Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool
II. Actions de prévention des consommations
2021
ANALYSE |
12-
Quels bénéfices des défis
« sans alcool » ?
Au cours des dernières années, dans de nombreux pays (Royaume-Uni,
Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Belgique) ont été lancées des
campagnes invitant la population à s’abstenir de consommer de l’alcool,
sous la forme de défis « sans alcool », pendant une durée déterminée, en
général pendant un mois. Il est alors désormais possible de déterminer
quels sont les bénéfices pour les participants à ces défis lorqu’ils
diminuent leur consommation d’alcool pendant une période s’étendant sur
un mois.
Organisation et objectifs de ces défis
Les participants qui s’engagent dans ce type de défi souhaitent
réduire leur consommation ou s’abstenir ou les deux. L’abstinence
est l’objectif clé dans les campagnes du type « mois sans tabac »
dans lesquelles la durée d’un mois est visée car les fumeurs
capables de s’abstenir pendant un mois ont plus de chance de
s’arrêter de fumer ensuite (West et Stapleton,
2008
).

Contrairement aux campagnes sur le tabac qui visent l’arrêt, celles
sur l’alcool ont plutôt comme objectif d’améliorer la qualité de
vie, de réduire les dommages liés à la consommation d’alcool et
d’inciter à réduire la consommation à long terme.
Ainsi, ce type d’opération est lancé depuis 2008 en Australie et
Nouvelle-Zélande (le Dry July1
, Hello
Sunday Morning, Ocsober et FebFast en
Australie), au Royaume-Uni depuis 2013 (le Dry
January2
), depuis
2014 au Canada (28 Jours sans alcool, en février), en Belgique
depuis 2017 (la Tournée Minérale, en février). Au Royaume-Uni,
d’autres campagnes ont aussi été lancées et on peut citer « Go
sober for October », « Dryathlon » et « OYNB – One
Year No Beer ». L’opération « Tournée Minérale » en
Belgique3
a été
lancée à l’initiative de la Fondation contre le cancer et
l’opération « Dryathlon » au Royaume-Uni a aussi été lancée
par une fondation de recherche sur le cancer4
. La majorité des
opérations est conçue comme des événements sponsorisés par des
collectes de fonds. Le Dry January aussi, mais il présente
l’originalité d’afficher comme objectif principal la réduction de la
consommation d’alcool et le changement de comportement à long terme
(au moins plusieurs mois) (Yeomans,
2019
).

On peut noter au passage qu’une partie des fonds collectés par le
Dry January est allouée à des programmes de recherche et
le financement de bourses de thèse pour des étudiants. Les
participants ont ainsi la possibilité de faire un don avec l’idée
que cet engagement financier contribue à augmenter leur motivation à
réussir le défi qu’ils se sont lancés. L’objectif de ces campagnes
est de sensibiliser la population, et d’inviter chacun à se
questionner sur son rapport à l’alcool et sur sa consommation.
Au-delà de l’abstinence, il s’agit surtout de faire en sorte que
chacun expérimente l’abstinence et réduise sa consommation d’alcool
à long terme, voire reste abstinent. L’idée n’est pas nouvelle en
France puisque pendant plusieurs années le Défi brestois invitait
les consommateurs à s’abstenir pendant au moins 3 jours et Vie Libre
avait lancé au début des années 2000 « Osons 10 jours sans... ».
Depuis 2018, le 26 octobre est aussi la Journée sans alcool à La
Réunion.
Il ne s’agit pas de mettre en garde contre les méfaits liés à la
consommation d’alcool mais plutôt de mettre en avant tous les
bénéfices liés à l’arrêt de la consommation (Ballard,
2016
). Il
s’agit donc ici d’un challenge motivant, positif, ludique, non
moralisateur et en aucun cas d’une contrainte médicale.

L’intérêt de la France pour un « Dry January à la française »
est apparu en 2019. Santé publique France a organisé une session
« Innovations des politiques publiques dans le domaine de l’alcool »
lors des rencontres de Santé publique France organisées en juin
2019. Lors de cette session, des bilans du Dry January et de
la Tournée Minérale belge ont été présentés. Nous ne disposons à
l’heure actuelle que de peu d’études solides ayant évalué ce type de
campagne. Quelques enquêtes ont été réalisées et des études sur de
petits échantillons ont recherché les bénéfices sur la santé et des
paramètres biochimiques et biologiques. Il faut aussi noter que le
Dry January et la Tournée Minérale rencontrent un vif
succès en termes de participation (Visser et coll.,
2017
).
Ainsi, si les participants inscrits au Dry January au
Royaume-Uni étaient 4 000 en 2013, ils sont 60 000 en 2016, soit
15 fois plus nombreux en 3 ans (Visser et coll.,
2017
).
Une idée intéressante a consisté à envahir l’espace médiatique et
des réseaux sociaux afin d’atteindre une « contagion sociale »,
permettant d’augmenter le nombre de participants et aussi la
dissémination des connaissances sur les effets de l’alcool et les
bienfaits de l’abstinence. Le Dry January procure de nombreux
outils de soutien et de conseil dont un site web, des blogs, une
communication via les réseaux sociaux et par e-mail,
et une application mobile (« Try Dry »). Cette application
comporte un agenda de consommation à l’année ainsi que des conseils
sur les effets de l’alcool et les bénéfices à l’arrêt. Elle comporte
en particulier des informations sur les calories évitées, les
économies réalisées et elle offre la possibilité de se fixer des
objectifs de consommation. Cependant, ce type d’application manque
de conseils personnalisés qui pourraient être adaptés en fonction de
la consommation de chaque participant. Les participants qui
utilisent le plus les outils mis à disposition ont une plus forte
probabilité de réussir à rester abstinents durant un mois. Ainsi,
68 % des répondants qui ont lu tous les e-mails sont restés
abstinents, 62 % chez ceux qui ont lu quelques mails et 60 % chez
ceux qui n’ont lu aucun mail (Visser et coll.,
2016
).
Cette « contagion sociale » est une des clés de la réussite de ce
type d’opération qui est basée sur l’information et les échanges sur
tous les effets positifs de l’arrêt de la consommation (Yeomans,
2019
).
Il a été estimé en extrapolant les résultats d’un échantillon
représentatif de la population générale que de nombreuses personnes
(jusqu’à 2 millions en 2015) ont pratiqué le Dry January sans
s’inscrire (Ballard, 2016
). En 2017, 5 millions de personnes
auraient tenté de rester abstinentes en janvier 2017 au Royaume-Uni,
montrant ainsi qu’en 5 ans, rester abstinent en janvier est devenu
une pratique fréquente (Yeomans,
2019
).
Sur son site internet, Alcohol Change UK annonçait en
décembre 2019 que 10 % des consommateurs d’alcool au Royaume-Uni
comptaient participer au Dry January en 2020. Théoriquement,
les objectifs affichés de la campagne Dry January sont
d’apporter aux participants : de la motivation, du soutien et des
outils, une opportunité de développer des compétences (du savoir et
des capacités de contrôle, prendre confiance et savoir dire non
lorsqu’on se voit proposer de consommer de l’alcool) et une
expérience personnelle des bienfaits de l’arrêt de la consommation
pour son bien-être et sa santé (qualité de vie).






