Pesticides et effets sur la santé
I. Pathologies neurologiques et atteintes neuropsychologiques

2021


ANALYSE

5-

Troubles anxio-dépressifs

La dépression et l’anxiété, et leur possible association, sont parmi les troubles mentaux les plus communs. Leur diagnostic est complexe à établir en pratique clinique comme en recherche car il peut varier selon les systèmes de classification, les méthodes d’évaluation (auto-questionnaire, entretien) et les influences culturelles. On distingue les troubles anxio-dépressifs des réactions émotionnelles, des sautes d’humeur et du stress face aux problèmes habituels. En raison de leur nature chronique, des comorbidités associées et de la stigmatisation entourant les problèmes de santé mentale, les troubles anxio-dépressifs peuvent engendrer une grande souffrance chez les patients, pas toujours perceptible au premier abord, mais qui peut avoir de sérieuses répercussions sur la vie professionnelle et personnelle.

Les troubles anxio-dépressifs : quelques repères

Selon l’OMS, la dépression est la maladie qui provoque le plus d’incapacité dans le monde : elle est à l’origine de 7,5 % de la charge mondiale de morbidité (années perdues pour cause d’invalidité), alors que l’anxiété en représente 3,4 % (OMS, 2017renvoi vers). Il est estimé que 4,4 % de la population mondiale, soit 300 millions de personnes, sont atteintes de dépression et cette prévalence serait en hausse de 18 % entre 2005 et 2015, particulièrement dans les pays à plus faibles revenus. Près d’une personne sur dix en France déclare avoir vécu un épisode dépressif dans l’année précédente (Léon et coll., 2018renvoi vers). Le taux de prévalence national, qui était stable entre 2005 et 2010, est en hausse de 1,8 % entre 2010 et 2017 et il est deux fois plus élevé chez les femmes (13 % versus 6,4 % chez les hommes) et les inactifs. Une étude qui reposait sur les données de 2010-2014 en France, a rapporté que plus de 1,3 million de personnes ont été prises en charge pour les troubles d’anxiété pendant cette période (Chan Chee et Badjadj, 2018renvoi vers). L’anxiété était le diagnostic principal dans environ 90 % des cas, et les auteurs ont montré une augmentation significative des recours aux soins pour l’anxiété de l’ordre de 3,6 %.
Les personnes atteintes de troubles anxio-dépressifs présentent un risque accru de tentatives de suicide et de suicide. L’OMS estime entre 5 et 20 % le taux de suicide des patients souffrant d’un épisode dépressif majeur. Des études récentes ont évalué la prévalence des pensées suicidaires et tentatives de suicide chez les 18-75 ans dans la population générale en France (Léon et coll., 2019renvoi vers) ainsi que leur association avec le statut socio-économique et le secteur d’activité (Delézire et coll., 2019renvoi vers). Les résultats de plusieurs enquêtes, menées depuis 2010, ont montré qu’entre 4 et 5 % des adultes ont eu des pensées suicidaires au cours de la dernière année (Delézire et coll., 2019renvoi vers). La prévalence est plus élevée chez les femmes et les inactifs, et est fortement associée au fait d’avoir subi un épisode dépressif récent (OR = 8,3 et 6,6 respectivement chez les hommes et les femmes).
De manière générale, les personnes travaillant dans le secteur agricole ont un risque élevé de décès par suicide. Une étude en France par Delézire et coll. a montré que le taux de prévalence des pensées suicidaires est plus élevé chez les hommes exerçant comme agriculteurs exploitants que dans d’autres catégories socioprofessionnelles (cadres, employés, ouvriers...) et la majorité (85,4 %) attribuent ces pensées à des raisons professionnelles, même si les différences ne sont pas significatives à cause des faibles effectifs (Delézire et coll., 2019renvoi vers). Les pensées suicidaires sont un facteur de risque majeur du suicide accompli. Dans la population française, le taux de mortalité par suicide est de 15,8 pour 100 000 personnes avec un taux 3 fois plus élevé chez les hommes (OMS, 2012renvoi vers), ce qui représente environ 9 000 décès par an (Léon et coll., 2019renvoi vers). Le risque de mortalité par suicide chez les agriculteurs exploitants en France, évalué entre 2008 et 2010, est supérieur d’environ 20 % à celui de la population générale, et pour les hommes, il varie selon l’âge, la région d’exploitation et la surface cultivée (Gigonzac et coll., 2017renvoi vers). L’exposition aux pesticides n’a pas été évaluée dans les études décrites ci-dessus, mais elle est considérée comme un facteur de risque pour les troubles de santé mentale (anxiété, dépression) chez les agriculteurs (Khan et coll., 2019brenvoi vers).
Les troubles anxio-dépressifs sont d’origine multifactorielle et proviennent d’interactions complexes entre des facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux. Cependant, leurs déterminants restent en grande partie méconnus. Seuls certains facteurs exogènes sont clairement identifiés tels que les évènements de vie douloureux (deuil, séparation, perte d’emploi, accident, maladie), l’environnement social ou le contexte professionnel.
Les contraintes de la vie professionnelle sont reconnues comme un facteur prédisposant et/ou aggravant des troubles anxio-dépressifs. En ce qui concerne les agriculteurs, certaines caractéristiques de l’environnement de travail (pression temporelle, fatigue physique, longues journées, aléas saisonniers et météorologiques, isolement, difficultés économiques) ont été associées à une élévation du risque de suicide. De plus, des études menées depuis la fin des années 1970 ont suggéré un effet des pesticides sur l’humeur (symptômes dépressifs, troubles du sommeil, anxiété et irritabilité) chez les personnes ayant subi une intoxication aiguë. Des études épidémiologiques réalisées au cours de ces dernières 20 années, observent des effets comparables dans le cas de l’exposition professionnelle chronique, notamment pour les insecticides organophosphorés. Si l’ingestion de pesticides est un moyen de suicide, l’hypothèse selon laquelle l’exposition aux pesticides pourrait être un facteur de risque de suicide mérite également d’être considérée compte tenu de l’importance de ce problème de santé publique. Une revue systématique récente a montré que restreindre l’accès aux pesticides, dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement, conduit à une réduction du risque de suicide dans la population générale (Gunnell et coll., 2017renvoi vers).
Malgré des avancées sur ces questions, l’association entre l’exposition aux pesticides et les troubles anxio-dépressifs ainsi que les mécanismes neurobiologiques potentiellement impliqués restent mal définis. Afin d’éclairer les connaissances sur ces questions, ce chapitre fait la synthèse de la littérature publiée sur ce sujet depuis 2013.

