Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool
I. Consommations d’alcool : les risques, les dommages et leur environnement
2021
1-
Épidémiologie des consommations d’alcool : données récentes
Les chiffres en termes de consommation d’alcool recueillis au cours
d’enquêtes ou d’études revêtent pour certains un caractère clé dans le suivi
et l’étude des caractéristiques de cette consommation dans la population.
Dans ce chapitre focalisé sur l’épidémiologie des consommations d’alcool,
nous détaillerons les données les plus récentes à notre disposition. La
consommation d’alcool et ses caractéristiques étant mesurées depuis de
nombreuses années, il est également possible de tirer des conclusions sur
leurs évolutions au sein des différentes populations de consommateurs.
Mesure de la consommation d’alcool :
éléments
méthodologiques
Dans de nombreux pays dont la France, la consommation d’alcool est
ubiquitaire. En effet, on estime que 42,8 millions de personnes en
France sont consommateurs actuels
1
. Néanmoins, les niveaux de consommation d’alcool sont
très variables, et il est nécessaire de distinguer différentes
définitions utilisées pour mesurer la fréquence et l’impact de ces
consommations. Si la plupart des enquêtes en population générale, telles
que le Baromètre Santé, distinguent la consommation au cours de la vie,
au cours de l’année et au cours du mois, ce sont les consommations
importantes qui font particulièrement l’objet d’un suivi épidémiologique
du fait de leurs effets majorés sur la santé (Griswold, 2018

).
Il est important de noter, avant de décrire les tendances en termes de
consommation d’alcool, que les définitions de l’abus d’alcool ont
récemment évolué (
US Department of Health and Human Services et
Office of the Surgeon General,
2016

).
Dans la version IV de la classification de l’association des psychiatres
américains qui définit les troubles psychiatriques (
Diagnostic and
Statistical Manual, DSM) (APA,
1994

), deux
types de consommations problématiques étaient distingués : l’abus et la
dépendance à l’alcool. L’abus d’alcool était caractérisé par une
consommation engendrant des conséquences négatives sur la vie
professionnelle, familiale ou les liens avec la justice, ou encore un
comportement dangereux pour soi ou pour les autres sous l’emprise du
produit. Quant à la dépendance à l’alcool, elle était définie par au
moins trois symptômes parmi la tolérance au produit, les symptômes de
sevrage en cas de non-consommation, la perte de contrôle sur la
consommation et l’exclusion d’autres activités du fait de la
consommation.
Compte-tenu des données suggérant que les addictions suivent un
continuum, la version V du DSM, mise en circulation à partir de 2013
(APA, 2013