Pourquoi choisir le mois de janvier ?
Alcohol Toolkit Study (ATS) est une enquête mensuelle sur
environ 1 700 personnes âgées de plus de 16 ans en Angleterre (Vocht
et coll., 2016
). Cette étude analyse la consommation d’alcool mensuelle tout au
long de l’année et la motivation des personnes à réduire leur
consommation. Les données ont été analysées sur 38 372 participants
entre mars 2014 et janvier 2016 à partir des questionnaires AUDIT-C
et de la motivation à consommer. Soixante-douze pourcents des
participants ont rapporté consommer de l’alcool et avoir légèrement
diminué leur consommation (2 %) sur les 12 mois de l’étude. Parmi
les participants, environ 25 % présentaient une consommation à
risque (score ≥ 5 à l’AUDIT-C) et 10 % rapportaient des épisodes
d’alcoolisation ponctuelle importante réguliers (Question 3 de
l’AUDIT-C : combien de fois avez-vous consommé 6 verres standards ou
plus en une occasion ?). Environ 20 % des consommateurs avec un
niveau de risque élevé ont rapporté avoir essayé de réduire leur
niveau de consommation. Cette tentative de réduction était faible en
décembre (-20 % ; IC 95 % [0-35]) mais significativement plus élevée
en janvier (+41 % ; IC 95 % [16-73]) comparativement aux autres mois
(P < 0,001). Cependant, les résultats ne montrent pas que
l’augmentation de la motivation à arrêter en janvier s’accompagne
d’une réduction de la consommation ou des épisodes d’alcoolisation
ponctuelle importante. Cette absence de réduction pourrait être due
au manque de sensibilité de l’AUDIT-C ou bien à l’absence de lien
entre la motivation à l’arrêt et le changement de comportement sans
soutien constant à renforcer la motivation à l’arrêt. La motivation
à l’arrêt semble augmenter en janvier, suggérant que ce mois semble
idéal pour initier une intervention au niveau de la population,
telle que celle du Dry January. Il est possible d’envisager
que les potentiels excès pendant les fêtes du mois de décembre et
l’envie de « détox » suite à ces excès, associés aux bonnes
résolutions de début d’année soient la meilleure option pour
mobiliser un maximum de participants autour d’une campagne « sans
alcool » en janvier avec le lancement d’un défi pour ne pas
consommer d’alcool. Cette raison a été retrouvée dans l’enquête
réalisée par YouGov en janvier 2020 sur un échantillon de 1 007
personnes5
.

À côté de la « contagion sociale » qui contribue à la réussite de ce
type d’opération, il y a aussi la conceptualisation de l’abstinence
temporaire comme une expérience fondamentalement incarnée (Robert,
2016
;
Yeomans, 2019
).


Quels sont les bénéfices de l’arrêt temporaire
de la consommation ?
Les bénéfices de l’abstinence sont nombreux, surtout dans un contexte
où plusieurs études, dont celles utilisant la randomisation
mendélienne, ont démontré l’absence d’effets « protecteurs » des
niveaux faibles de consommation, voire l’augmentation du risque de
développer certaines pathologies (Millwood et coll.,
2019
).
Les risques de mortalité et morbidité liés à l’alcool existent ainsi
dès le premier verre consommé (Burton et Sheron,
2018
).
Les risques de morbi-mortalité ont été développés dans un précédent
chapitre de cette expertise collective.


À partir de 3 enquêtes réalisées en ligne auprès des participants au
Dry January en 2018, 2 821 participants ont répondu au
questionnaire en ligne au début de la campagne, 1 715 ont répondu à
un autre questionnaire la première semaine de février et 816 ont
répondu au questionnaire de suivi à 6 mois (en août 2018). Les
participants consommaient 8,6 unités (verres standards de 8 g
d’éthanol pur au Royaume-Uni) par jour de consommation à 7,1 unités
par jour 6 mois après soit une diminution de 1,5 verre par occasion.
Les bénéfices rapportés sont nombreux (figure 12.1
).

![]() | 12.1 : Bénéfices rapportés par les participants au Dry January d’après des enquêtes en ligne en 2018 |
Parmi les effets bénéfiques à s’abstenir pendant 1 mois, on peut
noter des améliorations sur des paramètres physiologiques,
cognitifs, de bien-être et de qualité de vie. Les enquêtes
rapportent ainsi des améliorations en termes d’économies, de
bien-être, de certains paramètres physiologiques (résistance à
l’insuline, teint et chevelure, élasticité du foie, glycémie –
meilleure homéostasie du glucose), cholestérol sanguin, poids et
IMC, meilleure qualité du sommeil, plus d’énergie et amélioration de
la pression sanguine (Mehta et coll.,
2015
;
Mehta et coll., 2018
; Cabezas et Bataller,
2016a
;
Visser, 2016
). Du point de vue cognitif, sont rapportées des améliorations en
termes de concentration et de performance au travail.




