantes controverses sur les effets des pesticides néonicotinoïdes sur la santé des abeilles domestiques. Les enjeux de santé humaine liés à l’utilisation agricole des pesticides sont par la suite progressivement devenus des objets de mobilisation. Si ces mobilisations sont alimentées par la production des données scientifiques, notamment épidémiologiques, qui ont mis en évidence les effets des pesticides sur la santé, elles sont également le produit de mutations sociales, économiques et politiques structurelles.
Ces mobilisations françaises sont d’abord apparues dans le champ de la santé au travail. Suite à l’adoption, en 2002, d’une assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des non-salariés agricoles, plusieurs exploitants atteints de pathologies susceptibles d’être imputées à leur exposition aux pesticides (maladies neurodégénératives, hémopathies malignes) ont entrepris isolément des démarches en vue de l’obtention d’une reconnaissance de maladie professionnelle. La transformation de cas isolés de travailleurs malades en une cause commune d’agriculteurs s’estimant victimes des pesticides a été rendue possible par l’appui qu’ils ont reçu auprès de militants environnementalistes, de professionnels du droit et de leurs familles, qui les ont aidés à fonder l’association Phyto-victimes en 2011 (Jouzel et Prete, 2013renvoi vers ; Salaris, 2014renvoi vers). Aujourd’hui, plusieurs associations dénoncent les dangers des pesticides sur la santé des travailleurs agricoles ou des salariés de l’agro-alimentaire, en cherchant à rendre visibles de nouveaux cas de victimes, en exigeant une juste réparation du tort qu’elles ont subi, et en exigeant un plus strict contrôle de ces produits, passant notamment par l’interdiction de l’ensemble des substances actives cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la production ou ayant des effets de perturbations endocriniennes. L’émergence de cet enjeu de revendication est le produit de plusieurs mutations sociologiques et politiques conjointes. La mobilisation des agriculteurs de l’association Phyto-victimes apparaît ainsi comme le fruit de l’érosion progressive du monopole longtemps exercé par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) sur la représentation politique de cette profession, et de l’apparition d’offres de représentation syndicale alternatives et porteuses d’une vision critique du productivisme agricole en général, et de l’intensification du recours aux pesticides en particulier (Jouzel et Prete, 2015renvoi vers). Elle est également une conséquence indirecte des mutations des familles d’agriculteurs : marquées par une hétérogamie sociale croissante au sein des couples (Giraud et Rémy, 2008renvoi vers) et par un alignement progressif du destin scolaire des enfants d’agriculteurs sur celui de la population générale (Giraud et Rémy, 2014renvoi vers), ces familles sont également des espaces sociaux où circule une parole critique sur les pesticides, qui peut servir de vecteur d’indignation pour des agriculteurs lorsqu’ils sont atteints de pathologies imputables à leur exposition à ces produits (Jouzel et Prete, 2016arenvoi vers).
Parallèlement, des groupes de riverains se sont également constitués dans les zones d’arboriculture et de viticulture pour exiger la limitation des épandages à proximité de leurs lieux de résidence ou des bâtiments recevant du public, comme les écoles. D’abord concentrés autour des zones de pomiculture dans le Limousin (Cardon et Prete, 2018renvoi vers), ces mouvements ont essaimé au cours des dernières années dans des régions viticoles comme la Gironde ou la Champagne, et s’élargissent à de nombreuses zones d’activités agricoles variées. Fortement couverts par les médias locaux et nationaux, ces conflits de voisinage semblent se développer de manière particulièrement marquée dans les territoires urbanisés, longtemps principalement dédiés à l’agriculture et accueillant de nouvelles populations non agricoles en périphérie de centres urbains (Amiet, 2018renvoi vers ; Cardon et Prete, 2018renvoi vers).
Ces divers mouvements sociaux sont connectés à ceux qui militent en faveur de l’alimentation biologique et dénoncent les dangers des pesticides de synthèse. Une association comme Générations futures, qui porte depuis une vingtaine d’années un discours critique vis-à-vis des méfaits sanitaires et environnementaux de l’agriculture intensive, a ainsi joué un rôle dans la constitution des premiers mouvements de travailleurs agricoles et de riverains s’estimant victimes des pesticides (Jouzel et Prete, 2015renvoi vers). L’alimentation biologique en enjeu de mobilisations collectives est profondément liée aux mutations des marchés alimentaires : croissance de la demande pour des produits issus de l’agriculture biologique, augmentation de la part de la surface agricole cultivée et du cheptel élevé en conformité avec un cahier des charges de l’agriculture biologique, apparition de nouveaux circuits de distribution (Sommier et coll., 2019renvoi vers).
