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| Med Sci (Paris). 36(5): 465–471. doi: 10.1051/medsci/2020078.Peptidylarginine désiminases du microbiote buccal et
polyarthrite rhumatoïde Marie Desclos-Theveniau,1* Martine Bonnaure-Mallet,1 and Vincent Meuric1 1Inserm, INRAE, Univ Rennes 1, CHU de Rennes, Nutrition,
Métabolismes et Cancer, 2 avenue du professeur Léon Bernard,
35043Rennes,
France |
Vignette (Photo © Canopé-CNDP-Universcience/MGEN/Inserm/EDUCAGRI). En France, 45 % des adultes de plus de 40 ans sont atteints, au minimum, d’une
parodontite localisée, une maladie inflammatoire chronique d’origine bactérienne
touchant les tissus de soutien de la dent [1]. Depuis les années 1990, la médecine parodontale a émergé pour
mettre notamment l’accent sur les conséquences liées à ces parodontopathies. Elle a en
particulier identifié la parodontite comme étant un potentiel facteur de risque de
maladies systémiques, telles que la polyarthrite rhumatoïde [2]. La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie
auto-immune chronique touchant les articulations, qui se manifeste par une inflammation
persistante au niveau de la membrane synoviale. D’un point de vue moléculaire,
l’apparition des signes cliniques de la maladie est une conséquence de la citrullination
de certains sites protéiques, qui peut déclencher une cascade d’événements aboutissant à
la production d’anticorps anti-protéines citrullinées [3]. Un lien entre PR et parodontite a notamment été
établi en raison de la découverte chez Porphyromonas gingivalis, une
bactérie participant à l’établissement de la parondontite, d’une peptidylarginine
désiminase, qui convertit l’arginine associée à un peptide (peptidylarginine) en
peptidylcitrulline [4]. Dans
cette revue, nous décrirons le rôle de cette citrullination des protéines dans les deux
pathologies. Les différentes données scientifiques concernant le lien existant entre les
deux maladies seront ensuite discutées. |
La citrullination des protéines La citrullination, ou désimination, est une modification post-traductionnelle des
protéines qui consiste en la transformation de résidus peptidyl-arginyl en résidus
peptidyl-citrullyl avec libération d’ammonium (Figure 1) [5]. Elle est réalisée par des enzymes appelées peptidylarginine
désiminases (PAD, pour protein-arginine deiminase, ou
protein-L-arginine iminohydrolase, ou EC 3.5.3.15)
(Figure 1) [5]. La citrullinisation joue un rôle important
dans la kératinisation de la peau, la protection des neurones, la plasticité du
système nerveux central, la régulation des gènes, mais aussi dans le fonctionnement
du système immunitaire (Figure
2) [6].
En effet, c’est au cours de la réponse immunitaire innée, ou de la réponse
inflammatoire, que l’hypercitrullination des histones permet la formation des NET
(neutrophil extracellular trap) produits par les neutrophiles
en réponse aux stimulus pathogènes, en particulier [7]. Ces NET (ou filets), constitués d’ADN et de
protéines libérés par le neutrophile, sont capables de se lier aux bactéries pour
les piéger et ainsi exercer une activité bactéricide extracellulaire à distance. Les
histones liées à l’ADN seraient citrullinées, entraînant une modification de charge
et une décondensation de l’ADN cellulaire [8]. Au cours des processus d’apoptose, de nécrose ou de NETose,
un important flux d’ions calcium activerait les PAD qui citrullineraient de
nombreuses protéines cytoplasmiques, nucléaires, membranaires et mitochondriales
[6]. Dans le cas de la PR, ce sont des
peptides présents au niveau des articulations, enrichis en citrulline, qui
deviennent des auto-antigènes à l’origine de la réponse inflammatoire. La
citrullination intervient également dans d’autres processus pathologiques, tels que
la formation de tumeurs, le psoriasis, etc. (Figure 2) [6].
