Pesticides et effets sur la santé
I. Pathologies neurologiques et atteintes neuropsychologiques

2021


ANALYSE

4-

Troubles cognitifs

Lors de l’expertise collective publiée en 2013 (Inserm, 2013renvoi vers), environ 40 études épidémiologiques avaient été identifiées explorant le lien entre pesticides et cognition, un processus cérébral complexe impliquant notamment la mémoire, l’attention, le jugement, la compréhension et le raisonnement. Les études avaient été catégorisées selon leur schéma méthodo-logique (études transversales, longitudinales, méta-analyses) et en fonction du caractère aigu ou chronique de l’exposition. Les résultats sont présentés selon ce même schéma avec un résumé des données précédentes et la présentation et l’analyse des nouvelles données publiées depuis 2013, soit 15 publications (tableau 4.Irenvoi vers, voir en fin de ce chapitre).

Exposition aiguë aux pesticides : études transversales comparant des personnes intoxiquées (ou fortement exposées) à des personnes non intoxiquées

Trois nouvelles études transversales ont exploré l’association entre des intoxications aiguës aux pesticides et les performances cognitives mesurées à distance de l’exposition aiguë, s’ajoutant aux sept études déjà identifiées sur cette question. Ces études avaient mis en évidence un lien entre une intoxication aux pesticides (majoritairement des organophosphorés) et une baisse des performances cognitives, notamment dans le domaine de l’attention visuelle, la mémoire et l’abstraction. Les trois nouvelles études renforcent les conclusions précédentes.
Une première étude visant à documenter le lien entre des intoxications aiguës aux pesticides et des troubles neurocomportementaux a été menée en Éthiopie, incluant 256 ouvriers dans des contextes agricoles divers (grandes fermes de plein champ, grandes fermes sous serres, et petites fermes intensives) produisant des fleurs, des fruits, des légumes ou du coton (Negatu et coll., 2018renvoi vers). La définition des intoxications aiguës a pris en compte la présence de maladies infectieuses concomitantes dans ce pays, comme le paludisme, pouvant entraîner des manifestations générales ou neurologiques. Quarante et un travailleurs (soit 16 % de l’échantillon) avaient eu un ou plusieurs épisodes d’intoxication aiguë considérés en lien avec les pesticides. Leur risque de rapporter 4 symptômes ou plus au questionnaire neuro-comportemental Q16 utilisé pour l’évaluation cognitive était doublé (OR = 2,15 ; IC 95 % [1,01-4,58]), et le risque était également plus élevé chez les travailleurs présentant une exposition cumulée plus importante, qu’ils aient ou non un antécédent d’intoxication aiguë.
Au sein de l’Agricultural Health Study (AHS), une analyse complémentaire a été menée concernant le rôle des épisodes d’exposition accidentelle dans la survenue de troubles cognitifs (Starks et coll., 2012renvoi vers). Pour rappel, dans la précédente expertise, dans un sous-échantillon de cette cohorte, le lien entre les expositions et les déficits neurocomportementaux montrait des incohérences en fonction des tests et des matières actives considérées (Inserm, 2013renvoi vers). Les auteurs montrent un lien entre les épisodes d’exposition accidentelle aux pesticides, sans distinction précise sur les matières actives ou familles chimiques, et une diminution des performances sur certains tests neurocomportementaux (Starks et coll., 2012renvoi vers). Les agriculteurs ayant déclaré avoir eu au moins une fois dans leur vie une forte exposition accidentelle ont pris plus de temps à achever deux tests portant sur l’attention visuelle et la vitesse motrice, et ont obtenu des scores équivalents à ceux de personnes plus âgées de 3,9 ans dans la population étudiée.
En Chine, dans des villages de la province de Jiangsu, 1 490 agriculteurs manipulant des pesticides ont été interrogés sur la survenue, au décours des journées de traitement, de symptômes évoquant une intoxication par des pesticides agricoles (Zhang et coll., 2016renvoi vers). Sur la base de leurs réponses, 121 ont été classés dans le groupe des applicateurs intoxiqués au cours des 12 derniers mois. Quatre-vingts agriculteurs appariés sur leurs caractéristiques sociodémographiques, lieu de résidence et habitudes de vie ont été choisis comme population de référence. Les deux groupes ont été interrogés sur leurs expositions et comparés sur leurs performances à la batterie de tests neurocomportementaux de l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Des altérations cognitives ont été mises en évidence chez les agriculteurs intoxiqués (ralentissement des temps de réaction, déficits de mémoire, perte de coordination), ainsi que des troubles de l’humeur (augmentation des sentiments de colère, d’hostilité, de dépression, d’anxiété et de tension ; diminution de l’activité). Ces altérations étaient également observées en lien avec le nombre d’années de travail en agriculture, posant la question de l’implication des expositions chroniques dans les troubles neurocomportementaux observés chez les personnes intoxiquées.

Exposition chronique aux pesticides : études transversales comparant des personnes exposées de manière chronique
à des personnes non exposées