Études cliniques sur l’abstinence
Si la littérature scientifique est riche concernant les études
cliniques qui ont démontré le rôle de la consommation d’alcool dans
de nombreuses pathologies, moins d’études existent concernant les
effets de l’abstinence. En effet, la démonstration d’une relation
causale entre la consommation d’alcool et une pathologie ne signifie
pas nécessairement que l’arrêt de la consommation s’accompagne d’une
diminution du risque de cette pathologie. La plupart des études
porte donc sur des populations de personnes présentant des
pathologies.
La maladie du foie liée à l’alcool est particulièrement courante dans
les pathologies hépatiques et on estime que 50 % de la mortalité
liée à cette pathologie est due à l’alcool. L’hépatite alcoolique
est un syndrome unique chez les patients consommateurs chroniques
d’alcool et actifs associé à une morbi-mortalité élevée avec une
mortalité de 30-40 % à 1 mois. L’abstinence est la pierre angulaire
de la prise en charge de cette pathologie (Shipley et coll.,
2019
).
Le facteur déterminant de la survie chez les patients présentant une
hépatite alcoolique est l’abstinence (et les rechutes) (Altamirano
et coll., 2017
). Une autre pathologie est la stéatose hépatique (« foie gras »)
non alcoolique (NAFLD) qui est comme une stéatose en présence d’une
consommation d’alcool à un niveau de risque faible (généralement
3 verres/j pour les hommes et 2 verres/j pour les femmes) (Petroni
et coll., 2019
). Le diagnostic est généralement suivi d’un conseil médical
d’abstinence totale, afin de prévenir la progression de la maladie.
Des données d’études prospectives suggèrent que les patients
atteints de NAFLD qui consomment de l’alcool, même en-dessous des
seuils de recommandation pour une consommation à moindre risque,
sont à plus haut risque de voir leur maladie du foie progresser,
voire de développer un carcinome hépatocellulaire (CHC). Des effets
délétères de la consommation d’alcool à faible niveau de risque sont
aussi observés dans le cas des maladies du foie d’origine virale
(Petroni et coll., 2019
). L’apport calorique de l’éthanol
(7 kcal/g vs. 4 kcal/g pour le sucre) a aussi des effets
négatifs lors de la nécessité d’un régime et/ou d’une perte de
poids. Au total, il est toujours d’actualité de recommander
l’abstinence dans le cadre la NAFLD (Petroni et coll.,
2019
).





Le cancer du foie est la deuxième cause de décès par cancer dans le
monde, et le CHC compte pour plus de 90 % de tous les cancers
primitifs du foie. Son incidence a considérablement augmenté dans
les pays occidentaux ces dernières décennies (Ghouri et coll.,
2017
). La
plupart des cas de CHC se développent dans le contexte de la
cirrhose du foie. La consommation d’alcool et la stéatose hépatique
non alcoolique sont les 2 principaux facteurs de risque de
développer le CHC après les infections virales (VHB et VHC). La
consommation d’alcool à risque (> 80 g/j) sur une période supérieure
à 10 ans augmente le risque de CHC d’environ 5 fois. L’incidence
annuelle du CHC chez les patients atteints de cirrhose alcoolique du
foie est de 1 à 2 %. En France, l’alcool est une cause majeure de
maladie du foie et le CHC est responsable de plus de 7 000 décès par
an. La cohorte CHANGH (cohorte de Carcinomes Hépatocellulaires de
l’Association des Hépato-Gastroentérologues des Hôpitaux Généraux)
est une étude de cohorte observationnelle et prospective française,
qui a recueilli des données sur les caractéristiques cliniques et
les traitements des patients avec CHC nouvellement diagnostiqués
(Costentin et coll., 2018
). Une étude sur cette cohorte avait pour
objectif un suivi prospectif de la cirrhose et a analysé la
mortalité chez 897 patients dans 3 groupes : CHC sans lien avec
l’alcool (NAFLD, hépatite C, hépatite B, hémochromatose et autres
causes), CHC d’origine alcoolique chez des patients buveurs actifs,
CHC d’origine alcoolique chez des patients abstinents. Les patients
des 2 groupes alcool devaient consommer plus de 4 verres par jour.
Sur un total de 601 sujets qui sont décédés au 31 octobre 2014, jour
de l’analyse finale, la médiane ajustée de survie globale est de
5,7 mois (écart interquartile EIQ, 1,5-16,0 mois) chez les patients
du groupe alcool et de 9,7 mois (EIQ, 3,2-26,7 mois) dans le groupe
de CHC d’origine non-alcoolique (P = 0,0002). Le groupe alcool a été
séparé en deux groupes : abstinents (n = 305) et non-abstinents
(n = 244) avec un seuil de médiane à 12 mois (EIQ, 3-60 mois). La
médiane ajustée de survie globale est de 5,8 mois (EIQ,
1,7-19,5 mois) chez les patients abstinents et de 5,0 mois (EIQ,
1,3-13,2 mois) dans le groupe non-abstinent (P = 0,09). Un
sous-groupe de patients a été intégré dans un programme de suivi de
la cirrhose. Parmi les 199 patients intégrés à ce programme, les
patients avec un CHC d’origine alcoolique ont présenté une survie
plus courte (9,7 mois ; EIQ, 2,7-20,7 mois) que les patients avec un
CHC d’origine non-alcoolique (15,0 mois ; EIQ, 6,7-34,1 mois ;
P = 0,042). Les résultats les plus intéressants de cette étude
montrent que les temps de survie du groupe de patients abstinents et
du groupe CHC d’origine non-alcoolique sont similaires (médiane
ajustée de survie globale de 11,7 et 15,7 mois, respectivement ;
P = 0,19), mais significativement plus longs que le temps de survie
du groupe non-abstinent (médiane ajustée de survie globale de
7,6 mois ; P = 0,006 ; figure 12.2
). Les auteurs précisent que le mauvais pronostic du CHC d’origine
alcoolique serait plutôt dû au retard de diagnostic (et donc un
stade plus avancé du cancer) qu’une plus forte agressivité du
cancer. Cette étude suggère que l’abstinence et la prise en charge
du trouble de l’usage d’alcool pourraient être déterminantes pour la
survie des patients.