 | Figure 1. Processus de citrullination catalysé par les PAD
humaines. PAD : peptidylarginine désiminase. |
 | Figure 2. Processus de citrullination catalysé par les
PAD. La citrullination intervient dans de nombreuses
fonctions physiologiques (représentées par les flèches bleues). Un
dysfonctionnement peut aboutir au développement de pathologies
(représentés par les flèches rouges). NET : neutrophil
extracellular trap, PAD : peptidylarginine désiminase, PPAD
: peptidylarginine désiminase de Porphyromonas
gingivalis. |
Chez l’homme, cinq enzymes PAD (PAD1, PAD2, PAD3, PAD4 et PAD6), sont codées par cinq
gènes regroupés sur le chromosome 1 en un seul locus [5]. Ces isoformes sont assez bien conservées avec 44 à 57 % d’identité
en acides aminés (Tableau
I). Chez les procaryotes, ces enzymes n’ont été identifiées que chez
Porphyromonas, plus particulièrement chez P.
gingivalis, où l’homologue des PAD humaines a été nommé PPAD
(P. gingivalis peptidylarginine deiminase) [9]. La PPAD des
Porphyromonas présente entre 30 et 40 % d’identité avec les PAD
humaines (Tableau I). Une
comparaison entre PAD et PPAD est présentée dans le Tableau II [6, 10, 11]. Contrairement à ses
homologues eucaryotes qui sont présentes dans le cytoplasme de la cellule, PPAD est
sécrétée ou liée à la membrane externe de la paroi bactérienne. Son action ne dépend
pas de la présence de calcium, et elle est active à un pH plus basique. Elle est
capable de citrulliner des résidus arginines présents au sein des séquences
protéiques ou au niveau de l’extrémité C-terminale de la protéine. Sa capacité
d’autocitrullination reste à confirmer. Les substrats et la localisation de ces
enzymes leur sont spécifiques (Tableau
II). PPAD peut en effet citrulliner des protéines
bactériennes et des protéines de l’hôte, alors que les PAD n’agissent que sur des
protéines humaines.
Tableau I.
Identité (%) |
PAD1 |
PAD2 |
PAD3 |
PAD4 |
PAD6 |
PPAD |
PAD1 |
100 |
51 |
57 |
56 |
44 |
45 |
|
PAD2 |
|
100 |
51 |
50 |
44 |
25 |
|
PAD3 |
|
|
100 |
55 |
43 |
35 |
|
PAD4 |
|
|
|
100 |
44 |
34 |
|
PAD6 |
|
|
|
|
100 |
29 |
|
PPAD |
|
|
|
|
|
100 |
Conservation entre les différentes PAD humaines et
PPAD. Les pourcentages d’identité en acides
aminés ont été calculés après alignement des séquences protéiques sur
Blastp (https://blast.ncbi.nlm.nih.gov/Blast.cgi?PAGE=Proteins).
PAD : peptidylarginine désiminase ; PPAD : peptidylarginine désiminase
de Porphyromonas gingivalis. |
Tableau II.
PPAD |
PAD humaines |
Un seul isotype |
PAD 1-4 et PAD6 |
|
Liée à la membrane externe de la paroi bactérienne
ou présente dans des vésicules sécrétées |
PAD 1-3 et PAD6 dans le cytoplasme PAD 4 et 2 dans
le cytoplasme et le noyau |
|
Citrulline les résidus Arg internes ou en
C-terminal |
Citrullinent les résidus Arg internes |
|
Calcium indépendante |
Calcium dépendantes |
|
Autocitrullination ??? |
Autocitrullination |
|
Substrats :
Protéines bactériennes : gingipaïnes,
protéine de fimbriline Mfa1
Protéines humaines : fibrinogène,
énolase, histone, vimentine, facteur de croissance épidermique
(EGF), C5a, produit de dégradation du lysosome LP9 |
Substrats :
Protéines humaines : vimentine,
fibrinogène, myéline, actines, histones, fibrine, filaggrine,
trichohyaline, facteur inducteur d’apoptose, énolase |
Comparaison entre les différentes PAD humaines et
PPAD. Arg : arginine ; PAD : peptidylarginine
désiminase ; PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas
gingivalis (d’après [ 10, 11]). |
|
Citrullination et parodontite chronique La parodontite chronique englobe un ensemble d’événements complexes, initiés par une
colonisation bactérienne sous-gingivale, une inflammation chronique, une
citrullination de protéines, et une dérégulation de la réponse immunitaire de l’hôte
(Figure 3) [12]. La libération d’ammonium
lors de la citrullination des protéines endogènes, protègerait P.