La précédente expertise faisait état d’une quinzaine d’études transversales explorant les effets retardés d’expositions chroniques professionnelles aux pesticides et avaient conclu à des altérations des performances aux tests cognitifs chez des sujets exposés professionnellement de manière chronique aux pesticides. Depuis, huit nouvelles études ont été menées.
La première d’entre elles, menée dans un village du sud de l’Iran, a mis en évidence une plus grande fréquence de symptômes (anxiété, insomnie, dépression sévère) et une baisse des performances cognitives, relevés par questionnaire, chez 187 horticulteurs (126 hommes et 61 femmes), en comparaison avec 187 autres travailleurs du même village appariés sur l’âge, le sexe et le niveau d’études. Les travailleurs étaient exposés majoritairement à des organophosphorés, inhibiteurs de l’acétylcholinestérase. De plus, un effet sur la rapidité psychomotrice, l’attention, la mémoire verbale et non verbale, les fonctions spatiales et les initiatives/l’énergie était suggéré (Malekirad et coll., 2013renvoi vers).
En Arabie Saoudite, une étude a inclus d’une part des applicateurs de pyréthrinoïdes à des fins de démoustication et d’autre part des personnels administratifs appartenant à la même unité de prévention du paludisme. Les performances aux tests neurocomportementaux et la fréquence des symptômes neurologiques ont été comparées entre les deux groupes, et il a été mis en évidence des altérations dans le groupe des travailleurs exposés. Ce résultat présente l’originalité de concerner une population a priori non exposée aux organophosphorés, mais ayant appliqué des pyréthrinoïdes de manière répétée pendant en moyenne 9 années. Les baisses des performances étaient plus marquées pour les fonctions exécutives et les capacités motrices dans les analyses prenant en compte le niveau d’études (Ismail et coll., 2018renvoi vers).
Les troubles cognitifs sont une des caractéristiques du « syndrome de la guerre du Golfe », une maladie multi-symptomatique rapportée par les anciens combattants de ce conflit, dont une des explications pourrait être l’exposition à des agents neurotoxiques, dont certains pesticides. Aux États-Unis, les troubles cognitifs ont été évalués dans une sous-population d’une cohorte de vétérans de la guerre du Golfe regroupant 159 participants avec des niveaux d’exposition aux pesticides variés (en lien avec une diversité d’usages militaires) et qui ont par ailleurs pris du bromure de pyridostigmine, un inhibiteur de l’acétylcholinestérase (AChE) utilisé comme prévention contre les gaz de combat (Sullivan et coll., 2018renvoi vers). Les sujets ont complété des tests neurocomportementaux et ont été évalués pour le syndrome de stress post-traumatique, la dépression majeure et la « maladie multi-symptomatique chronique »1 . Les vétérans les plus exposés aux pesticides, en combinaison avec des niveaux faibles ou élevés de pyridostigmine, ont montré des détériorations dans les domaines cognitifs suivants : vitesse de traitement de l’information, attention, mémoire, humeur. Les résultats étaient statistiquement significatifs dans les analyses prenant en compte les pathologies mentionnées ci-dessus comme facteurs de confusion, confirmant que l’exposition aux pesticides contribue de manière indépendante aux troubles des fonctions cognitives et de l’humeur. Certains pesticides ont été plus clairement mis en lien avec les effets, à savoir le dichlorvos dans l’attention et la vitesse de traitement de l’information, le lindane et le méthomyl dans les troubles de l’humeur, le lindane et le bendiocarbe dans les troubles du langage et le diazinon dans les capacités visuo-spatiales.
Une autre étude inclut, en plus des personnes exposées professionnellement, des riverains de zones traitées. Ainsi, au Chili, Corral et coll. comparent les performances cognitives de 32 personnes directement exposées aux pesticides en viticulture et culture d’agrumes d’une part, et de 32 personnes résidant à proximité de zones traitées d’autre part à celles de personnes résidant dans des zones non agricoles (Corral et coll., 2017renvoi vers). Cette étude transversale met en évidence des scores inférieurs aux seuils établis dans la population de référence aussi bien pour les personnes directement exposées que pour les riverains de zones traitées dans les analyses prenant en compte le niveau d’études.
L’étude NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey) aux États-Unis a permis d’étudier, dans un sous-échantillon de personnes âgées de 60 à 85 ans en population générale, le lien entre la cognition et l’exposition à certains pesticides (Kim et coll., 2015brenvoi vers). Un test mesurant les fonctions exécutives (Digit Symbol Substitution Test) a été administré aux 644 participants et leurs performances sont apparues abaissées pour les niveaux les plus élevés de 6 organochlorés mesurés dans le plasma, en particulier le p,p’-DDT. En revanche, il n’était pas mis en évidence de lien avec la mesure de métabolites urinaires de certains organophosphorés et pyréthrinoïdes. Les auteurs mettent ce résultat en parallèle d’études récentes ayant montré un lien entre les organochlorés plasmatiques et la survenue de démence – voir le chapitre « Maladie d’Alzheimer ». Dans la même étude NHANES, un autre sous-échantillon a été étudié, incluant 700 personnes volontaires âgées de 20 à 59 ans, dont la fonction cognitive a été évaluée à l’aide de 3 tests neurocomportementaux (temps de réaction, Symbol-Digit Substitution, Serial Digit Learning), et chez qui 12 métabolites urinaires de pesticides ont été mesurés. Ces métabolites dérivaient de plusieurs insecticides, notamment des carbamates, du lindane, d’organophosphorés (parathion, chlorpyrifos), du para-dichlorobenzène, du trichlorobenzène... Il n’a pas été mis en évidence de détérioration des performances en lien avec les niveaux des métabolites urinaires, une amélioration était même observée avec le dérivé du para-dichlorobenzène et avec le pentachlorophénol (Krieg, Jr., 2013renvoi vers).
En Suède, une analyse portant sur 989 personnes âgées de 70 ans et plus en population générale a étudié le lien entre les concentrations plasmatiques en organochlorés à l’inclusion et la survenue de troubles cognitifs ou de démence. L’étude a de plus considéré la perte de poids de ces personnes âgées, un facteur fortement associé à une élévation des teneurs en organochlorés dans le plasma et également associé à la démence. En prenant en compte le changement de poids, cette étude montre un lien fort entre le niveau d’organochlorés plasmatiques et la survenue de troubles cognitifs : le risque dépassait 11 chez les personnes n’ayant pas perdu de poids et présentant des niveaux élevés d’organochlorés (supérieurs au 75e percentile) (Lee et coll., 2016renvoi vers).
Une étude en Chine a porté sur 7 900 personnes âgées de 50 ans et plus dans deux communautés, l’une urbaine, l’autre rurale. Les participants ont été interrogés en face à face sur un ensemble de facteurs, incluant l’utilisation de pesticides (oui/non), et ont complété le MMSE. Les personnes considérées comme ayant un score bas étaient légèrement plus nombreuses en milieu rural (7,43 % versus 6,54 %) mais de manière non significative. En revanche, la proportion de femmes ayant des performances abaissées était plus élevée en milieu rural (8,95 % versus 6,82 %, p = 0,01). Déclarer un usage de pesticides était associé au risque de détérioration des performances (OR = 4,68, [1,27-17,21]), mais on ne disposait pas de précision sur ces expositions (Tang et coll., 2016renvoi vers).