Résumé et conclusions de l’expertise collective Inserm
de 2013

L’expertise collective précédente avait identifié une trentaine d’études abordant la question des troubles anxio-dépressifs en lien avec les expositions aux pesticides (Inserm, 2013renvoi vers). Celles-ci présentaient certaines limites méthodologiques en raison d’effectifs souvent restreints, d’une hétérogénéité dans la définition des troubles, et de l’existence de facteurs de confusion. En particulier, en milieu agricole, d’autres facteurs comme l’isolement social ou des difficultés économiques pouvaient également expliquer les troubles. En dépit de ces limites, les études publiées convergeaient vers une plus grande fréquence de troubles anxieux et dépressifs chez les personnes exposées aux pesticides, aussi bien dans les suites d’intoxications aiguës, que pour des expositions modérées mais prolongées. Par ailleurs, plusieurs études suggéraient un lien possible avec des tentatives de suicide, sans qu’il soit réellement possible d’affirmer le rôle spécifique des pesticides. La synthèse évoquait l’existence d’arguments biologiques en faveur d’un possible effet de certaines substances au niveau du système nerveux central, telles que des perturbations des niveaux de la sérotonine, un neuromédiateur jouant un rôle important dans la régulation de l’humeur, expliquées par des expositions à certains pesticides, comme les organophosphorés.

Nouvelles données épidémiologiques

Trois revues ont été publiées depuis 2013 sur le lien entre exposition aux pesticides et santé mentale. Une revue de la littérature sur le lien entre pesticides et dépression/suicide a été réalisée à partir de l’ensemble des articles identifiés entre 1995 et 2011, en excluant les intoxications volontaires par les pesticides, les études chez l’animal, les études de cas et les revues, ainsi que les articles qui n’étaient ni en anglais, ni en espagnol, ni en portugais (Freire et Koifman, 2013renvoi vers). Sur les 221 articles identifiés sur ces critères, 22 ont été retenus, correspondant à 3 études longitudinales, 9 études transversales, 5 études cas-témoins et 5 études écologiques. Onze études traitaient du risque de dépression et quatorze de suicides. Cinq études trouvaient un lien entre les intoxications aiguës par des pesticides et la dépression, avec des niveaux de risque allant d’un doublement à un quintuplement, alors que les études portant sur les expositions chroniques trouvaient des risques plus faibles. L’analyse concluait à l’existence d’un lien observé dans diverses populations, qui nécessitait d’être confirmé par des études plus larges et prospectives. Une seconde revue a été publiée en 2014, portant sur le rôle des organophosphorés dans les atteintes neurologiques chez l’être humain. Elle a inclus 24 articles publiés entre 1980 et 2014, portant aussi bien sur des déficits cognitifs que sur des troubles neuropsychiatriques (Takahashi et Hashizume, 2014renvoi vers). Compte-tenu de l’hétérogénéité des effets retenus, cette revue ne permet pas d’apprécier spécifiquement le rôle des organophosphorés dans les troubles anxio-dépressifs.
Une autre revue, non systématique, a porté sur le rôle des pesticides sur la santé mentale des travailleurs agricoles en incluant 30 articles (parmi 972 initialement identifiés), à partir de sources diverses et sans restriction de date. Elle met en évidence le rôle des expositions à haute ou faible dose et souligne la nécessité de mieux caractériser à la fois les troubles de santé et les expositions (Khan et coll., 2019brenvoi vers).

Troubles anxio-dépressifs et intoxication aiguë
par des pesticides

Depuis la précédente expertise collective, deux études de cohorte (tableau 5.Irenvoi vers, voir en fin de ce chapitre) sont venues compléter la littérature existante relative aux troubles anxio-dépressifs pouvant survenir dans les suites d’une intoxication aiguë par des pesticides. On dénombrait auparavant 7 études sur cette question, dont une s’appuyait sur un suivi longitudinal de 3 années et mettait en évidence un lien entre les expositions aux pesticides et les symptômes dépressifs chez des agriculteurs du Colorado (Beseler et Stallones, 2008renvoi vers).
La première étude de cohorte est de nature rétrospective et a été menée en Grande-Bretagne dans l’objectif d’identifier des troubles neuropsychiatriques en lien avec des traitements insecticides réalisés sur les moutons depuis les années 1970, et donc pouvant potentiellement conduire à une exposition par des organophosphorés (Povey et coll., 2014renvoi vers). La population (1 748 répondants) a été identifiée dans l’ensemble de la Grande-Bretagne à l’aide de listes de syndicats et d’associations (effectif total : 18 958 personnes) et les participants ont répondu à un questionnaire sur l’activité professionnelle et sur des symptômes de dépression, la démence, la maladie de Parkinson et les neuropathies. Concernant la dépression, un risque multiplié par 10 a été mis en évidence chez les personnes ayant été prises en charge pour une intoxication par un pesticide (OR = 10,0 ; IC 95 % [4,8-20,8]). Cette association n’était pas retrouvée chez les personnes ayant manipulé des pesticides sans avoir subi d’intoxication. L’existence de troubles somatiques n’expliquait pas les résultats obtenus.
La seconde est une cohorte prospective de 1 895 agriculteurs sud-coréens, interrogés en face à face en 2011 et ayant complété une échelle de dépression (Geriatric Depression Scale ; GDS-15) (Kim et coll., 2013renvoi vers). Parmi eux, 197 étaient considérés comme présentant une dépression à partir des résultats aux tests. Le risque de dépression apparaissait plus élevé chez ceux qui rapportaient un antécédent d’intoxication professionnelle par un pesticide (OR = 1,61 ; IC 95 % [1,10-2,34]), plus encore quand la description des symptômes liés à cette intoxication la classait comme modérée ou sévère (OR = 2,81 ; IC 95 % [1,71-4,63]). Ces troubles n’étaient pas associés avec l’exposition cumulée au cours de la vie. Un lien était observé plus spécifiquement avec les herbicides, et en particulier avec le paraquat.
Ainsi, les deux nouvelles analyses de cohorte renforcent le lien qui était établi entre intoxication aiguë aux pesticides et troubles dépressifs, chez des éleveurs de moutons notamment exposés aux organophosphorés en Grande-Bretagne, et en lien avec des herbicides dont le paraquat dans la cohorte coréenne d’agriculteurs (cultures de riz, légumes et fruits).