gingivalis des attaques acides [13]. L’ammonium produit permettrait au milieu d’atteindre un pH
optimal pour le fonctionnement de la PPAD, ce qui favoriserait la survie de
P. gingivalis dans les poches parodontales [14]. PPAD n’aurait aucun impact sur la
capacité de P. gingivalis à adhérer et à envahir les cellules
épithéliales gingivales. Elle serait en revanche un modulateur puissant de la
réponse immunitaire de l’hôte [15]. P. gingivalis dispose d’un large éventail de
facteurs de virulence, parmi lesquels figurent les gingipaïnes Rgp
(Arg-gingipain) et la PPAD [16]. Ces deux facteurs sont co-localisés sur la
membrane externe de la paroi bactérienne ou dans des vésicules sécrétées. Pour
traverser la paroi bactérienne, ils utilisent le système de sécrétion Por (PorSS),
un mécanisme spécifique pour le transport des gingipaïnes [17]. Deux gingipaïnes spécifiques de l’arginine
ont été identifiées chez P. gingivalis : RgpA, RgpB. Ces deux
enzymes clivent les protéines après les résidus arginines. Le fait que la PPAD
citrulline préférentiellement les résidus arginines en position terminale des
chaînes polypeptidiques, suggère l’existence d’un lien direct entre ces deux
enzymes. Les produits issus de l’action des protéases Rgp sont ainsi des substrats
pour la PPAD. Les actions successives des Rgp et de PPAD sur l’anaphylatoxine C5a,
une glycoprotéine résultant de l’activation du complément, induit, par exemple, une
perte de fonction de la protéine, ce qui empêche la vasodilatation des vaisseaux et
le recrutement des neutrophiles [18]. L’inactivation des Rgp bactériennes a pour conséquence une
diminution de la citrullination des protéines [19] et les niveaux d’expression et l’activité
des Rgp sont augmentés en présence de PPAD [20, 21]. Les Rgp peuvent être, par ailleurs, citrullinées par la PPAD, ce qui
suggère que la présence de résidus citrullines au sein de ces enzymes leur
conférerait une protection contre une éventuelle auto-coupure aux niveaux des
arginines qu’elles présentent [20].
 | Figure 3. Séquence d’évènements lors de la mise en place de la
parodontite. La formation de lésions
parodontales est provoquée par une dysbiose sous-gingivale (altération
qualitative et quantitative de la flore bactérienne) ayant provoqué et
amplifié une réponse immunitaire inflammatoire locale. Ces atteintes
parodontales sont le résultat d’une action concommitante des facteurs de
virulence et des médiateurs de l’inflammation. La citrullination
excessive des protéines par les PAD humaines et bactérienne (PPAD) fait
partie des processus mis en jeu à l’origine de la production
d’auto-anticorps pouvant diffuser de manière systémique. Aa :
Aggregatibacter actinomycetemcomitans ; Ac :
anticorps ; LPS : lipopolysaccharides ; NO : monoxyde d’azote ; PAD :
peptidylarginine désiminase ; P. gingivalis :
Porphyromonas gingivalis ; PGE2 : prostaglandine E2
; PPAD : peptidylarginine désiminase de Porphyromonas gingivalis
; ROS : espèces réactives de l’oxygène. |
La citrullination par PPAD du peptide LP9, (107RAWVAWRNR115),
un produit de la dégradation du lysozyme, connu pour agir comme peptide cationique
antimicrobien, réduit son activité bactéricide [20]. PPAD empêcherait également la reconnaissance et la phagocytose de
la bactérie par les neutrophiles, lui permettant de survivre dans le tissu gingival
fortement enrichi en neutrophiles [20]. La
citrullination par PPAD de l’histone H3, qui lui permet d’intégrer les NET produits
par les neutrophiles, interroge sur les mécanismes exacts par lesquels PPAD
participe à la formation de ces filets afin de capturer les bactéries [20]. P. gingivalis
favoriserait donc la présence des cellules immunitaires tout en empêchant certaines
de leurs activités, initiant ainsi une réponse inflammatoire continue. L’ensemble de
ces résultats posent ainsi de nombreuses questions quant à l’implication de PPAD
dans les mécanismes de contournement des défenses mis en œuvre par P.