), a
remplacé les notions d’abus et de dépendance par celles de trouble lié à
l’usage d’un produit psychoactif – dont l’alcool. Ce trouble est
identifié par 11 symptômes et peut être léger (2-3 symptômes), modéré
(4-5), ou sévère/addiction (≥ 6) (encadré 1.1).
Encadré 1.1 : Critères diagnostiques du trouble lié à
l’usage de l’alcool d’après le DSM-5
1. L’alcool est souvent pris en quantité plus importante
ou pendant une période plus longue que prévu.
2. Désir persistant de diminuer ou de contrôler l’usage
d’alcool ou efforts infructueux.
3. Beaucoup de temps est consacré à des activités
nécessaires pour obtenir et utiliser l’alcool ou récupérer
de ses effets.
4. Envie, fort désir ou besoin de consommer de
l’alcool.
5. L’usage récurrent de l’alcool conduit à des
manquements à des obligations majeures, au travail, à
l’école ou à la maison.
6. Poursuite de l’utilisation d’alcool malgré des
problèmes sociaux ou interpersonnels, persistants ou
récurrents, causés ou exacerbés par les effets de
l’alcool.
7. Des activités sociales, professionnelles ou de
loisirs importantes sont abandonnées ou réduites à cause de
l’usage de l’alcool.
8. Usage récurrent d’alcool dans des situations où il
est physiquement dangereux (ex. avant de
conduire).
9. Usage d’alcool poursuivi bien que la personne sache
avoir un problème physique ou psychologique persistant ou
récurrent qui est susceptible d’avoir été causé ou exacerbé
par l’alcool.
10. Tolérance, telle que définie par l’un des éléments
suivants :
- Un besoin de quantités notablement plus
grandes d’alcool pour atteindre l’effet
désiré.
- Un effet notablement diminué avec
l’utilisation continue de la même quantité
d’alcool.
11. Sevrage, tel que manifesté par l’un des éléments
suivants :
- Syndrome de sevrage d’alcool
caractéristique.
- L’alcool (ou une substance très proche, comme
un médicament benzodiazépine tel que le Xanax
[liste]) est pris pour soulager ou éviter les
symptômes de sevrage.
|
|
Ce changement de définition doit être pris en compte dans l’étude des
évolutions temporelles de la consommation d’alcool, et plus
particulièrement de la consommation problématique. De plus, les termes
utilisés pour décrire la consommation problématique d’alcool varient,
d’« abus » à « dépendance » ou « alcoolisme », en passant par
« mésusage ». Par ailleurs, particulièrement chez les jeunes, sont
également mesurées la fréquence des ivresses et celle des épisodes
d’alcoolisation ponctuelle importante (API, définie la plupart du temps
par 5 verres ou plus en une même occasion). Cette multiplicité de termes
peut rendre difficile la comparaison des résultats entre études. Dans
cette expertise, nous avons choisi d’utiliser le terme « consommations à
risque » afin d’uniformiser le propos.
En France, le dispositif de suivi des niveaux de consommation de
l’alcool, comme d’autres produits psychoactifs, est complet et riche en
population générale. Chez les adultes, les enquêtes Baromètre
Santé
2
réalisées par Santé publique France renseignent
régulièrement depuis 25 ans la consommation d’alcool habituelle ainsi
que la consommation problématique des 18-65 ans (
via le test
AUDIT –
Alcohol Use Disorders Identification Test). Chez les
adolescents, les enquêtes HBSC
3
(
Health Behavior in School-Aged Children) de
l’Organisation mondiale de la santé ainsi qu’ESPAD
4
(
European School Project on Alcohol and Other
Drugs), et ESCAPAD
5
(Enquête sur la Santé et les Consommations lors de
l’Appel de Préparation À la Défense), réalisées par l’Observatoire
Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT) depuis les années 2000 et
pour les deux premières fusionnées récemment dans le dispositif
EnClass
6
renseignent le niveau de consommation d’alcool des
jeunes de 12 à 17 ans de manière quasi-annuelle.
Consommation d’alcool chez les adolescents en
France
L’adolescence (12-18 ans) est la période au cours de laquelle les jeunes
expérimentent pour la première fois l’alcool. L’étude EnClass (publiée
en juin 2019) montre que parmi les jeunes scolarisés dans un
établissement d’enseignement secondaire, plus de 50 % ont déjà bu de
l’alcool en classe de 5
e et près de 89 % en classe de
terminale (figure 1.1

) (Spilka et
coll., 2019

).
Ces chiffres sont concordants avec ceux de l’enquête ESCAPAD
(figure 1.2

) qui montrent
qu’environ 86 % des jeunes de 17 ans ont déjà bu de l’alcool (Spilka et
coll., 2018a

).
Ces deux enquêtes indiquent qu’à la fin de l’adolescence la consommation
régulière (≥ 10 fois dans le mois) concerne entre un jeune sur dix en
classe de seconde et un jeune sur quatre en terminale, et environ 8 %
des jeunes de 17 ans en France, tandis qu’entre 40 et 50 % déclarent
avoir eu au moins une alcoolisation ponctuelle importante (API) et 16 %
au moins trois API dans le mois précédant l’enquête (Spilka et coll.,
2018a

;
Spilka et coll., 2019

). Ces chiffres, bien qu’élevés en valeurs
absolues et par rapport à ceux observés dans d’autres pays européens
(ESPAD Group et EMCDDA, 2016

), sont en net recul par rapport à la période
2008-2014. Ainsi, entre 2014 et 2017, parmi les jeunes de 17 ans,
l’expérimentation de l’alcool a baissé d’environ 4 points (de 89,3 à
85,7 %), l’usage régulier d’environ 4 points (12,3 à 8,4 %), les
ivresses de 8 points (de 58,9 à 50,4 %) et les API de près de 5 points
(48,8 à 44,0 %). Ces baisses sont similaires à celles observées pour
d’autres produits (notamment le tabac et le cannabis), et nécessitent un
suivi au long cours.
Une question clé est celle des trajectoires de consommation, c’est-à-dire
du risque de développer une addiction à moyen ou long terme parmi les
jeunes qui consomment de manière excessive. Si peu d’études permettent
de produire des estimations précises, il semblerait qu’environ 3 % des
adultes ayant une consommation « à risque » soient dans ce cas depuis
l’âge de 15 ans ; 11 % depuis l’âge de 16 ans, 60 % depuis l’âge de
18 ans (Brunborg et coll., 2018