Exposition aiguë ou chronique aux pesticides :
études de suivi avant/après et études de cohortes

La dimension longitudinale des expositions aux pesticides dans la survenue des troubles cognitifs a été moins étudiée. Pourtant ces données seraient importantes à analyser si on considère que l’apparition de troubles cognitifs serait prédictive de la survenue de certaines démences. Quatre études prospectives avaient été décrites dans la précédente expertise, trois d’entre elles mettaient en évidence des dégradations des performances cognitives au cours du temps chez les personnes exposées aux pesticides mais les résultats n’étaient pas concordants. Quatre nouvelles études ont été publiées dont une issue d’une cohorte apparaissant dans l’expertise précédente (PHYTONER en France).
La cohorte française PHYTONER a complété son analyse précédente en estimant de manière détaillée l’exposition des travailleurs viticoles aux organophosphorés sur 4 années de suivi (Blanc-Lapierre et coll., 2013renvoi vers). Pour les 614 personnes du premier suivi de cette cohorte, un index cumulé d’exposition aux 34 organophosphorés ayant été autorisés en viticulture en France a été calculé à l’aide de la matrice culture exposition PESTIMAT et d’algorithmes basés sur des études de terrain (PESTEXPO), incluant des caractéristiques des travailleurs, des exploitations, des tâches (y compris la ré-entrée), des cultures, des équipements de protection et du matériel. Ces indicateurs ont été mis en lien avec les résultats à 9 tests neurocomportementaux. Les scores cumulés d’exposition aux organophosphorés ont été montrés associés aux performances cognitives, en particulier à la mémoire de travail et la vitesse de traitement de l’information mais sans montrer une relation dose-effet. Le lien le plus fort était observé avec le mévinphos. Par ailleurs, le déclin des performances au Mini-Mental State Examination (MMSE) entre l’inclusion et le suivi à 4 ans apparaissait plus net chez les personnes exposées.
En Californie, la cohorte prospective SALSA (Sacramento Area Latino Study on Aging) sur le vieillissement des Latino-Américains résidant dans la vallée de Sacramento, a utilisé le système californien d’enregistrement des utilisations de pesticides agricoles pour rechercher un lien entre le déclin cognitif et l’exposition aux pesticides (Paul et coll., 2018renvoi vers). Quatre cent trente personnes de 60 ans et plus à l’inclusion, riveraines de zones traitées, ont été incluses dans les analyses. Elles ont été suivies tous les 12 à 15 mois entre 1998 et 2007 avec la passation du MMSE modifié et, pour un sous-échantillon, une batterie de tests neurocomportementaux, un avis clinique spécialisé sur l’état de la cognition (normale, légèrement altérée, ou démence), et le cas échéant une analyse des causes de décès. Par ailleurs, divers biomarqueurs métaboliques et de l’inflammation ont été mesurés. Plus de 200 participants vivaient à moins de 500 m d’une zone traitée par un des 24 organophosphorés enregistrés par le système californien, et 50 ont été considérés comme très exposés avec un nombre moyen de 6 organophosphorés appliqués près de leur zone de résidence. Les auteurs ont mis en évidence un déclin au MMSE chez les personnes très exposées aux organophosphorés, et une survenue plus précoce de la démence et du décès. Par ailleurs, les expositions aux organophosphorés apparaissaient associées au niveau d’adiponectine, suggérant un possible dysfonctionnement métabolique en lien avec les organophosphorés.
En Grèce, la cohorte HELIAD a été mise en place en 2011 afin de suivre la fonction cognitive au cours du temps chez des personnes âgées à l’inclusion de 65 ans et plus (Dardiotis et coll., 2019renvoi vers). Divers tests neurocomportementaux ont été administrés aux participants afin d’apprécier notamment l’orientation (MMSE), la mémoire verbale et non verbale, divers domaines du langage, les capacités de visuo-perception, l’attention, la rapidité d’exécution, les capacités motrices... Le diagnostic de démence reposait sur des critères internationaux et conduisait à une exclusion des présentes analyses. En plus de nombreux facteurs potentiellement associés aux troubles cognitifs, l’histoire professionnelle était recueillie ainsi que les divers usages de pesticides rapportés par les participants, afin de catégoriser en oui/non : i) la résidence dans une zone de traitements pesticides, en précisant si cette résidence avait ou non duré plus de 20 ans, ii) l’application de pesticides dans le jardin, et iii) l’application professionnelle sur des champs. À partir des données de 1 397 participants, une baisse des performances cognitives – à l’exception de la mémoire – (fonctions exécutives, perception visuo-spatiale, domaines du langage et de l’attention) était mise en évidence chez les personnes vivant à proximité de champs traités, même après exclusion des personnes exposées aux pesticides professionnellement ou par le jardinage. Il n’était pas mis en évidence de lien entre la cognition et l’usage de pesticides dans le jardin ou les traitements pesticides agricoles (mais ces deux catégories d’exposition étaient moins représentées).
Une quatrième analyse prospective mérite d’être décrite, bien qu’il convienne de mentionner les conflits d’intérêts entre les auteurs et la firme Dow Chemicals qui a subventionné l’étude (Berent et coll., 2014renvoi vers). Berent et coll. ont mené une étude prospective sur une année incluant 53 ouvriers de l’industrie de production du chlorpyrifos et 60 ouvriers d’une entreprise de production de film alimentaire plastique, tous soumis à des tests neurocomportementaux validés. Les auteurs n’observaient pas d’effet des expositions au chlorpyrifos sur les capacités cognitives sur cette courte durée de suivi.