gingivalis. |
Citrullination et polyarthrite rhumatoïde La physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde reste inconnue. Il semble néanmoins
que cette pathologie soit déclenchée par une combinaison de facteurs génétiques et
environnementaux qui conduisent à une rupture de tolérance immunitaire. Cette
maladie est caractérisée par une inflammation ayant pour origine une accumulation
d’infiltrats leucocytaires dans la membrane synoviale des articulations, qui
stimulent la production d’anticorps dirigés contre d’autres anticorps (facteurs
rhumatoïdes) et d’anticorps plus spécifiques qui reconnaissent des peptides
cycliques citrullinés (ACPA) comme des antigènes du non-soi [3]. Cette reconnaissance par les ACPA des épitopes citrullinés
et la formation de complexes immuns intégrant des facteurs rhumatoïdes entretiennent
un cercle vicieux à l’origine des lésions tissulaires aux niveaux des articulations.
Les voies de signalisation impliquées dans la production des ACPA sont encore
obscures. Cependant, il est établi que ces anticorps sont à l’origine de la
persistance de l’inflammation synoviale en interagissant avec des protéines
citrullinées localisées dans la membrane des cellules ou incorporées dans des NET
[22]. L’analyse
in vivo des véritables cibles des ACPA a permis d’identifier
plusieurs candidats antigéniques : le fibrinogène, la vimentine, l’α-énolase, le
collagène de type II, mais aussi des histones contenues dans les NET [23]. L’existence
d’auto-anticorps anti-PAD4, dont la présence est associée à la sévérité de la
pathologie, a également été mise en évidence [24]. Ces anticorps seraient capables de se lier
à PAD4 et de modifier sa conformation, augmentant ainsi la sensibilité de l’enzyme
au calcium [24]. Néanmoins, les mécanismes
présidant à la production de ces auto-anticorps anti-PAD4 restent encore inconnus.
Les ACPA sont des immunoglobulines d’isotype G (IgG) qui sont produits sans besoin
d’une éducation préalable des lymphocytes T (il s’agit donc d’une réponse
T-indépendante). La production des auto-anticorps anti-PAD4 précède le développement
d’une PR. L’association entre la protéine citrullinée et l’enzyme PAD4 (qui forme un
complexe haptène-protéine porteuse) pourrait être reconnue par les lymphocytes T, et
donc les activer [25].
