Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool
2021
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Campagnes de prévention Alcool : mise en place, impact, nouveautés1
Santé publique France, Direction de la prévention et de la promotion de la santé
Viêt Nguyen Thanh, responsable de l’unité Addictions
Claudine Tanguy, directrice adjointe
Pierre Arwidson, directeur adjoint
Que dit la littérature sur l’efficacité des campagnes médiatiques incitant à la réduction
de la consommation d’alcool ?
Les analyses et points de vue exprimés dans la communication n’engagent que leurs
auteurs.Les auteurs remercient la directrice de la prévention et de la promotion de la santé
de Santé publique France, Sylvie Quelet, pour sa relecture attentive, et les membres
de l’unité Addictions de la Direction de la prévention et de la promotion de la santé
de Santé publique France, qui ont contribué au dispositif de marketing social décrit
dans le présent article : Caroline Marcel-Orzechowski, Mathilde van Eeckhout, Chloé
Cogordan, Guillemette Quatremère, Raphaël Andler, Romain Guignard, Jennifer Davies,
Olivier Smadja, Laure Poirat, Marianne Hochet.
Babor et ses collègues ont publié en 2003 (Babor, 2003

) un manuel de politiques publiques destinées à réduire la consommation de l’alcool
dans les populations. Une mise à jour conséquente a été publiée en 2010 (Babor, 2010

). Dans les deux versions du manuel, on peut lire que les auteurs ne recommandent
pas que les pouvoirs publics ou les associations fassent des campagnes médiatiques
de prévention car elles ne peuvent pas être « un antidote efficace » à une promotion
omniprésente et de haute qualité faite par les alcooliers. La référence citée en soutien
est un document technique de l’OMS (2007) qui ne contient aucun article scientifique
en soutien à cette affirmation. Il s’agit donc uniquement d’un avis d’experts engagés
dans la défense de politiques publiques réglementaires avec un bon niveau de preuves
comme l’augmentation des prix ou la réduction de l’accès (horaires, nombre de points
de vente, etc.). Ces experts voulaient à tout prix éviter que les mesures les plus
demandées par la population et les élus (éducation à l’école, campagnes médiatiques)
et les moins difficiles à mettre en œuvre politiquement ne prennent le pas sur les
mesures réglementaires.
Il y avait en réalité très peu de recherches sur l’efficacité des campagnes médiatiques
dans le domaine de l’alcool comparativement au domaine du tabac. Wakefield et collègues
(Wakefield et coll., 2010

) ont ainsi conclu en 2010 à un fort niveau de preuves pour l’intérêt des campagnes
médiatiques anti-tabac et un faible niveau de preuve pour l’intérêt des campagnes
médiatiques anti-alcool (à partir d’un nombre très réduit d’articles).
Ce n’est que très récemment que des travaux d’évaluation ont commencé à être publiés.
Young et ses collègues (Young et coll., 2018

) ont publié en 2018 la première revue systématique de 24 études. Les auteurs estiment
que la qualité des évaluations était faible. Seulement 13 des études incluaient une
mesure de l’impact sur la consommation. Les auteurs ont noté une bonne reconnaissance
des campagnes par le public, une amélioration des attitudes et un recul des croissances
mais pas d’impact sur la consommation.
Dunstone et ses collègues estiment (Dunstone et coll., 2017

) que la conclusion de l’inefficacité des campagnes médiatiques de prévention était
prématurée en raison de la faible qualité des évaluations réalisées jusque-là.
Ils ont fait la première analyse de contenu des campagnes médiatiques. Il est en effet
nécessaire de décrire les interventions préventives avec un langage commun et donc
d’établir une taxonomie (Babor, 2003

et 2010

), si l’on veut faire des progrès en prévention, comme le recommande l’équipe de Susan
Michie. Dunstone et coll. ont donc analysé 110 spots de prévention alcool de venant
de 72 campagnes anti-alcool de 2006 à 2014. Le sujet dominant de tous les spots était
l’effet à court terme à 52 %, alors que 10 % abordaient les dommages à long terme,
18 % abordaient la consommation des mineurs, 17 % abordaient comment changer (
how-to-change), and 3 % étaient des plaidoyers pour des changements de politiques. L’objectif de
la majorité des spots était de motiver à réduire la consommation d’alcool (38 %) ou
de consommer de façon raisonnable (
sensible drinking) (33 %). Seulement 10 % des spots ont rappelé les repères de consommation à moindre
risque. 87 % des spots de prévention utilisaient la dramatisation, et 74 % avaient
un ton émotionnel négatif. Ces auteurs ont constaté que certaines pistes ont été plus
utilisées que d’autres, suggérant qu’il y avait de nouvelles pistes à explorer en
analysant les efficacités relatives des différences approches. Par exemple, comme
la plupart des dommages attribuables à l’alcool sont des maladies de long terme, de
futures campagnes devraient tester cette approche. Les auteurs ont aussi proposé que
les campagnes recommandent la réduction de la consommation avec un rappel fréquent
des repères de consommation à moindre risque, en général très méconnus.
L’erreur fondamentale est en fait d’attribuer une efficacité ou une inefficacité à
une catégorie d’interventions préventives comme les interventions en milieu scolaire
ou les campagnes médiatiques qui n’ont en général que peu de choses en commun l’une
avec l’autre (contexte culturel, contexte historique, détails et qualité de la mise
en œuvre précise). L’histoire de la prévention a ainsi été marquée par des conclusions
définitives à propos de catégories d’intervention préventive suite à des échecs majeurs.
Il a été conclu, à tort, que la prévention du tabagisme à l’école ne marchait pas
après l’échec du projet de prévention du centre Hutchinson (Peterson et coll., 2000

