Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool
I. Consommations d’alcool : les risques, les dommages et leur environnement
2021
7-
Marketing des produits alcoolisés
1
Le groupe d’experts tient à remercier Arnaud GATINET,
Doctorant à l’École des Hautes Études en Santé Publique (financement
Mildeca), pour sa contribution à la rédaction de la section
consacrée au marketing digital des producteurs
d’alcool.
Ce chapitre présente les recherches menées sur le marketing des industriels
de l’alcool. Il en détaille les formes, les effets, puis les régulations
mises en place dans certains pays pour protéger les populations vulnérables
de la publicité pro-alcool, en particulier les jeunes.
Il est scindé en deux parties : la première est consacrée au marketing et à
la publicité des boissons alcooliques et la seconde se focalise sur le
marketing digital de ces produits (via l’usage d’internet et des
réseaux sociaux).
Marketing des industriels de
l’alcool
Définition, contenu et
cibles
Selon un ouvrage de référence en marketing, le Mercator (Baynast et
coll., 2017

),
le marketing « est un moyen d’action qu’utilisent les organisations
pour influencer en leur faveur le comportement des publics dont
elles dépendent ». Comme toutes les entreprises, les producteurs
d’alcool mobilisent le marketing pour créer de la valeur aux yeux
des consommateurs et les attirer vers leurs produits et leurs
marques. Différentes techniques sont déployées pour atteindre ces
objectifs : des campagnes publicitaires, des produits et packagings
attractifs, des publicités dans les points de vente et de
consommation (bars, etc.), du sponsoring d’événements culturels et
sportifs, une présence des marques sur internet et sur les réseaux
sociaux, un placement de produits alcoolisés dans les films et les
séries, etc. (Inserm, 2014

).
Le tableau 7.I

détaille les
principaux outils marketing (traditionnellement nommés les 4 « P »)
mobilisés par les producteurs d’alcool et les illustre par des
exemples observés sur le marché français.
Tableau 7.I Marketing des boissons alcooliques : définitions et
exemples
Outils marketing
|
Définition, description
|
Exemples – illustrations
(France)*
|
Le « P »
PRODUIT
|
Concevoir un produit susceptible de
plaire à la cible à atteindre pour l’inciter à
acheter.
|
Produits conçus pour des
jeunes : whisky William Peel au goût
cola dans un emballage format « compote à
boire », rhum Saint James mojito fraise et
« impérial », bière Belzebuth pink framboise
(2,8°) ou blanche (4,5°), vins Sucette rosé (goût
mandarine) et rouge (goût cola)
|
Les composants du P « produit » sont le
goût, le nom, le packaging, le format du
contenant, le degré d’alcool, etc.
|
Produits conçus pour des
femmes : teintes roses, produits
aromatisés, référence à l’univers de la mode
(nom de marque « Gloss », coffret champagne
rouge à lèvres)
|
Ces différents éléments sont adaptés à
la cible visée (les jeunes, les femmes,
etc.).
|
Produits aux degrés d’alcool variés
pour toucher différentes cibles : bière
Koenigsbier (marque premier prix de Carrefour**)
disponible à 4,2° (en 33 ou 50 cl), à 7° ou à
10°
Produits à faible teneur en alcool, 0°
et « light » (moins de calories)
proposés comme une alternative à l’alcool dans
certaines situations (grossesse, conduite,
etc.), pour ne pas perdre le lien avec les
consommateurs et pour cibler les
femmes.
|
Le « P »
PRIX
|
Proposer des prix adaptés au budget de
la cible visée, en lien avec l’image et le
positionnement souhaités pour le produit (par
exemple : un prix élevé pour une meilleure image
de marque).
|
Prix bas pour cibler les jeunes : produits
vendus à l’unité ou en petit
conditionnement : 50 cl de bière Blonde : 50
centimes d’euros, 20 cl de vodka Poliakov :
4,49 euros
|
La politique de prix consiste à
réfléchir au « bon » prix, à proposer des
promotions (magasins, sites de vente en ligne,
bons de réduction sur l’emballage,
etc.).
|
Promotions sur les prix dans les grandes
surfaces, sur le packaging, sur internet,
Tweet promotionnel foire aux vins***
|
Le « P »
PLACE
|
Faciliter l’accès et la
disponibilité du produit dans de
nombreux endroits.
|
Vente de boissons
alcoolisées :
1/ dans de nombreux points de vente
(supérettes, hypermarchés, supermarchés, etc.) et
dans les magasins aux horaires d’ouverture
larges ;
2/ sur internet (nicolas.com,
lepetitballon.com, Ventealapropriete.com,
etc.) ;
3/ dans des festivals de musique, lors
d’événements sportifs, etc. ;
4/ livraison à domicile pour « aller »
vers les consommateurs (www.aperoflashrennes.com,
www.aperocube.fr, etc.)
|
(ACCÈS)
|
Valoriser la présentation de la
marque dans les lieux de vente pour
faciliter et inciter à l’acte d’achat
(merchandising).
|
Le « P »
PUBLICITÉ
|
Rendre le produit/la marque
attractif/ve, augmenter sa notoriété et donner
envie d’acheter grâce à la publicité (en
sélectionnant les médias et les contenus de
publicité les plus pertinents par rapport à la
cible).
Supports publicitaires protéiformes :
affichage, presse, internet, sponsoring, placement
de produit dans les films, mécénat, publicité sur
le lieu de vente, etc.
|
Page Instagram Absolut vodka, bannière
publicitaire Desperado sur Skyrock, spot vidéo
Grimbergen sur internet, publicité pour la bière
et la vodka dans des magazines et dans la rue,
sponsoring Kronenbourg, publicité Skoll dans les
magasins
|
* Pour d’autres exemples, voir les fiches
décryptages de l’ANPAA sur le marketing de l’alcool (https://www.anpaa.asso.fr/sinformer/dossier-loi-evin/decryptage-loi-evin),
et le Flash Alcoolator d’Avenir Santé (https://www.avenir-sante.com/2019/flash-alcoolator-janvier-2019/)
(consultés le 3 avril 2020).
** https://www.bcmelaboiteboisson.com/news_boite/une-nouvelle-recette-de-biere-plus-forte-que-forte/1664
(consulté le 3 avril 2020).
*** https://twitter.com/Monoprix/status/1039393100895055873
(consulté le 3 avril 2020).
Les outils marketing présentés dans ce tableau 7.I

sont une forme de « concurrence » aux
acteurs de la santé publique, dans le sens où ils influencent
positivement les représentations et l’envie de boire de l’alcool et,
dans le même temps, ils contrecarrent les campagnes de prévention
menées pour réduire la consommation de ce produit (Gallopel-Morvan,
2018

).
L’ampleur des budgets et des moyens consacrés au marketing et à la
publicité par les producteurs d’alcool en France est difficile à
évaluer. Ce serait important de les connaître car une étude récente
a montré une corrélation entre les sommes investies par les
alcooliers dans la publicité et la connaissance des marques
d’alcool, les préférences, la consommation puis l’envie de commencer
à boire de jeunes âgés de 7 à 12 ans (Gentile et coll.,
2019

).
Les chiffres disponibles en France concernent une partie des dépenses
publicitaires des producteurs d’alcool (encadré 7.1).
Encadré 7.1 : Investissements publicitaires des
producteurs d’alcool en France en 2016, 2017 et 2018 (Source :
pige Kantar Média 2018 réalisée pour Santé publique
France)
Une pige des investissements publicitaires des alcooliers
a été réalisée par Kantar Média pour Santé publique France.
Cette technique consiste à recenser les publicités diffusées
dans les médias et à les valoriser financièrement à partir des
coûts des achats d’espace commerciaux. Cela permet d’évaluer le
montant des investissements publicitaires des annonceurs
pigés.
Les médias retenus dans l’observatoire des marques
d’alcool en France étaient la télévision (plus de 80 chaînes,
spots et parrainage), la radio (29 stations), la presse (plus de
900 titres), la publicité extérieure des principaux afficheurs
(Moohnitor, Clear Channel, Médiatransports, etc.), le cinéma (2
régies) et l’internet display (achat d’espace
publicitaire sur internet de type bannières, pop-up. Pige sur
plus de 600 sites). La pige ne prenait pas en compte le contenu
des messages recensés, les publicités sur les réseaux sociaux
hors display, la VOL (vidéo en ligne) ni l’achat
programmatique (publicités ciblées). Précisons également que les
investissements relatifs à l’année 2018 ne concernent qu’une
partie de l’année (janvier-août).
En 2016, 2017 et 2018, les budgets publicitaires des
alcooliers sont estimés respectivement à 454,6 ; 369,2 et
208,5 millions d’euros.
La baisse constatée depuis 2016 s’explique certainement
par un report des investissements des formats publicitaires
« classiques » vers des supports interactifs et digitaux qui ont
fait l’objet d’une forte croissance publicitaire en France ces
dernières années, mais qui ont été peu intégrés dans cet
observatoire.
La majorité des budgets publicitaires des alcooliers est
consacrée à l’achat d’espace dans la presse et à l’affichage
extérieur. La télévision et le cinéma sont absents des médias
observés, très certainement du fait de la loi Évin qui en
interdit l’accès pour les boissons alcooliques. Deux pics
d’investissements sont constatés tous les ans à la période
estivale et à Noël, et un pic a été observé en 2016 lors de la
coupe d’Europe de football qui a eu lieu en France.
Les catégories et marques d’alcool les plus présentes sur
ces 3 ans dans les médias pigés sont :
1. La bière, avec 124 919 euros estimés en 2017 (Heineken
est leader, suivi par Kronenbourg, Ab Inv – Cubanisto, Corona,
Leffe entre autres –, Bavaria et Karlsbrau). L’affichage est le
média le plus utilisé.
2. Les vins, avec 74 973 euros estimés en 2017 (Castel
frères est leader suivi du syndicat des producteurs de vin de
pays d’Oc, du conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux,
des domaines viticoles salins du midi et du groupe Bernard
Magrez). La presse est le média le plus utilisé.
3. Le champagne, avec 48 420 euros estimés en 2017 (Moet
Hennessy est leader suivi par Laurent Perrier, Kriter, Pernod et
Vranken Pommery monopole). La presse est le média le plus
utilisé.
Enfin, 33 % des investissements totaux de 2017 ont été
réalisés par trois entreprises : Heineken (no 1),
Kronenbourg (no 2) et la Martiniquaise
(no 3 ; Label 5, Poliakov, Saint James, Porto Cruz,
etc.).
|
|
Le marketing est beaucoup plus large que la publicité. Ainsi selon la
commission fédérale du commerce aux États-Unis, la publicité
représentait environ 26 % du budget marketing (3,45 milliards de
dollars) des 14 compagnies d’alcool observées en 2011 (Evans et
coll., 2014

).
Pour pouvoir estimer l’ensemble des dépenses marketing de l’alcool
en France, il faudrait ajouter les éléments suivants :
• les supports publicitaires non intégrés dans l’observatoire
Kantar média : les publicités sur les réseaux sociaux (très
courantes aujourd’hui), jeux-concours, sites internet des
marques, publicités sur le lieu de vente et de consommation
(catalogues promotionnels, mise en avant de la marque dans
les magasins, dans les bars, etc.), le sponsoring
d’événements sportifs et culturels, foires et salons, les
publicités pour les marques d’alcool 0 % (qui font la
promotion indirecte des marques d’alcool ; Vasiljevic et
coll., 2018