), tandis que parmi les jeunes qui ont une
consommation à risque environ 25 % poursuivent le même type de
consommation au moment de l’entrée dans la vie adulte (Yaogo et coll.,
2015

;
Mahmood et coll., 2016

; Enstad et coll.,
2019

).
Les alcools les plus fréquemment consommés par les adolescents sont les
alcools forts (whisky, vodka – entre 70 et 80 % de ceux qui déclarent
avoir bu dans le mois précédent en ont consommé), suivis par la bière
(environ 70 %), le champagne (moins de 60 %) puis le vin (plus de 50 %)
(Spilka, 2013

).
Les jeunes qui déclarent boire de l’alcool le font majoritairement le
week-end (90 %), avec des amis (90 %), chez eux ou chez des amis (65 %).
La proportion de ceux qui déclarent consommer des boissons alcoolisées
dans un bar/restaurant ou en discothèque a nettement baissé au cours du
temps (entre 2005 et 2017, respectivement de 36 à 29 %, et de 32 à 19 %)
(Spilka, 2013

).
Si en moyenne les garçons consomment toujours plus d’alcool que les
filles, le ratio entre les sexes a diminué au cours du temps
(tableau 1.I

), en particulier
pour l’expérimentation (sex-ratio en 2017 = 1,02), l’usage dans l’année
(1,07), et l’usage dans le mois (1,11), ou encore l’API dans le dernier
mois (1,30). Les garçons ont, en revanche, toujours tendance à avoir des
niveaux plus élevés de consommation régulière, c’est-à-dire ≥ 10 fois
dans le mois (sex-ratio en 2017 = 2,62), ou de présenter des API
répétées, c’est-à-dire ≥ 3 fois dans le mois (1,99) ou régulières,
c’est-à-dire ≥ 10 fois dans le mois (4,28) (Spilka et coll.,
2018b

).
Tableau 1.I Niveaux d’usage de substances psychoactives à 17 ans en
2017 (Source : enquêtes ESCAPAD 2014, 2017 France métropolitaine,
OFDT) (d’après Spilka et coll.,
2018b
)
Produits Usage
|
Garçons 2017
|
Filles 2017
|
Sex-ratio
|
Ensemble 2017
|
Ensemble 2014
|
Évolution (en points)
|
Évolution (en %)
|
Alcool
|
Expérimentation
|
86,6
|
84,6
|
1,02 ***
|
85,7
|
89,3 ***
|
-3,6
|
-4,1
|
Actuel (au moins un usage dans
l’année)
|
80,1
|
75,2
|
1,07 ***
|
77,7
|
82,4 ***
|
-4,7
|
-5,7
|
Récent (au moins un usage dans le
mois)
|
69,9
|
62,9
|
1,11 ***
|
66,5
|
72,0 ***
|
-5,5
|
-7,7
|
Régulier (au moins 10 usages dans le
mois)
|
12,0
|
4,6
|
2,62 ***
|
8,4
|
12,3 ***
|
-3,8
|
-31,3
|
Quotidien ou 30 usages dans le
mois
|
2,1
|
0,5
|
4,04 ***
|
1,3
|
1,8 ***
|
-0,4
|
-24,9
|
Ivresse
|
Expérimentation
|
55,1
|
45,6
|
1,21 ***
|
50,4
|
58,9 ***
|
-8,5
|
-14,4
|
Alcoolisation ponctuelle importante (API)
|
Récente (au moins un usage dans le
mois)
|
49,6
|
38,1
|
1,30 ***
|
44,0
|
48,8 ***
|
-4,8
|
-9,9
|
Répétée (au moins 3 fois dans le
mois)
|
21,7
|
10,9
|
1,99 ***
|
16,4
|
21,8 ***
|
-5,4
|
-24,7
|
Régulière (au moins 10 fois dans le
mois)
|
4,3
|
1,0
|
4,28 ***
|
2,7
|
3,0 *
|
-0,3
|
-10,4
|
*, *** Test du chi-2 significatif respectivement au
seuil 0,05 et 0,001.
Consommation d’alcool chez les adultes en
France
Bien que la consommation d’alcool des adultes en France ait beaucoup
baissé depuis 50 ans (Beck et coll.,
2015

