ANALYSE |
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Aspects neuroendocriniens de la puberté et de la croissance
Il est maintenant établi que l'initiation de la puberté est déterminée par des événements qui prennent place dans le cerveau et que la présence des gonades n'est pas requise pour ce processus. Cette activation qui s'opère au niveau central conduit à une augmentation synchronisée de la sécrétion pulsatile de GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone) par une poignée de neurones spécialisés localisés dans l'hypothalamus. Ces neurones projettent leurs axones neurosécréteurs dans une région précise de l'hypothalamus, appelée éminence médiane, où ils libèrent la GnRH dans les vaisseaux portes qui relient l'hypothalamus à l'hypophyse. Une fois que la GnRH atteint l'adénohypophyse, elle se lie à des récepteurs spécifiques exprimés par les cellules gonadotropes pour y stimuler la synthèse et la libération d'hormone lutéinisante (LH) et d'hormone folliculostimulante (FSH). Ces hormones sont alors libérées dans la circulation générale et atteignent les gonades pour y réguler leur développement et la sécrétion des stéroïdes gonadiques. En retour, ces hormones stéroïdes promeuvent la croissance des organes sexuels secondaires et entraînent l'apparition de dimorphismes sexuels (tels que la distribution des graisses, la masse musculaire, le développement de la poitrine, le ton de la voix) (Sisk et Foster, 2004
).

Chez la femme, les premiers signes hormonaux de la puberté sont détectés à l'âge de 8-10 ans et se traduisent par l'apparition d'un rythme circadien de sécrétion de gonadotropines (avec des taux de LH plus élevés pendant le sommeil). La première menstruation survient en moyenne à l'âge de 12 ans, et la première ovulation a lieu 6 à 12 mois plus tard. Chez le singe, l'augmentation nocturne des taux de gonadotropines circulantes survient entre 25 et 30 mois, la première menstruation à 30-40 mois et la première ovulation à 40-50 mois. Chez le rat, une augmentation diurne de la sécrétion de LH s'observe à la quatrième semaine de vie postnatale, et la première ovulation survient 34-38 jours après la naissance.
Principaux mécanismes neurobiologiques de la survenue de la puberté
La survenue de la puberté peut s'expliquer par différentes composantes, en particulier neuronale et gliale.
Composante neuronale
Il est de plus en plus évident que l'élément déclencheur de la puberté ne réside pas dans la propriété intrinsèque des neurones à GnRH à sécréter leur neurohormone de manière épisodique, mais résulte plutôt du développement postnatal du cerveau qui conduit à la maturation des réseaux de neurones et de cellules gliales (cellules non-neuronales du système nerveux, tels que les astrocytes) qui leur sont fonctionnellement associées. Il est connu depuis de nombreuses années que les neurones à GnRH reçoivent des informations émanant d'autres neurones par l'intermédiaire de contacts synaptiques. La modification de la nature de ces signaux « extérieurs », telle que la perte des influx trans-synaptiques inhibiteurs sur les neurones à GnRH pourrait constituer l'élément déclencheur de l'augmentation de la sécrétion de GnRH nécessaire à la survenue de la puberté. Ce « frein central » de la puberté (exercé principalement par les neurones qui utilisent l'acide gamma-aminobutyrique ou GABA pour leur neurotransmission) s'exerce pleinement pendant la période juvénile du développement postnatal, empêchant une augmentation prématurée de la sécrétion de GnRH (Terasawa et Fernandez, 2001
; Ojeda et Terasawa, 2002
; Plant et Barker-Gibb, 2004
). Une vue alternative, mais non exclusive, propose que l'activation pubertaire de la sécrétion de GnRH soit plutôt provoquée par une augmentation des influx excitateurs qui sont principalement véhiculés par les neurones utilisant l'acide aminé glutamate comme neurotransmetteur (Terasawa et Fernandez, 2001
; Ojeda et Terasawa, 2002
; Plant et Barker-Gibb, 2004
). Des études récentes montrent qu'en plus de ce contrôle neuronal, les cellules gliales et les facteurs de croissance qu'elles produisent jouent un rôle fondamental dans ce processus facilitateur par lequel l'hypothalamus contrôle la sécrétion de GnRH pendant le développement sexuel.