![]() | 12.2 : Survie globale ajustée des patients
inclus dans un programme de suivi de la cirrhose (d’après
Costentin et coll., 2018![]() |
Une récente étude australienne, multicentrique et randomisée, s’est
intéressée aux effets de l’abstinence chez les patients atteints de
troubles de rythme cardiaque de type fibrillation auriculaire
(Voskoboinik et coll., 2020
). Des études précédentes ont déjà
démontré que le binge drinking ou la consommation chronique
d’alcool augmente le risque de fibrillation auriculaire. Dans une
méta-analyse de 7 études prospectives, incluant 12 554 cas de
fibrillation auriculaire, les risques relatifs sont respectivement
de 1,08 (IC 95 % [1,06-1,10]) pour 1 verre/jour, 1,17 (IC 95 %
[1,13-1,21) pour 2 verres/jour, 1,26 (IC 95 % [1,19-1,33]) pour
3 verres/jour, 1,36 (IC 95 % [1,27-1,46]) pour 4 verres/jour, et
1,47 (IC 95 % [1,34-1,61]) pour 5 verres/jour, comparativement à un
groupe témoin de non-buveurs (Larsson et coll., 2014
). L’étude
australienne a analysé la récidive de fibrillation auriculaire
pendant un suivi de 6 mois chez des patients présentant une
fibrillation auriculaire paroxystique ou persistante mais qui ont
recouvré un rythme cardiaque normal (Voskoboinik et coll.,
2020
).
La population a été divisée en 2 groupes, chacun de 70 sujets : un
groupe abstinent et un groupe qui continuait à boire. Les patients
du groupe de sujets abstinents ont réduit leur consommation d’alcool
de 16,8 ± 7,7 à 2,1 ± 3,7 verres par semaine (1 verre standard
australien contenant 12 g d’éthanol, réduction de 87,5 % ;
différence moyenne de 14,7 IC 95 % [12,7-16,7]). L’abstinence
complète a été atteinte par 43 des 70 patients (61 %) dans le groupe
abstinence, avec consommation de 2 verres ou moins par semaine chez
53 des 70 patients (76 %) ; 60 patients (86 %) dans le groupe
abstinence ont réduit leur consommation d’alcool de plus de 70 % de
leur consommation initiale. Une légère réduction de la consommation
d’alcool a été observée dans le groupe témoin ; la consommation
d’alcool a été réduite de 16,4 ± 6,9 à 13,2 ± 6,5 verres par semaine
(réduction de 19,5 % ; différence moyenne de 3,2 IC 95 % [1,9 à
4,4]). À 6 mois, des récidives de fibrillation auriculaire de plus
de 30 secondes ont été observées chez 37 patients (53 %) dans le
groupe abstinence et chez 51 patients (73 %) dans le groupe témoin.
Le délai de récidive était plus long dans le groupe abstinence
comparativement au groupe témoin (risque relatif RR = 0,55 ; IC 95 %
[0,36-0,84] ; P = 0,005, test du log-rank). La charge globale de
fibrillation auriculaire était significativement plus faible dans le
groupe abstinence, avec un pourcentage médian de temps de la
fibrillation auriculaire de 0,5 % (intervalle interquartile, 0,0 à
3,0) dans le groupe abstinence et 1,2 % (intervalle interquartile,
0,0 à 10,3) dans le groupe témoin (P = 0,01). De manière
intéressante, l’abstinence s’est accompagnée d’une diminution de la
pression artérielle et d’une perte de poids significative
comparativement au groupe de buveurs avec une différence moyenne de
3,7 kg (IC 95 % [2,5-4,8). Au total, l’abstinence pendant 6 mois
réduit significativement la récidive des fibrillations auriculaires,
augmente le délai à la récidive et réduit la durée des épisodes de
fibrillation (Voskoboinik et coll.,
2020
).




Que disent les études sur les bénéfices des campagnes « sans alcool » ?
Le Professeur Kevin Moore du Royal Free Hospital de Londres a
réalisé une étude sur 14 journalistes (du New Scientist
magazine) volontaires qui ont accepté de participer aux
Dry January et de réaliser des mesures biologiques. Cette
étude qui concernait seulement 14 personnes a montré que 10 (qui se
considéraient comme étant des buveurs « normaux » mais se sont
abstenus pendant un mois) ont vu leur glycémie chuter de 23 % en
moyenne (5,1 mmol/L à 4,3 mmol/L), la graisse hépatique chuter de
15-20 % et un taux de cholestérol sanguin significativement réduit
(-5 % : de 4,6 mmol/L à 4,4 mmol/L) et une perte de poids (-2 % :
1,5 kg) comparativement aux 4 autres employés qui ont continué à
boire comme à leur habitude (Coghlan, 2014
). Les scores ont été
aussi améliorés en termes de sommeil (+10 %), vigilance (+9,5 %),
concentration (+18 %) et performance au travail (+18 %) (Coghlan,
2014
). Les résultats montrent aussi que le mois d’abstinence a
induit une diminution de la pression artérielle (NHS,
2015
).