Exposition chronique aux pesticides : revues de la littérature

Dans l’expertise collective précédente, quatre revues et une méta-analyse avaient été identifiées concernant les effets sur la cognition des expositions chroniques aux pesticides et concluaient à un effet délétère des expositions aux pesticides sur le fonctionnement cognitif, de manière plus claire en présence d’intoxication aiguë. Les altérations observées concernaient un éventail large de fonctions neurologiques centrales. La méta-analyse rassemblant la majorité des études de cohortes (applicateurs et agriculteurs) confirmait une augmentation significative de certains déficits cognitifs (attention, capacités visuo-motrices, abstraction verbale, perception) chez les agriculteurs après une exposition chronique aux pesticides. Une seule ne portait pas spécifiquement sur les organophosphorés (Kamel et Hoppin, 2004renvoi vers). Une nouvelle revue et deux méta-analyses ont été publiées depuis 2012.
Une revue fait de nouveau le point sur la question des troubles cognitifs en lien avec les expositions chroniques aux organophosphorés, en se centrant sur la population agricole (Munoz-Quezada et coll., 2016renvoi vers). Trente-trois articles publiés entre 1975 et 2014 ont été retenus et parmi eux 24 ont été considérés comme de qualité intermédiaire à haute sur la base d’un score prenant en compte le schéma d’étude, la taille de l’échantillon, la mesure de l’exposition, la mesure de l’effet et le contrôle de facteurs de confusion, et attribué par consensus entre 6 des co-auteurs. Sept types d’effets ont été considérés : la mémoire, les compétences motrices, la rapidité de traitement de l’information, les capacités verbales, l’intelligence, l’atteinte cognitive mesurée par le MMSE, les changements morphologiques du cerveau. Seulement 9 articles n’ont pas observé de lien entre les organophosphorés et les performances cognitives (contre 24 observant un lien). Les auteurs soulignent le grand nombre d’études ayant mis en évidence un lien entre une baisse des performances neuropsychologiques et l’exposition chronique aux organophosphorés chez les agriculteurs, mais remarquent que peu d’études ont utilisé des biomarqueurs d’exposition et que les études, utilisant des tests très variés, n’ont pas toutes évalué les mêmes domaines cognitifs.
Mackenzie-Ross et coll. ont réalisé en 2013 une revue systématique et méta-analyse des études épidémiologiques publiées entre 1960 et 2012 sur la neurotoxicité à long terme des expositions professionnelles à de faibles niveaux d’organophosphorés. Les études portant sur les effets différés d’intoxications aiguës ont été exclues, de même que celles portant sur les enfants et le neurodéveloppement, celles ne disposant pas d’un groupe contrôle et celles qui n’étaient pas fondées sur des tests psychométriques. Seulement 16 études ont été retenues par les auteurs sur les 45 initialement identifiées et 13 d’entre elles ont pu être incluses dans la méta-analyse (Mackenzie Ross et coll., 2013renvoi vers). À noter qu’une autre méta-analyse portant sur les effets des organophosphorés a été publiée la même année par Ismail et coll., mais seulement 7 articles ont été retenus en commun entre ces deux publications (Ismail et coll., 2012renvoi vers). Les conclusions sont néanmoins convergentes, soulignant une association significative entre l’exposition chronique aux organophosphorés et les performances cognitives, et plus spécifiquement un effet sur la mémoire de travail et l’attention, la vitesse psychomotrice, les fonctions exécutives, et les capacités visuo-spatiales.
Une autre méta-analyse menée par Meyer-Baron et coll. sur les articles publiés jusqu’en 2012, cherchait à analyser la relation dose-effet entre les expositions chroniques aux organophosphorés et les performances cognitives, en considérant les durées d’exposition, et en s’interrogeant sur l’existence de sous-groupes sensibles (Meyer-Baron et coll., 2015renvoi vers). Les études retenues devaient être épidémiologiques, avoir étudié au moins un organophosphoré, explorer des effets chroniques, avoir un groupe de référence, avoir utilisé un test neuro-psychologique utilisé par au moins deux autres études, rapporter les moyennes et déviations standard des résultats aux tests dans les deux groupes et être publiées en français, anglais ou allemand. Vingt-deux études ont été retenues entre 1965 et 2010, fournissant 32 résultats pour 1 758 sujets exposés et 1 260 référents, et concernaient 26 tests. Au total, les analyses ont confirmé que les études montraient un abaissement des performances cognitives et motrices chez les personnes exposées aux organophosphorés, plus cohérentes dans le domaine de la mémoire et de l’attention. Une relation durée-effet était mise en évidence dans les analyses réalisées au niveau agrégé aussi bien que dans celles réalisées au niveau de l’individu. Sur la base des données disponibles, il n’était pas possible de conclure sur les risques chez les femmes et chez les adolescents.

Conclusion

À la quarantaine d’études identifiées lors de la précédente expertise collective, une quinzaine d’études originales sont venues s’ajouter depuis 2013, ainsi que trois travaux de synthèse. Ces nouvelles études restent majoritairement transversales et comparent les fonctions cognitives de personnes intoxiquées par des pesticides ou ayant été exposées de manière prolongée au cours de leur parcours professionnel à celles de personnes non exposées. La plupart identifient des liens entre les expositions aux pesticides et les détériorations cognitives. Dans ces études récentes, les pesticides les plus étudiés sont toujours les organophosphorés, mais d’autres molécules ont été explorées comme les pyréthrinoïdes ou les organochlorés, qui se sont également avérées associées à une atteinte des performances cognitives. De plus, au cours des dernières années, les études se sont élargies à des populations a priori moins exposées que les agriculteurs, comme les riverains de zones agricoles ou la population générale, notamment au travers de l’étude NHANES aux États-Unis. Un effet sur les performances cognitives a également été mis en évidence de manière concordante dans ces populations.