Composante gliale
Il est maintenant couramment admis que les cellules non-neuronales que sont les cellules gliales participent activement à l'élaboration, la propagation et au traitement des informations générées dans le système nerveux central. Contrairement aux neurones, les astrocytes ne génèrent pas de potentiels d'action mais sont capables de propager des signaux cellulaires sous forme de vagues calciques qui s'étendent d'astrocyte en astrocyte soit par l'intermédiaire de jonctions communicantes qui mettent en rapport le cytoplasme de deux cellules, soit par l'intermédiaire de la libération de messagers intercellulaires (Haydon, 2001
). Les astrocytes, qui possèdent les récepteurs de nombreux médiateurs sécrétés par les neurones, contrôlent de manière rétroactive la libération de neurotransmetteurs dans les fentes synaptiques via une sécrétion de glutamate dépendante du calcium au niveau de leurs processus cellulaires qui enrobent les synapses (Bezzi et coll., 1998
; Haydon, 2001
), et régulent ainsi la transmission d'information entre neurones. De manière analogue aux autres systèmes neuronaux du cerveau, la fonction sécrétoire des neurones à GnRH semble être fortement régulée par les cellules gliales. En effet, les études réalisées ces dix dernières années sur des modèles animaux (rat, souris) montrent que les cellules gliales influencent la sécrétion de GnRH à la fois par la sécrétion de facteurs de croissance et/ou de molécules bioactives telles que les prostaglandines E2 (PGE2), mais aussi par des remaniements structuraux qui modulent l'accès direct des terminaisons nerveuses à GnRH aux capillaires du plexus porte hypothalamo-hypophysaire, régulant ainsi l'efficacité du passage de la neurohormone entre les terminaisons nerveuses et le sang porte dans l'éminence médiane (Prevot, 2002
).




Cette participation active des cellules gliales a été suggérée par des études réalisées chez le rat montrant que l'apparition d'une puberté précoce secondaire à une lésion hypothalamique est liée à l'activation dans les astrocytes hypothalamiques de la voie de signalisation du TGFα (Transforming Growth Factor alpha, facteur de croissance membre de la famille des EGF – Epidermal Growth Factor –) et de son récepteur erbB-1 (récepteur à l'EGF ou EGFR) (Junier et coll., 1992
; Junier et coll., 1993
). L'étude postnatale de l'expression de l'ARNm codant le TGFα et de la voie de signalisation des récepteurs tyrosine kinase erbB-1 a démontré que l'activation de ce facteur de croissance glial est partie intégrante du mécanisme par lequel le cerveau contrôle la maturation sexuelle femelle au cours du développement postnatal (Ma et coll., 1992
). L'importance de l'implication de la voie de signalisation du TGFα dans ce processus de maturation a été renforcée par le fait que le blocage du récepteur erbB-1 dans l'éminence médiane (Ma et coll., 1992
) ou la mutation ponctuelle du gène de ce récepteur retarde l'apparition de la puberté (Apostolakis et coll., 2000
; Prevot et coll., 2005
), alors que la surexpression de TGFα (Ma et coll., 1994
) ou des greffes dans l'éminence médiane de cellules surexprimant le TGFα (Rage et coll., 1997
) avancent l'apparition de la puberté. De manière analogue à cette dernière expérience, il est troublant de noter que deux cas de puberté précoce chez des enfants de sexe féminin ont été associés à la présence d'un hamartome1
hypothalamique contenant des astrocytes produisant du TGFα (Jung et coll., 1999
). Ces deux dernières études suggèrent que l'activation de la voie de signalisation du TGFα dans une poignée d'astrocytes proche des neurones à GnRH peut suffire à induire l'augmentation de la sécrétion de GnRH requise pour l'initiation de la puberté. Enfin, en plus du TGFα, les astrocytes hypothalamiques expriment les neurégulines 1 et 3, deux autres membres de la famille peptidique des EGF, et erbB-4, le récepteur tyrosine kinase emprunté par la voie de signalisation des neurégulines dans les astrocytes hypothalamiques (Ma et coll., 1999
). L'invalidation sélective de la fonction de ce récepteur dans les astrocytes in vivo retarde l'apparition de la puberté (Prevot et coll., 2003
), ce qui démontre l'importance de ce récepteur astrocytaire dans l'acquisition de la capacité à se reproduire, mais apporte aussi la preuve tangible que les astrocytes font partie intégrante du système par lequel le cerveau contrôle la sécrétion de GnRH chez les mammifères.