) ;
• les autres éléments constitutifs du marketing détaillés dans
des ouvrages consacrés au marketing de l’alcool et du vin
(Gallo et Charters, 2014

; Rouzet et Seguin,
2017

) : l’innovation produits, les
bouteilles « éditions limitées », marques, la segmentation,
les études de marché pour mieux comprendre les
consommateurs, le marketing territorial, les politiques de
prix, de promotions et de distribution, les boutiques
éphémères, l’e-commerce, le
big data (la constitution
de base de données des consommateurs afin d’envoyer des
messages commerciaux personnalisés), les nouvelles
technologies, l’Å“notourisme, le
merchandising, la
vente, le
trade-marketing,
category
management, les partenariats, relations publiques, le
street marketing, etc.
2
De nombreux exemples du marketing
déployé par les producteurs de vin sont également
disponibles sur le site
http://www.winebusinessnews.fr/
(consulté le 3 avril 2020).
;
• les supports pour lesquels il est difficile d’établir un lien
commercial avec les producteurs d’alcool mais qui
bénéficient à l’image des produits alcooliques et qui
peuvent influencer l’envie de consommer (Hanewinkel et
coll., 2014

; Mejia et coll.,
2019

) : les messages pro-alcool émis
par des internautes sur les réseaux sociaux (cf.
infra, section « Formes, exposition et effet de
la présence des marques et des produits alcoolisés sur
internet et les réseaux sociaux » de ce chapitre), les
marques visibles dans les films, les séries, les clips
musicaux, etc. Concernant la France, une étude a montré que
les jeunes sont particulièrement exposés à l’alcool dans les
productions télévisées : sur les 14 séries les plus
regardées par des jeunes (8 séries françaises et 6
américaines, pour un total de 180 épisodes visionnés),
l’alcool apparaît dans 87,8 % des épisodes et pendant
7 heures 29 minutes au total (plus souvent dans des séries
françaises qu’américaines). Dans les séries françaises en
particulier, le vin est particulièrement visible à l’écran
(Chapoton et coll., 2019

).
Si certains outils marketing déployés par les producteurs d’alcool
sont conçus pour toucher une cible large (les promotions sur le
prix, l’accès dans de nombreux points de vente et lieux de
consommation, les degrés d’alcool variés, etc.), d’autres sont
façonnés pour des segments de consommateurs particuliers.
Le déploiement d’une segmentation générationnelle est manifeste. Les
jeunes représentant l’avenir de la consommation d’alcool, cette
population fait l’objet d’une attention particulière, comme
l’attestent les exemples présentés dans le
tableau 7.I

et les
témoignages de directeurs marketing, de managers, de chercheurs ou
de consultants spécialistes en marketing de l’alcool. Des stratégies
sont ainsi réfléchies pour attirer les jeunes vers le vin : « la
principale difficulté lorsque l’on cherche à cibler les plus jeunes
consiste à démystifier le vin, pour que ce dernier s’intègre peu à
peu dans leur vie quotidienne, qu’ils soient à l’aise avec ce
produit, pour qu’ils le perçoivent comme attractif et ainsi de
suite » (Gallo et Charters, 2014

). Des produits spécifiques sont également
conçus pour eux : « le vin aromatisé permet de sensibiliser de
nouveaux consommateurs au vin. Pour les jeunes, c’est une boisson
qui aide à faire la transition entre les boissons non-alcoolisées et
les autres que boivent les adultes »
3
(interview de la directrice du développement de
Larraqué Vins International). Dans l’idée de transition, des
recettes de cocktails alcoolisés avec des jus de fruit et/ou des
sodas sont suggérées par les marques
4
comme mode de consommation pour les jeunes adeptes
des mélanges.
Les prix des boissons s’adaptent aux budgets limités des jeunes :
« ces bouteilles, à moins de 3 euros sur linéaire, seront un
tremplin permettant aux néophytes d’accéder aux vins plus
classiques. Notamment pour un public plutôt jeune et féminin »
(interview de Pierre Jean Larraqué, président du groupe Larraqué, à
propos des prix des vins aromatisés
« Sucettes »)
5
; « il est indéniable que ces petits prix ont un
impact considérable sur les ventes » (interview de Ivana de La
Kethulle, à propos du prix de 11,41 euros de la vodka
Zubrowka)
6
.
Au-delà de la segmentation par âge, une segmentation par sexe est
également constatée (
European Monitoring Centre for Drugs and
Drug Addiction, 2008

; Johnston,
2015

). Un
marketing spécifique est mis en place pour attirer les femmes
(Atkinson et coll., 2019

) qui se distinguent des hommes sur le goût
(par exemple les femmes ont plus tendance que les hommes à boire du
vin blanc et pétillant : Bruwer et coll.,
2011

;
Rodríguez-Donate et coll., 2019

), l’odorat des produits alcoolisés, la
quantité consommée, les motivations à consommer (la socialisation,
l’image, réduire l’anxiété, etc.), les lieux d’approvisionnement
(Atkin et coll., 2007

), etc. Par ailleurs, les femmes consomment
aujourd’hui moins d’alcool que les hommes, et représentent donc un
potentiel de marché important à développer (
Dutch Institute for
Alcohol Policy, 2012

).
Pour cibler les femmes, des outils marketing
ad hoc sont
conçus pour elles : des produits plus légers en alcool, en sucre et
en calories (« meilleurs pour la santé »), des arômes variés et
fruités (pamplemousse, pêche, etc.), du packaging «
girly »
(rose), des produits « accessoires de modes », des publicités
suggestives, un recours à des leaders d’opinions féminines qui
consomment de l’alcool (placements de marque dans les séries,
influenceuses sur internet, etc.), etc. (
Public Health Advocacy
Institute of Western Australia,
2019

).
Concernant les produits aromatisés, Annick Vincenty, directrice
marketing de Heineken France en 2014, explique à propos des femmes
qu’« elles sont notre cible prioritaire pour des nouveaux produits
comme la gamme Radler, vendue sous la marque Pelforth et déclinée au
citron, au pamplemousse rose »
7
.
Pour se donner une bonne image auprès de cette cible féminine,
certains producteurs d’alcool n’hésitent pas à sponsoriser des
événements féminins (l’équipe féminine anglaise de
football
8
) ou à s’associer à des causes qui concernent ce
public. Le soutien financier à la lutte contre le cancer du sein
(alors même que la consommation d’alcool est un facteur de risque du
développement de ce cancer ; Winstanley et coll.,
2011

), à
l’association SAF France qui lutte contre les troubles liés à
l’alcoolisation fÅ“tale
9
(alors que l’industrie crée de la confusion sur ce
problème sur leurs sites internet ; Lim et coll., 2019

) ou encore à
la journée internationale des femmes en 2019 et 2020 (partenariat
avec Diageo
10
) en sont des illustrations. Mart et Giesbrecht
(2015

)
parlent ici du «
pinkwashing » des compagnies d’alcool.
Effets du marketing et de la publicité pour les
marques d’alcool
sur les incitations à consommer des
individus
Après avoir défini le marketing des produits alcoolisés, il convient
de s’interroger sur ses effets : influence-t-il les croyances, les
représentations et les comportements des individus ? De nombreuses
recherches ont été menées pour répondre à ces questions, sur les
jeunes en particulier. Elles sont résumées dans trois revues de la
littérature publiées par : Anderson et coll.,
2009a

;
Smith et Foxcroft, 2009

; Jernigan et coll.,
2017a

.
Anderson et coll. (2009b

) ont synthétisé les résultats de 13 études
longitudinales menées aux États-Unis, en Allemagne, en
Nouvelle-Zélande ou en Belgique, portant au total sur plus de 38 000
jeunes. Ces recherches analysent l’association entre l’exposition à
la publicité sur l’alcool dans les médias (télévision, presse,
affichages publicitaires, radio), la promotion d’alcool puis les
comportements déclarés d’alcoolisation chez les jeunes. Douze études
sur les 13 font état d’un lien significatif et positif entre
l’exposition à la publicité et l’initiation de la consommation
d’alcool d’adolescents non buveurs d’une part, puis l’augmentation
de la consommation de jeunes déjà buveurs d’autre part. Ainsi plus
l’exposition publicitaire est importante plus la consommation
d’alcool est élevée. La treizième étude montre que les panneaux
publicitaires de marques d’alcool situés à moins de 450 mètres
d’établissements scolaires favorisent les intentions de
consommation.
Smith et Foxcroft (2009

) ont, de la même façon, mené une revue
systématique afin d’évaluer si l’exposition à la publicité et au
marketing de l’alcool augmente la consommation d’alcool chez les
jeunes. Les critères d’inclusion étaient les suivants : des études
longitudinales, des supports publicitaires variés étudiés
(télévision, radio, journaux, affichages, t-shirts avec marques
d’alcool, représentation de l’alcool dans les films, dans les
programmes télévisés et spots musicaux, événements sportifs, etc.),
une mesure de la consommation d’alcool des jeunes interrogés
(quantité, fréquence, marque ou type d’alcool consommés). Au total,
9 articles (7 cohortes différentes aux États-Unis, en Belgique, en
Nouvelle-Zélande) correspondaient aux critères d’inclusion, soit
13 255 jeunes de 10 à 26 ans interrogés sur une période allant de
1 an à 30 mois, ont été intégrés dans cette synthèse. Les résultats
révèlent, pour les 9 articles, une association significative et
positive entre l’exposition au marketing et à la publicité des
marques d’alcool puis les comportements d’alcoolisation. En
particulier, 3 études montrent un lien significatif entre
l’initiation à l’alcool de jeunes non buveurs et leur exposition au
marketing et à la publicité.
Ces deux synthèses ont été complétées par une revue systématique
publiée en 2017 (Jernigan et coll.,
2017a