). Alors que la seule conclusion possible était que c’était l’intervention évaluée
qui avait été inefficace. Il a fallu longtemps pour que cette vérité soit rétablie
dans un rapport du
Surgeon General (
Centers for Disease Control and Prevention (US), 2012

).
Il a été également conclu à tort que les campagnes médiatiques pour la prévention
de l’usage de drogues illicites étaient inutiles suite à la
National Youth Anti-Drug Prevention Campaign qui a coûté un milliard de dollars et a eu un effet boomerang sur la consommation
de cannabis. Hornik et collègues ont ainsi constaté qu’une forte exposition à la campagne
avait été associée à davantage de consommation du produit (Hornik et coll., 2008

). Comme le suggère William Crano (Alvaro et coll., 2013

), si on ne met pas d’encre dans le stylo (sous-entendu de la persuasion), il n’écrira
pas. Crano insiste sur le fait qu’il faut des stratégies pour réduire la résistance
à la persuasion (réactance).
Le champ du marketing social pour réduire la consommation d’alcool, avec un volet
médiatique, est donc finalement un champ en construction. Il sera nécessaire de faire
des analyses fines, de type socio-anthropologique des cibles choisies, de se fonder
sur des théories solides, et que les projets soient testés avec des méthodes rigoureuses.
Mise en œuvre des campagnes de marketing social en France
Les opérateurs nationaux de la prévention que sont l’Assurance maladie, la Sécurité
routière ou Santé publique France et ses prédécesseurs (Comité français d’éducation
pour la santé, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) diffusent
depuis les années 80 des campagnes sur la thématique « alcool ». Leur objectif a toujours
été d’informer (en particulier sur les risques associés à la consommation d’alcool),
et de faire évoluer les attitudes et les comportements du public dans un sens plus
favorable à la santé. La démarche de conception, de réalisation et d’évaluation de
ces campagnes s’est cependant fortement structurée depuis le début des années 2000,
pour correspondre aujourd’hui à la démarche et aux étapes du marketing social. Le
marketing social s’inspire du marketing marchand pour favoriser l’adoption de comportements
protecteurs pour la santé. Karine Gallopel-Morvan, professeur des universités à l’EHESP,
précisait dans la Santé en action en 2011 : « Le marketing social n’est pas appliqué à un produit commercial mais à
une cause : réduction de la consommation de tabac, de l’alcoolisation excessive des
jeunes, obésité, don du sang, paludisme, conduite en état d’ébriété, pollution atmosphérique,
faim dans le monde, etc. Le point commun entre le marketing social et le marketing
commercial ? Ils utilisent les mêmes outils et ont pour objectif final de modifier
les comportements de la cible visée. ».
Les étapes du marketing social sont les suivantes : analyse du problème et études
préalables ; définition des objectifs ; segmentation et ciblage ; mise en œuvre opérationnelle
des « 5C » : comportement, communication, coût, capacité d’accès et collaborateurs ;
évaluation.
Pour répondre à la demande du groupe d’experts constitué par l’Inserm dans le cadre
de la présente expertise collective, nous avons présenté cette démarche telle qu’appliquée
par Santé publique France, en utilisant un exemple récent : la méthode de conception
de la campagne de promotion des nouveaux repères de consommation à moindre risque,
diffusée en mars-avril 2019
2. Ce dispositif, qui s’adresse à une cible très large (la population de ceux qui consomment
au-delà des repères à moindre risque), s’inscrit dans une stratégie plus globale d’intervention,
en complément des actions qui visent des populations plus spécifiques comme celle
des femmes en âge de procréer (grossesse et alcool) ou les jeunes adultes.
Analyse du problème – études préalables
Plusieurs types d’études contribuent à décrire et à mesurer l’étendue du problème
lié aux consommations d’alcool en France ; nous citons les principales.
Estimation de la mortalité attribuable à l’alcool
Elle est actualisée régulièrement, selon une méthode reproductible mobilisant les
données d’enquêtes et de ventes, et des fonctions de risque extraites de méta-analyses
récentes pour chaque cause de décès dont le risque est modifié par la consommation
d’alcool. La combinaison de ces risques et des prévalences de consommation permet
de calculer les fractions de mortalité attribuables à l’alcool pour chaque cause,
puis le nombre de décès attribuables à l’alcool. En 2015, en France métropolitaine,
on estime ainsi à 41 000 le nombre de décès attribuables à l’alcool, soit 7 % de l’ensemble
des décès (Bonaldi et Hill, 2019

). Il s’agit donc d’une des trois premières causes de mortalité évitables en France,
avec le tabagisme (Bonaldi et coll., 2019