), elle
est d’environ 27 g d’alcool pur (c’est-à-dire la quantité d’alcool
consommée indépendamment de la boisson) par personne/jour d’après les
dernières estimations (Hill et Laplanche,
2010

). On
estime qu’environ 23,3 % de la population aurait une consommation à
risque ponctuel selon le score AUDIT et environ 7,2 % une consommation à
risque chronique ou présentant la possibilité d’une dépendance
(Com-Ruelle, 2013

). En 2014, les prévalences estimées de trouble de l’usage de l’alcool
dans la cohorte CONSTANCES en utilisant le score total à l’AUDIT en 10
questions étaient : chez les hommes : 19,8 % dans la catégorie à risque
dangereux (score total de 8 à 15) et 4,4 % dans la catégorie à risque
problématique ou de dépendance probable (score total > 15) ; chez les
femmes : 7,9 % dans la catégorie à risque dangereux et 1,1 % dans la
catégorie à risque problématique ou de dépendance probable. Les
prévalences de la consommation à risque de l’alcool étaient les plus
élevées pour les sujets de moins de 35 ans : chez les hommes de moins de
35 ans, 30,7 % d’entre eux avaient un usage dangereux de l’alcool, et
5,8 % d’entre eux avaient un usage problématique ou étaient probablement
dépendants ; chez les femmes de moins de 35 ans, 12,9 % d’entre elles
avaient un usage dangereux de l’alcool, et 1,6 % d’entre elles avaient
un usage problématique ou étaient probablement dépendantes. Chez les
hommes, les catégories professionnelles moins favorisées étaient
associées à des prévalences augmentées d’usage à risque (c.-à-d. un
usage dangereux et au-delà). Plus précisément, les prévalences d’usage à
risque étaient de 28,0 %, 30,6 %, 23 % et 19,2 %, respectivement pour
les ouvriers, employés, professions intermédiaires et les cadres. Chez
les femmes, ce gradient n’était pas retrouvé. Plus précisément, les
prévalences d’usage à risque étaient de 8,6 %, 7,8 %, 8,6 % et 11,7 %
respectivement pour les ouvrières, employées, professions intermédiaires
et les cadres. Chez les hommes comme chez les femmes, l’état dépressif
était associé à des prévalences plus élevées d’usage à risque. Plus
précisément, en l’absence d’état dépressif, les prévalences d’usage à
risque étaient de 22,5 % chez les hommes et de 8,1 % chez les femmes. En
présence d’un état dépressif, ces prévalences étaient respectivement de
37,4 % et de 12,5 %.
Si la prévalence des API est plus faible que dans d’autres pays en Europe
(où la moyenne est de 30 % de prévalence par an ; Peacock et coll.,
2018

), la
consommation globale est dans la moyenne européenne (Palle et coll.,
2017

; WHO,
2019

). Ces
tendances séculaires peuvent en partie être observées en examinant la
prévalence de différentes formes de consommation selon le groupe d’âge
(figure 1.3

). En effet, si les
18-25 ans continuent majoritairement à consommer de l’alcool de manière
comparable aux adolescents (30 % déclarent une API dans le dernier mois
et près de 25 % rapportent au moins 3 ivresses dans l’année, 2,6 %
seulement déclarent boire de l’alcool de manière quotidienne), les
personnes âgées de plus de 55 ans sont celles qui ont la probabilité la
plus élevée de rapporter une consommation quotidienne (21 % chez les
55-64 ans, 29 % chez les 65-75 ans), ce qui correspond à un mode
« traditionnel » de consommation d’alcool en France et dans les pays du
Sud de l’Europe où le vin est la principale boisson alcoolisée
consommée. Entre ces deux groupes d’âge extrêmes, les adultes de 35 à
54 ans ont des niveaux intermédiaires d’API mensuelle (environ 17 %) et
de consommation quotidienne (6 à 10 %) (Richard et coll.,
2015