L’ensemble de ces mutations sociales, économiques et politiques qui ont affecté les zones rurales et agricoles ont contribué à rendre visibles les effets des pesticides sur la santé, au-delà des seules publications scientifiques en épidémiologie ou en toxicologie. Les mouvements sociaux qu’elles ont alimentés ont été largement couverts par les médias d’information généralistes, en particulier à l’occasion d’affaires judiciaires qui permettent aux journalistes de mettre en récit des enjeux médicaux complexes, en se focalisant par exemple sur l’opposition entre les populations exposées aux pesticides et les firmes qui mettent ces produits sur le marché (Jouzel et Prete, 2016brenvoi vers). Cet intérêt croissant des médias pour les enjeux sanitaires liés aux pesticides s’inscrit dans le contexte plus général de la structuration, depuis les années 1980-1990, d’un journalisme santé porteur d’un regard critique sur les risques induits par les activités industrielles et sur les failles des institutions chargées de les contrôler (Champagne et Marchetti, 1993renvoi vers).
Couplées à la production de données épidémiologiques sur les effets des pesticides sur la santé humaine, ces mobilisations contestataires ont eu des conséquences en matière d’action publique. Dans le champ de la santé au travail, elles ont par exemple incité le ministère de l’Agriculture à inscrire à l’agenda de la Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (Cosmap) la création de nouveaux tableaux de maladies professionnelles permettant une meilleure reconnaissance des pathologies provoquées par les pesticides. Deux nouveaux tableaux de maladies ont ainsi été créés dans le régime agricole de la Sécurité sociale : le tableau 58 « maladie de Parkinson provoquée par les pesticides », en 2012, et le tableau 59 « hémopathies malignes provoquées par les pesticides », trois ans plus tard. Si ces évolutions favorisent une meilleure reconnaissance de certaines maladies professionnelles causées par les pesticides, beaucoup de pathologies imputables à l’exposition à ces produits restent non prises en charge, comme le relève le rapport relatif à la création d’un fonds d’aide aux victimes de produits phytopharmaceutiques publié conjointement par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des affaires sociales et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux en janvier 2018 (Deprost et coll., 2018renvoi vers). Ce rapport a ainsi recommandé d’élargir le périmètre de l’indemnisation des maladies imputables à l’exposition aux pesticides, en particulier aux « enfants atteints d’une pathologie résultant directement de leur exposition prénatale du fait de l’exposition professionnelle de l’un ou l’autre de leurs parents à des pesticides ». Dans le champ de la santé environnementale, les mobilisations de riverains dénonçant les dangers des pesticides pour leur santé ont trouvé des relais dans les exécutifs locaux, en particulier par l’intermédiaire de maires qui, au cours de la dernière décennie, ont pris des mesures d’interdiction des traitements phytopharmaceutiques dans les espaces publics communaux ou sur les parcelles agricoles situées à proximité de zones d’habitation ou de bâtiments recevant du public. De telles mesures font également l’enjeu de discussions au niveau national qui se sont traduites par l’adoption de la loi no 2014-110 dite loi « Labbé » du 6 février 2014. La loi de transition énergétique du 22 juillet 2015, par modification des dates d’entrée en vigueur de la loi « Labbé », a ainsi imposé l’interdiction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les espaces publics dès 2017 et dans les jardins privatifs depuis le 1er janvier 2019. Plus récemment, sur la base de recommandations de l’Anses (Anses, 2019renvoi vers), le gouvernement a ouvert un débat public sur l’opportunité d’imposer des zones de non-traitement de 3, 5 ou 10 mètres entre les zones de pulvérisation de pesticides et les zones résidentielles. De manière plus générale, les mobilisations d’agriculteurs et de riverains dénonçant les dangers des pesticides ont eu pour effet d’inscrire durablement cette problématique dans l’agenda politique, et d’en faire un sujet central des discussions relatives à l’avenir des filières agricoles, comme l’ont montré les états généraux de l’alimentation en 2017. Dans ce contexte, un nombre croissant d’institutions publiques se sont saisies de cet enjeu, bien au-delà des acteurs administratifs du monde agricole qui en ont eu historiquement la charge.