Tableau 4.I Exposition aux pesticides et troubles cognitifs

Référence
Pays
Population étudiée
Définition de la pathologie
Paramètres d’exposition
Méthode d’estimation de l’exposition
Facteurs d’ajustement
Résultats
Discussion
Exposition aiguë aux pesticides : études transversales
Negatu et coll., 2018renvoi vers
Éthiopie
256 hommes ayant appliqué les pesticides au moins au cours des 12 derniers mois dans 3 systèmes agricoles, identifiés à partir d’une liste de coopératives syndicales
Petites fermes intensives (n = 5), grandes fermes sous serres (n = 9 dans 2 zones), grande ferme de plein champ (n = 1)
Questionnaire neurocomportemental Q16 (fatigue, mémoire, palpitations, concentration...)
Score dichotomisé en fonction de la médiane (4 symptômes)
Intoxication : exposition et ≥ 3 symptômes dans les 48 h, en l’absence de maladie chronique (infectieuse notamment) avec arrêt de travail
Production de fleurs, fruits, légumes, coton
Durée d’emploi de 3,1 ans chez les sujets intoxiqués et 4,5 chez les non intoxiqués
Même exposition journalière dans les deux groupes mais exposition annuelle plus élevée chez les intoxiqués et tendance à une exposition cumulée plus élevée
Score dérivé de l’algorithme de l’AHS : intensité, EPI, fréquence et durée des applications pour estimer les expositions quotidiennes et annuelles et une exposition cumulée
Consommation de khat, âge, durée d’emploi, niveau d’études, tabagisme, alcool
41/256 applicateurs intoxiqués (16 %), parmi lesquels 32 % travaillaient sous serre avec des épisodes multiples
Intoxication attribuée une fois sur deux au profénofos (un OP), puis endosulfan et morpholine
Davantage d’applicateurs ayant présenté ≥ 4 symptômes chez les intoxiqués (63,4 % versus 43,7 %, p = 0,02)
Risque d’avoir ≥ 4 symptômes si intoxication OR = 2,15 [1,01-4,58]
Starks et coll., 2012renvoi vers
États-Unis
(Iowa et Caroline du Nord)
Agricultural Health Study
Applicateurs de pesticides hommes résidant à moins de 150 miles d’un centre où les tests étaient réalisés (n = 693)
Exclusion si antécédent d’intoxication aiguë, AVC, SLA, Parkinson, dégénérescence maculaire, hypothyroïdie, diabète, sclérose multiple, alcool > 41 verres/sem.
Sur-représentation des utilisateurs d’OP
8 tests neurocomportementaux de la batterie Neurobehavioral Evaluation System (informatisé) et un test manuel (pour la dextérité et la coordination motrice fine)
~ 23 % des sujets ont déclaré avoir eu au moins une forte exposition accidentelle
Définition d’évènements fortement exposants : incidents ou situations ayant conduit à une exposition individuelle aux pesticides inhabituellement élevée au cours de la vie professionnelle (avec ou sans prise en charge médicale)
Événements rapportés aux 3 phases de l’étude
Âge, taille, niveau d’études, état de résidence, alcool, tabac, caféine, trauma crânien, antidépresseurs, autres neurotoxiques, EPI, exposition cumulée aux pesticides, acuité visuelle, test de lecture
Lien entre les expositions accidentelles et 2 des 9 tests : DSST (attention visuelle) et la Séquence A (attention visuelle et vitesse motrice)
Zhang et coll., 2016renvoi vers
Chine
(province de Jiangsu)
Participants : ≥ 18 ans ayant utilisé des pesticides agricoles dans les 12 derniers mois en 2009-11 (n = 1 490)
Exclusion : SLA, Parkinson, dégénérescence maculaire, prise de médicaments SNC
121 sujets intoxiqués par un pesticide (exclusion des intoxications volontaires et professionnelles non agricoles)
80 sujets non intoxiqués, appariés sur lieu de résidence, sexe, âge, niveau d’études, années de travail, tabagisme, alcool, et condition physique générale
Neurobehavioral Core Test Battery de l’OMS
~ 33 années de travail en agriculture pour les 2 groupes
Les insecticides sont les plus utilisés (84 %)
Questionnaire sur 66 symptômes d’intoxication par pesticides. Intoxication si ≥ 2 symptômes dans les 24 h après traitement
 
Déficits neurocomportementaux dans plusieurs domaines chez les sujets intoxiqués : troubles de l’humeur, vitesse de réaction, mémoire court terme et coordination
Déficits également identifiés en lien avec le nombre d’années de travail en agriculture
Exposition chronique aux pesticides : études transversales
Corral et coll., 2017renvoi vers
Chili
(Coquimbo)
Étude pilote sur volontaires (hommes et femmes, 18 à 55 ans). Exclusion si alcool, drogue, maladie psy, trouble ou traitement neurologique, gauchers
Exposition directe : travailleurs agricoles utilisant des OP ou tâches au contact des cultures pendant ≥ 3 ans (n = 32)
Exposition indirecte : riverains de zones traitées mêmes zones pendant ≥ 3 ans (n = 32), exerçant métiers manuels (construction, services)
Non exposés : résidence hors zones agricoles n = 38
7 tests administrés par la même neuropsychologue : test global (MMSE), mémoire, attention, capacités visuelles, fonctions exécutives
Proportion de personnes en dessous du seuil établi pour chaque test par rapport à la référence des personnes non exposées
Région de viticulture et culture d’agrumes
Chlorpyrifos utilisé par ~ 50 % des travailleurs agricoles
Exposition directe : en moyenne 14 ans
Exposition indirecte en moyenne 16 ans
Questionnaire sur les expositions
Pas de mesure biologique
Âge, sexe (% de femmes plus élevé dans l’exposition indirecte), niveau d’études
Expositions les plus élevées sont associées à des baisses de performances pour pratiquement tous les tests : atteinte des fonctions exécutives, de la fluidité verbale, et des mémoires visuelle et auditive
Effet également observé pour ces mêmes fonctions dans le groupe indirectement exposé
Ismail et coll., 2018renvoi vers
Arabie Saoudite
(Région Jazan)
Unité de prévention du paludisme chargée de la démoustication (mars-août 2015)
Hommes, 18 à 60 ans, sachant lire et écrire
Exclusion si antécédents neurologiques
Exposés : 30 applicateurs
Non exposés : 32 personnels administratifs
Batterie de tests neurocomportementaux explorant la mémoire, mémoire court terme, l’attention, fonctions exécutives, vitesse motrice et coordination
Questions sur des symptômes neurologiques : O/N et fréquence
Utilisation de Pyr de type II (γ-cyhalothrine, deltaméthrine) à l’intérieur des logements, de larvicides (diflubenzuron, méthoprène, pyriproxyfène) dans les zones de reproduction des insectes, et de Pyr de type I (bifenthrine, bioalléthrine) ou II (cyphénothrine) dans les zones extérieures
Expérience d’application : 8 ans en moyenne. 5 jours par semaine et 6 heures par jour
Mesure de la BuChE sanguine : peu de différence entre les deux groupes
Prise en compte du niveau d’études et la consommation de khat (33 % des personnes de cette région en mâchent)
Symptômes neurologiques plus fréquents chez les applicateurs (vertiges, tremblements, perte d’appétit...)
Performances abaissées à 6 tests pour les applicateurs, en particulier pour les fonctions exécutives et la vitesse motrice
Kim et coll., 2015arenvoi vers et Kim et coll., 2015brenvoi vers*
États-Unis
Sous-échantillon de l’étude NHANES ; personnes de 60 à 85 ans entre 1999 et 2004 (n = 633)
Test cognitif DSST (explore les capacités visuo-spatiales et la vitesse motrice, met en jeu les fonctions exécutives)
 
Mesure des OC sériques suivants : p,p’-DDT ; p,p’-DDE, trans-nonachlore, oxychlordane ; heptachlore époxyde, β-HCH
Rapportés aux lipides sanguins
Dosage urinaire de 5 métabolites d’OP et 1 métabolite de Pyr
Âge, sexe, race/ethnie
Niveau de PCB
Lien entre les performances aux scores et le niveau d’OC, plus marqué pour le p,p’-DDT (baisse de 9 points au score dans le dernier quartile et risque multiplié par 6,5 au-delà du 95e percentile)
Pas de lien clair avec les pesticides non persistants (OP et Pyr)
Krieg, Jr., 2013renvoi vers
États-Unis
Sous-échantillon de l’étude de biosurveillance NHANES : personnes de 20 à 59 ans (n = 700)
Test de réaction simple, Symbol-Digit Substitution, Serial Digit Learning
 