Pourtant, les PAD sont des antigènes du soi. Elles devraient être tolérées par le
système immunitaire. Les mécanismes par lesquels ces enzymes deviennent immunogènes
et constituent des auto-antigènes dans cette maladie restent inconnus. Depuis plusieurs années, le déclenchement de la PR par une infection bactérienne ou
virale a été le sujet de plusieurs études. Les recherches se sont fondées sur le
fait que l’inflammation provoquée par des bactéries ou des virus (virus
d’Epstein-Barr, cytomégalovirus) pouvait entraîner une rupture de la tolérance
immunitaire et ainsi provoquer l’apparition de maladies auto-immunes [2]. Les résultats obtenus dans ces études
apparaissent cependant contradictoires. L’apparition précoce des auto-anticorps,
bien avant la PR, a conduit à l’hypothèse qu’une inflammation, débutant dans les
tissus muqueux, tels que les poumons, les intestins et le parodonte, pouvait, par
voie systémique, atteindre les articulations [26]. |
La citrullination : lien entre polyarthrite rhumatoïde et parodontite
chronique Malgré des étiologies différentes, la parodontite et la PR sont des maladies
multifactorielles qui partagent de nombreuses caractéristiques. Elles sont toutes
deux le résultat de réactions inflammatoires chroniques localisées, auxquelles
participent un ensemble de cytokines (TNF-α [tumor necrosis factor
alpha], IL[interleukine]-6 et IL-17) dont la circulation dans le sang
est bidirectionnelle, du parodonte aux articulations et vice versa
[2]. Elles induisent également une
augmentation de l’activité des métalloprotéinases de la matrice collagénique ainsi
que celle d’autres enzymes (élastase, protéases à cystéines, des enzymes produites
par les neutrophiles). Elles sont aussi à l’origine de la surexpression du système
RANK/RANKL/OPG1, responsable de lésions
irréversibles sur les tissus riches en collagène (gencive, ligament parodontal et os
alvéolaire pour la parodontite, os sous-chondral et cartilage pour la PR) [27]. La parodontite et la PR
partagent également de nombreux facteurs de risque environnementaux (tabac, etc.) et
génétiques (dont le complexe majeur d’histocompatibilité de classe I, HLA-DR, etc.)
[11]. Ces dernières années, de nombreuses analyses ont tenté de montrer que la parodontite
pouvait précéder le développement de la PR [11, 27]. La théorie qui a émergé
de ces études suppose que le parodonte enflammé serait le lieu de production des
ACPA, en réponse à des processus d’hypercitrullination de protéines réalisés par les
PAD endogènes et la PPAD bactérienne. Il reste cependant difficile d’établir une relation entre les deux pathologies,
malgré des caractéristiques communes et des liens suggérés par les données actuelles
: 1) la prévalence élevée de la maladie parodontale chez les patients atteints de PR et
vice-versa. De nombreuses études cas-témoins montrent en effet
que la maladie parodontale est plus fréquente chez les patients atteints de PR,
comparativement aux individus en bonne santé [11]. Et réciproquement, la prévalence de la PR est plus élevée chez les
patients ayant une parodontite. Dans l’étude la plus importante menée jusqu’à ce
jour (plus de 13 000 cas de PR et 130 000 témoins), une association significative a
été mise en évidence entre les deux pathologies [28]. Toutefois, d’autres études ne confirment
pas ces conclusions [10, 11]. Les raisons expliquant de tels résultats
contradictoires peuvent être le manque de critères de classification spécifiques
associés à la parodontite, la taille des cohortes de patients, l’absence de données
concernant les facteurs de confusion et les différences de design
entre études. À noter que la prévalence de la PR est trois fois plus importante chez
les femmes [11]. Il existe d’autres facteurs
(hormones stéroïdiennes, marqueurs génétiques, etc.) et mécanismes spécifiques à
chacune des pathologies, autres que la citrullination, qui sont à prendre en compte
; 2) la présence de taux élevés d’anticorps anti-P. gingivalis dans la
PR [10]. Il est difficile d’évaluer la
pertinence des différentes études en raison de l’absence d’analyses standardisées
pour mesurer les niveaux d’anticorps. Cependant, deux méta-analyses regroupant un
nombre conséquent de publications ont établi une corrélation entre les niveaux
d’anticorps anti-P. gingivalis et d’ACPA [29]. Contrairement aux anticorps