Les pesticides et leurs dangers comme objets de concurrences institutionnelles

Les pesticides constituent par définition des produits dangereux, conçus pour contrôler ou détruire des organismes vivants nuisibles pour les cultures (mauvaises herbes, insectes, champignons), les animaux (insectes, helminthes) et autres activités humaines. Leurs effets indésirables sur la santé des travailleurs, des riverains et des consommateurs exposés ont donc fait de longue date l’objet d’un contrôle administratif. Ce dernier a longtemps été principalement exercé par les institutions agricoles. Dès 1943, ces produits ont été soumis à une autorisation de mise sur le marché délivré par le ministère de l’Agriculture, adossée à une évaluation de risque effectuée par une commission d’experts du ministère, la « Commission des toxiques » (Fourche, 2004renvoi vers). Le contrôle administratif des conditions de travail en agriculture et de la protection effective des travailleurs de ce secteur exposés aux pesticides a longtemps relevé d’une inspection du travail à part, l’Inspection du travail, de l’emploi et de la politique sociale agricoles (Michard et Bourrigaud, 2007renvoi vers). De même, la prévention et la réparation des maladies professionnelles agricoles sont le produit de la construction politico-administrative d’un régime de Sécurité sociale et d’une médecine du travail à part pour les travailleurs de l’agriculture (Jas, 2010renvoi vers). Au cours des années 1990, c’est ainsi la MSA, organisme gestionnaire du régime agricole de Sécurité sociale, qui a mis en place le premier système de toxicovigilance destiné à surveiller les éventuels effets délétères des pesticides commercialisés sur leurs utilisateurs professionnels (Dupupet et coll., 2007renvoi vers).
Cette situation a considérablement évolué, et des institutions extérieures au champ de l’agriculture ont occupé une place de plus en plus importante dans les politiques de contrôle des pesticides et de protection des populations exposées. L’évaluation des risques des préparations phytopharmaceutiques a été transférée à partir de 2006 de la Commission des toxiques à l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation (Afssa), administration placée sous l’autorité de trois ministères chargés de la santé, de l’agriculture et de la consommation. En 2010, c’est à l’Anses, issue de la fusion de l’Afssa et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail et placée sous l’autorité des ministères de l’Agriculture, de la Santé, de la consommation, mais également de l’Environnement et du Travail, que cette mission a échu. De même, le ministère de l’Agriculture a été progressivement dépossédé de la gestion des risques pour la santé humaine liés aux pesticides. À partir de 2007, une procédure de consultation des ministères du Travail, de l’Environnement et de la Santé a été instaurée dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché des préparations phytopharmaceutiques. En 2015, le ministère a confié cette mission à l’Anses. Cette agence est également chargée de la phytopharmacovigilance, et centralise à ce titre l’ensemble des données relatives aux effets indésirables des pesticides sur la main-d’œuvre agricole collectées par la MSA.
De manière générale, un nombre croissant d’acteurs institutionnels extérieurs au champ des politiques agricoles se trouvent donc aujourd’hui impliqués dans l’évaluation, la gestion et la surveillance des risques des pesticides (Jouzel et Prete, 2017renvoi vers). Ce désenclavement des politiques destinées à contrôler les pesticides et leurs effets sur la santé des populations exposées résulte en partie de remises en cause dont les modalités historiques de contrôle des risques des pesticides font l’objet, non seulement de la part de mouvements sociaux, mais également d’institutions gouvernementales nationales et européennes. Au niveau communautaire, la Commission européenne a ainsi rendu en juillet 2017 un rapport pointant les lacunes de l’évaluation des risques des préparations phytopharmaceutiques (Commission européenne, 2017renvoi vers). Au niveau national, l’Assemblée nationale a mis en place en 2017 une mission d’information sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (Assemblée nationale, 2018renvoi vers) qui pointe les limites d’« une législation complexe et insuffisamment protectrice » ; l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a quant à lui publié en 2019 un rapport intitulé « Évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences : trouver le chemin de la confiance », dans lequel une large part est laissée à des enjeux relatifs aux pesticides (Opecst, 2019renvoi vers). De manière générale, la période contemporaine constitue, pour les pouvoirs publics, un moment de profondes interrogations sur la manière dont les risques des pesticides sont évalués et gérés.
La saisine à l’origine du présent rapport d’expertise collective est le produit direct de ces interrogations. Celui-ci fait suite à un rapport commandé en 2017 par les ministres en charge de l’écologie, de la santé et de l’agriculture à leurs inspections générales (Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale des affaires sociales, Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) en vue d’évaluer le dispositif réglementant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables. L’une des recommandations du rapport final (Gervais et coll., 2019renvoi vers) porte sur la nécessité d’actualiser l’expertise collective « Pesticides : Effets sur la santé » de l’Inserm, datant de 2013. Alors que seule la Direction générale de la santé avait été à l’origine de la demande de cette première expertise collective, ce ne sont pas moins de cinq directions générales ministérielles (la santé, la prévention des risques, le travail, l’alimentation et la recherche) qui se sont associées pour commanditer à l’Inserm le présent rapport.