Coordination des influx neuronaux et gliaux facilitant la sécrétion de GnRH
Existe-t-il des voies de communication capables de coordonner les influx neuronaux et gliaux facilitant la sécrétion de GnRH lors de l'initiation de la puberté ? Des études récentes démontrent que les acides aminés excitateurs tels que le glutamate pourraient être impliqués dans ce processus. En effet, comme nous l'avons énoncé dans le dernier paragraphe, les astrocytes peuvent influencer l'activité des neurones par la sécrétion de glutamate (Bezzi et coll., 1998
; Haydon, 2001
), et inversement certaines études montrent que le glutamate sécrété par les neurones est capable de moduler les voies de signalisation erbB dans les astrocytes hypothalamiques (Dziedzic et coll., 2003
). Les astrocytes hypothalamiques expriment deux types de récepteurs du glutamate : le récepteur métabotropique mGluR5 et le récepteur ionotropique AMPA, qui sont physiquement associés aux récepteurs erbB-1 et erbB-4 au niveau de la membrane cytoplasmique (Dziedzic et coll., 2003
). L'activation de ces récepteurs du glutamate entraîne des changements fonctionnels dans les astrocytes, tels que la redistribution des récepteurs erbB à la surface membranaire ainsi que la libération juxtacrine et/ou paracrine de leurs ligands (TGFα et neurégulines) conduisant à l'activation des récepteurs erbB-1 et erbB-4. De cette activation résulte une libération de PGE2 qui est connue pour stimuler la libération de GnRH. Ainsi, la communication entre les astrocytes et les réseaux neuronaux qui utilisent les acides aminés excitateurs comme mode de signalisation pourrait représenter un mécanisme fondamental utilisé par le cerveau neuroendocrine pour contrôler l'apparition de la puberté.




Existence de gènes contrôlant l'horloge pubertaire ?
La recherche de gènes impliqués dans le contrôle transcriptionnel du processus pubertaire n'en est qu'aux balbutiements. De tels gènes seraient activés dans des populations cellulaires discrètes de l'hypothalamus et contribueraient au déclenchement d'événements primordiaux responsables de l'activation centrale de l'axe gonadotrope. Parmi les candidats figurent les gènes codant des membres de la famille des facteurs de transcription à homéodomaines POU (Oct-2) (Ojeda et coll., 1999
) et NKx (TTF-1) (Lee et coll., 2001
) capables de transactiver les gènes codant la GnRH et certains régulateurs proximaux de la sécrétion de GnRH. L'expression de ces gènes est activée au cours du développement postnatal dans l'hypothalamus (Ojeda et coll., 1999
; Lee et coll., 2001
). Plus récemment, deux travaux ont désigné un nouveau gène, le gène GPR54, comme étant le « gène de la puberté » (de Roux et coll., 2003 ; Seminara et coll., 2003
). Le gène GPR54 code un récepteur couplé aux protéines G, et des mutations dans ce gène conduisent à une absence d'activation de la sécrétion de GnRH requise pour la survenue de la puberté. L'identification de l'ensemble de ces gènes comme étant des régulateurs de l'horloge pubertaire est cependant sujette à caution. En effet, il est aussi envisageable que les gènes ici nommés ne constituent que des effecteurs secondaires nécessaires à la synthèse et à la libération de GnRH.





Rôle de la leptine dans la croissance et dans la survenue de la puberté
La leptine, hormone codée par le gène ob, produite par les adipocytes, a été identifiée par sa fonction dans la diminution de la prise alimentaire via son action opposée sur deux populations neuronales localisées dans le noyau arqué hypothalamique (noyau du cerveau à la fois impliqué dans le contrôle central de l'homéostasie énergétique et de la reproduction) : si elle stimule les neurones à pro-opiomélanocortine (POMC) anorexigènes (supprimant l'appétit), elle inhibe les neurones producteurs de neuropeptide Y (NPY) orexigènes (stimulant l'appétit) (Zigman and Elmquist, 2003
). Les premières observations montrant que des restrictions alimentaires retardent l'apparition de la puberté ou, altèrent la fonction de reproduction adulte ont conduit à émettre l'hypothèse que les individus devaient atteindre une masse corporelle critique et/ou acquérir une certaine quantité de masse adipeuse pour permettre la survenue de la puberté (Frisch, 1980
). D'un point de vue biologique, la puberté représente une période de la vie où croissance rapide et maturation sexuelle sont associées. Ces deux processus sont très certainement régulés par des facteurs métaboliques périphériques qui renseignent l'organisme sur la taille du corps et son contenu en cellules adipeuses. Même si, comme il a été mentionné précédemment, le signal initiateur de puberté reste inconnu, l'enchaînement séquentiel de changements hormonaux majeurs impliquant différents systèmes, tels que la leptine et l'activation des axes gonadotrope et somatotrope (GH/IGF-I : hormone de croissance/Insulin Growth Factor-I), pourrait en être à l'origine.