anti-P. gingivalis, les anticorps dirigés contre RgpB, ne sont
pas corrélés à la PR [29]. Toutefois, des
concentrations élevées d’anticorps anti-RgpB ont été détectées avant l’apparition
clinique de la PR [31]
; 3) des symptômes cliniques de PR aggravés chez les souris et les rats infectés par
P. gingivalis. Un certain nombre d’études ont montré un afflux
massif de leucocytes, une accumulation d’ostéoclastes et des lésions articulaires
plus sévères après une infection à P. gingivalis [11, 32]. Cependant, la validité de tels modèles est contestée. Les
animaux produisent effectivement des protéines citrullinées au niveau de la
synoviale, mais celles-ci ne présentent cependant pas les épitopes spécifiques
observés au cours de la PR chez l’homme [10]
; 4) les effets bénéfiques des thérapeutiques sur l’évolution de ces pathologies. Un
traitement parodontal non chirurgical permettrait d’améliorer les signes et les
symptômes de la PR [11, 33]. L’impact de cette thérapeutique
sur la PR semble être plus important chez les patients présentant une inflammation
systémique sévère [34]. Le
traitement diminue l’activité de la PR, avec de faibles taux de facteur rhumatoïde
et d’ACPA, mais aussi d’anticorps anti-P. gingivalis, chez les
patients simultanément atteints de PR et de parodontite chronique [35, 36]. Inversement, le ralentissement précoce de
la PR par des médicaments antirhumatismaux peut également limiter les lésions
parodontales [11] ; 5) de l’ADN de P. gingivalis a été détecté dans le liquide synovial
de patients atteints de PR, ce qui n’est pas le cas chez des patients en bonne santé
[37]. La présence d’une
PPAD unique chez Porphyromonas est l’élément clé qui a déclenché de
nombreuses études. Cette enzyme peut citrulliner des protéines de l’hôte, dont
l’énolase et le fibrinogène, deux des principaux auto-antigènes candidats dans la PR
[19]. Elle est à l’origine de nouveaux
peptides constituant ainsi un pool d’épitopes induisant la production des ACPA au
niveau gingival. Une analyse du « citrullome » par spectrométrie de masse révèle que
6 protéines citrullinées qui sont détectées dans le tissu parodontal le sont
également dans le fluide synovial de patients atteints de PR [38]. Les peptides citrullinés retrouvés
au niveau du tissu parodontal des patients atteints de parodontite pourraient ainsi
représenter des auto-antigènes dans la PR. Toutefois, le peu de peptides identifiés,
le faible nombre d’échantillons examinés, ainsi que les limites des techniques
employées, ne permettent pas de conclure quant au lien entre les deux pathologies
; 6) l’implication d’un autre agent parodontopathogène. P. gingivalis
n’était pas la seule espèce bactérienne expliquant le lien entre les deux
pathologies. Aggregatibacter actinomycetemcomitans
(Aa) serait également à l’origine d’une hypercitrullination
dans les neutrophiles via la sécrétion de la leukotoxine A [39]. Cette toxine induirait
la formation de pores dans la membrane des cellules, permettant un influx de calcium
intracellulaire qui activerait les PAD. Une telle activité de PAD a été identifiée
dans le fluide gingival [40]. Des recherches complémentaires sont néanmoins nécessaires pour
comprendre le potentiel rôle des bactéries dans l’initiation et l’évolution de la
maladie. |
La citrullination fait partie des modifications post-traductionnelles les moins
étudiées à ce jour. La mise en évidence de son implication dans la séquence
d’évènements participant à la mise en place de la maladie parodontale est très
récente. De nombreuses interrogations restent sans réponse. Bien que certaines
études montrent le rôle de PPAD comme facteur de virulence bactérien, sa
participation dans la maladie parodontale reste encore à préciser. Ces dernières
années, de nombreuses analyses ont tenté de montrer que le parodonte enflammé
pouvait être le lieu de production d’ACPA issus du processus d’hypercitrullination
via les PAD et la PPAD. La validation d’un tel modèle
nécessitera d’autres études afin d’identifier les mécanismes mis en jeu et évaluer
avec exactitude l’implication du microbiote buccal dans le déclenchement de la
PR. |
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt concernant les données
publiées dans cet article.
|
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