Dosage urinaire de 12 métabolites de carbamates, lindane, organophosphorés, para-dichlorobenzène...
Pas d’ajustement
Pas de lien de manière générale
Amélioration des performances avec des métabolites du para-dichlorobenzène (2,4- et 2,5-dichlorophénol) et le pentachlorophénol (dérivé du lindane)
Lee et coll., 2016renvoi vers
Suède
(Uppsala)
Personnes âgées de 70 ans et plus en population générale (n = 989)
Inclusion 2001-04
Suivi à 75 puis 80 ans
75 cas incidents de trouble cognitif ou de démence dont 44 sur la période de suivi où le poids a été contrôlé (entre 75 et 80 ans)
Diagnostic de troubles cognitifs, depuis des troubles légers jusqu’à la démence réalisé par une équipe spécialisée
 
Dosage sérique de 5 OC à l’inclusion : p,p’-DDE, trans-nonachlore, hexachlorobenzène et trans- et cis-chlordane (les chlordanes, détectés chez < 10 % des sujets, non retenus dans les analyses)
Score global OC basé sur des classes de distribution pour les composés
PCB mesurés
Sexe, niveau d’études, tabagisme, exercice physique, alcool, IMC, diabète, hypertension. cholestérol, triglycérides
Risque de troubles cognitifs chez les plus exposés (> 75e percentile) stratifié par changement de poids :
Poids stables : HR = 8,7 [1,0-77,6] ; poids stables ou gains : HR = 11,6 [1,4-92,6] ; perte de poids : pas d’association
Une association persiste entre OC et troubles cognitifs chez les plus exposés n’ayant pas perdu de poids.
Malekirad et coll., 2013renvoi vers
Iran
(Sud-Ouest)
Exposés : 187 horticulteurs (16 à 80 ans)
Non exposés : 187 personnes ne travaillant pas en agriculture, résidant dans le même village et appariées sur âge, sexe et niveau d’étude
Exclusion des sujets avec maladie chronique, traitement médicamenteux, radiothérapie, alcool, drogues, compléments anti-oxydants, expositions à d’autres produits toxiques
Mesure de la cognition avec le Subjective Neurocognition Inventory (version iranienne) et de la santé mentale avec le General Health Questionnaire-28
 
Prélèvements sanguins hebdomadaires pour glucose, nitro-urée, cholestérol, triglycérides, créatinine, HDL, ASAT, ALAT, phosphatase alcaline
 
Fréquences de l’anxiété, de l’insomnie et de la dépression sévère plus élevée chez les exposés. De plus, rapidité psychomotrice, attention, mémoire verbale et non verbale, fonctions spatiales et initiative/énergie abaissées chez les travailleurs exposés
Perturbations métaboliques (en particulier du glucose) également observées
Sullivan et coll., 2018renvoi vers
États-Unis
Sous-population d’une cohorte de vétérans / guerre du Golfe
Personnels de médecine préventive ou applicateurs de pesticides ayant complété le questionnaire en 1997-8 sur les usages de pesticides pendant la guerre (n = 159)
Exclusion si alcoolisme, drogue, trauma crânien, maladies neurologiques empêchant l’usage d’un ordinateur
Tests neuro psychologiques (en aveugle) : intelligence générale, langage, capacités attentionnelles fonctions exécutives, fonctions psychomotrices, facultés visuo-spatiales, mémoire court terme, humeur
Transformation des résultats aux tests en Z-scores et sommes par domaine
Mesure des troubles psychiatriques par le DSM-IV et CAPS
Usage de pesticides répulsifs sur la peau et l’uniforme, pièges et appâts, et antiparasitaires sur soi ou sur les prisonniers :
DEET (formulation à 75 %) ; OP : dichlorvos, malathion, diazinon, azaméthiphos, chlorpyrifos ; C : méthomyl, propoxur, bendiocarbe ; OC : lindane ; Pyr : perméthrine, d-phénothrine
4 groupes d’exposition en croisant exposition haute ou basse aux pesticides et haute ou basse au pyridostigmine (prévention armes chimiques)
Exposition élevée aux pesticides : signes d’intoxication, application ≥ 2 fois (avec ou sans EPI), présence lors d’applications (≥ 2 fois), au moins une semaine dans des locaux traités, s’être traité avec du DEET ≥ 30 fois
Exposition élevée à la pyridostigmine : ≥ 6 comprimés ou symptômes lors de la prise
Âge, sexe, niveau d’études
Stress post-traumatique
Maladie chronique multi-symptomatique
Dépression majeure
Forte exposition aux pesticides et pyridostigmine associée à des déficits dans 4 domaines cognitifs : vitesse de traitement de l’information, humeur, attention, mémoire
Associations les plus marquées :
Attention et vitesse de traitement de l’information (dichlorvos), troubles d’humeur (lindane et méthomyl), langage (bendiocarbe et lindane), capacités visuo-spatiales (diazinon)
Tang et coll., 2016renvoi vers
Chine
Personnes ≥ 50 ans dans deux communautés Malu (rurale) et Wuliiqiao (urbaine)
n = 7 900
Entretien en face à face
MMSE
 