Différentes études réalisées sur l'animal ont permis d'éclaircir cette séquence complexe d'évènements hormonaux. L'administration de leptine restaure les déficits de la fonction de reproduction chez les souris génétiquement déficientes en leptine (ob/ob : souris obèses et infertiles) (Chehab et coll., 1996
) et accélère la maturation sexuelle et la survenue de la puberté chez les souris sauvages (Ahima et coll., 1997
; Chehab et coll., 1997
). De plus, les souris transgéniques skinny qui surexpriment la leptine sous le contrôle d'un promoteur hépatique ont un processus pubertaire accéléré (Yura et coll., 2000
). Chez les rongeurs, la leptine stimule aussi l'axe GH/IGF-I en favorisant la sécrétion de GHRH (Growth Hormone-Releasing Hormone ou somatolibérine) tout en inhibant celle de SRIH (Somatotropin Releasing Inhibitory Hormone ou somatostatine) au niveau de l'éminence médiane de l'hypothalamus (Tannenbaum et coll., 1998
; Watanobe and Habu, 2002
). En retour, l'axe GH/IGF-I interagit avec l'axe gonadotrope ; l'administration intracérébroventriculaire d'IGF-I accroît les taux plasmatiques de LH et stimule la libération de GnRH par l'éminence médiane de rat (Hiney et coll., 1996
). A contrario, l'injection chronique dans les ventricules cérébraux d'anticorps neutralisant l'IGF-I conduit à une diminution du contenu en LH de l'hypophyse associée à une baisse des taux de testostérone circulants pendant la période pubertaire, chez le rat mâle (Pazos et coll., 1999
).








Chez l'homme, les taux de leptine circulante augmentent progressivement au fur et à mesure que la maturation pubertaire progresse, avec toutefois un clair dimorphisme entre garçons et filles. En effet, autant les études longitudinales menées à travers l'ensemble du processus pubertaire que les études transversales conduites à différents âges, montrent que chez les garçons les taux de leptine atteignent leur apex lors de la période précédant la survenue de la puberté (stades Tanner précoces), puis chutent progressivement à mesure que la testostéronémie augmente pour retrouver un niveau de base (Blum et coll., 1997
; Clayton et coll., 1997
; Garcia-Mayor et coll., 1997
; Mantzoros et coll., 1997
; Horlick et coll., 2000
). Les filles quant à elles bénéficient d'une augmentation constante des taux de leptine circulante au cours du processus pubertaire (Blum et coll., 1997
; Clayton et coll., 1997
; Garcia-Mayor et coll., 1997
; Horlick et coll., 2000
). Ceci se fait en concordance avec une augmentation des taux d'œstrogènes circulants (Klein et coll., 1994
). Il est intéressant de noter qu'il existe chez les filles une corrélation entre la mise en place de la ménarche et les taux de leptine sériques : une enfant d'âge pubertaire présentant un taux de leptine circulante d'1 ng/ml supérieur à celui d'une autre enfant de la même tranche d'âge verra la survenue de la ménarche apparaître un mois plus tôt que cette dernière (Matkovic et coll., 1997
). Ceci suggère qu'une concentration seuil de leptine est nécessaire pour la survenue de la ménarche chez les filles. Ainsi, une déficience en leptine pourrait être la cause primaire du retard pubertaire et de la survenue de la ménarche chez les enfants en sous-nutrition. Les quelques cas de patients présentant une déficience ou une résistance à la leptine, liées à une mutation du gène de la leptine ou de son récepteur, montrent que cette hormone est indispensable au bon déroulement du processus pubertaire. En effet, les patientes atteintes de ce déficit présentent une aménorrhée primaire et aucun développement pubertaire, alors que les garçons souffrent d'un hypogonadisme hypothalamique (Clement et coll., 1998
; Strobel et coll., 1998
). Cependant, certaines fillettes présentent une puberté précoce sans augmentation des taux de leptine circulatoires par rapport aux enfants du même âge (Verrotti et coll., 2003
) ; de même, des patients atteints de diabète lipoatrophique conduisant à une absence de tissus adipeux et donc à des taux sériques de leptine faibles ont une fonction de reproduction normale (Andreelli et coll., 2000
), ce qui suggère que la leptine aurait un rôle « permissif » plutôt que « déclencheur » sur le processus de maturation sexuelle.