)
recensant les études longitudinales publiées entre 2008 et 2016. Les
facteurs d’inclusion étaient les suivants : dans l’
abstract
ou le titre, « association, publicité pour l’alcool, consommation
des jeunes » devaient être mentionnées ; des mesures valides de la
consommation d’alcool devaient avoir été utilisées au début et au
cours de l’étude (initiation à la consommation d’alcool,
comportement de
binge-drinking, consommation, fréquence et
quantité absorbée au cours des 30 derniers jours, problème
rencontrés liés à l’alcool) et passées sur au moins 500 participants
dont l’âge était inférieur à l’âge légal d’achat d’alcool dans le
pays. Les études qui évaluaient seulement les intentions de
consommer de l’alcool n’ont pas été intégrées dans cette synthèse.
Au total, les auteurs ont retenu 12 recherches publiées dans des
revues scientifiques, soit un total de 35 219 jeunes interrogés dans
sept pays différents (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne,
Grande-Bretagne – dont Écosse, Taïwan, États-Unis). Les formes de
marketing étudiées différaient selon les études : l’affichage, les
publicités dans les magazines, à la radio et à la télévision, sur
les réseaux sociaux et sur internet (quand ces dispositifs digitaux
étaient conçus par les producteurs d’alcool), le placement des
marques d’alcool dans les films, séries et clips, publicités dans
les magasins, les promotions sur le prix, les cadeaux promotionnels,
le packaging, l’association avec des célébrités, le sponsoring
d’événements sportifs et musicaux, etc. Afin d’évaluer le niveau
d’exposition à ce marketing, les répondants déclaraient leur
perception de l’exposition au marketing de l’alcool et/ou la
mémorisation de publicités pour l’alcool et/ou l’appréciation de ces
publicités et/ou l’engagement dans les activités marketing des
marques d’alcool sur internet (inscription sur un site, etc.) et/ou
des mesures populationnelles de l’exposition à la publicité
réalisées par des sociétés d’études de marché (à partir des
audiences des médias). Les 12 études recensées montrent toutes un
lien positif et significatif entre l’exposition au marketing et à la
publicité pour des produits alcooliques, les comportements
d’alcoolisation déclarés pendant la période d’observation (entre
9 mois et 8 ans selon les articles) et les problèmes vécus liés à la
consommation d’alcool.
Dispositifs de protection des populations
vulnérables au marketing
et à la publicité pour les marques
d’alcool
Au vu des résultats de la littérature scientifique, il est
aujourd’hui établi que le marketing et la publicité des produits
alcooliques influencent les représentations et les comportements des
jeunes. Ainsi, contrairement au discours officiel des industriels de
l’alcool selon lequel la publicité est « seulement » utilisée pour
inciter les consommateurs à changer de marque, cette dernière
influence en réalité l’attitude par rapport à la consommation
d’alcool, la banalise, puis accroît la consommation d’alcool et le
volume global des ventes (Petticrew et coll.,
2017

;
Maani Hessari et coll., 2019

). En conséquence et afin de protéger les
mineurs, les acteurs de la santé recommandent de réguler les
pratiques commerciales des producteurs d’alcool (Cour des comptes,
2016

;
Pan American Health Organization PAHO,
2017

;
Santé publique France, 2017

; Mildeca,
2018

;
WHO, 2018

;
WHO Europe, 2019

...), et en particulier la restriction de
l’accès à certains médias et la régulation des créations
publicitaires. De telles mesures sont jugées coût-efficaces et
bénéfiques pour la santé publique car d’une part, la littérature a
montré l’effet de la publicité sur les jeunes et d’autre part, elles
ne coûtent rien aux gouvernements (Anderson et coll.,
2009a

;
Burton et coll., 2017

; Siegfried et Parry,
2019

).
Ces dernières décennies, de plus en plus de pays se sont engagés dans
la régulation du marketing de l’alcool : l’OMS en recensait environ
50 en 2018 à avoir limité ou interdit la publicité pour l’alcool à
la télévision, à la radio, sur internet, dans les points de vente,
etc. (WHO Europe, 2019

).
Ces mesures de protection des mineurs sont opérationnalisées de
différentes manières selon les régions.
Certains pays ont opté pour l’auto-régulation (États-Unis, Australie,
etc.) : les producteurs d’alcool et/ou leurs représentants
(syndicats, etc.) proposent des codes d’autodiscipline, des chartes
déontologiques et de bonne conduite en matière de communication
publicitaire envers les mineurs qu’ils s’engagent à suivre. En
Australie, l’«
Alcohol beverages Advertising Code (ABAC)11
» a été proposé en 2017 par les producteurs
d’alcool. En France, l’association Avec modération, financée par
Heineken, Pernod Ricard, Bacardi France, Diageo Réunion, etc.
demande à tous ses membres de se conformer à son code
d’autodiscipline et de déontologie qui intègre, entre autres, la
recommandation suivante : « les communications commerciales ne
doivent en aucune manière être faites à destination des mineurs »
(p. 3)
12
. Les principaux groupes alcooliers (Anheuser-Busch
InBev, Diageo, Heineken, etc.) disposent également de chartes
internes précisant les règles à respecter pour protéger les jeunes
de l’effet de leurs campagnes publicitaires. Ainsi Pernod Ricard
précise sur son site internet français que « les communications
commerciales ne doivent promouvoir les boissons alcoolisées que dans
les médias imprimés, numériques, radio-télévisés ou dans le cadre
d’événements lorsqu’au moins 70 % de l’audience est raisonnablement
susceptible d’être constituée d’adultes ayant l’âge légal requis
pour acheter ou consommer de l’alcool ou plus »
13
.
Quelle est l’efficacité de l’autorégulation pour protéger les jeunes
du marketing et de la publicité des produits alcoolisés ? Il est
aujourd’hui établi dans la littérature que cette solution n’est pas
fiable pour protéger les mineurs (Hastings et coll.,
2010

;
Mosher, 2012

; Babor et coll., 2013a

; Babor et coll.,
2013b

;
Noel et coll., 2017

; Noel et Babor,
2017

;
Vendrame, 2017

; Lloyd et coll., 2018

; Pierce et coll.,
2019

). En
effet, ces études menées dans différents pays montrent qu’en dépit
de l’augmentation du nombre de codes de bonne conduite émanant des
alcooliers, l’exposition des jeunes à la publicité et au marketing
des produits alcooliques ne cesse de croître. De plus, étant donné
que les producteurs d’alcool choisissent les médias à audience
élevée (télévision, affichage dans la rue, magazines, radio, médias
digitaux, etc.) pour diffuser leurs publicités, les jeunes, qui font
partie de cette audience, y sont alors exposés. Enfin, ces
recherches sur l’autorégulation mettent en lumière que les contenus
de certaines publicités ne respectent pas les chartes de la
profession. Alors que certains thèmes très attractifs pour les
mineurs sont déconseillés par la filière alcool, ils sont pourtant
utilisés dans les messages commerciaux : l’humour, des personnages
de bande dessinée, l’amitié, la masculinité, la relaxation, le
sport, le succès sexuel, etc.
L’autorégulation n’étant pas efficace pour protéger les mineurs, de
plus en plus de pays optent pour des lois, dont le respect est
contrôlé par des organismes indépendants de la filière alcool
(États, ONG ; ex. : Suède, Finlande, Norvège, Russie, Roumanie,
Estonie, Thaïlande, etc). De plus en plus de pays s’engagent dans ce
mouvement : la Lituanie en 2018 a presque totalement interdit la
publicité pour l’alcool
14
ou l’Irlande qui a proposé la même année une
régulation qui, entre autres, restreint les publicités pour l’alcool
à la télévision, dans les cinémas, dans les parcs et interdit les
affiches dans les lieux publics situés à moins de 200 mètres des
écoles ou des crèches (
Public Health Alcohol Act,
2018
15
). La France est un pays précurseur en matière de
régulation des publicités pour les boissons alcooliques avec la loi
Évin (République française, 1991) votée dès 1991 (encadré 7.2).
La loi Évin est-elle efficace pour protéger les jeunes français de la
publicité des marques d’alcool ?
Le volet marketing de la loi Évin a été très peu évalué. À notre
connaissance, seules deux études sur ce thème ont été publiées.
Cogordan et coll. (2014

) ont étudié l’impact, sur la consommation
d’alcool, des facteurs socio-économiques (niveau des revenus, taux
d’emploi des femmes, etc.) et de différentes mesures introduites en
France après 1970 (interdiction de la vente d’alcool aux moins de
16 ans, restrictions sur la publicité – loi Évin –, limitation
légale de l’alcoolémie à 0,5 g/l pour les conducteurs). Les auteurs
concluent qu’en comparaison avec les facteurs socio-économiques, les
mesures politiques ne semblent pas avoir eu d’impact majeur sur la
baisse de la consommation d’alcool. Toutefois, l’interdiction de la
vente d’alcool aux mineurs combinée aux restrictions publicitaires
prévues par la loi Évin auraient contribué à une baisse de la
consommation d’alcool sur le long terme.
Encadré 7.2 : La loi Évin relative aux publicités
pour les produits alcoolisés
La loi Évin, qui s’applique à toutes boissons dont le
degré alcoolique est supérieur à 1,2 %, impose trois mesures
concernant la publicité :
1. Régulation des médias : l’esprit de la loi est
d’interdire la publicité en faveur de l’alcool dans les médias
ciblant les jeunes et d’autoriser les médias moins intrusifs.
Les supports autorisés pour promouvoir les boissons alcooliques
sont précisés : la presse écrite adulte, la radio (entre 12 h et
17 h les jours de semaine, entre minuit et 7 h le mercredi), les
affichages et enseignes, les publicités en ligne (internet et
applications, sauf lorsque les jeunes sont ciblés et sous
réserve que la publicité ne soit pas intrusive), les affichettes
et objets à l’intérieur des points de vente et magasins (la
dimension d’une affichette publicitaire ne peut dépasser
0,35 mètre carré) et lors de dégustations (foires aux vins,
etc.), les brochures et mailings commerciaux, les affiches sur
les véhicules utilisés pour les opérations de livraison des
boissons alcoolisées, les événements spéciaux (foires
traditionnelles, etc.), les musées du vin, les cadeaux/objets
utilisés pour consommer de l’alcool (verres, etc.). Les supports
de communication non listés dans la loi Évin sont interdits :
télévision, cinéma, sponsoring d’événements sportifs et
culturels, placement de marques d’alcool dans les films, sur les
T-shirts, casquettes, etc.
2. Régulation du contenu publicitaire : dans les cas où
la publicité est autorisée, les informations diffusées doivent
se limiter à des données informatives/factuelles et à des
critères de qualité objectifs sur le produit (degré alcoolique,
origine, composition et modes d’élaboration). Par conséquent,
les publicités attrayantes véhiculant des images et/ou des
textes évocateurs positifs associant l’alcool au plaisir, au
glamour, au succès social, au sport, au sexe, à la réussite, à
des leaders d’opinion, etc., ne sont pas autorisées.
3. Obligation d’information : toutes les publicités en
faveur de l’alcool doivent obligatoirement être assorties du
message sanitaire « l’abus d’alcool est dangereux pour la
santé »49.
|
|
16
Ce thème des avertissements sanitaires est
abordé dans le chapitre « Actions de prévention : messages
et comportements ».
Gallopel-Morvan et coll. (2017

) ont analysé l’exposition des mineurs
français à la publicité des produits alcooliques. 6 642 lycéens ont
été interrogés en 2015 dans le cadre de l’enquête ESPAD (
European
School Survey Project on Alcohol and other Drugs) dans 198
établissements scolaires par le biais d’un questionnaire
auto-administré (moyenne d’âge : 17,3 ans, échantillon
représentatif). Les résultats révèlent qu’une majorité des élèves
déclare avoir été exposée au moins une fois par mois à des
publicités ou présentations promotionnelles en faveur de l’alcool
dans les supermarchés (73,2 %), dans les films (66,1 %), dans les
magazines et les journaux (59,1 %), sur les affiches dans la rue
(54,5 %) et sur internet (54,1 %). Concernant la dernière publicité
dont ils se souviennent, 27,8 % se rappellent du type de boisson,
18,2 % de la marque, 13 % ont eu envie de consommer une boisson
alcoolisée après l’avoir vue et 19,6 % l’ont trouvée attrayante (les
garçons étant nettement plus représentés que les filles sur tous ces
indicateurs). Dans le prolongement de cette étude, l’OFDT a mené une
enquête auprès de 10 591 Français âgés de 17 ans (Mutatayi et
Spilka, 2019