Troubles anxio-dépressifs et exposition chronique
aux pesticides

Lors de l’expertise collective de 2013, la question du lien possible entre les troubles neuropsychiatriques, en particulier le risque de dépression, et l’exposition chronique aux pesticides était émergente. Depuis cette précédente synthèse, qui rapportait les résultats d’une dizaine d’études transversales et de deux études longitudinales, de nouvelles études transversales (7) et longitudinales (5) ont été produites (tableau 5.IIrenvoi vers, voir en fin de ce chapitre).

Études transversales

Trois études transversales ont été menées en Amérique du Sud et au Mexique, dans des contextes agricoles spécifiques (culture du café et du tabac au Brésil et culture de légumes au Mexique), et quatre autres en Angleterre, en Turquie, au Bangladesh et en France.
Au Brésil, dans une zone fortement productrice de tabac, une étude a mis en évidence une association entre l’exposition aux pesticides et les symptômes dépressifs et anxieux rapportés par 869 résidents d’une municipalité, de l’ordre d’un doublement de risque. Le lien apparaissait notamment avec l’exposition à certains pesticides, tels que les alcools aliphatiques, les pyréthrinoïdes, les sulfonylurées et les dinitroanilines (Campos et coll., 2016renvoi vers). Dans ce même pays, mais dans un contexte de production de café, un lien fort a été mis en évidence entre les symptômes dépressifs, mesurés par l’échelle de Beck (score au-delà de 10) et l’exposition aux pesticides, directe ou indirecte, chez 220 travailleurs. Les ouvriers exposés au glyphosate et à au moins un autre pesticide avaient un risque multiplié par 5 de présenter un score élevé de symptômes dépressifs (Conti et coll., 2018renvoi vers).
Dans le Nord-Ouest du Mexique, la présence de troubles psychiatriques, évaluée à l’aide de l’échelle de la MINI (Mini International Neuropsychiatric Interview), a été comparée entre un groupe de 140 ouvriers agricoles impliqués dans la récolte de légumes et un groupe de personnes vivant en zone urbaine (Serrano-Medina et coll., 2019renvoi vers). En parallèle, l’activité anti-acétylcholinestérasique sanguine a été mesurée. Les résultats montraient une fréquence significativement plus élevée de troubles psychiatriques dans le groupe exposé (en particulier dépression avec risque suicidaire et dépression diagnostiquée par un médecin) et un lien significatif entre l’importance des symptômes et la chute de l’activité anti-acétylcholinestérasique mesurée dans le sang. Cependant, les groupes de cette étude n’étaient pas strictement comparables concernant l’âge et le niveau d’études.
En Angleterre, une étude portant sur 127 éleveurs de moutons, exposés aux organophosphorés par le trempage de leurs animaux, et des policiers ruraux non exposés (n = 78), présentée dans la précédente expertise collective (Mackenzie Ross et coll., 2010renvoi vers), a été ré-analysée en utilisant une autre approche pour l’évaluation des troubles psychiatriques (Harrison et Mackenzie Ross, 2016renvoi vers). En plus de deux échelles calculant des scores de dépression et d’anxiété sur la base de questionnaires complétés par les participants, le classement des sujets a été réalisé à l’aide d’une grille d’examen clinique, considérée comme la référence pour ce diagnostic. Les auteurs trouvent un lien entre l’exposition aux pesticides et les scores de dépression et d’anxiété sur la base de la déclaration des patients, mais ne retrouvent un lien avec le diagnostic clinique que pour l’anxiété.
En Turquie, une étude a été menée sur une large population d’agriculteurs âgés de 18 à 55 ans (1 855 personnes dont 937 hommes), interrogés en face à face sur leur santé mentale et sur leurs expositions agricoles. Des questions étaient posées aux hommes sur leurs usages de pesticides et sur des troubles ressentis lors des applications de pesticides. Un tiers de la population mentionnait des symptômes psychiatriques, incluant pour 2 % des hommes et 3 % des femmes des idées suicidaires. L’exposition aux pesticides chez les hommes doublait le risque d’être dépressif (OR = 1,8 ; IC 95 % [1,1-3,2]). D’autres facteurs expliquaient également une mauvaise santé mentale : les difficultés économiques, être migrant, se déclarer en mauvaise santé, avoir une maladie chronique ou des antécédents de traumatisme (Simsek et coll., 2017renvoi vers).
Au Bangladesh, une étude transversale a été menée sur 57 personnes, habitant dans une zone couverte par un système de surveillance démographique et sanitaire, sélectionnées lors d’une visite à l’hôpital (Khan et coll., 2019arenvoi vers). L’étude a inclus des adultes (de 30 à 55 ans), mariés, actifs, non fumeurs et n’ayant pas participé à des travaux agricoles au cours de leur vie. La distance entre les champs et les lieux de résidence des sujets (moins ou plus de 200 mètres) a été évaluée par un enquêteur, et ce paramètre a servi de proxy pour l’exposition aux pesticides agricoles. Par ailleurs, une évaluation de paramètres neurologiques a été réalisée : TMT (Trail Making Test), mesure du seuil vibratoire, mesure de la vitesse de conduction nerveuse, symptômes neurologiques. Une version modifiée de la CES-D (Center for Epidemiologic Studies-Depression Scale) a également été proposée aux participants. Après ajustement sur de nombreux facteurs individuels, les analyses montraient, chez les personnes résidant à proximité des champs traités, une élévation du seuil vibratoire, un ralentissement au TMT (partie B), mais pas de différence de la vitesse de conduction nerveuse, de l’auto-déclaration de symptômes neurologiques et des items relatifs à la dépression.
En France, une étude cas-témoins menée sur la maladie de Parkinson en lien avec la Mutualité sociale agricole en 1998-2000 a offert l’opportunité d’analyser de manière transversale le lien entre les pesticides et l’existence d’une dépression traitée ou prise en charge à l’hôpital, rapportée par les participants (Weisskopf et coll., 2013renvoi vers). Seuls les individus ayant travaillé en agriculture ont été retenus (n = 567). Quatre-vingt-trois patients ont mentionné une dépression (33 hommes et 50 femmes). Une association a été mise en évidence entre l’utilisation d’herbicides et l’existence d’une dépression (HR = 1,93 ; IC 95 % [0,95-3,91]), devenant significative lorsque cette utilisation dépassait 19 années (HR = 2,31 ; IC 95 % [1,05-5,10]) ou en prenant en compte le nombre d’heures d’exposition. Les herbicides les plus fortement associés étaient les carbamates, les dinitrophénols et l’acide picolinique. Aucune association n’a été observée avec les fongicides ou les insecticides.
Les sept nouvelles analyses transversales menées dans les différents pays vont dans le sens d’une augmentation du risque de troubles anxio-dépressifs en lien avec des expositions chroniques aux pesticides, globalement moins fortes que celles mises en évidence avec les intoxications aiguës, mais pouvant néanmoins atteindre un doublement. Trois de ces études ont suggéré des liens avec des herbicides de natures différentes (sulfonylurées, dinitroanilines, carbamates, dinitrophénols, le glyphosate et l’acide picolinique...), mais pas avec les pesticides organophosphorés.