Réponses au questionnaire : usage de pesticides oui/non
IMC
Niveau d’études, sexe, âge, métier, statut marital, alimentation, tabac, alcool, ATCD personnels et familiaux, médicaments...
Pas de différence globalement
Plus de femmes avec atteinte cognitive en milieu rural
Lien entre l’atteinte cognitive et une histoire d’utilisation de pesticides
OR = 4,68 [1,27-17,21]
Exposition chronique aux pesticides : études longitudinales
Berent et coll., 2014renvoi vers
États-Unis
(Michigan)
Ouvriers 18 à 65 ans sachant lire, pas de trauma crânien avec perte de connaissance > 20 min, pas de conflit avec Dow, pas de difficulté pour appliquer le protocole. Participation contre rémunération
Exposés : ouvriers d’une usine de production de chlorpyrifos (n = 53)
Non exposés : ouvriers d’une usine de fabrication de film plastique alimentaire tirés au sort (n = 60)
Inclusion et suivi à 1 an
Examen clinique et interrogatoire sur des troubles neurologiques, dans le passé, à l’inclusion et au suivi à 1 an
Évaluation cognitive par un neuropsychologue : test de vision des couleurs, test de Folstein (mental status measure), Word memory test. Batteries de tests informatisées (CANTAB, CogniSyst)
Score pour chaque domaine de cognition (T-score)
Estimation de la consommation d’alcool
Durée moyenne d’exposition professionnelle au chlorpyrifos : 9,7 ans (0,1 an chez les non exposés)
TCPγ : exposés : 192,1, non exposés : 6,2 µg/g créatinine (p < 0,001)
BuChE min : exposés 0,75, non exposés 0,88 (p < 0,001)
Estimation de l’exposition cumulée au chlorpyrifos depuis le début de l’emploi, basée sur des prélèvements d’air historiques à différents postes de travail
Mesure moyennée de l’excrétion urinaire TCPγ au cours de l’année de suivi (4 nuits) rapportée à la créatinine
Mesure de BuChE mensuelle et AChE à l’inclusion et au suivi
Âge, sexe, niveau d’études, fatigue au moment du test, capacités générales, motivation, alcool, stress (professionnel, familial, financier, santé et social)
Résultats meilleurs chez les exposés à l’inclusion pour la mémoire verbale (p < 0,01)
Pas d’effet lié au temps entre l’inclusion et le suivi : amélioration des performances dans les 2 groupes
Niveau d’études légèrement plus élevé dans le groupe exposé
Les auteurs mentionnent de nombreux conflits d’intérêts avec la firme Dow. L’étude a été financée par la firme.
Blanc-Lapierre et coll., 2013renvoi vers
France
Étude PHYTONER
Affiliés ≥ 20 ans à la MSA, âgés de 40 à 55 ans à l’inclusion, employés ≥ 1 000 h/an, exposés aux pesticides (directement ou indirectement) et non exposés (n = 917) à l’inclusion et n = 650 au suivi
Inclusion en 1997-98
1er suivi en 2002-03
2e suivi en 2010-11
Analyses sur 614 personnes du 1er suivi
9 tests neurocomportementaux administrés par une neuropsychologue : échelle globale de cognition (MMSE), mémoire visuelle, vitesse de traitement de l’information, mémoire épisodique, inhibition
Dichotomisation des résultats en considérant les 25 % des valeurs les plus basses comme abaissées
Analyse de l’évolution des performances à l’inclusion et au suivi
Non exposées (n = 171)
Exposées (n = 443) :
336 à au moins un OP (traitement et/ou ré-entrée)
59 ayant eu une intoxication
Durée moyenne d’exposition : 31 ans
11 OP avec des expositions non négligeables dans la cohorte : azinphos, chlorpyrifos, déméton, diéthion, fénitrothion, malathion, méthidathion, mévinphos, parathion, phosalone et quinalphos
Estimation des expositions à 34 OP à l’aide de la matrice culture-exposition PESTIMAT
Niveaux d’exposition : calcul avec un algorithme basé sur les caractéristiques du travailleur, de l’exploitation, des tâches réalisées, des EPI et du matériel (PESTEXPO)
Estimation de l’exposition en ré-entrée : contact pendant 2 jours avec les vignes
Score global : exposition directe et indirecte sur la période 1950-2003
Niveau d’études, sexe, âge, alcool
Score cumulé d’exposition aux OP associé à l’abaissement des performances cognitives, en particulier pour la mémoire de travail et la vitesse de traitement. Lien le plus fort avec le mévinphos
Déclin au cours du temps plus marqué pour le MMSE chez les personnes exposées
Dardiotis et coll., 2019renvoi vers
Grèce
Étude HELIAD
Personnes ≥ 65 ans à l’inclusion en 2011 tirées au sort sur des listes municipales
n = 1 397 participants inclus dans les analyses
Tests neurocomportementaux administrés par des neuropsychologues, évaluant l’orientation (MMSE), la mémoire, le domaine du langage, la motricité
Transformation en Z-score et définition de quartiles
Exclusion de démences
227 (16 %) ont résidé près de champs traités.
141 (10 %) ont traité leur jardin.
166 (12 %) ont traité professionnellement.
Auto-déclaration de l’exposition par les participants : résidence dans une zone traitée (moins ou plus de 20 ans), Usages professionnels sur les cultures. Usages dans des activités de jardinage
Recueil de l’histoire professionnelle
Niveau d’études, âge, sexe, hypertension, diabète, maladie cardiaque, statut socio-économique, activité physique
Abaissement des performances cognitives chez ceux qui ont résidé près de champs traités, significatif dans le domaine du langage (pas d’atteinte de la mémoire), même en excluant ceux qui ont appliqué professionnellement des pesticides et/ou jardiné
Paul et coll., 2018renvoi vers
États-Unis
(Californie)
Étude SALSA sur le vieillissement des Américains d’origine mexicaine de la vallée Sacramento
Inclusion en 1998-99 de Latino-Américains ≥ 60 ans (n = 1 789)
Suivi tous les 12 à 15 mois jusqu’en 2007
Analyse restreinte aux riverains de zones agricoles, non dément à l’inclusion et ayant eu au moins une évaluation neurocomportementale (n = 430)
MMSE modifié
Dans un sous-échantillon : batterie SENAS avec des tests de mémoire sémantique verbale et non verbale, attention verbale, abstraction verbale, capacité visuo-perceptive
Avis d’un neurologue ou neuropsychologue : cognition normale, limitée mais sans démence, démence (vasculaire ou Alzheimer)
Analyse des causes de décès (135 patients)
Mesure de différents marqueurs d’effet : IL6, TNFα, adiponectine, homocystéine, leptine...
20 % ont travaillé en agriculture au cours de leur vie
223 participants vivent à moins de 500 m d’une zone traitée par au moins un des 24 OP, dont 111 au-dessus de la médiane d’au moins l’un d’entre eux et 50 considérés comme très exposés avec un nombre moyen de 6 substances OP
Système californien d’enregistrement des pesticides
Utilisation d’un SIG pour expositions à l’adresse de résidence
Calcul des expositions à 24 OP, jusqu’à 5 années avant l’inclusion (94 % résidaient à la même adresse) : quantité dans un rayon de 500 m autour de l’adresse
Dichotomisation par rapport à la médiane pour chaque substance Décompte du nombre de pesticides au-dessus de la médiane dans la zone de résidence. Même décompte pour les pesticides non OP.
Âge, sexe, diabète, métier agricole ou non, niveau d’études, résidence urbaine ou rurale, IMC
Déclin au MMSE était associé avec la résidence à proximité de zones fortement traitées par des OP, de même que le temps de survenue de la démence (n = 41) et le décès
Niveaux d’exposition aux OP associés à un biomarqueur métabolique (adiponectine), mais pas aux marqueurs de l’inflammation