). Elle révèle que ces jeunes déclarent avoir été exposés une fois
par semaine à tous les jours à des publicités pour l’alcool pour
30,7 % d’entre eux sur internet, 30,2 % à la télévision
(probablement
via la publicité pour des marques sans alcool
ou
via la télévision regardée sur internet), 25 % dans les
films et les séries, 24 % sur des affiches dans la rue, 19,9 % dans
les supermarchés, 16,9 % dans les transports publics, 16,1 % dans
les magazines et les journaux, 11,8 % à la radio et 10,3 % lors d’un
événement sportif ou un concert.
Ces chiffres interpellent. Ils soulignent que dans sa version
actuelle, la loi Évin protège peu les mineurs de l’exposition à la
publicité des produits alcoolisés. Plusieurs pistes peuvent être
avancées pour expliquer ces résultats.
En premier lieu, il convient de rappeler que la loi Évin n’est pas
toujours respectée (Rigaud et coll.,
2015

). La
justice condamne régulièrement des publicités en faveur de l’alcool
jugées illégales. Ainsi entre 1991 et 2019, l’Association Nationale
de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA) a engagé 97
actions judiciaires contre les producteurs d’alcool pour non-respect
de la loi Évin. Sur les 73 affaires définitivement jugées, elle en a
remporté 85 %. Par ailleurs, les observatoires des associations
Avenir Santé (le flash « alcoolator ») et de l’ANPAA (les fiches
« décryptages ») font régulièrement état de publicités qui ne
respectent pas la loi Évin sur internet, dans les festivals de
musique, de sport, sur le packaging, etc. Le contournement de la loi
porte sur les médias utilisés par les producteurs d’alcool alors
qu’ils sont interdits (sponsoring par exemple) et sur le contenu des
publicités et des packagings qui ne respecte pas les
caractéristiques autorisées par la loi (encadré 7.3). Le non-respect
de la législation concerne également « l’oubli » de la mention
obligatoire « l’abus d’alcool est dangereux » sur certaines
publicités.
En second lieu, la loi Évin a été considérablement modifiée depuis
1991 sous l’effet du lobbying des producteurs d’alcool (Spach,
2016

;
Benyamina et Samitier, 2017

; Benec’h,
2019

), ce
qui a eu pour conséquence d’affaiblir son impact. Ainsi deux médias
très puissants en termes d’audience, interdits en 1991, ont été de
nouveau autorisés au fil des années. Il s’agit de l’affichage qui
était seulement autorisé en 1991 près des lieux de production et de
vente d’alcool. Cette restriction a été levée en 1994. La publicité
est aujourd’hui autorisée en tout lieu (rues, métros, bus, etc.), ce
qui augmente l’exposition des plus jeunes aux campagnes
promotionnelles pour l’alcool. En 2009, sous la pression des
alcooliers, la loi Bachelot autorise la publicité en faveur de
l’alcool sur internet (à l’exception des sites dédiés aux sports et
qui ciblent la jeunesse), alors que ce média est très fréquenté par
les jeunes. En 2015, la loi Évin est une nouvelle fois assouplie,
malgré l’opposition forte des acteurs de la santé (Reynaud et coll.,
2015

) :
les boissons alcoolisées justifiant d’une appellation de qualité,
d’origine et de terroir ou d’un héritage culturel, gastronomique ou
régional ne sont désormais plus soumises aux restrictions
publicitaires prévues par la loi Évin. Ainsi les producteurs des
boissons ayant ces caractéristiques (c’est le cas du cidre, de la
bière, du vin, du whisky, de la vodka, etc.) peuvent diffuser leur
message commercial sur des médias autrefois interdits (télévision,
cinéma) ou soumis à des restrictions (radio, presse, etc.). On a
donc vu apparaître à la télévision à partir de 2017 des programmes
publicitaires financés par les producteurs (« 1 Minute 1 Vignoble »)
sur France Télévision par exemple. Citons enfin le projet visant à
établir un fonds spécial utilisant 10 % des dépenses publicitaires
de l’alcool pour financer la prévention, projet prévu dans la
version 1991 de la loi Évin

. Cette proposition ne s’est finalement
jamais concrétisée.
Encadré 7.3 : Exemples de publicités/packagings
condamnés/signalés en France comme non conformes à la loi
Évin
(1) Coffret Piper-Heidsieck sorti en 2018 en France. Il a
été interdit au titre de la loi Évin (ordonnance de référé
rendue le 20 décembre 2018, Tribunal de Grande Instance de
Paris). Les références à la féminité, au glamour ne sont pas
admises concernant le packaging des boissons
alcooliques.
(2) Packaging Carslberg sorti en 2014 en France, lors de
la coupe du monde de football au Brésil. Le visuel présente des
joueurs officiant dans le championnat de football anglais
(Premier League) dont la marque Carlsberg était le sponsor.
Cette campagne publicitaire était assortie d’un jeu concours. Le
packaging des boissons alcooliques est une forme de publicité
devant respecter les limitations de contenu imposées par la loi
Évin. C’est à ce titre que cette cannette a été interdite (Cour
de cassation, 5 juillet 2017).
(3) Heineken a sorti en 2013 une bouteille en partenariat
avec le label musical Ed banger. Il ressort de l’ordonnance de
référé (TGI Paris 18 juillet 2013) que les mentions très
orientées sur la sensualité, voire la sexualité, ne pouvaient
figurer sur le packaging, ce dernier ayant vocation à être un
objet publicitaire.
(4) Le 20 mai 2020, la Cour de cassation a rappelé qu’une
publicité pour des marques d’alcool doit être strictement
informative. Or la campagne publicitaire « Phénix » de
Grimbergen ne l’est pas en raison de la référence 1/ à la série
Game of Thrones et 2/ au phénix, animal légendaire
doté de pouvoirs exceptionnels. Ces deux associations valorisent
ainsi la consommation d’alcool auprès d’un public jeune et n’est
pas conforme à ce qu’autorise la loi Évin.
|
|
Une troisième explication de l’exposition importante des jeunes
français aux publicités pour l’alcool peut être proposée : les
mineurs ont accès (volontairement ou non) à des médias ciblant les
adultes, et à ce titre autorisés par la loi Évin : internet,
magazines, journaux, radio. Cela pose la question de la pertinence
de la restriction partielle de l’accès à certains médias comme le
prévoit actuellement la loi Évin (Siegfried et coll.,
2014

).
Formes, exposition et effet de la présence des marques
et des produits alcoolisés sur internet et les réseaux
sociaux
Un marketing spécifique est déployé par les producteurs d’alcool sur
internet (sites de marque, réseaux sociaux, e-mails, etc.), très
souvent croisé avec des interventions dans les médias traditionnels (par
exemple, incitation à se rendre sur le fil Twitter d’une marque
via un mot-clé lors d’une publicité par affiche ou à la
radio). Cette tendance à l’utilisation du marketing sur internet a
incité des chercheurs à mener des études sur l’exposition aux publicités
online et son effet sur la consommation d’alcool des
jeunes.
Présence de l’alcool sur internet : de quoi
parle-t-on ?
Les chercheurs distinguent les contenus commerciaux qui émanent des
producteurs d’alcool et des messages pro-alcool diffusés par des
tiers et/ou des internautes.
Messages commerciaux des producteurs
d’alcool
Le « basique » de la présence des producteurs d’alcool sur
internet est la création d’une page officielle de la marque
(site internet, page Facebook, compte Instagram, fil Twitter,
etc.). Par exemple, les marques Heineken et Desperado disposent
en France d’une page officielle Facebook respectivement suivie
et «
likée » par 487 458 et 476 670 personnes (Heineken)
et par 3 631 391 et 3 639 616 internautes
(Desperado)
17
.
Des études ont analysé les contenus et les formats de ces sites
officiels. Ils sont généralement conçus pour inciter les
internautes à s’inscrire (et ainsi récupérer des adresses
e-mail) et à interagir
via des devinettes, des
quizz, des jeux-concours, des compétitions (Nicholls,
2012

; Winpenny et coll., 2014

), des «
like », des
commentaires, des partages, etc. (Carah,
2014

).
Les marques d’alcool mobilisent fréquemment sur internet
l’humour, l’esprit de camaraderie, des jeux de mots, des tirages
au sort et proposent des cadeaux à gagner. Les contenus font
souvent référence à des moments de la vie quotidienne, suggèrent
des idées de cocktails avec la marque d’alcool promue et/ou
invitent les internautes à s’exprimer, à partager, à donner leur
avis sur les produits alcoolisés (Carah et coll.,
2014

; Winpenny et coll., 2014

; Atkinson et coll.,
2016

;
Gupta et coll., 2018

). Par ces différents procédés,
l’objectif est de provoquer une « viralité » maximale des
contenus produits pour en augmenter l’audience et d’obtenir un
engagement de la part des internautes (Lipsman et coll.,
2012

; Carah, 2014

).
Bien que ces analyses de contenu des pages officielles des
marques d’alcool aient été réalisées dans les pays anglo-saxons,
des tendances similaires se dégagent en France :
• sur la page Facebook officielle de la bière « kékette »,
les internautes sont invités à participer à des
concours, à publier et à partager du contenu lié à la
marque d’alcool : « partage ta kékette – prends toi en
photo avec ta kékette et partage-la sur le kékette’s
wall ! »
18
;
• sur les sites internet des marques Vodka Absolut et
Bacardi, 469 et 29 recettes de cocktails sont
respectivement proposées aux
internautes
19
;
• moyennant une inscription gratuite sur le site de la
marque Ricard, des bons de réductions à utiliser dans
les magasins sont téléchargeables (40 centimes, 3 euros,
etc. accompagnés du message « À vous de choisir les bons
de réductions qui vous
intéressent ! »
20
) ;
• sur le site internet de la marque de bière Belzebuth, des
petits diablotins rouges en montgolfière sont associés
au texte suivant « Plongez dans le mode des bières
Belzébuth. Elles réveilleront vos sens avouables et
inavouables. Laissez-vous ensorceler par leurs arômes
démoniaques ! »
21
;
Pour les marques d’alcool, une autre manière d’apparaître sur
internet est d’acheter de l’espace publicitaire pour diffuser
des bannières, des vidéos, des publicités interstitielles, etc.
Ces publicités apparaissent sur des sites et/ou des réseaux
sociaux choisis par les producteurs d’alcool selon l’audience et
les cibles à atteindre (publicité programmatique ciblée). Par
exemple, avant ou pendant une vidéo lancée sur internet, un
message commercial apparaît, spot qu’il n’est possible de passer
(ne plus le visionner) qu’après un délai de quelques secondes.
Concernant la France et selon le flash Alcoolator d’Avenir
Santé
22
, certaines de ces publicités pour l’alcool sur
internet ont des formes très intrusives (ce qui est normalement
interdit par la loi Évin
23
La loi HPST de 2009 (article L. 3323-2 du
Code de la santé publique, 9
o) précise que la
publicité pour l’alcool est autorisée «
sur les
services de communications en ligne à l’exclusion de
ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou
leur objet, apparaissent comme principalement
destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par
des associations, sociétés et fédérations sportives
ou des ligues professionnelles au sens du code du
sport, sous réserve que la propagande ou la
publicité ne soit ni intrusive ni
interstitielle. »
(
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000020879475&categorieLien=id#JORFARTI000020879870
(consulté le 3 avril 2020).
).
Sur les réseaux sociaux, les messages promotionnels pour l’alcool
prennent différents formats. Ils peuvent apparaître dans le
« fil d’actualités » des internautes sous formes de publications
dites « sponsorisées » (textes, photos, vidéos) et s’insèrent
entre les messages de leurs amis, les photos, les comptes
suivis, etc. (Mart, 2011