Dans l’étude de Mehta et collaborateurs (Mehta et coll.,
2015
),
l’objectif était de mesurer des marqueurs de la stéatose hépatique
non alcoolique (NAFLD) chez des consommateurs d’alcool avec un
niveau de risque faible (selon l’Organisation mondiale de la santé,
OMS), car environ 35 à 60 % des patients avec une maladie du foie
liée à l’alcool ont un syndrome métabolique et un risque accru de
stéatose hépatique non alcoolique indépendamment de leur
consommation d’alcool (Mehta et coll.,
2015
).
Les sujets recrutés étaient inscrits au Dry January, avaient
une consommation moyenne d’au moins 48 g (4,8 verres) par semaine
pour les hommes et 36 g (3,6 verres) par semaine pour les femmes.
Ils ne devaient pas présenter de trouble de l’usage d’alcool ou de
maladie du foie liée à l’alcool. Les mesures ont été réalisées avant
le début du Dry January et au bout des 4 semaines
d’abstinence et concernaient l’indice de masse corporel, la rigidité
hépatique (grâce au Fibroscan), la biologie sanguine classique et
l’index de HOMA (HOmeostasis Model Assessment of insuline
resistance) pour la résistance à l’insuline, ainsi que des
éléments sur le mode de vie (échelle SLIQ : Simple Lifestyle
Indicator). Cent deux participants ont été recrutés dont 48
hommes et 56 femmes avec un âge moyen de 45,9 ± 1,1 ans et une
consommation moyenne d’alcool de 251,6 ± 12,7 g/semaine (270,8 ±
23,1 pour les hommes et 234,8 ± 12,3 pour les femmes). Les résultats
montrent des diminutions significatives (pré versus post
Dry January) de l’index HOMA de la résistance à
l’insuline : 1,57 ± 0,13 IU vs. 1,13 ± 0,11 IU,
p < 0,001 ; de la rigidité du foie 4,79 ± 0,27 kPa vs.
4,19 ± 0,11 kPa, p < 0,05 ; de la pression artérielle
systolique : 134,8 ± 1,8 mmHg vs. 127,2 ± 1,8 mmHg,
p < 0,0001 ; et de l’IMC : 26,8 ± 0,5 kg/m2vs. 26,1 ± 0,4 kg/m2, p < 0,05. Ces résultats
demeurent significatifs après la prise en compte des facteurs
démographiques, de l’âge, du sexe, du régime alimentaire, de
l’exercice, du tabac et du stress. Le paramètre d’atténuation
contrôlé (CAP) mesuré grâce au Fibroscan et permettant d’apprécier
la surcharge en graisse du foie (augmentant sa rigidité) n’a pas
démontré d’effet du Dry January : 244,3 ± 5,6 dB/m vs.
242,5 ± 4,5 dB/m. Au total, cette étude démontre que l’abstinence à
court terme améliore la résistance à l’insuline et les facteurs de
risque impliqués dans la stéatose hépatique non alcoolique chez des
buveurs présentant une consommation à faible niveau de risque selon
l’OMS (< 28 verres par semaine). Cette étude montre une
association entre la consommation d’alcool et la résistance à
l’insuline chez des individus en bonne santé, bien que des études
antérieures aient documenté une association entre la résistance à
l’insuline et l’hypertension portale. Ces données suggèrent un
risque accru de stéatose hépatique non alcoolique avec une
consommation accrue d’alcool, indépendamment des facteurs liés au
mode de vie.


Une autre étude s’est intéressée à l’effet d’une abstinence de
28 jours sur la biochimie hépatique chez seulement 16 consommateurs
d’alcool (10 hommes et 6 femmes) ne consommant pas plus de 21 verres
(210 g d’éthanol pur ; médiane de consommation de 120 g/semaine
[EIQ : 63-120 g]) par semaine, comparativement à un groupe témoin de
9 adultes (4 hommes et 5 femmes) ne consommant pas d’alcool
(Munsterman et coll., 2018
). Les sujets présentant une maladie
hépatique ont été exclus. À la fin du Dry January, les CDT
(Transferrine déficiente en carbohydrates, un marqueur de la
consommation chronique et excessive d’alcool) ont diminué (début :
1,50 % [EIQ : 1,29-1,67 %] et fin : 1,38 % [EIQ : 1,22-1,46 %],
P = 0,008). Pendant le suivi, les sujets qui ont suivi le Dry
January ont consommé de l’alcool à un niveau plus élevé que
celui avant l’intervention, en moyenne 138 g (EIQ : 75-159 g)
alcool/semaine (Munsterman et coll.,
2018
).
Les résultats de cette étude montrent une plus grande rigidité et un
pourcentage de graisse hépatique plus élevé chez le groupe de
consommateurs d’alcool et le Dry January n’a pas modifié ces
paramètres (ni à la fin ni un mois après). À la fin du Dry
January, les gamma GT ont diminué, passant de 24,6 U/L
(EIQ : 20,1-33,1 U/L) au début, à 21,0 U/L (EIQ : 15,6-26,3 U/L ;
P = 0,010 par rapport aux valeurs initiales et P = 0,011 par rapport
au groupe témoin) à la fin des 4 semaines ; et ont ré-augmenté un
mois après le Dry January pour atteindre 23,1 U/L (EIQ :
20,0-32,4 U/L ; P = 0,001). Les valeurs de gamma GT n’ont pas changé
dans le groupe témoin. Ces résultats montrent qu’un mois
d’abstinence a entraîné une baisse significative des taux de gamma
GT chez des sujets présentant une consommation d’alcool à faible
risque (selon les critères OMS : < 40 g/j). La reprise d’une
consommation modérée d’alcool a entraîné un retour aux valeurs
observées initialement. L’absence d’effet d’un mois d’abstinence sur
l’élasticité et le pourcentage de graisse du foie est en
contradiction avec celle démontrée dans une autre étude où les
sujets consommaient plus d’alcool et présentaient des niveaux de
stéatose hépatique avant et après (Mehta et coll.,
2015
).
Cette étude montre au final une réduction modeste des taux de gamma
GT chez des sujets présentant une consommation d’alcool à faible
risque après un mois d’abstinence. Cette étude a de nombreuses
limites (taille de la population, design de l’étude, absence
de groupe de buveurs sans intervention) et la mesure des gamma GT
qui n’est pas un marqueur idéal de la consommation excessive
d’alcool, qui est peu spécifique et qui peut varier avec par exemple
la fibrose avancée ou l’obésité (Bell et coll.,
1994
;
Imbert-Bismut et coll., 2001
; Puukka et coll.,
2006
).