Études longitudinales

Deux nouvelles analyses ont été menées au sein de l’Agricultural Health Study (AHS) et trois autres études longitudinales ont fourni des résultats : l’une au Canada à partir d’une cohorte rétrospective de céréaliers, une cohorte agricole prospective en Corée et une dernière dans l’Iowa.
Dans l’expertise de 2013, les publications de Beseler et coll. sur les troubles anxio-dépressifs au sein de l’AHS étaient de nature transversale, avaient montré des risques de dépression doublés ou triplés en lien avec l’exposition aux pesticides, et mettaient en évidence le rôle des intoxications aiguës (Beseler et coll., 2006renvoi vers ; Beseler et coll., 2008renvoi vers ; Beseler et Stallones, 2008renvoi vers). Au sein de cette même cohorte, des analyses longitudinales ont depuis été menées, portant sur les cas incidents entre l’inclusion et le suivi à 12 ans, d’une part chez les hommes (Beard et coll., 2014renvoi vers) et d’autre part chez les femmes (Beard et coll., 2013renvoi vers). Douze années après l’inclusion dans la cohorte, un entretien téléphonique mené en 2005-2010 et comportant des questions sur la dépression, a permis de classer les 21 208 hommes éligibles pour les analyses selon l’existence d’une dépression diagnostiquée par un médecin avant l’inclusion (n = 306), à l’inclusion et au suivi (n = 315) ou au suivi seulement (n = 371) (Beard et coll., 2014renvoi vers). L’existence d’une dépression chez les hommes a été associée, de manière statistiquement significative, avec l’utilisation de fumigants ou d’organochlorés, de phosphure d’aluminium, de dibromure d’éthylène, de 2,4,5-T, de dieldrine, de diazinon, de malathion et de parathion. Une relation avec l’index cumulé au cours de la vie était observée pour le dibromure d’éthylène, le captane et le lindane. Une association forte était observée avec un antécédent d’intoxication, principalement dans le groupe signalant une dépression à l’inclusion (OR = 4,2 ; IC 95 % [2,7-6,6]) mais également dans celui rapportant des symptômes à la fois à l’inclusion et au suivi (OR = 2,5 ; IC 95 % [1,4-4,4]). L’analyse de la dépression chez les femmes (n = 16 893) a été réalisée de la même manière après un suivi de 12 années, en considérant les cas incidents (n = 1 054), et en prenant en compte l’utilisation de pesticides par la femme elle-même ou par son conjoint (Beard et coll., 2013renvoi vers). Les auteurs ne mettaient pas en évidence de lien entre la dépression et l’utilisation de pesticides au cours de la vie (en oui/non ou en prenant en compte un index cumulé), et cette absence de lien était également montrée en considérant l’usage de pesticides chez les conjoints pour les femmes n’ayant pas utilisé elles-mêmes de pesticides. En revanche, les femmes ayant un antécédent d’intoxication aiguë par un pesticide étaient plus fréquemment dépressives. La prise en compte d’un traitement antidépresseur dans la définition de la dépression ne modifiait pas ces résultats.
Au Canada, près de 2 500 agriculteurs céréaliers, identifiés à partir d’une liste datant des années 1980 et une autre de 2002, ont été interrogés sur la présence de symptômes neuropsychiatriques et sur leurs expositions aux pesticides, à l’aide d’un questionnaire incluant une centaine de spécialités commerciales (Cherry et coll., 2012renvoi vers). Le score de santé mentale élaboré à partir de leurs réponses était associé négativement à l’utilisation de phénoxyherbicides, mais ne montrait pas de lien avec d’autres substances, notamment avec les organophosphorés. La prise en compte d’un antécédent d’intoxication aiguë ne changeait pas les résultats. Dans un sous-échantillon de la population, un croisement a pu être réalisé avec les bases de l’Assurance maladie. Il montrait une faible cohérence entre les prises en charge pour raisons neuropsychiatriques et les déclarations des personnes. Dans cet échantillon, un lien fort était observé entre une prise en charge hospitalière pour des troubles neuropsychiatriques et une exposition de plus de 35 ans aux phénoxyherbicides.
Dans une étude sud-coréenne, le questionnaire CES-D a été utilisé pour mesurer la survenue de cas incidents de symptômes dépressifs dans une cohorte de 2 151 agriculteurs sur une période de 2,8 ans. Les symptômes dépressifs, avec un total de 115 cas recensés, était plus fréquents chez les hommes présentant un score d’exposition élevé, estimé à l’aide de la durée et d’un algorithme associant les caractéristiques des tâches, du matériel et des équipements de protection (OR = 2,2 ; IC 95 % [1,3-3,8] dans la catégorie haute de l’exposition) et chez ceux qui avaient des antécédents d’intoxication aiguë (OR = 5,8 ; IC 95 % [1,8-18,9]) (Koh et coll., 2017renvoi vers).
Une cohorte de 257 agriculteurs en Iowa (États-Unis) a été établie pour mettre en place des études d’intervention dans le cadre d’un programme de sécurité et de santé au travail, et a permis d’analyser de manière prospective le lien entre l’humeur dépressive et les expositions agricoles, incluant les usages de pesticides (Onwuameze et coll., 2013renvoi vers). Dans cette cohorte, les agriculteurs étaient contactés par téléphone chaque trimestre pour donner des informations sur leurs activités professionnelles, leurs expositions et leur état de santé – notamment leur humeur – soit à 10 reprises au cours de l’étude. Un quart des personnes ont rapporté une humeur très dépressive et ont été classées dans le groupe « dépression ». Une association était mise en évidence entre l’usage des pesticides et la « dépression » (OR = 1,27 ; IC 95 % [1,06-1,53]), qui n’était pas modifiée par la prise en compte d’autres paramètres associés à la dépression, à savoir les antécédents de blessure, le stress (qui multipliait le risque de dépression par 3) et avoir un autre emploi non agricole.
L’ensemble des nouvelles analyses longitudinales menées depuis la précédente expertise converge vers une association entre les expositions chroniques aux pesticides et la survenue de troubles anxio-dépressifs, avec des liens forts pour ceux qui ont un antécédent d’intoxication aiguë. Trois de ces analyses évoquent des liens avec des molécules variées.