; Grant
et coll., 2017

).
En 2014, les prévalences estimées d’API (≥ 6 verres en une occasion) au
moins une fois par mois dans la population générale française étaient de
27,5 % chez les hommes et de 11,5 % chez les femmes. On note des
prévalences très élevées pour les moins de 35 ans (39,8 % des hommes et
16 % des femmes). Plus précisément, chez les hommes de moins de 35 ans,
25,5 % présentaient des API entre une fois par mois et une fois par
semaine et 14,3 % en présentaient au moins une fois par semaine. Chez
les femmes de moins de 35 ans, 11,6 % présentaient des API entre une
fois par mois et une fois par semaine et 4,4 % en présentaient au moins
une fois par semaine. Il existait une diminution importante de ces
prévalences chez les plus âgés.
Chez les moins de 35 ans, les API touchaient davantage les sujets ayant
un niveau supérieur au baccalauréat, alors que c’était le contraire chez
les plus de 35 ans. De plus, être issu d’une catégorie
socioprofessionnelle moins favorisée était associé à des prévalences
plus élevées d’API uniquement chez les plus de 35 ans. Par ailleurs, le
chômage était associé à une fréquence plus élevée d’API dans toutes les
classes d’âge, à l’exception des femmes de moins de 35 ans pour
lesquelles la prévalence d’API ne différait pas en fonction du statut
vis-à-vis de l’emploi. Dans toutes les classes d’âge, des revenus plus
faibles étaient associés à des prévalences plus élevées d’API, de même
que le fait d’être seul plutôt qu’en couple. Enfin, les API étaient
moins associées à l’état dépressif chez les moins de 35 ans que chez les
personnes plus âgées.
Il est probable qu’au fil des générations la consommation quotidienne
continue à diminuer, néanmoins il est nécessaire d’observer l’évolution
des tendances en termes d’API pour vérifier que celle-ci n’augmente pas
à mesure que les jeunes d’aujourd’hui avancent en âge. En effet, dans
d’autres pays européens, la pratique des API est largement diffusée
parmi les jeunes adultes (Grant et coll.,
2017

) et se
maintient pour une fraction non négligeable d’entre eux, avec des
conséquences en termes de risque d’addiction et d’impact sur la santé
(WHO, 2019

). En
France, alors qu’on observe une baisse de 12 points de la consommation
quotidienne d’alcool entre 2000 et 2014 (passée de 22 à 10 %) (Beck et
coll., 2015

), la
fréquence des API a en parallèle augmenté, portée notamment par
l’augmentation des consommations importantes d’alcool chez les jeunes
adultes. En effet, entre 2005 et 2014, les ivresses et les API chez les
18-25 ans ont significativement augmenté (Beck et coll.,
2015

; Richard
et coll., 2015

),
et depuis semblent relativement stables. Néanmoins les consommations
importantes (au moins 10 ivresses et au moins 1 API hebdomadaire dans
les 12 mois précédents) ont très légèrement baissé (Richard et coll.,
2015

). En
2014, parmi les 18-25 ans, 57 % déclaraient au moins 1 API dans les 12
mois précédents, 29 % au moins 3 ivresses
7
Données issues de REUNIRA (2018).
1re journée nationale d’échanges du réseau de
recherche REUNIRA.
.
Dans ce groupe d’âge, les étudiants semblent particulièrement à risque de
fortes consommations d’alcool, notamment ceux qui fréquentent une école
de commerce (Tavolacci et coll., 2016

). Comme chez les adolescents, chez les jeunes
adultes, la consommation d’alcool des femmes a augmenté et le sex-ratio
a diminué en conséquence, ce qui est concordant avec les résultats
d’études menées dans d’autres pays industrialisés (Alati et coll.,
2014

; Windle,
2016

).
Chez les jeunes adultes, l’alcool le plus fréquemment consommé est la
bière (27 % de consommation hebdomadaire), suivi par le vin (24 %), et
les alcools forts (20 %), la consommation des deux premiers types
d’alcool ayant augmenté depuis 2005, en particulier chez les femmes
(Beck et coll., 2015

; Richard et coll., 2015

).
Outre les types d’alcool consommés, les recherches récentes menées dans
différents pays industriels ont décrit la diffusion de la consommation
de mélanges entre alcool et boissons énergisantes (Kristjansson et
coll., 2015

). Par
exemple, en Israël ou au Canada, environ 17 % des adolescents/jeunes
adultes rapportent avoir consommé de l’alcool mélangé avec des boissons
énergisantes cafféinées (Magnezi et coll.,
2015

; Reid
et coll., 2015

).
En parallèle, la consommation d’alcool mélangé à des sodas
light
semble s’être répandue, notamment aux États-Unis (Stamates et coll.,
2016