Après la campagne Dry January en 2015, des chercheurs de
l’Université du Sussex ont présenté les résultats sur la
consommation d’alcool après 6 mois. Les résultats montraient que
72 % des participants avaient réduit leur consommation nocive
d’alcool, 23 % sont passés d’une consommation nocive à un niveau de
consommation à faible risque et 4 % sont restés abstinents
(Institute of Alcohol Studies, 2015
).

Une étude a recherché les facteurs associés à la réussite du Dry
January, c’est-à-dire rester abstinent pendant un mois,
ainsi que l’effet à 6 mois sur la consommation d’alcool selon que
les participants ont réussi ou non à rester abstinents pendant le
Dry January (Visser et coll.,
2016
).
Cette étude comptait 3 792 participants dont 1 070 hommes et 2 722
femmes, dont 1 684 (44,4 % de l’échantillon initial) ont complété le
suivi à un mois (fin du mois du Dry January, 479 hommes et
1 205 femmes) et 857 (22,6 % de l’échantillon initial) qui ont
rempli des questionnaires 6 mois après la fin du Dry January
(249 hommes et 608 femmes). Les analyses de cette étude ont porté
seulement sur les 857 participants qui ont complété l’étude 6 mois
après le Dry January. Les participants avaient au moins
18 ans, devaient avoir consommé de l’alcool au moins une fois
pendant l’année et pouvaient gagner un prix de 100 £ en bons d’achat
dans une loterie. 64 % (parmi les 857 répondants) ont réussi à
rester abstinents pendant le défi du Dry January sans
différence liée au sexe. Les résultats montrent que la réussite à
rester abstinent pendant le Dry January (comparativement à
ceux qui n’ont pas réussi) est associée à une moindre consommation
d’alcool (moins de verres consommés par jour de consommation : 3,78
versus 4,21 verres ; une fréquence réduite des ivresses
le mois précédent : 2,55 versus 3,84 et un score AUDIT
réduit : 11,09 versus 12,56) et un plus grand sentiment
d’efficacité personnelle à refuser de consommer dans un
environnement social lorsque les autres consomment, avant le Dry
January. La plus faible fréquence d’ivresse le mois
précédent le Dry January est le meilleur facteur prédictif de
la réussite à rester abstinent pendant le Dry January. Le
fait d’avoir fait un don, d’avoir un ami qui a aussi participé au
Dry January ou d’avoir planifié un arrêt de consommation
n’influence pas le fait réussir le défi. Le fait que les
participants qui ont fait un don ne changent pas la réussite du défi
indique que les participants ont plutôt tendance à faire le défi
pour eux-mêmes et pas pour les autres (Bartram et coll.,
2018
;
Visser et coll., 2016
). Chez ceux qui ont réussi à rester
abstinents (549 participants), le score (dans sa dimension sociale)
de leur sentiment d’efficacité personnelle à refuser de consommer
passe de 3,61 (1,75) à 4,30 (1,78) (t(548) = 9,71,
p = 0,01, taille d’effet d = 0,39) à un mois. À six mois, une
réduction significative a été observée pour le nombre de jours de
consommation par semaine (4,78 (2,03) à 3,73 (1,90),
t(548) = 15,87, p = 0,01, taille d’effet d = 0,53),
le nombre de verres consommés par jour de consommation (3,78 (2,20)
à 3,11 (3,07), t(548) = 4,82, p = 0,01, taille d’effet
d = 0,25) et le nombre d’épisodes d’ivresse le mois passé (2,55
(3,65) à 1,21 (2,93), t(548) = 9,34, p = 0,01, taille
d’effet d = 0,40). Les tailles d’effet sont faibles à modérées et
les résultats montrent qu’à six mois les participants ayant réussi
le défi boivent un jour de moins par semaine, environ 0,7 verre de
moins par occasion de boire et environ 1,3 épisode d’ivresse en
moins comparativement à avant le Dry January.



Chez ceux qui n’ont pas réussi le Dry January (308
participants), le score (dans sa dimension sociale) de leur
sentiment d’efficacité personnelle à refuser de consommer est passé
de 3,23 (1,62) à 3,41 (1,72) (t(307) = 2,24, p = 0,03,
taille d’effet d = 0,11) à un mois. À six mois, une réduction
significative est observée pour le nombre de jours de consommation
par semaine (4,96 (1,93) à 4,10 (1,86) t(307) = 10,66,
p = 0,01, taille d’effet d = 0,45), le nombre de verres consommés
par jour de consommation (4,21 (2,59) à 3,70 (3,01)
t(307) = 3,19, p = 0,01, taille d’effet d = 0,18) et
le nombre d’épisodes d’ivresse le mois passé (3,84 (4,92) à 2,15
(3,59) t(548) = 7,53, p = 0,01, taille d’effet d = 0,39).
Les tailles d’effet sont faibles à modérées et les résultats
montrent qu’à six mois les participants n’ayant pas réussi le défi
boivent 0,86 jour de moins par semaine, 0,51 verre de moins par
occasion de boire et environ 1,7 épisode d’ivresse en moins
comparativement à avant le Dry January.
Au total, tous les participants, qu’ils aient réussi ou non à rester
abstinents pendant le Dry January, ont augmenté leur
sentiment d’efficacité personnelle à refuser de consommer à la fin
du mois et ont réduit leur consommation d’alcool 6 mois après
(Visser et coll., 2016
). Cependant, les changements étaient plus
importants chez les participants ayant réussi à être abstinents
pendant le Dry January. Un effet rebond sur la fréquence des
ivresses est observé chez 11 % de la population totale. Cette étude
comporte cependant plusieurs limites dont l’inscription des
participants sur la base du volontariat (auto-sélection) et donc la
non représentativité de la population étudiée, la faible taille de
l’échantillon final (857 soit moins d’un quart de la population
initiale 3 791), l’absence de groupe témoin, une plus grande
proportion de sujets présentant des scores d’AUDIT indiquant des
niveaux de consommation à risque ou nocifs comparativement à la
population générale. Cependant, ce dernier point n’est pas
problématique si l’intervention cible les personnes avec une
consommation à risque qui sont déjà dans les phases de préparation
et d’action selon le modèle de Prochaska et Diclemente (Prochaska et
coll., 1992
). Dans ce modèle, chez les personnes qui sont dans les phases de
préparation et d’action, la décision effective de changer est prise,
contrairement aux autres phases dites de précontemplation et
contemplation où le sujet n’est pas prêt à changer son
comportement.