Suicide et exposition aux pesticides

Neuf études portant sur le risque de suicide en lien avec l’exposition aux pesticides avaient été présentées dans l’expertise collective précédente et suggéraient un lien possible entre pesticides et suicide. Mais, ces études ne permettaient pas de distinguer le rôle spécifique des pesticides de celui d’autres facteurs de risque, ni d’argumenter la causalité du lien. Depuis, trois études se sont ajoutées : des résultats provenant d’une cohorte agricole sud-coréenne, une analyse transversale d’une cohorte chinoise et une étude écologique au Brésil (tableau 5.IIIrenvoi vers, voir en fin de ce chapitre).
Au sein de la cohorte sud-coréenne d’hommes en milieu agricole, des questions ont été posées sur des idées suicidaires dans l’année précédant l’entretien (Kim et coll., 2014renvoi vers). Celles-ci étaient rapportées chez près de 5 % des personnes. Un lien était observé avec un antécédent d’intoxication aiguë par un pesticide, atteignant un triplement de risque pour plus d’un épisode, et plus marqué chez les personnes ayant été hospitalisées lors de cet épisode (non significatif mais p de tendance = 0,001).
Dans la province de Jilin en Chine, l’étude de 43 cas de personnes ayant tenté de mettre fin à leurs jours avec des pesticides et de 43 témoins en population générale appariés sur le sexe et l’âge a mis en évidence une plus grande fréquence de symptômes pouvant être liés à des expositions aux organo-phosphorés (nausées, vomissements, hypersudation...) et des scores plus élevés sur des échelles mesurant l’agressivité et l’impulsivité (Lyu et coll., 2018renvoi vers).
Au Brésil, une étude écologique a analysé les taux de mortalité par suicide dans des villes où la culture du tabac était implantée par rapport à des villes ne disposant pas de cette culture, chez les agriculteurs et chez les non-agriculteurs, en incluant des données sur la part des exploitations utilisant des pesticides (Krawczyk et coll., 2014renvoi vers). Une surmortalité par suicide est observée à la fois en lien avec le métier d’agriculteur et avec le fait de résider dans une région où la culture de tabac est présente. Ce résultat évoque le rôle possible des pesticides d’une part et de la culture de tabac d’autre part, possiblement en lien avec des intoxications à la nicotine.
Ces nouvelles études vont dans le sens d’un lien entre suicides et exposition aux pesticides, mais présentent, comme les études précédentes, une difficulté à écarter des facteurs de confusion liés au milieu agricole.

Conclusion

Près d’une vingtaine de nouveaux articles ont traité du lien entre pesticides et troubles anxio-dépressifs depuis la précédente synthèse, portant à près d’une cinquantaine le nombre total de publications sur cette question. Les articles récents s’orientent plus fréquemment vers la question du rôle des expositions chroniques, celui des expositions aiguës semblant admis – et confirmé par les nouvelles analyses – et les analyses longitudinales se font plus nombreuses, en particulier au sein de l’Agricultural Health Study et de la cohorte agricole coréenne. Les études restent hétérogènes aussi bien du point de vue de la mesure des effets (diverses échelles de dépression) que de la mesure des expositions. Pourtant, les résultats convergent vers l’existence d’une association, avec des triplements ou quadruplements de risque pour les expositions aiguës et des niveaux de risque plus modérés pour les expositions chroniques mais atteignant des doublements. Certaines molécules ont été associées aux troubles, et contrairement aux publications antérieures, elles n’évoquent pas uniquement un lien avec les organophosphorés : plusieurs d’entre elles suggèrent des liens avec des herbicides de familles diverses. Quelques études montrent également des liens avec les suicides mais elles restent limitées sur la prise en compte des facteurs de confusion, et interrogent sur la possibilité de causalité inverse. Ces résultats éclairent néanmoins de manière plus large le constat répété dans de nombreux pays et contextes d’un excès de suicides en milieu agricole. Par ailleurs, compte-tenu de la fréquence des altérations psychiques et des suicides dans nos sociétés, l’hypothèse du rôle possible des pesticides soulève des questions de santé publique importantes. En regard des constats épidémiologiques, le rôle de certains pesticides sur le système nerveux central et les interférences possibles avec des neuromédiateurs impliqués dans la régulation de l’humeur doivent susciter des recherches mécanistiques.