* : deux articles publiés dans des revues différentes mais qui rapportent des résultats similaires ; AChE : acétylcholinestérase ; ALAT : alanine aminotransférase ; ASAT : aspartate aminotransférase ; β-HCH : isomère β du héxachlorocyclohexane ; BuChE : butyrylcholinestérase ; C : Carbamates ; CAPS : clinician-administered post-traumatic stress disorder scale ; DSM-IV : diagnostic and statistical manual of mental disorders, 4th edition ; DSST : digit symbol substitution test ; EPI : équipement de protection individuel ; IMC : Indice de masse corporelle ; MMSE : Mini-Mental State Examination ; NHANES : National Health and Nutrition Examination Survey ; OC : organochloré ; OP : organophosphoré ; Pyr : Pyréthrinoïdes ; SENAS : Spanish English Neuropsychological Assessment Scales ; SIG : système d’information géographique ; SLA : sclérose latérale amyotrophique ; TCPγ : 3,5,6-trichloro-2-pyridinol, métabolite chlorpyrifos et du chlorpyrifos-méthyl. Les intervalles de confiance donnés entre parenthèses sont les intervalles de 95 %, sauf si indiqué différemment

Références

• Étude financée par un industriel des phytosanitaires
[1] Berent S, Giordani B, Albers JW, et al . Effects of occupational exposure to chlorpyrifos on neuropsychological function: a prospective longitudinal study. Neurotoxicology. 2014; 41:44-53Retour vers •
[2] Blanc-Lapierre A, Bouvier G, Gruber A, et al . Cognitive disorders and occupational exposure to organophosphates: results from the PHYTONER study. Am J Epidemiol. 2013; 177:1086-96Retour vers
[3] Corral SA, Angel V de, Salas N, et al . Cognitive impairment in agricultural workers and nearby residents exposed to pesticides in the Coquimbo Region of Chile. Neurotoxicol Teratol. 2017; 62:13-9Retour vers
[4] Dardiotis E, Siokas V, Moza S, et al . Pesticide exposure and cognitive function: Results from the Hellenic Longitudinal Investigation of Aging and Diet (HELIAD). Environ Res. 2019; 177: 108632p. Retour vers
[5]Inserm. Pesticides : Effets sur la santé. Collection Expertise collective. Paris:Inserm; 2013; 1001 pp. Retour vers
[6] Ismail AA, Almalki M, Agag A, et al . Pesticide application and khat chewing as predictors of the neurological health outcomes among pesticide applicators in a vector control unit, Saudi Arabia. Int J Occup Environ Med. 2018; 9:32-44Retour vers
[7] Ismail AA, Bodner TE, Rohlman DS. Neurobehavioral performance among agricultural workers and pesticide applicators: a meta-analytic study. Occup Environ Med. 2012; 69:457-64Retour vers
[8] Kamel F, Hoppin JA. Association of pesticide exposure with neurologic dysfunction and disease. Environ Health Perspect. 2004; 112:950-8Retour vers
[9] Kim K-S, Lee Y-M, Lee H-W, et al . Associations between organochlorine pesticides and cognition in U.S. elders : National Health and Nutrition Examination Survey 1999-2002. Environ Int. 2015a; 75:87-92Retour vers
[10] Kim S-A, Lee Y-M, Lee H-W, et al . Greater cognitive decline with aging among elders with high serum concentrations of organochlorine pesticides. PLoS One. 2015b; 10: e0130623p. Retour vers
[11] Krieg EF, Jr. The relationships between pesticide metabolites and neurobehavioral test performance in the third National Health and Nutrition Examination Survey. Arch Environ Occup Health. 2013; 68:39-46Retour vers
[12] Lee D-H, Lind PM, Jacobs DR, JR, et al . Association between background exposure to organochlorine pesticides and the risk of cognitive impairment: A prospective study that accounts for weight change. Environ Int. 2016; 89-90:179-84Retour vers
[13] Mackenzie Ross S, McManus IC, Harrison V, et al . Neurobehavioral problems following low-level exposure to organophosphate pesticides: a systematic and meta-analytic review. Crit Rev Toxicol. 2013; 43:21-44Retour vers
[14] Malekirad AA, Faghih M, Mirabdollahi M, et al . Neurocognitive, mental health, and glucose disorders in farmers exposed to organophosphorus pesticides. Arh Hig Rada Toksikol. 2013; 64:1-8Retour vers
[15] Meyer-Baron M, Knapp G, Schaper M, et al . Meta-analysis on occupational exposure to pesticides--neurobehavioral impact and dose-response relationships. Environ Res. 2015; 136:234-45Retour vers
[16] Munoz-Quezada MT, Lucero BA, Iglesias VP, et al . Chronic exposure to organophosphate (OP) pesticides and neuropsychological functioning in farm workers: a review. Int J Occup Environ Health. 2016; 22:68-79Retour vers
[17] Negatu B, Vermeulen R, Mekonnen Y, et al . Neurobehavioural symptoms and acute pesticide poisoning: a cross-sectional study among male pesticide applicators selected from three commercial farming systems in Ethiopia. Occup Environ Med. 2018; 75:283-9Retour vers
[18] Paul KC, Ling C, Lee A, et al . Cognitive decline, mortality, and organophosphorus exposure in aging Mexican Americans. Environ Res. 2018; 160:132-9Retour vers
[19] Starks SE, Gerr F, Kamel F, et al . High pesticide exposure events and central nervous system function among pesticide applicators in the Agricultural Health Study. Int Arch Occup Environ Health. 2012; 85:505-15Retour vers
[20] Sullivan K, Krengel M, Bradford W, et al . Neuropsychological functioning in military pesticide applicators from the Gulf War: Effects on information processing speed, attention and visual memory. Neurotoxicol Teratol. 2018; 65:1-13Retour vers
[21] Tang H-D, Zhou Y, Gao X, et al . Prevalence and risk factor of cognitive impairment were different between urban and rural population: a community-based study. J Alzheimers Dis. 2016; 49:917-25Retour vers
[22] Zhang X, Wu M, Yao H, et al . Pesticide poisoning and neurobehavioral function among farm workers in Jiangsu, People’s Republic of China. Cortex. 2016; 74:396-404Retour vers

→ Aller vers SYNTHESE
Copyright © 2021 Inserm