Les obstacles à la connaissance scientifique

L’accumulation de données scientifiques probantes sur les liens entre pesticides et santé humaine exacerbent les conflits sociaux et politiques autour des pesticides et des modalités de leur contrôle. La récente controverse autour du glyphosate illustre sans doute mieux que toute autre cet état de fait. Celle-ci repose sur un différend entre le Centre international de recherche sur le cancer (sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé), d’une part, et, de l’autre, la plupart des agences nationales et transnationales chargées de l’évaluation des risques des pesticides au sujet de la cancérogénicité de cette substance active présente dans l’herbicide le plus vendu au monde. Alors que le premier a jugé, en mars 2015, « probable » le caractère cancérogène du glyphosate, l’ensemble des secondes s’est opposé à cette catégorisation. Cette divergence d’interprétation a nourri les conflits autour de cette substance et de son éventuelle interdiction. Au-delà du cas du glyphosate, les données scientifiques produites au cours des dernières années (articles publiés dans des revues scientifiques, études menées par les industriels, études menées par des organismes de recherche sous contrat (CRO) mandatés par les industriels...), sur les liens entre pesticides et santé apparaissent souvent contradictoires et ne permettent pas de déterminer des moyens d’action simples pour résoudre les éventuels problèmes identifiés.

La production de données toxicologiques

L’évaluation réglementaire des risques des pesticides repose principalement sur des données de toxicologie expérimentale. Ces données visent à établir pour chaque substance active une dose acceptable d’exposition humaine, et à déterminer les conditions d’utilisation permettant un usage contrôlé des préparations commerciales dans la composition desquelles elles entrent. Les modalités de cette évaluation des risques ont évolué au fil du temps vers une codification toujours plus précise. Celle-ci est le produit d’une histoire transnationale dans laquelle se mêlent la science, la politique et l’économie.
Au cours du dernier quart du xxe siècle, la production et l’interprétation de ces données ont fait l’objet d’une codification de plus en plus précise, d’abord aux États-Unis, où, à la suite de multiples conflits sociaux et politiques relatifs au contrôle des pesticides, l’évaluation des risques de ces produits a été transférée, en 1970, de l’US Department of Agriculture à l’Environmental Protection Agency (EPA). Dans le but de clarifier auprès des industriels de la phytopharmacie les critères de recevabilité des données de toxicité devant être contenues dans les dossiers de demande d’autorisation ou de maintien de mise sur le marché de leurs produits, l’EPA a alors rédigé un ensemble de lignes directrices précisant ses attentes en la matière (Jasanoff, 1990renvoi vers). Ces textes encadrent la production de données de toxicité sur les pesticides, qui proviennent essentiellement des firmes du secteur ou des sociétés de conseil auxquelles elles délèguent la rédaction des dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché.
Au cours des décennies suivantes, cette tendance a connu une forte dynamique d’expansion transnationale, dans un contexte marqué par la mondialisation accrue des flux de marchandises alimentaires. Les variations nationales des modalités de l’évaluation des risques des pesticides sont alors de plus en plus apparues comme une source de distorsion de concurrence entre pays producteurs. Les discussions conduites au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont conduit à l’adoption de lignes directrices définissant les modalités devant être suivies pour produire des données de toxicité recevables en vue d’évaluer les risques des pesticides préalablement à leur mise sur le marché. À cette harmonisation internationale s’est ajouté un effort d’harmonisation au sein de l’Union européenne. L’Efsa, qui évalue les risques des substances actives par voie alimentaire, a ainsi défini un ensemble de lignes directrices s’imposant à l’ensemble des États membres, même si ceux-ci conservent une marge de manœuvre en matière d’évaluation des risques des préparations commerciales.
Cette évaluation réglementaire des risques a permis de produire, de façon systématique, de nombreuses données de toxicité pour l’ensemble des pesticides commercialisés. Pour autant, elle a été soumise, depuis quelques années à de nombreuses critiques. Certaines d’entre elles, portées notamment par des mouvements sociaux environnementalistes, dénoncent le caractère opaque de l’évaluation des risques, dans laquelle les compositions des formulations fournies par les industriels sont couvertes par le secret commercial. D’autres mettent en avant le poids des industriels du secteur et des sociétés savantes qu’ils financent dans les négociations préalables à l’adoption des lignes directrices et le biais qui peut en découler en leur faveur. En outre, les données de toxicité produites dans le cadre de l’évaluation des risques permettent surtout d’objectiver les effets d’exposition aux pesticides pris individuellement, et sont insuffisants pour évaluer les effets d’expositions diffuses et simultanées à une multiplicité de produits (Jouzel et Dedieu, 2013renvoi vers). De même, certains effets toxiques comme les effets transgénérationnels ou le dimorphisme sexuel, apparaissent peu ou mal pris en considération dans l’évaluation des risques des pesticides. De manière générale, de nombreux travaux de sciences sociales soulignent le risque d’une séparation croissante entre la toxicologie « réglementaire », encadrée par les lignes directrices de l’OCDE ou des agences d’évaluation des risques des pesticides, d’une part, et la recherche académique en toxicologie (Demortain, 2013renvoi vers ; Jouzel, 2019renvoi vers).