Tableau 5.I Études épidémiologiques portant sur le lien entre intoxication aiguë par des pesticides et troubles psychiatriques

Référence
Pays
Type d’étude
Population étudiée
Définition de la maladie
Fréquence et durée d’exposition
Méthodes d’estimation de l’exposition
Tiers facteurs
Résultats et commentaires
Povey et coll., 2014renvoi vers
Grande-Bretagne
Cohorte rétrospective
Agriculteurs (95 % hommes) actifs en 1970 en Grande-Bretagne, âgés de ≥ 13 ans en 1957
74,8 % résidents d’Angleterre
Identification à partir de listes de syndicats et associations (n = 18 958) dont 4 635 décédés et 1 748 répondants éligibles
PHQ-9 depression severity score ≥ 10
Questions sur démence, Parkinson, maladies neurologiques
83 % ont élevé des moutons (46 % > 31 années).
81 % ont trempé des moutons.
75 % ont manipulé les produits.
3 % pris en charge pour intoxication
Questionnaire sur les tâches
Nombre d’années de travail avec des moutons
Classement en 4 groupes selon histoire intoxication aiguë et/ou manipulation de pesticides
Âge, sexe, région, tabagisme
Association forte entre l’existence d’une intoxication aiguë et la dépression
OR = 10,0 [4,8-20,8]
Pas de lien pour la dépression avec la simple manipulation sans intoxication (mais lien avec Parkinson et neuropathie)
Kim et coll., 2013renvoi vers
Corée du Sud
Cohorte prospective
Agriculteurs, hommes
Questionnaires en face à face
Inclusion en 2011
n = 1 895
Échelle de dépression gériatrique (GDS-15) score ≥ 8
Principale culture : riz (43 %), puis les légumes et les fruits
Nombre de jours médian d’exposition au cours de la vie : 129
ATCD d’intoxication aiguë en 2010. Sévérité définie à partir des symptômes ≤ 48 h après utilisation : sévères (paralysie, syncope) ou modérés (diarrhée, vomissements, dyspnée, vision floue, paresthésie, douleur poitrine, troubles de la parole)
Prise en charge : aucune, automédication, hospitalisation
Pesticides en cause
Âge, sexe, revenus, statut marital, niveau d’études, alcool, tabagisme, santé perçue, IMC, caractéristiques du travail
197 agriculteurs avec un score de dépression élevé
Élévation du risque de dépression si histoire d’intoxication professionnelle OR = 1,61 [1,10-2,34]
Lien avec la sévérité de l’intoxication. Si modérée ou sévère OR = 2,81 [1,71-4,63]
Pas de lien avec la durée cumulée d’exposition
Association avec les herbicides, en particulier le paraquat

ATCD : antécédents ; CES-D : Center for Epidemiologic Studies-Depression Scale ; GDS : Geriatric Depression Scale ; IMC : indice de masse corporelle ; PHQ : Patient Health Questionnaire. Les intervalles de confiance donnés sont les intervalles de 95 %.

Tableau 5.II Études épidémiologiques portant sur le lien entre exposition chronique aux pesticides et troubles psychiatriques

Référence
Pays
Population étudiée
Définition de la maladie
Fréquence et durée d’exposition
Méthodes d’estimation
de l’exposition
Tiers facteurs
Résultats
et commentaires
Études transversales
Conti et coll., 2018renvoi vers
Brésil
(Sud-Est)
220 hommes volontaires, 18-65 ans, ouvriers agricoles
Région de production du café Robusta
Beck Depression Inventory (BDI ; 21 items appréciant les symptômes dépressifs)
Dichotomisé (seuil = 10)
Glyphosate 77 %
Flutriafol, cyproconazole, thiaméthoxame
Questionnaire
Âge, statut marital, groupe ethnique, niveau d’études, statut économique, alcool, tabagisme, santé perçue, maladie chronique
Exposition aux pesticides en général est associée aux symptômes dépressifs (pas le glyphosate seul, mais en association avec les autres molécules) OR = 5,5 [1,2-25,9]
Lien également entre les symptômes et le tabagisme, la santé perçue et les maladies chroniques
Campos et coll., 2016renvoi vers
Brésil
(Sud)
Résidents en 2011-12 d’une municipalité où le tabac est cultivé ; âgés ≥ 18 ans et parlant portugais (n = 869)
Self Reporting Questionnaire (SRQ-20 ; seuil = 8)
Troubles mentaux et symptômes dépressifs rapportés
72 % exposés aux pesticides dont 33 % avant l’âge de 15 ans
28 % malades après utilisation de pesticides
14 % utilisent des EPI
Période de culture et de récolte du tabac
Intoxications aiguës
Historique agricole et d’exposition aux pesticides
EPI
Sexe, âge, niveau d’études, couleur de peau, insécurité alimentaire, maladies chroniques
Dépendance ou abus d’alcool, tabagisme
Cotinine urinaire
Avoir été intoxiqué, risque de dépression ou trouble mental :
OR = 2,6 [1,6-4,3]
Doublement de risque de troubles rapportés avec les alcools aliphatiques et les Pyr
Lien avec dinitroaniline et sulfonylurée pour expositions longues
Harrison et Mackenzie Ross, 2016renvoi vers
Angleterre
(Nord et Sud-Ouest)
Éleveurs de moutons, 18-70 ans d’âge, exposés aux OP, actifs ou retraités, ayant changé ou arrêté pour cause médicale (n = 127)
Non exposés : policiers (n = 78)
Critères inclusion : ≥ 5 ans exposition aux OP < 1991, pas d’ATCD d’intoxication aiguë, neuro, alcool
Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS)
Beck Anxiety (BAI) and Depression (BDI) Inventories-rmesurant l’anxiété et la dépression, rapportées par les individus
Évaluation SCID (la référence pour ce diagnostic)
> 20 ans d’exposition en moyenne, et dernière exposition remonte en moyenne à 10 ans
Exposition professionnelle par trempage des moutons
Calendrier professionnel, caractéristiques de l’exposition : fréquence et durée
Calcul du nombre de jours au cours de la vie
Évènements de vie stressants au cours des 12 derniers mois
Santé physique perçue
Niveau d’études, sexe, QI
Ajustement sur âge, dépression, anxiété
Association entre les scores de dépression et d’anxiété (HADS ou BDI) et l’exposition
Lien moins clair avec la dépression en utilisant l’évaluation clinique, mais persistance du lien avec l’anxiété
Serrano-Medina et coll., 2019renvoi vers
Mexique
(Basse-Californie)
140 ouvriers agricoles ≥ 18 ans habitant ≥ 6 mois dans la région
Récolteurs des légumes dans des zones traitées
Non exposées : 100 personnes habitant en zone urbaine
MINI test
OP utilisés dans la région : malathion, dicofol, parathion, chlorpyrifos, phosmet, azinphos-méthyl, méthamidophos
Mesure de l’inhibition de l’AChE plasmatique, immédiatement après prélèvement
Différences d’âge, de niveau d’études et de statut marital entre les 2 groupes
Dépression + risque suicidaire 31,4 % des exposés (versus 8 %)
Dépression avec diagnostic médical 14,3 % des exposés (versus 3 %)
Chute de l’AChE, d’autant plus marquée que les troubles sont importants
Simsek et coll., 2017renvoi vers
Turquie
(Anatolie)
Recrutement à partir des foyers : éligibles si travail agricole n = 1 071 foyers
1 855 individus entre 18-55 ans, dont 918 femmes et 937 hommes
General Health Questionnaire GHQ-12 en face à face
74 % ont plus de 7 ans d’expérience en agriculture
32 % de migrants agricoles
Questions posées seulement aux hommes :
Avoir appliqué des pesticides
Avoir des troubles lors de l’application
Âge, sexe, taille du foyer, niveau d’études, langue, nombre d’années en agriculture, résidence urbaine/rurale, maladies chroniques, santé générale, niveau économique...
Problème de santé mentale chez 32 %. Risque élevé chez les hommes exposés aux pesticides :
OR = 1,8 [1,1-3,2]
Idées suicidaires chez 2 % des hommes et 3 % des femmes
Autres facteurs associés chez les hommes : situation économique, être migrant, mauvaise santé perçue, maladie chronique, ATCD de traumatisme
Khan et coll., 2019arenvoi vers
Bangladesh
57 volontaires issus d’un système de surveillance sanitaire, lors d’une visite à l’hôpital, âgés de 30 à 55 ans, mariés, actifs, non-fumeurs et n’ayant pas travaillé en agriculture
Test cognitif : Trail Making Test (TMT-A/B), vitesse de conduction nerveuse, seuil vibratoire, symptômes neurologiques, échelle de dépression adaptée de la CES-D
19 résidaient à plus de 200 m, et 38 à moins de 200 m.
Pesticides utilisés dans la région : carbamates, OP, Pyr
Distance entre la résidence et les champs (plus ou moins de 200 m) utilisé comme proxy de l’exposition aux pesticides
Âge, sexe, IMC, pression sanguine, revenus, métiers, composition du foyer
Après ajustements, chez les exposés : élévation du seuil vibratoire, ralentissement au TMT-B, mais pas de différence dans les symptômes neurologiques, la vitesse de conduction ou les items de dépression
Weisskopf et coll., 2013renvoi vers
France
Participants d’une étude sur la maladie de Parkinson, identifiés en 1998-2000
Analyse restreinte aux cas (n = 177) et témoins (n = 390) ayant travaillé sur des exploitations
Traitement ou hospitalisation pour dépression
Âge lors de l’épisode dépressif
Fréquence d’exposition aux familles d’herbicides : carbamates : 6 %, dinitrophénols : 18 %, acide picolinique : 11 %
Histoire professionnelle
Entretien détaillé sur usages de pesticides par un médecin du travail
Pesticides pour le jardinage
Analyse des familles de pesticides pour les agents identifiés chez > 5 % des personnes non dépressives
Sexe, maladie de Parkinson, niveau d’études, tabac, trauma crânien avec perte connaissance
Histoire d’AVC et utilisation de pesticides pour le jardinage
Stratification sur la période : < 1971, 1971-80, 1981-94, > 1994
83 dépressifs (33 H, 50 F)
Herbicides/dépression OR = 1,93 [0,95-3,91], plus marqué en restreignant aux seuls témoins ou aux hommes. Effet durée et nombre h
Risque x3 pour les herbicides carbamates, dinitrophénols et acide picolinique
Pas de lien avec les I et F
Études longitudinales
Beard et coll., 2014renvoi vers
États-Unis
(Iowa, Caroline du Nord)
Cohorte prospective
Agricultural Health Study
Inclusion 1993-97 et suivi en 2005-10 avec un questionnaire incluant la dépression
Applicateurs, hommes (n = 21 208) dont 1 702 avec un diagnostic de dépression
Diagnostic par un médecin à l’inclusion et au suivi (avec précision de la mise en place d’un traitement)
Âge de la dépression
 