; Carah et coll.,
2014

; Jernigan et coll., 2017b

). Ils peuvent également s’immiscer
dans les «
stories »
24
Les « stories » sont une
fonctionnalité permettant à l’utilisateur de poster des
moments clefs de sa journée sous forme de photos ou de
vidéos superposées à la suite des autres, et de les
communiquer facilement à ses
amis/abonnés.
des utilisateurs : lorsque des vidéos ou photos
de «
story » personnelle sont postées, leurs amis qui les
visionnent voient apparaître une vidéo supplémentaire qui peut
être une publicité pour une marque d’alcool. L’agence de
publicité belge (Isobar) en charge d’une campagne de publicité
sur les «
stories » Instagram en 2017 pour la bière
Cubanisto explique l’intérêt de mobiliser ce format très en
vogue : « Instagram est un très bon moyen de donner plus de
personnalité à la marque. En plaçant la story au milieu des
messages des autres utilisateurs Instagram et grâce aux vastes
capacités de ciblage, nous sommes à même d’amener ce contenu
sans perturber le consommateur. Nous savons qu’en moyenne 70 %
des stories sont vues avec le son ce qui nous permet d’être très
créatif dans notre manière de transmettre ce message » (Jehtro
Calomme,
Head of Digital Creation chez
Isobar)
25
. Les producteurs d’alcool peuvent également
créer des «
stories » entièrement consacrées à leur
marque (encadré 7.4).
Encadré 7.4 : Exemple d’extraits de
« stories » officielles des marques d’alcool
Absolutelyx*, Greenroom# (marque
alibi d’Heineken), Piper-Heidsieck• et
Unepetitemousse≠
* Reçu le 20 décembre 2019 sur un compte
Instagram français à l’occasion des fêtes de
Noël.
# Reçu le 8 février 2020 sur un compte
Instagram français.
• Reçu le 9 février 2020 sur un compte
Instagram français. La marque Piper-Heidsieck fait, dans
cette story, la promotion de son engagement dans
le cinéma (partenariat avec la cérémonie des Oscars aux
États-Unis) à travers les bouteilles éditions limitées
sorties ces dernières années pour célébrer cet
événement.
≠ Reçu le 12 février 2020 sur un compte
Instagram français. Campagne promotionnelle
« unepetitemousse » pour la Saint-Valentin. La
story renvoie vers le site https://unepetitemousse.fr/biere-saint-valentin?popup=1
(consulté le 12 février 2020) qui propose à la vente un
coffret « 8 bières et 4 sextoys » (avec 20 % de
réduction).
|
|
La manière dont les publicités sont insérées dans ces fils
d’actualités ou dans les « stories » des internautes est
complexe. Les algorithmes des réseaux sociaux se basent sur des
informations concernant l’internaute et renseignées lors de son
inscription (âge, sexe, lieu de résidence, profession, centres
d’intérêts) et sur son activité (historique des actions,
interactions, pages « likées », commentaires, intérêts
partagés, fréquence et récence des échanges et discussion,
etc.). Selon la similarité entre le profil des internautes et
celui de la cible à atteindre, une publicité apparaît, ou non,
dans les fils d’actualités ou stories des individus.
Le marketing des marques d’alcool sur internet peut également
prendre la forme d’un soutien affiché à des événements
culturels, sportifs ou festifs (Atkinson et coll.,
2016

;
Lobstein et coll., 2017

). Ceux-ci sont créés par les
producteurs d’alcool (la
Heineken Champions Cup par
exemple
26
), ou sont organisés par des organisations
tierces qui bénéficient d’une aide financière en contrepartie de
la visibilité de la marque d’alcool sur la communication, le
site et les réseaux sociaux liés à l’événement. En France, le
sponsoring des marques d’alcool pour soutenir des événements
musicaux, festifs, etc. étant interdit par la loi Évin, des
marques « alibis » sont créées par les alcooliers. Par exemple,
Carlsberg a lancé la marque alibi temporaire « Probably » (aux
couleurs et
design de la marque mère) pour l’insérer sur
les panneaux publicitaires des matchs de football de l’Euro qui
se déroulait en France en 2016 (Murray et coll.,
2018

). Sur internet, Kronenbourg et Heineken ont mis en place les
événements
Pression Live27
et
Green Room28
, plateformes digitales musicales (également
physiquement présentes dans les festivals) proposant des
interviews d’artistes, des chroniques de disques et des
événements musicaux. Aucune référence directe à Kronenbourg et
Heineken ne figure sur ces sites événementiels, mais les logos
et codes couleurs évoquent de façon flagrante les deux marques
d’alcool (tableau 7.II

).
Tableau 7.II Exemples de marques alibis visibles sur internet
et lors d’événements musicaux
Logos officiels des marques
« Heineken/Kronenbourg »
|
|
Logos « alibis » des événements
musicaux « Green Room/Pression Live »
|
|
Dans le même ordre d’idée, des « soirées secrètes » «
House of
Mask » sont organisées depuis 2014 par la marque
Cubanisto (en référence au masque tête de mort de la marque).
Elles réunissent des
designers, des artistes et
célébrités de la scène électronique (par exemple le DJ Kavinsky
sous la nef du Grand Palais à Paris en juin 2016) et sont
relayées sur une page Facebook
29
dédiée.
Certaines marques sont moins « discrètes ». C’est le cas du
whisky Chivas qui a parrainé et organisé en 2019, dans un hôtel
particulier à Paris, les soirées gratuites «
Chivas The
Blend » placées sous le signe du hip hop et du rap. Ces
événements proposaient d’écouter des concerts live d’artistes
variés, de « déguster l’ensemble des références Chivas, des
cocktails inédits signature et de participer à l’expérience de
la Blending Room : créez & repartez avec votre propre
Blended Scotch Whisky ! »
30
.
Les producteurs d’alcool ont également recours à des célébrités
pour promouvoir leur marque en ligne (Lobstein et coll.,
2017

). Ils rémunèrent des « influenceurs » aux milliers (voire
millions) d’abonnés sur les réseaux sociaux, pour qu’ils fassent
la promotion de leurs marques. Le rapport annuel 2018/2019 de
Pernod Ricard raconte le succès d’un tel dispositif utilisé pour
la marque Absolut Vodka : « dépassant les frontières du marché
chinois, Hong-sik, influenceur et acteur sud-coréen très
populaire, a relayé l’événement (AbsolutNights100) auprès de ses
1,6 million de followers sur Instagram (@hongsick). Une vaste
campagne en ligne et sur les médias traditionnels a également
été mise en place. L’initiative AbsolutNights100 a porté Absolut
à des niveaux record sur les réseaux sociaux. Certaines soirées
ont été retransmises en direct sur Yizhibo, principale
plateforme de
streaming en Chine, enregistrant plus de 61
millions de vues et 52 millions de
likes. La marque a
ainsi bénéficié d’une couverture médiatique exceptionnelle et a
considérablement renforcé sa visibilité. Ces initiatives avaient
pour ambition de faire écho aux aspirations et aux attentes des
jeunes générations. Plus qu’une marque de vodka, Absolut est
devenue une marque à suivre sur les réseaux sociaux, associée à
des événements et expériences
exceptionnels. »
31
.
Des exemples de tels partenariats rémunérés sont visibles en
France (malgré leur interdiction dans le cadre de la loi
Évin) :
• la marque Cubanisto faisant la promotion, en 2017, d’une
édition limitée en partenariat avec le DJ Claptone
(« Découvrez les 3 nouvelles éditions limitées Cubanisto
by Claptone »), renvoyait les internautes sur la page
Facebook de cette célébrité
32
et associait de cette façon la marque
d’alcool à la fête ;
• un partenariat a été constaté entre « Saveur Bière » et
le célèbre Youtubeur Kemar autour de la marque
« Kramer », une bière en édition limitée dont les vidéos
publicitaires sont visibles sur
internet
33
;
• l’association Avenir Santé (Flash Alcoolator novembre
2018
34
) a constaté que l’influenceuse
@mayadorable (197 000 abonnés), 17 ans, entourée de ses
amis, posait sur les réseaux sociaux une bouteille de
Cubanisto à la main, action rémunérée par la marque.
Messages en faveur de l’alcool émis par des
tiers et/ou des internautes
Au-delà du marketing et de la publicité émis « officiellement »
par les producteurs d’alcool sur internet, des messages
pro-alcool sont diffusés
via d’autres sources. Par
exemple, si on lance la requête « absolut vodka » sur le moteur
de recherche d’Instagram, 41 pages apparaissent, dont seulement
deux sont officiellement diffusées par le fabricant de la marque
(Absolut Vodka Indonésie et Absolut Elyx
Vodka)
35
Recherche réalisée le 19 décembre
2019.
. Ainsi les bars, les discothèques, les
festivals, les événements sportifs, les internautes ou les
groupes d’internautes propagent également des messages sur des
marques d’alcool ou sur l’alcool en général (Lobstein et coll.,
2017

). À titre d’illustration, sur Facebook, la page « Ricard
club » se présente comme « une page pour les amateurs, les
collectionneurs et les fans du produit Ricard !!!!! à la
vôtre !!!! »
36
, et le groupe « J’peux pas j’ai Apéro »
(138 000 «
likes ») publie des contenus pro-alcool, des
messages sur des marques et vend des T-shirts qui vantent la
consommation excessive d’alcool
37
. Sans lien officiel déclaré entre les
administrateurs de ces pages et les marques d’alcool, il est
impossible de dire si le contenu publié est réalisé dans un
cadre strictement personnel ou dans le contexte d’un parrainage
rémunéré.
Peu investigué, Atkinson et coll.
(2016

)
ainsi que Moraes et coll. (2013

) estiment que ces messages diffusés
par des tiers ou des internautes sont largement sous-estimés.
Étant donné que les producteurs d’alcool ne portent pas plainte
contre ces usages illicites de leur marque, on peut considérer
qu’il existe une forme d’approbation tacite de leur part à la
propagation de ces messages qui contribuent gratuitement à
l’image positive de leurs produits (Cranwell et coll.,
2017

; Lobstein et coll., 2017

). À ce titre, il est nécessaire de les
comptabiliser dans le marketing de l’alcool présent sur
internet.
Des chercheurs se sont particulièrement penchés sur les messages
« non officiels » en faveur de l’alcool diffusés par les
internautes et qui fournissent une publicité gratuite pour les
marques d’alcool (Cranwell et coll.,
2015