). Ce
type de mélange pose des risques particuliers, les boissons énergisantes
masquant le goût de l’alcool et diminuant ses effets somnifères, ce qui
peut entraîner une augmentation de la consommation. Il est à noter qu’en
France ce type de pratique n’est pas renseigné dans les enquêtes en
population générale et on ne dispose pas de chiffres concernant sa
fréquence.
Par ailleurs, les enquêtes récentes soulignent la forte proportion de
consommation problématique d’alcool chez les personnes de plus de
50 ans : 69 % des 55-64 ans et 62 % des 65-75 ans consomment plus de 2
verres d’alcool par jour, et respectivement 80 et 81 % consomment de
l’alcool plus que 5 jours par semaine, et au total respectivement 13 et
14 % des femmes et 35 et 37 % des hommes dans ces groupes d’âge
dépassent les repères de consommation problématique (> 2 verres d’alcool
ou > 5 jours de consommation par semaine) (Andler,
2019

). Chez
les hommes, c’est parmi les 65-75 ans que la probabilité de consommer
plus de 10 verres d’alcool par semaine est la plus importante (23 %).
Ces chiffres rejoignent des tendances observées dans d’autres pays,
montrant qu’au cours du temps les niveaux de consommation d’alcool des
personnes de plus de 50 ans ont augmenté (Ilomaki et coll.,
2013

; Wilson
et coll., 2014

;
Gell et coll., 2015

; Nuevo et coll., 2015

; Bosque-Prous et coll.,
2017

), et
notamment les niveaux d’API (23 % de prévalence aux États-Unis en
2012-2013) (Wilson et coll., 2014

; Han et coll., 2017

) et de troubles liés à
l’alcool (5 % de prévalence aux États-Unis) (Grant et coll.,
2017

). La
consommation des personnes de plus de 50 ans pose des problèmes
spécifiques, notamment en raison de la présence de comorbidités et de
traitements médicamenteux (ex. : des traitements cardiovasculaires,
métaboliques ou psychotropes) (Ilomaki et coll.,
2013

;
Breslow et coll., 2015

; LaRose et Renner,
2016

; Tevik
et coll., 2017

;
Wolf et coll., 2017

). Si la tendance concernant la transformation des modalités de
consommation d’alcool en France – avec une évolution de la consommation
quotidienne vers une pratique plus ponctuelle, mais marquée par un
niveau de consommation qui peut être important – se confirme, la
surveillance des consommations d’alcool des personnes de plus de 50 ans
et leurs effets éventuels sur la santé, sera à renforcer.
En dehors de traitements psychotropes, il est à noter que chez les
adolescents aussi bien que chez les adultes, la consommation d’alcool
est souvent associée à celle d’autres produits psychoactifs tels que le
tabac (Beck et Richard, 2014

; Parikh et coll.,
2015

; Beard
et coll., 2017

;
Daw et coll., 2017

) ou le cannabis (Redonnet et coll.,
2012

;
Haardörfer et coll., 2016

; O’Hara et coll.,
2016

;
Weinberger et coll., 2016

).
Conclusion
Au total, les consommations d’alcool sont très fréquentes en France comme
dans la plupart des autres pays occidentaux, et les niveaux élevés de
consommations problématiques voire de troubles liés à l’usage d’alcool
sont à mettre en parallèle avec des niveaux de consommation moyenne
élevés. La consommation d’alcool diminue au cours du temps, et au cours
des dernières années il semble que la baisse des consommations
excessives ait été amorcée, chez les adolescents et chez les adultes. Si
on manque de données fiables sur la proportion de personnes ayant en
France une consommation à risque d’alcool, on peut penser que cette
proportion est proche de celle des buveurs problématiques (environ
10 %).
Références
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drinking: a prospective analysis of mother-daughter
dyads.
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-7
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usage : résultats du baromètre de Santé Publique France
2017.
Bull Epidémiol Hebd. 2019;
10-11:180
-7
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disorders.
(5
th ed).
Washington, DC:American Psychiatric
Association;
2013;
[4]APA. Diagnostic and statistical manual of mental
disorders.
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th ed).
Washington, DC:American Psychiatric
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[5] Beard E, West R, Michie S, et al. Association between smoking and
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population trends in England.
Addiction. 2017;
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France en 2014.
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99:1
-7
[7] Beck F, Richard JB. Alcohol use in France.
Presse Med. 2014;
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