Intoxication aiguë
Exposition cumulée à 50 pesticides oui/non et nombre de jours au cours de la vie (quartiles)
Catégories : I, H, F, (fumigants)
6 familles : phénoxys, triazines, carbamates, OC, OP, Pyr
Âge, État de résidence, niveau d’études, statut marital, nombre d’enfants, alcool, tabagisme, diabète, taille de l’exploitation, port d’EPI, nombre de visites médicales dans l’année écoulée, utilisation de solvants
206 cas prévalents à l’inclusion, 315 à l’inclusion et au suivi et 371 au suivi seulement
Association positive entre dépression et certains pesticides : fumigants, OC, phosphure d’aluminium, dibromure d’éthylène, 2,4,5-T, dieldrine, diazinon, malathion, parathion.
Relation avec l’index cumulé pour dibromure d’éthylène, captane, lindane.
Lien avec les intoxications aiguës
Beard et coll., 2013renvoi vers
États-Unis
(Iowa, Caroline du Nord
Cohorte prospective
Agricultural Health Study
Inclusion 1993-97 et suivi en 2005-10 avec un questionnaire incluant la dépression
Épouses d’applicateurs (n = 16 893) dont 1 054 avec un diagnostic de dépression
Définitions de Beard et coll., 2014renvoi vers
 