; Primack et coll., 2015

; Cranwell et coll.,
2017

). Critchlow et coll. (Critchlow et coll.,
2015

; Critchlow et coll., 2017

; Critchlow et coll.,
2019

)
en distinguent deux formes :
• la participation de l’utilisateur aux contenus marketing
officiels des marques d’alcool (le user-generated
branding) : l’internaute interagit aux
publications des marques via des commentaires,
des partages, des « likes », des inscriptions à
des jeux concours, etc. ;
• la diffusion, par l’internaute, de contenus positifs sur
la marque et/ou sur l’alcool indépendamment des sites
officiels de marques et de tout intérêt commercial (le
user-created promotion). Concrètement, cela
se traduit par la diffusion de photos, de
« mèmes
38
Un mème est un élément ou un
phénomène repris et décliné en masse sur
internet.
», de vidéos où l’internaute s’affiche
avec des bouteilles sur les réseaux sociaux en buvant de
l’alcool avec ses amis.
Les spécificités d’internet et des réseaux sociaux, très investis
par les alcooliers ces dernières années, en font des supports
idéaux pour faciliter l’accès aux plus jeunes. Ce sont en effet
des supports (et donc des messages publicitaires) :
i) qui ont des chances d’être vus étant donné l’hyper
connexion des mineurs ;
ii) qui offrent la possibilité de
coller aux habitudes des cibles visées (la publicité est
personnalisée et donc plus efficace) ; et
iii) qui
permettent d’engager et d’inciter les internautes à diffuser des
messages pro-alcool auprès de leurs pairs (Montgomery et
Chester, 2009

). Concernant ce dernier point, il est
établi dans la littérature qu’un des facteurs qui incitent les
jeunes à commencer à boire est l’influence des pairs et la
consommation des autres jeunes (Borsari et Carey,
2001

). Propager des contenus pro-alcool
via des internautes
qui diffusent ces messages vers leurs pairs est donc
certainement plus efficace que des formats publicitaires
classiques pour inciter les jeunes à boire (le message devient
alors plus crédible, il attire plus l’attention, il est plus
apprécié, etc.).
Exposition des jeunes au marketing de l’alcool sur
internet
Des recherches ont tenté de mesurer l’exposition des jeunes aux
différentes formes de marketing des boissons alcooliques présentées
précédemment.
Aux États-Unis, Jernigan et coll.
(2017b

)
ont demandé à 1 192 mineurs (13 à 20 ans) et 1 124 majeurs (21 ans
et plus) leur exposition, au cours des 30 derniers jours, à de la
publicité pour de l’alcool ou à du contenu promotionnel en faveur
des boissons alcooliques sur différents médias. Concernant internet
en particulier, les mineurs étaient près de deux fois plus enclins
(29,7 %) à rapporter avoir vu de la publicité pour l’alcool que
leurs ainés (16,8 %). Parmi les 13-20 ans exposés au cours du mois
précédent (29,7 %), 17,3 % ont déclaré voir quotidiennement des
messages pro-alcool sur internet.
Étant donné les spécificités du marketing sur internet,
Cabrera-Nguyen et coll. (2016

) proposent de distinguer l’exposition aux
messages pro-alcool selon le caractère actif ou passif des
internautes. Les internautes sont dits « actifs » s’ils s’engagent
personnellement, c’est-à-dire s’ils tweetent, re-tweetent,
«
likent », commentent, postent et partagent du contenu
pro-alcool sur les réseaux sociaux, sont abonnés à des pages faisant
la promotion d’alcool, etc. À l’inverse, les internautes sont dits
« passifs » s’ils ne font que recevoir des contenus pro-alcool
(
via les messages de leurs pairs, des publicités sur leur
fil d’actualités, etc.), mais n’interagissent pas avec ces messages.
Leur typologie, appliquée à Twitter, est pertinente pour l’ensemble
des réseaux sociaux car il est probable qu’en fonction du niveau
d’engagement des jeunes, le niveau de persuasion et l’exposition aux
messages pro-alcool diffèrent. Li et coll.
(2014

)
puis Niland et coll. (2016

) ont en effet montré que l’engagement des
internautes et la co-construction des messages altèrent les
frontières entre contenu commercial et privé et influencent de façon
positive le processus de persuasion.
Des chercheurs ont évalué l’exposition « passive » à des contenus
pro-alcool.
C’est le cas de l’étude de Cavazos-Rehg et coll.
(2015

)
menée sur Twitter. En réalisant une recherche par mots-clés entre
mars et avril 2014 (
« drunk », « beer », « alcohol », etc.),
ces chercheurs ont collecté près de 12 millions de tweets relatifs à
l’alcool. Parmi ces tweets, 5 000 ont été extraits de pages
d’internautes dont l’audience était estimée élevée (elle était
mesurée au nombre d’abonnés). Ces messages ont été codés selon le
thème et la valence du tweet (pro- ou anti-alcool) puis leur source.
Au total, 4 800 (96 %) des tweets étaient relatifs à l’alcool, 3 813
(79 %) d’entre eux étaient pro-alcool, 346 (7 %) anti-alcool, et 641
(13 %) neutres. Concernant la source, 87 % des tweets provenaient
d’utilisateurs lambda (sans célébrité) et 10 % des industriels de
l’alcool ou d’organisations tierces (bars, restaurants, pages
indéterminées faisant la promotion d’alcool). Ce dernier chiffre
reflète la présence non négligeable des producteurs parmi les
comptes twitter les plus influents (probablement
via leur
community manager).
Une autre recherche menée sur YouTube a mesuré le nombre de
références à l’alcool dans les vidéos populaires, et la proportion
de jeunes ayant visionné ces vidéos (Cranwell et coll.,
2015

).
Sur 110 vidéos musicales les plus célèbres au Royaume-Uni, 45 %
faisaient au moins une fois référence à l’alcool, et 7 % montraient
une marque de boisson alcoolique. Ensuite, 2 068 adolescents
britanniques (11-18 ans) étaient interrogés
via un
questionnaire en ligne. Il s’avère que les 32 clips musicaux les
plus populaires (parmi les 110) et qui contenaient des références à
l’alcool ou au tabac ont été vus par 81 % des jeunes interrogés, et,
parmi eux, 95 % les avaient visionnés plusieurs fois.
Une étude similaire menée sur YouTube a étudié les vidéos les plus
visionnées et les plus «
likées » par les jeunes (Primack et
coll., 2015

).
Parmi les 70 vidéos retenues (qui cumulaient 333 millions de vues),
presque la moitié d’entre elles montraient une marque d’alcool et
79 % dépeignaient avec humour la consommation excessive d’alcool.
Les alcools les plus représentés dans ces clips étaient les
spiritueux, suivis de la bière, du vin et du champagne.
D’autres recherches ont analysé l’exposition « active » des jeunes au
marketing de l’alcool.
Critchlow et coll. (2015

) ont interrogé 405 Britanniques
(18-25 ans) sur leur exposition perçue au marketing de l’alcool et
leur participation (le «
user-generated branding »). Sur les
11 supports commerciaux présentés dans le questionnaire (fonds
d’écran, jeux, boutiques en ligne, sites internet de marques, pages
des marques sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter, vidéos
virales, concours en ligne), les jeunes ont rapporté être conscients
du marketing de l’alcool sur 4,3 d’entre eux en moyenne. Concernant
les réseaux sociaux, 84 % étaient au courant de l’existence de
vidéos virales impliquant du contenu commercial pour l’alcool, 65 %
de la présence des marques d’alcool sur Facebook et Twitter, et 57 %
de l’existence de concours en ligne. À propos de leur participation
à ces dispositifs marketing, ils déclaraient s’être engagés sur 2,34
supports (54 % pour les vidéos virales, 20 %
via les pages
Facebook et/ou Twitter des marques et 16 % pour les concours en
ligne).
Une autre étude menée sur 3 399 adolescents britanniques (11-19 ans)
a spécifiquement analysé la participation des jeunes au marketing de
l’alcool sur les réseaux sociaux (Critchlow et coll.,
2019

).
Cinq formes de participation (et donc d’exposition) se sont
dégagées : «
liker » la page d’une marque sur Twitter,
Facebook ou Instagram ; partager un contenu relatif à une marque ;
s’abonner à une marque d’alcool sur les réseaux sociaux ; participer
à un concours organisé par une marque d’alcool sur les réseaux
sociaux ; rechercher des publicités pour les visionner sur YouTube.
Sur l’ensemble des jeunes interrogés, 13,2 % ont déclaré avoir
participé à au moins une de ces formes de marketing.
Effet, sur les jeunes, du marketing de l’alcool sur
internet
Revues de la
littérature
Quatre synthèses de la littérature ont été publiées sur le thème
de l’effet, sur les jeunes, du marketing de l’alcool sur
internet et sur les réseaux sociaux.
La première est celle de Gupta et coll.
(2016

). Ils ont réalisé une revue systématique à partir des
critères d’inclusion suivants : des recherches sur des jeunes
âgés de 12 à 25 ans, mobilisant des méthodes longitudinales,
transversales, expérimentales ou qualitatives, analysant le
marketing alcool sur internet généré par les producteurs
d’alcool et/ou les internautes eux-mêmes, mesurant les attitudes
à l’égard de la consommation d’alcool, les intentions de
comportement et/ou de comportements déclarés, publiées en
anglais dans des journaux académiques et la littérature
grise.
Les études recensées proviennent des États-Unis, de
Grande-Bretagne et de Nouvelle-Zélande. Au total 15 articles ont
été retenus publiés entre 2011 et 2016.
Six recherches ont exploré le marketing publié par des marques
d’alcool. Par exemple, Hoffman et coll.
(2014

) concluent que l’exposition aux messages pro-alcool sur les
réseaux sociaux augmentent les problèmes liés à l’alcool, la
consommation d’alcool dans les 30 derniers jours et la
consommation excessive du produit en une seule occasion (âge
moyen des répondants : 21,4 ans). Jones et Magee
(2011

) montrent que sur des jeunes de 12-17 ans, l’exposition à la
publicité pour l’alcool sur internet augmente la probabilité de
boire de l’alcool dans une période proche, mais n’augmente pas
l’initiation à l’alcool ni leur consommation sur les 12 derniers
mois.
Neuf recherches ont étudié l’effet de l’exposition aux messages
pro-alcool générés par les internautes et/ou auxquels ils ont
participé (exposition active). Elles montrent toutes un lien
positif et significatif entre l’exposition à ces contenus puis
l’envie de consommer, la consommation déclarée actuelle ou
passée, la banalisation et la normalisation des alcoolisations
excessives et les problèmes rencontrés avec l’alcool. Parmi ces
études et à titre d’illustration, Gordon et coll.
(2011

) montrent que la participation au marketing
online de
l’alcool augmente les risques de devenir buveur d’alcool pour
des 12-14 ans et de boire pendant l’année. Une étude américaine
s’est penchée sur l’effet de l’exposition de lycéens (âgés de
15 ans en moyenne) à des photos d’amis sur Facebook et Myspace
qui font la fête (Huang et coll.,
2014