Néanmoins, des travaux récents montrent que la leptine a un rôle neurotrophique majeur durant les deux premières semaines de vie postnatale chez les rongeurs ; elle régulerait plus particulièrement la mise en place des circuits hypothalamiques impliqués non seulement dans le contrôle de la prise alimentaire mais aussi dans celui de la fonction de reproduction (Bouret et coll., 2004
a
et b ; Bouret et Simerly, 2004
). Ces travaux, réalisés sur des souris génétiquement déficientes en leptine (ob/ob), montrent en effet que l'absence de leptine durant les premières semaines de vie postnatale altère de façon permanente la formation des projections du noyau arqué hypothalamique, celles-là même qui chez l'adulte véhiculeront au niveau central le signal anorexigène de la leptine (Bouret et Simerly, 2004
) et, le jour du pic pré-ovulatoire de GnRH/LH, la levée du signal inhibiteur tonique exercé par les œstrogènes sur l'axe gonadotrope (Herbison, 1998
). De façon remarquable, l'injection de leptine permet de restaurer de façon notable la densité normale des projections, mais ceci uniquement si l'hormone adipocytaire est injectée durant les premières semaines de vie extra-utérine (Bouret et coll., 2004
b
), c'est-à-dire au moment où un « pic » naturel de leptine circulante survient chez la souris normale (Ahima et coll., 1998
). En dehors de cette période (par exemple à l'âge adulte), l'injection de leptine n'a qu'un effet très partiel. De plus, ces effets neurotrophiques de la leptine s'exercent directement au niveau du noyau arqué puisque, in vitro, la leptine favorise la croissance axonale des neurones du noyau arqué (Bouret et coll., 2004
b
).










La leptine jouerait donc un rôle critique au cours du développement postnatal sur la survenue de la puberté en permettant non seulement la maturation des projections métaboliques, mais aussi de celles qui sont impliquées dans le contrôle de la fonction de reproduction. L'ensemble de ces travaux suggère aussi que toute perturbation dans la survenue du pic de leptine néonatal pourrait altérer l'établissement des circuits hypothalamiques régulant la prise alimentaire et la fonction de reproduction. Des travaux récents étayent cette thèse en démontrant que l'avancée du pic néonatal de leptine, soit de manière artificielle par l'injection précoce de leptine chez les petits, soit dans un modèle de sous-nutrition intra-utérine, altère de manière permanente la régulation par l'hypothalamus de l'homéostasie énergétique des individus (Yura et coll., 2005
). Inversement, l'injection de leptine pendant la fenêtre d'action critique de cette hormone sur l'établissement des projections du noyau arqué hypothalamique (entre le jour postnatal 3 et le jour postnatal 13) à des rats soumis à une sous-nutrition intra-utérine restaure une fonction métabolique normale à l'âge adulte (Vickers et coll., 2005
).


En conclusion,
l'initiation de la puberté par l'activation de la sécrétion de GnRH semble nécessiter la coordination des activités neuronales et gliales dans le cerveau neuroendocrine. Les circuits neuronaux les plus impliqués dans ce processus sont ceux utilisant des acides aminés excitateurs et inhibiteurs comme neurotransmetteurs. Les cellules gliales quant à elles interviennent par la production de molécules de signalisation intercellulaire capables de réguler l'activité des neurones. L'identification de nouvelles molécules impliquées dans la régulation de la communication entre neurones et cellules gliales pendant la période du développement postnatal conduisant à la puberté et l'identification de gènes contrôlant l'horloge pubertaire seront des sujets majeurs d'investigation dans les années à venir.
La « fonction organisatrice » de la leptine dans le cerveau en développement chez les rongeurs, et notamment dans les circuits hypothalamiques régulant la prise alimentaire et la fonction de reproduction, suggère que cette hormone joue un rôle capital dans le processus de maturation sexuelle. Chez l'homme, les taux de leptine circulante augmentent au fur et à mesure de la progression de la maturation pubertaire mais il existe un net dimorphisme entre les garçons et les filles. Des études suggèrent que la leptine aurait un rôle « permissif » plutôt que « déclencheur » dans le processus de maturation sexuelle.
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