Méthodes de Beard et coll., 2014renvoi vers
Usage de pesticides par la femme ou par son époux
7 familles de pesticides : phénoxys, triazines, chloroacétanilides, carbamates, OC, OP, Pyr
Facteurs de Beard et coll., 2014renvoi vers
Pas de lien entre la dépression incidente et l’exposition aux pesticides (oui/non ou cumulée)
Lien entre la dépression et l’intoxication aiguë par un pesticide
Femmes n’ayant jamais utilisé de pesticides : lien avec l’utilisation de carbamate par l’époux
Pas de changement si on ajoute la prise d’un traitement à la définition de la dépression
Cherry et coll., 2012renvoi vers
Canada
(Alberta)
Cohorte rétrospective
Cohorte A : inscrite dans une association agricole en 1983 (n = 1 348)
Cohorte B : identifiée auprès des instances agricoles en 2002 (n = 1 078)
Questionnaire sur les maladies diagnostiquées par un médecin : dont 12 symptômes neuropsychiatriques
Score de santé mentale élaboré à partir des symptômes
Croisement avec les bases de données de l’assurance maladie codes CIM-9 : 290-312 et CIM-10 : F00-F69 pour un sous-échantillon
> 90 % d’utilisateurs de pesticides
2,4-D ou MCPA : > 90 % ; Pyr : 16 % ; carbamates : 24 % ;
OP : < 50 %
Questionnaire sur des produits commerciaux : 26 I, 48 H, 25 F avec les durées
Base de données sur les matières 1981-2003
Intoxication par un pesticide
Utilisation de pesticides au cours du mois écoulé
Âge, sexe, niveau d’études
¾ des agriculteurs signalent ≥ 1 symptôme (34 % se réveillent fatigués, 27 % troubles de mémoire, 27 % crampes)
Lien score santé mentale et phénoxyherbicides (OR 1,75 à 2,09) selon la durée. Pas de changement avec les intoxications aiguës
Assurance maladie : 1/3 ont une prise en charge psy. Peu de lien avec les symptômes déclarés. Association forte hospitalisation psy et exposition > 35 ans aux phénoxys
20rv2(OR = 9,71 [0,85-111,39])
Koh et coll., 2017renvoi vers
Corée du Sud
Cohorte prospective
Agriculteurs
Questionnaires en face à face
Inclusion en 2005-08, suivi en 2008-12 (exclusion des cas prévalents de dépression)
n = 2 151
CES-D
Échelle de dépression gériatrique (SGDS) (seuil : 8)
 
Algorithme AHS pour intensité (tâches, matériel, EPI)
Durée en nombre de jours/an et années
ATCD d’intoxication
Pesticides pour le jardinage
Âge, sexe, statut marital, niveau d’études, revenus, alcool, tabac
115 cas de dépression incidents en 2,8 ans
Plus de cas incidents parmi les exposés, en lien avec le score durée x intensité (OR = 2,2 [1,3-3,8] dans la catégorie haute) et avec les ATCD d’intoxication (OR = 5,8 [1,8-18,9])
Onwuameze et coll., 2013renvoi vers
États-Unis
(Iowa)
Cohorte prospective
Agriculteurs volontaires, contactés par le Ministère de l’Agriculture pour une étude d’intervention
n = 257
Entretien téléphonique trimestriel : expositions professionnelles, accidents, maladies, dépression (humeur rapportée fortement ou très fortement dépressive)
Questionnaire professionnel et examen de santé annuel
 
Données sur les activités sur la ferme, incluant les usages de pesticides, répétées à chaque entretien (soit 10 fois)
Âge, niveau d’études, alcool, tabac, santé perçue
Un quart des agriculteurs classés dépressifs
Exposition aux pesticides associée à la dépression :
OR = 1,27 [1,06-1,53]
Autres facteurs associés à la dépression : antécédent de blessure, stress (multiplie le risque par 3) et avoir un autre emploi non agricole. Pas de changement de l’association avec les pesticides en ajustant sur ces facteurs

AHS : Agricultural Health Study ; ATCD : antécédents ; BDI : Beck Depression Inventory ; CES-D : Center for Epidemiologic Studies-Depression Scale ; DSM-IV : Diagnostic and Statistical Manual of Psychiatric Disorders ; EPI : équipement de protection individuelle ; F : fongicide ; HADS : Hospital Anxiety and Depression Scale ; H : herbicide ; I : insecticide ; MCPA : acide 4-chloro-2-méthylphénoxyacétique ; MINI : Mini International Neuropsychiatric Interview ; OP : organophosphoré ; OC : organochloré ; Pyr : pyréthrinoïdes ; SCID : Structured Clinical Interview for DSM-IV. Les intervalles de confiance donnés sont les intervalles de 95 %.

Tableau 5.III Études épidémiologiques portant sur le lien entre exposition aux pesticides et suicide

Référence
Pays
Types d’études
Population étudiée
Définition de la maladie
Fréquence
et durée
d’exposition
Méthodes d’estimation
de l’exposition
Tiers facteurs
Résultats et commentaires
Kim et coll., 2014renvoi vers
Corée du Sud
Cohorte prospective
Cohorte de Kim et coll., 2013renvoi vers
Idées suicidaires à partir de la question « au cours de l’année écoulée, avez-vous pensé à vous faire du mal ou à mettre fin à vos jours »
Questions complémentaires en cas de réponse positive
Dépression mesurée avec le GDS-15 (score > 8)
Principale culture : riz
Méthodes de Kim et coll., 2013renvoi vers
Facteurs de Kim et coll., 2013renvoi vers
92 (4,7 %) agriculteurs ont eu des idées suicidaires au cours de l’année écoulée.
Lien entre les idées suicidaires et l’intoxication modérée ou sévère, ou suscitant une prise en charge hospitalière OR = 2,48 [1,26-4,91]
Triplement du risque si > 1 intoxication (non significatif mais avec p de tendance = 0,001)
Lyu et coll., 2018renvoi vers
Chine
(province de Jilin)
Cas-témoins
Cas : tentatives suicide par pesticide, identifiées à l’hôpital. État mental stable pour l’étude (n = 43)
Témoins : résidents d’un village à même distance de l’hôpital, apparié sur âge et sexe (n = 43)
Score d’impulsivité (Barratt Impulsivity Scale) et d’agressivité (Agression Inventory)
 
Exposition aux OP et symptômes
 
Cas : rapportent plus de symptômes d’exposition aux pesticides (compatibles avec OP) et davantage d’exposition professionnelle
Scores d’agressivité et d’impulsivité plus élevés chez les cas
Krawczyk et coll., 2014renvoi vers
Brésil
(Alagoas)
Étude écologique
Comparaison des taux de mortalité selon les caractéristiques des villes : nombre d’exploitations, présence de la culture tabac, part de la culture tabac, part d’exploitations produisant du tabac et utilisant des pesticides
Données de mortalité entre 1996 et 2005 (codes CIM-10 : X60-X84) (n = 122 036 décès dont 15 671 agriculteurs)
Région de production de tabac
Données du recensement agricole de 2006
 
OR de l’ordre de 3 pour la mortalité par suicide pour les agriculteurs
Risque doublé pour les agriculteurs dans des villes produisant du tabac
Risque accru pour les non-agriculteurs dans les villes produisant du tabac

ATCD : antécédents ; CIM-10 : Classification internationale des maladies, 10e révision ; GDS : Geriatric Depression Scale

Références

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