). Après avoir interrogé 1 563 lycéens, les auteurs concluent
que l’exposition à des photos d’amis qui font la fête et boivent
entraîne des comportements de consommation plus risqués.
Alhabash et coll. (2015

) mettent par ailleurs en évidence que
l’engagement sur Facebook («
liker », faire des
commentaires, partager du contenu, etc.) est prédicteur de
l’intention de consommer de l’alcool.
La revue de la littérature menée par Lobstein et coll.
(2017

) est narrative. Ces chercheurs se focalisent sur les
communications digitales émises officiellement par les marques
d’alcool et se posent 3 questions à cet égard : ces messages
ont-ils une influence sur la consommation d’alcool ? (Q1) ; quel
type de marketing
online est déployé par les producteurs
d’alcool ? (Q2) ; est-ce que les formes déployées sont conformes
aux codes déontologiques de protection des mineurs (Q3) ? Leur
synthèse intègre les recherches publiées en anglais entre 2000
et 2015 dans des journaux académiques et dans la littérature
grise (rapports des gouvernements, des ONG, des chercheurs,
etc.).
Les auteurs ont retenu 47 publications (33 articles publiés dans
des revues scientifiques et 14 rapports). En réponse à la Q1, 5
articles traitent de l’effet de l’exposition au marketing des
boissons alcoolisées sur les comportements d’alcoolisation des
jeunes (dont certains identifiés par Gupta et coll.,
2016

). Ils montrent tous que l’exposition au marketing en ligne
est associée, chez les jeunes, à une intention d’achat accrue, à
une consommation générale plus importante, et à une consommation
ponctuelle excessive. Pour répondre à la Q2, 22 recherches sont
retenues et montrent que les marques déploient différentes
méthodes pour faire de la publicité sur internet, dont des
méthodes qui encouragent la participation des internautes, leur
engagement, la co-création de contenus favorables aux marques et
à la consommation d’alcool en général. Enfin la réponse à la Q3
est négative, puisque 9 études mettent en exergue que les
mineurs sont exposés à des messages commerciaux attractifs
diffusés sur internet par les marques d’alcool, ce qui n’est pas
conforme aux codes déontologiques proposés par la filière. De
plus, des sites n’hésitent pas à vendre de l’alcool quel que
soit l’âge et/ou ne contrôlent pas l’âge des internautes.
Une autre synthèse, publiée par Buchanan et coll.
(2018

), est plus large que les précédentes car elle porte sur
l’impact du marketing digital des produits nocifs pour la santé
(alcool, tabac et malnutrition). Concernant l’alcool,
17 recherches sont intégrées dans cette revue de la littérature
systématique. Les critères d’inclusion étaient les suivants :
recherches sur des jeunes âgés de 12 à 30 ans, publiées dans des
journaux académiques entre 1990 et 2017 (pour l’alcool elles ont
été publiées entre 2001 et 2017) ou sur des sites de référence,
mobilisant des méthodes quantitatives et/ou qualitatives,
analysant le marketing sur internet au sens large (sites,
réseaux sociaux, etc.), mesurant des variables d’attitudes
(croyances, perceptions) et/ou d’intentions de comportement
et/ou de comportements réels (achat, consommation du
produit).
Sur les recherches recensées, la majorité étaient des études
transversales et/ou qualitatives.
Concernant les études transversales, la majorité trouve une
association entre l’exposition au marketing de l’alcool
online et la consommation d’alcool. Par exemple,
Bruijn et coll. (2016

) montrent un lien significatif entre
l’exposition des jeunes européens interrogés (âge moyen 14 ans ;
Allemagne, Italie, Pays-Bas, Pologne) au marketing
online
puis l’initiation à l’alcool et l’alcoolisation ponctuelle
excessive pendant les 30 jours précédant l’étude. Certaines
études montrent que la participation et la co-construction des
messages pro-alcool par les jeunes exercent un impact plus
important que les formes classiques de publicité en ligne
(bannières, publicités sur les fils d’actualités, etc.). Ainsi,
Jones et coll. (2016

) mettent en évidence que la
participation de jeunes de 16-24 ans à la création ou à la
diffusion de messages pour des marques d’alcool sur Facebook
augmente la fréquence et le volume d’alcool consommé et les
alcoolisations ponctuelles excessives. De même, Critchlow et
coll. (2015

) concluent à l’existence d’une association entre la
participation au marketing en ligne et la fréquence des
consommations ponctuelles excessives des 18-25 ans. Concernant
les plus jeunes (13-14 ans), Lin et coll. (2011

) montrent que la
participation à du marketing
online pro-alcool augmente
la probabilité d’être buveur, d’avoir bu dans les 12 derniers
mois, mais aucun lien n’a été montré avec l’intention de boire
ou la fréquence de consommation d’alcool. Carrotte et coll.
(2016

) révèlent par ailleurs que suivre et/ou «
liker » des
sites pro-alcool augmente les risques de commencer à boire jeune
(étude réalisée sur des 15-29 ans).
En mobilisant une méthodologie longitudinale, McClure et coll.
(2013

) mettent en évidence que la réceptivité au marketing de
l’alcool sur internet augmente la probabilité de devenir un
buveur excessif («
binge drinker »), mais n’augmente pas
les risques de s’initier à l’alcool.
Les études qualitatives explorent en particulier l’effet du
marketing en ligne sur les perceptions et l’image de l’alcool :
des jeunes de 16-29 ans déclarent que les publicités pour des
marques d’alcool sur Facebook sont perçues « relax », évoquent
la bonne humeur, la confiance et le succès social (Weaver et
coll., 2016

). Des jeunes de 18-25 ans estiment quant à eux que partager
des contenus sur des marques d’alcool les aide à construire leur
identité virale, à exprimer leur goût et leurs préférences et à
créer des liens avec les autres (Lyons et coll.,
2017

).
En résumé de la synthèse de Buchanan et coll.
(2018

), sur les 7 études recensées, 5 ont trouvé un lien positif et
significatif entre l’exposition au marketing de l’alcool sur
internet et les intentions de boire de l’alcool. Sur les 10
recherches qui ont étudié les comportements réels, 8 trouvent un
lien entre l’exposition aux messages
online pro-alcool et
la consommation de boissons alcooliques.
Curtis et coll. (2018

) ont réalisé une méta-analyse des
articles publiés jusqu’en janvier 2017 sur l’effet du marketing
de l’alcool
online sur les jeunes. Les recherches (en
anglais) retenues portaient sur les réseaux sociaux, mesuraient
une forme d’engagement des jeunes par rapport aux messages sur
l’alcool («
liker », poster des commentaires, regarder
des vidéos sur l’alcool, publier des photos avec de l’alcool,
etc.) et évaluaient avec des échelles fiables la consommation
d’alcool et les problèmes liés à l’alcool (
Alcohol use
disorders test – AUDIT, etc.). Les études qualitatives,
d’analyse de contenu, d’effet des publicités alcool au sens
large sur les jeunes, etc. n’ont pas été intégrées dans cette
synthèse.
Au total, 19 articles ont été retenus (impliquant un total de
9 000 jeunes et adolescents). Les réseaux sociaux étudiés dans
ces recherches étaient Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram et
MySpace. La méta analyse montre qu’il existe une relation
significative et positive (avec un effet de taille modéré) entre
l’engagement des jeunes par rapport à l’alcool sur les réseaux
sociaux et le niveau de consommation d’alcool puis les problèmes
associés à l’alcool. Les auteurs de cette synthèse font état de
la très forte hétérogénéité des recherches compilées
(différences dans les mesures mobilisées, les méthodes,
etc.).
La synthèse la plus récente date de 2020 (Noel et coll.,
2020

). Elle est relativement similaire à la précédente en termes
de période de requête (les articles en anglais intégrés ont été
publiés entre 2010 et 2017) et d’objectifs. En effet, les
auteurs avaient pour but d’évaluer l’effet, sur des adolescents
et des jeunes adultes, de :
i) l’exposition au marketing
digital (sites internet et réseaux sociaux des marques d’alcool,
bannières publicitaires, forums, chats,
e-mails,
applications, contenus téléchargeables, messages d’internautes
en lien avec les campagnes marketing des marques) ; et
ii) la réceptivité à ce marketing
online (cliquer
sur une publicité alcool, visiter un site, participer à un
concours, «
liker », partager, etc.) sur les intentions,
la consommation et les attitudes par rapport à l’alcool. Sur les
25 articles recensés, la très forte majorité des études montre
un lien entre l’exposition et la réceptivité au marketing
digital des marques d’alcool puis la fréquence de la
consommation d’alcool et l’alcoolisation ponctuelle importante
des jeunes. L’effet de la réceptivité semble jouer un rôle plus
important sur les comportements et attitudes que celui de
l’exposition.
Recherches non intégrées dans les revues de la
littérature et publiées
depuis 2017
Sans prétendre à l’exhaustivité, sont reportés ci-dessous les
résultats d’études publiées depuis 2017. Les recherches les plus
récentes ont majoritairement étudié l’effet des messages
pro-alcool diffusés par les jeunes (et non par les producteurs
d’alcool) partant du constat que si les jeunes se montrent
critiques vis-à-vis des techniques commerciales déployées par
des marques d’alcool sur les réseaux sociaux et y participent
rarement, ils sont plus réceptifs et s’engagent plus volontiers
dans les contenus émis par des tiers (bars, établissements de
nuit, etc.) et d’autres internautes (Moraes et coll.,
2013

; Atkinson et coll., 2016

).
Concernant l’effet, sur les comportements, des messages
pro-alcool postés par des internautes, Critchlow et coll.
(2017

) ont interrogé 405 jeunes britanniques (18-25 ans) qui en
diffusent sans lien commercial avéré avec des marques d’alcool
(«
user-created promotion » : par exemple poster sur
ses pages Instagram ou Facebook des photos de soi ou d’amis qui
boivent). Les résultats révèlent une association positive et
forte entre la participation à la promotion de l’alcool sur les
réseaux sociaux et une consommation à risque.
En interrogeant un échantillon plus large de mineurs (3 399
adolescents britanniques âgés de 15 ans en moyenne), les mêmes
auteurs montrent que le fait de participer à au moins deux
formes de marketing des marques d’alcool sur internet
(«
user-generated branding » : par exemple, commenter
une photo postée par une marque) est associé positivement à une
consommation d’alcool à risque (Critchlow et coll.,
2019

). Les auteurs rapportent également une association
significative et supérieure avec la consommation à risque dans
le cas d’un engagement de type «
user-created
promotion ». Ces résultats suggèrent que s’engager soi-même
dans la diffusion de messages pro-alcool aurait un impact plus
important sur la consommation que de participer au marketing des
producteurs.
Noel et Babor (2018

) ont constaté sur Facebook que lorsque
des jeunes (21-24 ans) sont exposés à des messages commerciaux
d’alcool associés à des commentaires pro-consommation et à des
«
likes » d’autres internautes, ceux-ci déclarent une
envie de boire élevée (3,5 fois supérieure par rapport à ceux
exposés à des commentaires anti-consommation). De plus, les
commentaires pro-consommation augmentent également l’envie de
s’engager des jeunes qui y sont exposés («
liker »,
poster des commentaires, etc.).
Puisque les messages pro-alcool d’internautes lambda semblent
avoir une influence sur les comportements d’alcoolisation
d’autres jeunes, Steers et coll.
(2019