Une autre étude rapporte les résultats à partir des données
collectées auprès des participants du Dry January ou
d’enquêtes auprès de ces mêmes participants ou d’un groupe témoin de
buveurs motivés à réduire leur consommation sans s’inscrire au
Dry January (Visser et coll.,
2017
).
Dans cette étude, une enquête réalisée avant le Dry January
(1 251 participants), à 1 mois (fin du Dry January, 600
participants) et 6 mois après (250 participants) dans un groupe
témoin a montré que les scores d’AUDIT à 6 mois sont moins élevés
chez les participants au Dry January comparativement au
groupe témoin [t(14 477) = 4,27, P < 0,01] et que leur
score (dans sa dimension sociale) de leur sentiment d’efficacité
personnelle à refuser de consommer est plus élevé
[t(14 477) = 4,14, P < 0,01]. Cette même étude
rapporte aussi que la connaissance du Dry January est élevée
(64 % de tous les buveurs en 2015 et 78 % en 2016) : de nombreuses
personnes qui ont réduit leur consommation d’alcool étaient au
courant du Dry January. À un mois de suivi, 62 % ont déclaré
avoir complété le défi. Presque tous (96 %) ont déclaré s’être
inscrits pour recevoir des e-mails de
soutien/d’encouragement, dont 69 % ont déclaré avoir lu tous les
messages qui leur avaient été envoyés, et 71 % ont déclaré que les
messages les avaient aidés à éviter de boire. Un peu plus de la
moitié (57 %) des inscrits au Dry January ont choisi de
recevoir des SMS/MMS de soutien/d’encouragement, 78 % parmi eux ont
déclaré que les messages les avaient aidés à éviter de boire. 42 %
des répondants ont déclaré utiliser le soutien des réseaux sociaux
tels que les messages sur Facebook, et 73 % ont déclaré que ce
soutien les avait aidés à éviter de boire. Parmi les personnes qui
ont terminé le suivi d’un mois, 92 % ont indiqué qu’il était
probable qu’ils participeraient aux prochains Dry
January.

Une enquête réalisée par YouGov France du 14 au 15 janvier 2020
auprès de 1 007 personnes représentatives de la population nationale
âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas, a porté sur le
Défi De Janvier6
. Dans cette enquête,
61 % des français ont déjà entendu parler du « Dry January »
et 68 % pensent que c’est une bonne chose. 81 % pensent qu’il est
facile de passer un mois sans consommer d’alcool, contre 16 % qui
pensent que c’est difficile. En 2020, 24 % déclaraient faire le
Dry January (contre 14 % en 2019) dont 16 % avaient pour
objectif la réduction et 8 % de ne pas consommer du tout. 76 %
n’avaient pas envie ou ne voyaient pas l’intérêt de le faire. Les
raisons qui poussaient les français à faire le Dry January
sont : 1) la détox post-fêtes de fin d’année, 2) économiser de
l’argent, 3) évaluer leur dépendance à l’alcool, 4) perdre du poids
et 5) mieux dormir. Enfin, 43 % des français pensent que l’État
n’aurait pas dû abandonner le projet de cette campagne.
À qui s’adressent les campagnes favorisant
l’abstention
à l’alcool ?
Ces campagnes d’encouragement à s’abstenir de boire de l’alcool
visent à expérimenter les bienfaits de cette abstinence (ou de toute
réduction de la consommation) et à prendre ou renforcer le contrôle
de la consommation sur le long terme. Cette campagne a aussi pour
objectif de faciliter le dialogue autour du risque alcool dans les
médias, dans le grand public et aussi par les professionnels de
santé. Elle vise toute la population et plus spécifiquement les
personnes présentant une consommation à risque (plus de 2 verres par
jour ou plus de 10 verres par semaine ou une consommation sur plus
de cinq jours par semaine) (Ballard,
2016
). Au
Royaume-Uni, les enquêtes montrent qu’environ 20 % des personnes
présentent une consommation à risque de dépendance telle qu’évaluée
grâce au questionnaire AUDIT (Russell et coll.,
2016
).
Même si ce type de campagne ne vise pas les personnes présentant un
trouble de l’usage d’alcool, elles peuvent cependant participer à ce
type de défi avec l’assistance d’un professionnel de santé (et de
Alcool Info Service en France).


Jackie Ballard, Directeur général de Alcohol Concern à Londres
qui organise le Dry January, rappelle que les médecins
généralistes jouent un rôle crucial dans ce type de campagne comme
professionnels de santé de proximité, avec l’opportunité de saisir
ce moment pour aborder le sujet de l’alcool avec leurs patients
(Ballard, 2016
). Les médecins peuvent ainsi rappeler que la consommation
d’alcool n’aide pas à guérir ni à perdre du poids, a un impact sur
le sommeil, interagit avec de nombreux médicaments, contribue au
risque d’anxiété et de dépression et que plus de 10 % des cas
d’hypertension artérielle chez les hommes sont liés à l’alcool
(Ballard, 2016
). Enfin, elle rappelle qu’il est bon de montrer l’exemple et de
le faire soi-même pour convaincre les patients et son entourage de
participer à ce type d’opération.