La production de données épidémiologiques

À partir des années 1980, une autre source de connaissances relatives aux effets des pesticides sur la santé humaine est apparue : les études épidémiologiques, qui utilisent des outils et raisonnements statistiques permettant d’identifier des associations entre des pathologies et des facteurs de risque. Les premiers travaux épidémiologiques sur les effets chroniques des pesticides ont été lancés aux États-Unis par le National Cancer Institute dans des États agricoles américains comme le Kansas et le Nebraska, pour étudier la santé des agriculteurs exposés à ces produits (Zahm et Blair, 1992renvoi vers). Ces enquêtes portaient principalement sur les hémopathies malignes, qui apparaissaient sur-représentées parmi la population rurale du Midwest. Au cours des décennies suivantes, de nombreuses autres recherches de ce type ont été entreprises aux États-Unis puis en Europe, auprès d’agriculteurs mais également d’autres populations exposées aux pesticides.
Les publications issues de ces recherches ont constitué un important signal d’alarme sur les risques des pesticides. Elles ont, en particulier, montré la sur-incidence, parmi les travailleurs agricoles exposés aux pesticides, de la maladie de Parkinson et de certaines hémopathies malignes, mais aussi du cancer de la prostate (Blair et coll., 1992renvoi vers ; Acquavella et coll., 1998renvoi vers ; Inserm, 2013renvoi vers). Elles ont également alimenté les questionnements sur d’autres pathologies susceptibles de résulter de l’exposition professionnelle aux pesticides, comme des tumeurs cérébrales, ou sur les effets de ces produits sur la santé des populations riveraines des parcelles agricoles. Cependant, ces données épidémiologiques restent faiblement prises en compte dans les procédures réglementaires d’évaluation des risques des pesticides, pour plusieurs raisons. En premier lieu, de nombreuses études épidémiologiques s’intéressent aux pesticides sans distinction de familles chimiques ou de matières actives. D’autres prennent en compte diverses familles chimiques ou matières actives, mais n’arrivent pas toujours à distinguer les conséquences des unes et des autres étant donné qu’elles sont souvent corrélées entre elles. De plus, il est parfois difficile de distinguer la contribution d’une matière active de celle d’un adjuvant présent dans la formulation commerciale employée. Ces études soulèvent de plus en plus de questions quant à la fiabilité des données qu’elles utilisent pour estimer les niveaux d’exposition aux pesticides des populations sur lesquelles elles portent (Ntzani et coll., 2013renvoi vers). Le recueil rétrospectif d’informations sur leur emploi à l’aide de questionnaires, sur lequel nombre de ces études reposent, induit par exemple des biais de mémoire particulièrement problématiques dans le cas de populations d’agriculteurs susceptibles d’avoir utilisé des dizaines de produits différents au fil du temps, dans un contexte où, souvent, aucun dispositif systématique, centralisé et publiquement accessible n’a été mis en place pour recueillir les données d’usage des pesticides dans la plupart des pays. Ces difficultés limitent l’estimation des doses externes sur lesquelles de nombreuses agences se basent pour évaluer les risques. Toutes ces limites méthodologiques sont fréquemment mises en avant par les agences en charge de l’évaluation des risques des pesticides pour relativiser le caractère préoccupant des données produites par les épidémiologistes sur les liens entre pesticides et santé (Efsa, 2017renvoi vers).
