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Med Sci (Paris). 36(5): 452–454.
doi: 10.1051/medsci/2020073.

Glioblastome multiforme
Les fleurs du MALT1

Clément Maghe,1 Kathryn A. Jacobs,1 Nicolas Bidère,1 and Julie Gavard1,2*

1Équipe SOAP (Signalisation en oncogenèse, angiogenèse et perméabilité), CRCINA (centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes Angers), Inserm, CNRS, Université de Nantes, Université d’Angers, IRSUN (Institut de recherche en santé de l’université de Nantes), 8 quai Moncousu, 44000Nantes, France.
2Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO), Saint-Herblain, France.
Corresponding author.

MeSH keywords: Tumeurs du cerveau, Carcinogenèse, Survie cellulaire, Glioblastome, Humains, Lysosomes, Protéine-1 de translocation de lymphome du tissu lymphoïde associé aux muqueuses, Cellules souches tumorales, Transduction du signal, Niche de cellules souches, Microenvironnement tumoral, génétique, anatomopathologie, métabolisme, physiologie

Le glioblastome multiforme, un cancer incurable

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini le glioblastome multiforme comme un cancer astrocytaire de grade IV. La survie médiane de cette tumeur cérébrale est d’environ 15 mois, malgré un traitement combinant chirurgie intracrânienne et séances concomitantes de radiothérapie et de chimiothérapie [1]. Les rechutes à proximité de la tumeur initiale, quasi inéluctables, évoluent rapidement et inexorablement jusqu’au décès du patient. Cet échec thérapeutique peut s’expliquer non seulement par les résistances intrinsèques des cellules tumorales, mais aussi par la présence d’un groupe minoritaire de cellules tumorales aux caractéristiques de cellules souches (glioblastoma stem-like cells, GSC). Les résultats de plusieurs travaux convergent vers l’idée que les GSC contrôlent l’initiation, la progression et la rechute de ces tumeurs [2], bien que les mécanismes en jeu restent mal compris. Ces cellules partagent de nombreuses caractéristiques avec les cellules souches neurales adultes, notamment la capacité d’auto-renouvellement et de différenciation dans le lignage neural [2]. Éradiquer cette fraction de cellules tumorales apparaît donc comme une stratégie thérapeutique pertinente.

MALT1 et la gliomagenèse

Afin d’identifier des facteurs de vulnérabilité contrôlant l’expansion des GSC, les données transcriptomiques du TCGA (the cancer genome atlas) concernant plus de 400 patients atteints d’un glioblastome ont été interrogées. En se concentrant sur les gènes impliqués dans l’activation du facteur de transcription NF-κB (nuclear factor-kappa B), une voie essentielle dans la prolifération et la survie cellulaires dans de nombreux cancers [3, 4], la paracaspase MALT1 (mucosa-associated lymphoid tissue lymphoma translocation protein 1) a émergé comme un nouvel acteur potentiel de la gliomagenèse [5]. L’expression de cette enzyme apparaît en effet corrélée à la fois au grade des tumeurs cérébrales et à la survie des patients atteints d’un glioblastome. Les fonctions cellulaires de MALT1 sont doubles. D’une part, elle agit en tant que protéine adaptatrice au sein du complexe de protéines impliqué dans la mise en place de la voie de signalisation NF-κB [3, 4], et, d’autre part, elle exerce une activité protéolytique à un site consensus de la séquence de ses protéines cibles, après un résidu arginine. Le nombre de substrats avérés de MALT1 se limite à une dizaine, mais leur champ d’action s’étend du contrôle des voies NF-κB et JNK (jun N-terminal kinase), à l’adhérence cellulaire et à la stabilité des ARN [3] (Figure 1). La protéase MALT1, normalement maintenue dans une conformation inactive, est activée dans les cellules immunitaires pour contrôler la signalisation antigénique [3]. C’est aussi le cas dans les cellules non-immunitaires en réponse à l’activation de certains récepteurs membranaires (Figure 1). Pourtant, une étude biochimique du répertoire connu des substrats de MALT1 montre qu’une fraction de cette protéase est constitutivement active dans les GSC [5]. En accord avec ce résultat, l’expression d’une version de MALT1 dépourvue d’activité catalytique permet de réduire la protéolyse de ses substrats dans les cellules de patients atteints d’un glioblastome. Nos résultats sont en faveur de l’idée que MALT1 serait « piratée » dans le glioblastome, comme c’est le cas dans certains lymphomes [3-5].

MALT1 contribue à la survie des GSC

Par analogie avec les travaux démontrant l’addiction de cellules de lymphomes à l’activité de MALT1 [3, 4], nous avons exploré l’impact de l’expression et de l’activité de cette protéase sur le maintien du réservoir de GSC et avons montré que la réduction de l’expression de MALT1 dans des GSC induit une diminution de leur prolifération, de leur survie, et de l’expression de marqueurs de ces cellules [5]. Ces résultats ont été reproduits en utilisant des inhibiteurs de MALT1, tels que l’antagoniste peptidique compétitif z-VRPR-fmk, et des médicaments de la famille des phénothiazines, comme la molécule anti-psychotique mépazine, un inhibiteur allostérique de MALT1 [4] (Figure 2). Ces agents pharmacologiques ont une toxicité sélective pour les GSC, et n’affectent pas la viabilité de cellules saines du cerveau (astrocytes, neurones, et cellules endothéliales) [5]. Finalement, l’administration journalière de mépazine permet de réduire de façon significative la croissance tumorale dans un modèle de souris greffées avec des GSC humaines [5]. Ces résultats montrent que la protéase MALT1 est nécessaire au maintien des GSC et contribue à l’expansion tumorale.