Un rapport a évalué l’impact du Dry January en 2016 dans la
région de la côte nord-ouest de l’Angleterre auprès de 1 829
participants dont 720 avaient rempli un questionnaire pré-campagne
et 476 un questionnaire post-campagne (Russell et coll.,
2016
).
Beaucoup plus de femmes que d’hommes ont participé (68 % contre
28 % ; 4 % avaient un sexe inconnu/non divulgué ou étaient
identifiés comme transgenres), 30 % des participants avaient 46 à
55 ans et 29 % étaient âgés de 36 à 45 ans. En termes de
consommation d’alcool, les résultats de l’AUDIT ont révélé que le
score moyen pour tous les participants était de 13 ; 20 % des
répondants présentaient une consommation avec un niveau de risque
faible, 46 % un risque élevé, 16 % un risque très élevé et 19 %
présentaient une consommation avec un risque de dépendance. Ces
résultats montrent une différence liée au sexe et montrent surtout
qu’une proportion importante de personnes avec une consommation à
risque de dépendance participe au Dry January. D’autres
auteurs rappellent que ce type d’action ne devrait pas cibler les
sujets présentant un trouble de l’usage d’alcool sévère avec un
risque de développer un syndrome de sevrage (Cabezas et Bataller,
2016
;
Hamilton et Gilmore, 2016
). Ils indiquent aussi que ce type
d’action ne doit pas laisser entendre qu’une période temporaire et
courte d’abstinence pourrait effacer les effets délétères à long
terme de l’alcoolisation chronique. Enfin, ils précisent que ce type
de campagne doit s’accompagner d’interventions complémentaires
notamment par des professionnels (d’autres campagnes d’information,
le feedback normatif) et d’autres programmes d’intervention
(comme le repérage précoce et l’intervention brève) afin d’atteindre
des objectifs d’abstinence à long terme (Hamilton et Gilmore,
2016
;
Cabezas et Bataller, 2016
).





Conclusions et perspectives en France
Les forces des opérations du type Dry January sont multiples
avec l’opportunité de ressentir tous les bienfaits de l’arrêt de la
consommation (incarnation ou embodiment), et de prendre
conscience de son propre pouvoir à contrôler son comportement
(empowerment). Un objectif essentiel est de changer son
comportement à long terme après avoir mieux appréhendé son rapport à
la consommation d’alcool (pourquoi consomme-t-on ? quand
consomme-t-on ?) et avoir mieux appréhendé la gestion de la pression
sociale à consommer de l’alcool. Il s’agit donc d’expérimenter
l’impact de l’abstinence sur son physique, son mental et la
conscience de soi et de sa capacité au changement (Yeomans,
2019
).
La « contagion sociale » est un facteur clé de la réussite de ce
type de campagne et de manière très intéressante on peut noter que
même si les participants qui s’inscrivent au Dry January ne
réussissent pas le défi de l’abstinence pendant un mois, ils
présentent eux aussi des effets bénéfiques à long terme.

Il a été démontré que des interventions modifiant le style de vie
comme le Dry January ont des effets à court et à long terme
(Visser, 2016
; Visser et coll., 2016
; Visser et coll.,
2017
).
Le message positif de la possibilité d’améliorer la santé par
l’abstinence (même temporaire) est un véritable levier pour relever
le défi de réduire le fardeau sociétal de la consommation d’alcool.
En effet, il est important de réaliser que ce type d’opération est
vu comme un moyen de régulation positive non basée sur les
conséquences négatives ou la moralisation et qui vise à changer les
comportements des personnes à long terme. Les autres régulations
complémentaires visent notamment le rappel des risques associés à la
consommation (campagnes de prévention), l’accès, la disponibilité,
la publicité voire la répression (alcool au volant). Rappelons que
l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable et la première
cause d’hospitalisation en France (Paille et Reynaud,
2015
).
Ce type de campagne représente une opportunité sans précédent de se
mobiliser autour d’un mois de prévention des dommages et des risques
liés à la consommation d’alcool en France, à l’instar de ce qui
existe déjà dans de nombreux autres pays. Il est intéressant de
noter qu’une corrélation inverse a été observée entre le nombre de
participants au Dry January et le nombre de visites aux
urgences liées à l’alcool (Russell et coll.,
2016
).
Cette diminution de la fréquentation des urgences à cause de
problèmes liés à l’alcool constituerait donc un critère de jugement
intéressant pour évaluer l’efficacité des campagnes mises en Ĺ“uvre.
Le succès de ce type de campagne pourrait aussi passer par la mesure
de l’augmentation de la productivité et de la réduction de
l’absentéisme au travail lorsque les employeurs incitent les
employés à participer au Dry January (Russell et coll.,
2016
).






Fin 2019, Santé publique France qui était engagée dans l’organisation
d’un Dry January en 2020 a dû renoncer à son implémentation
après des décisions gouvernementales. Cette décision a déclenché une
vive réaction des associations et fédérations impliquées dans le
champ de l’addictologie. Elles ont décidé de lancer leur propre
campagne nommée Le Défi De Janvier (#LeDéfiDeJanvier) et dans un
premier temps de reprendre certains outils développés par le Dry
January. Les outils reprennent la même stratégie efficace du
Dry January avec notamment un site
web7
, des
comptes Twitter8
,
Instagram9
et Facebook10
et aussi un système d’inscription en ligne sur le site web pour
recevoir des e-mails de conseil et de « renforcement
positif ».
Enfin, il est important de rappeler que les repères relatifs à la
consommation d’alcool actuellement en vigueur recommandent de ne pas
en consommer pendant au moins 2 jours par semaine, ce qui représente
104 jours d’abstinence par an soit plus de 3 mois « sans alcool »
par an. Des recherches sont nécessaires pour établir les bénéfices
de ces jours de non consommation étalés tout au long de l’année
comparativement à une abstinence temporaire mais continue sur
plusieurs semaines. La promotion de l’abstinence et la valorisation
de la non consommation nécessitent le développement d’alternatives
attractives aux boissons alcoolisées. Il ne s’agit pas simplement de
recommander d’éviter l’alcool mais aussi d’expérimenter de nouvelles
boissons non alcoolisées et bonnes, ou tout au moins non nocives,
pour la santé.
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