De nombreux épidémiologistes ont cherché à rendre plus robustes et plus précises leurs données sur les effets des pesticides sur la santé des populations exposées. Ils ont pour cela développé des enquêtes prospectives de cohorte permettant un suivi sur un temps long des populations exposés et d’estimer l’incidence des pathologies en lien avec leurs expositions aux pesticides (Alavanja et coll., 1996renvoi vers ; Baldi et Lebailly, 2007renvoi vers). Ils ont également développé des matrices culture-exposition offrant la possibilité, sur la base des savoirs agronomiques disponibles, de remonter dans le temps et d’établir, pour chaque culture, une probabilité, une fréquence et une intensité de l’exposition à chaque pesticide commercialisé (Carles et coll., 2017renvoi vers ; Ohlander et coll., 2020renvoi vers). Certains ont de plus entrepris de quantifier l’exposition professionnelle et environnementale aux pesticides de manière plus précise en recourant à des outils de dosimétrie active ou passive (Baldi et coll., 2006renvoi vers). Si ces innovations ouvrent la perspective de données épidémiologiques plus facilement interprétables, il reste que les données actuellement disponibles, si elles ne peuvent être ignorées, soulèvent de nombreuses questions sans nécessairement y apporter de réponse claire.

Conclusion

Les pesticides sont des produits potentiellement dangereux pour la santé humaine, et qui font à ce titre l’objet d’une surveillance particulière, mais lacunaire, depuis de nombreuses décennies. Ils sont soumis à une évaluation de risque préalable à toute mise sur le marché et à des dispositifs de toxicovigilance, qui conditionnent leur commercialisation, à la détermination de niveaux acceptables d’exposition humaine et des moyens de ne pas les dépasser. Ce contrôle réglementaire s’appuie principalement sur des données de toxicité expérimentales, et intègre en revanche peu les données épidémiologiques produites en population humaine, qui peuvent rendre visibles leurs effets sur des populations sensibles, ou encore des effets trop rares pour être observables dans les conditions des tests de toxicité in vivo, sur de petits échantillons ou sur des périodes de temps courtes. Ces données ont nourri une montée des préoccupations relatives aux effets des pesticides sur la santé des populations exposées. Ces préoccupations se sont matérialisées dans des mobilisations sociales exigeant un contrôle plus strict des pesticides, voire leur retrait, dans un contexte où ce contrôle échappe de plus en plus aux institutions agricoles. La saisine qui est à l’origine du présent rapport d’expertise collective se trouve à la confluence de l’ensemble de ces éléments.

Références

• Un ou plusieurs auteurs sont affiliés à une industrie des phytosanitaires.
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