) ont exploré les raisons qui incitent les jeunes à diffuser
des messages pro-alcool. Pour ce faire, ils ont mené une étude
longitudinale sur 4 ans (la moyenne d’âge des 316 jeunes
recrutés au début de la recherche était de 17,9 ans). Ces
chercheurs ont montré que leur propre consommation d’alcool
(plus on boit et plus on participe), le temps (plus les jeunes
vieillissent et moins ils participent), puis la perception que
leurs amis approuvent les comportements d’alcoolisation (plus
cette perception est forte et plus on participe) incitent les
jeunes à poster des messages pro-alcool sur Facebook.
Au-delà de l’analyse des effets des messages pro-alcool diffusés
par des pairs sur les comportement d’alcoolisation, des
chercheurs ont étudié l’impact de ce phénomène sur l’image et
l’identité des jeunes. Jones et coll.
(2017

) ont interrogé 60 australiens (18-21 ans). Ces derniers ont
déclaré que la consommation d’alcool et les réseaux sociaux font
partie de leur identité et que ce sont des moyens jugés
pertinents pour faciliter, établir et consolider leurs relations
sociales. Ils combinent dès lors volontiers les deux en
communiquant sur les réseaux sociaux à propos de leur
consommation d’alcool (qui fait partie de leur identité) pour
montrer qu’ils sont « cools ». D’autres jeunes déclarent
également que poster des photos avec des amis qui boivent les
aident à montrer leur appartenance à un groupe de pairs
particuliers. Le fait de voir leurs amis commenter et
«
liker » leurs photos ou publications leur procure
également le sentiment d’avoir une vie sociale épanouie.
Purves et coll. (2018

) ont exploré, dans des entretiens de
groupe auprès de jeunes (14-17 ans), l’idée qu’afficher son
comportement d’alcoolisation sur les réseaux sociaux peut être
bénéfique. Ils découvrent que cela dépend en fait de la marque
avec laquelle on s’affiche. Ainsi s’associer à certaines marques
sur les réseaux sociaux peut valoriser la personne mais, à
l’inverse, peut aussi comporter des risques en termes d’image
vis-à-vis des pairs si la marque n’a pas une bonne image.
Enfin, quelques recherches ont étudié l’impact des messages
pro-alcool diffusés par des pairs sur la norme perçue par
rapport à la consommation d’alcool. Une étude s’est intéressée à
l’effet, sur 296 jeunes étudiants non buveurs américains
(moyenne d’âge 18,10 ans), du nombre de «
likes »
associés aux publications pro-alcool de leurs amis sur Facebook
et Instagram (Boyle et coll.,
2018

). Les auteurs montrent que les étudiants non buveurs dont les
publications pro-alcool d’amis sont très «
likées » ont
une plus forte tendance à considérer que les comportements
d’alcoolisation sont la norme dans les soirées étudiantes. Ainsi
les représentations des non-buveurs semblent également être
impactées par la présence de message favorables à l’alcool sur
les réseaux sociaux.
Dispositifs de protection des mineurs au marketing
de l’alcool
sur internet
Il existe actuellement 4 solutions pour protéger les mineurs de
l’exposition au marketing de l’alcool sur internet.
Barrières d’âge
Elles sont souvent citées comme un moyen de protéger les mineurs.
Elles consistent, pour les réseaux sociaux, à se baser sur la
date de naissance renseignée par l’utilisateur lors de son
inscription. Si l’internaute est mineur, il n’aura alors pas
accès aux pages officielles des marques d’alcool. Sur les sites
internet des marques d’alcool, elles prennent la forme d’un
message d’avertissement demandant à l’utilisateur de certifier
qu’il est majeur ou de renseigner sa date de naissance. Qu’en
est-il de l’efficacité de ces dispositifs ?
Certains auteurs ont tenté de répondre à cette question. En
Australie, Jones et coll. (2014

) ont testé ce dispositif sur 25 sites
de marques d’alcool populaires chez les jeunes et concluent à
une inefficacité de ce système car il est possible de fournir
n’importe quelle date de naissance. En renseignant différents
âges sur 10 comptes fictifs, Barry et coll. (2016) ont évalué
l’accès des mineurs aux contenus promotionnels des marques
d’alcool sur Twitter et Instagram. Sur Twitter, si les comptes
mineurs ne pouvaient pas s’abonner aux pages officielles des
marques d’alcool, il était néanmoins possible d’avoir accès à
leurs contenus et de pouvoir interagir avec. Sur Instagram,
aucune protection n’existait, et les
community managers
des marques interagissaient même directement avec des profils de
mineurs. D’autres recherches se sont intéressées aux contenus
visibles sur YouTube par des mineurs aux États-Unis (Barry et
coll., 2015

). Trois profils fictifs masculins de 14, 17 et 19 ans ont été
créés afin d’évaluer leur capacité à accéder aux contenus sur
YouTube des 16 marques de bières et de spiritueux les plus
populaires chez les mineurs américains. Quels que soient leurs
âges, les trois profils ont pu s’abonner aux chaînes des 16
marques d’alcool.
Si aucune recherche française n’a été menée sur ce thème, il est
probable que des résultats similaires se dégagent. En effet, une
enquête réalisée par l’association Génération
Numérique
39
sur 4 060 adolescents en janvier 2019 montre
que 56 % des 11-12 ans reportent être inscrits sur au moins un
réseau social (Instagram, Twitter, etc.), alors même que l’âge
légal d’inscription y est généralement fixé à 13 ans (avec un
accord parental entre 13 et 15 ans, sans accord dès
15 ans
40
). Ces jeunes, mineurs, peuvent donc être très
exposés au marketing officiel des marques d’alcool.
Lois et réglementations
Certains pays se sont dotés de lois pour protéger les mineurs du
marketing de l’alcool sur internet. C’est le cas de la Finlande
qui a adopté depuis 2015 une règlementation relative à la
publicité d’alcool sur les réseaux sociaux (
National
Supervisory Authority for Welfare and Health, 2018,
p. 29). Dans l’«
Alcohol Act » de cette
loi
41
, il est précisé que toutes formes de
sollicitations marketing pour engager les internautes sont
interdites (concours, jeux, tirages au sort, incitations à
«
liker », à poster des commentaires, à réagir sur
les réseaux sociaux des marques, etc.) (
National Supervisory
Authority for Welfare and Health, 2018, p. 31). Ces
formats publicitaires qui impliquent les internautes sont
interdits pour les industriels de l’alcool mais aussi pour leurs
partenaires (influenceurs, bars, boîtes de nuit, célébrités,
etc.) dès lors qu’un accord commercial est conclu entre eux et
une marque d’alcool. Ainsi ces «
commercial operators »
ont l’obligation de désactiver l’option de partage sur les
publications et les commentaires des utilisateurs ou, lorsque le
réseau social ne le permet pas, de modérer les commentaires
faisant la promotion de la consommation ou d’une marque en
particulier. Cette loi est intéressante dans le sens où elle
prend en compte les formes d’engagement des internautes qui,
comme l’a montré la littérature, ont une influence sur les
envies de consommer. Elle pose toutefois la question épineuse de
la traçabilité : comment s’assurer que les membres ou/et
administrateurs des sites publient du contenu dans un cadre
strictement personnel (et donc autorisé par la loi au titre de
la liberté d’expression) ou en lien direct ou indirect avec la
filière alcool ?
Codes d’autodiscipline proposés par les
industriels de l’alcool
L’
International Alliance for Responsible Drinking (IARD)
(financée par les industriels de la filière) a produit un guide
international de bonne conduite pour la communication digitale
des produits alcooliques
42
. Comme précisé auparavant, ces codes sont peu
respectés et non efficaces pour protéger les mineurs de
l’exposition au marketing de l’alcool. Ils ne constituent donc
pas une solution pertinente.
Contrôle parental
Le contrôle parental des activités online de leurs enfants
(dont la consultation des pages pro-alcool).
À notre connaissance, aucune recherche n’a étudié l’intérêt de ce
dispositif pour protéger les mineurs du marketing de l’alcool.
Pour une forte efficacité, ce dispositif impliquerait un
pourcentage important de parents qui le mobiliserait, puis des
campagnes de sensibilisation pour informer les parents sur la
façon dont leurs enfants sont exposés à l’alcool sur internet et
l’effet de ces expositions sur les comportements
d’alcoolisation.
Conclusion
Les outils classiques du marketing (les 4 « P » : produit, prix,
publicité, place – accès aux produits) sont mobilisés par les
producteurs d’alcool pour inciter une cible large à acheter et à
consommer leurs marques. Des techniques commerciales spécifiques sont
par ailleurs déployées pour toucher des profils particuliers de
consommateurs : les jeunes et les femmes.
Des travaux scientifiques ont analysé l’effet du marketing de l’alcool
sur les jeunes, particulièrement l’impact de la publicité qui en est une
composante. La très grande majorité des recherches révèle un lien
positif et significatif entre l’exposition au marketing et à la
publicité pour des produits alcooliques, les attitudes puis les
comportements d’alcoolisation des jeunes (initiation pour les
non-buveurs, augmentation de consommation pour les jeunes buveurs).
Ainsi, au-delà de l’influence des pairs, des parents et de la culture,
l’état actuel de la recherche laisse penser que le marketing des
industriels de l’alcool joue aussi un rôle pour expliquer les
comportements d’alcoolisation de cette population.
Au-delà du marketing classique, les producteurs d’alcool investissent
internet, média très fréquenté par les jeunes. Les formats publicitaires
digitaux des marques d’alcool sont protéiformes : les sites de marque,
réseaux sociaux, e-mails, concours, stories, messages
pro-alcool, etc., sont diffusés par les industriels (sites, soutien
affiché à des événements, recours à des célébrités) ou par des tiers
et/ou des internautes. Une des spécificités du marketing digital est de
pouvoir inviter les utilisateurs à s’engager et à interagir avec les
publications des marques, ce qui en fait des internautes « actifs ».
Des recherches ont été menées sur l’effet de ces messages alcool diffusés
sur internet. Elles montrent que la très grande majorité des travaux
recensés établissent un lien positif et significatif entre l’exposition
à des contenus pro-alcool sur internet puis l’envie de consommer, la
consommation déclarée actuelle ou passée, la banalisation des
alcoolisations excessives et les problèmes rencontrés par les jeunes
avec l’alcool. Ces recherches n’ayant généralement pas analysé le sens
de ces associations, de futures études sont à mener afin de les
caractériser plus précisément.
Pour protéger les mineurs du marketing, les acteurs de la santé
recommandent de réguler les pratiques commerciales des producteurs
d’alcool. Différentes solutions existent : l’autorégulation et les
barrières d’âges sur internet (peu efficaces), ou la loi, à l’instar de
la loi Évin en France mise en place en 1991. Il s’avère que dans sa
version actuelle, cette dernière protège peu les mineurs de l’exposition
à la publicité des marques d’alcool car elle n’est pas toujours
respectée et qu’elle a été considérablement affaiblie sous l’effet du
lobbying des producteurs d’alcool.
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