Rôle de MALT1 dans l’homéostasie des lysosomes

Fonctionnellement, nos résultats indiquent que la mort des GSC induite par la mépazine n’implique pas un processus de mort cellulaire programmée par apoptose ou nécroptose [5]. En revanche, le blocage des enzymes du lysosome, telles que les cathepsines, contrecarre en partie l’effet de la mépazine sur la viabilité des GSC. En outre, l’inhibition de MALT1 est associée au relargage de protéases du lysosome dans le cytoplasme, suggérant donc un phénomène de perméabilisation de la membrane lysosomale [6], fatal aux GSC. Par ailleurs, des analyses du compartiment endo-lysosomal des GSC par imagerie cellulaire ont montré une augmentation de l’abondance de ce compartiment en cas d’inhibition de MALT1 ou de réduction de son expression [5]. Ces résultats font écho aux données récentes indiquant que le nombre de lysosomes est finement régulé dans les cellules souches neurales normales, et que ce nombre contrôle la survie des GSC [7-9]. MALT1 agirait donc comme un rempart contre une augmentation de la quantité de lysosomes, nocive pour les GSC, dévoilant ainsi un facteur de vulnérabilité de ces cellules (Figure 2).

Dans le but de comprendre le lien entre MALT1 et les lysosomes, nous avons mené une analyse transcriptomique par séquençage de l’ARN dans les GSC traitées ou non à la mépazine [5]. Étonnamment, l’expression des gènes impliqués dans l’homéostasie et la biogenèse endo-lysosomales n’est pas modifiée en réponse à l’inhibition de MALT1. En revanche, l’analyse in silico des données transcriptomiques prédit la modification d’une signature de gènes correspondant à la voie de signalisation mTOR (mammalian/mechanistic target of rapamycin). Ces résultats nous ont conduits à étudier plus en détail la voie de signalisation mTOR, dont une partie des protéines est ancrée aux lysosomes. Nous avons montré que l’inhibition de MALT1 déconnecte mTOR des lysosomes et atténue la voie de signalisation mTOR tumorale [5], essentielle au maintien des GSC [10]. Ainsi, l’inactivation de MALT1 entraîne une augmentation incontrôlée de la biosynthèse des lysosomes qui, en plus, semblent dysfonctionnels. En effet, nos résultats suggèrent que les lysosomes nouvellement formés ont une plus grande perméabilité de leur membrane, ce qui permet à des enzymes protéolytiques, normalement confinées à l’intérieur des lysosomes, d’exercer leur activité dans le cytosol. En outre, une analyse en imagerie confocale montre que les lysosomes nouvellement formés sont déconnectés de la voie de signalisation mTOR. Nos recherches s’attachent désormais à mieux caractériser les défauts de ces lysosomes.

Comment MALT1 peut-elle moduler la quantité de lysosomes ? L’action déterminante de quaking (QKI), une protéine qui se lie à l’ARN messager (ARNm), dans le maintien des GSC a récemment été rapportée [7]. Cette protéine permet en effet de stabiliser des ARNm codant des protéines endo-lysosomales. Nous avons montré que MALT1 et QKI interagissent dans les GSC [5]. La surexpression de QKI, qui modifie la stœchiométrie du complexe MALT1/QKI, suffit à reproduire les effets de l’inhibition de MALT1 dans les GSC. Inversement, la réduction de l’expression de QKI permet de contrer l’effet de l’inhibition de MALT1 dans ces cellules [5]. Ainsi, il existe une interaction réciproque antagoniste entre ces deux protéines.

Perspectives

Nos travaux attribuent donc un nouveau rôle à la protéase MALT1 dans l’homéostasie des lysosomes. Par la rétention de QKI, MALT1 restreint la genèse du compartiment endo-lysosomal. Nous montrons également que l’activité de MALT1 permet la signalisation mTOR, essentielle à l’expansion des GSC, renforçant l’idée que MALT1 participe au contrôle de cette voie métabolique. En révélant le rôle de la protéase MALT1 dans le contrôle de la quantité et de l’activité des lysosomes qui, lorsqu’ils sont en excès, empêchent l’expansion des GSC, nos résultats ouvrent une perspective thérapeutique originale dans le combat contre le glioblastome multiforme.

Liens d’intérêt

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.

 
Acknowledgments

Nous tenons à remercier les membres présents et passés du laboratoire « Signalisation en oncogenèse, angiogenèse et perméabilité », Centre de recherche en cancérologie-immunologie de Nantes Angers, Inserm, CNRS, université de Nantes. Les projets de l’équipe sont soutenus par la fondation pour la recherche médicale, la fondation ARC, la Ligue contre le cancer, la Fondation de France, et l’Institut national du cancer.

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