) et la pollution atmosphérique (Pascal et coll., 2016

).
Estimation de la morbidité attribuable à l’alcool
Plusieurs types d’études permettent de mesurer les conséquences des consommations
d’alcool en termes de morbidité : citons par exemple les travaux de François Paille
et Michel Reynaud publiés en 2015 (Paille, 2015

) ; ils ont permis de mesurer le poids de l’alcool dans l’ensemble des hospitalisations
en 2012. Leurs travaux montrent que cette année-là, plus de 580 000 séjours ont été
induits par l’alcool en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie ; en psychiatrie,
plus de 2 700 000 journées lui sont dues ; enfin, en soins de suite et de réadaptation,
plus de 2 000 000 de journées liées à l’alcoolisation excessive ont été recensées.
Le coût estimé s’élevait à près de 3,6 % de l’ensemble des dépenses hospitalières
en 2012.
Estimation du coût social de l’alcool
Il s’agit là d’estimer l’impact monétaire des consommations d’alcool. Le coût social
est composé du coût externe (valeur des vies humaines perdues, perte de la qualité
de vie, pertes de production) et du coût pour les finances publiques (dépenses de
prévention, répression et soins, économie de retraites non versées, et recettes des
taxes prélevées sur l’alcool et le tabac). L’estimation la plus récente réalisée par
l’économiste Pierre Kopp fait état d’un coût social lié à l’alcool de 120 milliards
d’euros par an (Kopp, 2015

).
Données de mise à la consommation
Les données de vente d’alcool ne sont pas publiées en France ; mais l’alcool étant
soumis à des taxes proportionnelles aux volumes commercialisés, il est possible, à
partir du montant des recettes fiscales perçues sur l’alcool, de reconstituer les
volumes d’alcool mis en vente sur le territoire français. Ce travail est réalisé chaque
année par l’OFDT. Il montre qu’en 2017, le volume d’alcool pur vendu en France représentait
une consommation par habitant de 15 ans et plus était de 11,7 litres par an. Depuis
le début des années 1960, les quantités d’alcool mises en vente en France ont fortement
diminué : en 1961, les quantités d’alcool par habitant âgé de 15 ans et plus représentaient
26 litres d’alcool pur. Ces volumes restent cependant très élevés et placent la France
parmi les premiers pays consommateurs d’alcool en Europe.
Données d’enquête
Les indicateurs précédemment décrits permettent d’estimer les consommations de l’ensemble
de la population et leurs impacts, mais ne fournissent pas d’information sur la manière
dont se distribuent ces consommations au sein de la population. Il est donc indispensable
de les compléter par des données d’enquêtes auprès d’échantillons représentatifs de
la population pour identifier plus finement les niveaux de consommation et leurs évolutions
selon le sexe, l’âge, la catégorie socio-professionnelle, etc. Ces données sont bien
sûr marquées par un biais de sous-déclaration important, dont les porteurs d’enquête
tentent de réduire la portée et la nuisance en apportant une grande attention aux
méthodes d’enquête (limitation du biais de couverture, du biais de non réponse) (Richard
et coll., 2018

).
En France, le Baromètre de Santé publique France permet d’estimer les niveaux de consommation
d’alcool et leurs évolutions en population adulte à partir de 15 ou 18 ans selon les
éditions (Richard et coll., 2018

), tandis que les enquêtes portées par l’OFDT (Escapad, EnClass notamment) ont pour
objet les consommations des jeunes, du collège au lycée (Spilka et coll., 2018

; Spilka et coll., 2019

).
Ces enquêtes fournissent des informations extrêmement utiles pour identifier et décrire
les populations qui seront la cible des actions de prévention, et en particulier de
marketing social.
L’ensemble des études décrites ci-dessus permettent d’objectiver les conséquences
sanitaires, sociales et économiques des consommations d’alcool en France, ce qui aide
les décideurs à prioriser les efforts en matière de prévention. Grâce aux données
des grandes enquêtes, il est également possible d’identifier les populations les plus
à risque, voire les leviers à mobiliser pour agir efficacement. Sur la thématique
« alcool », une autre analyse a récemment permis de structurer l’action de l’agence :
il s’agit de la production, sur saisine de la Direction générale de la santé (DGS)
et de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives
(Mildeca), d’un avis d’experts sous l’égide de Santé publique France et l’Institut
national du cancer (INCa) (encadré 1).
Encadré 1 : Focus sur l’établissement de nouveaux repères de consommation en mai 2017,
une étape structurante pour la stratégie de marketing social de Santé publique France
En 2016, dans le cadre d’une saisine de la Direction générale de la santé et la Mission
interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, Santé
publique France et l’Institut national du cancer (INCa) ont mandaté un groupe d’experts
afin d’actualiser les repères de consommation à moindre risque suite aux avancées
scientifiques, en particulier concernant le lien entre l’alcool et le risque de développer
des cancers.
Ce groupe d’experts s’est appuyé sur des auditions, une revue de la littérature scientifique,
et une modélisation des risques pour la santé selon différents scenarii d’exposition
à l’alcool réalisée par deux spécialistes reconnus, à partir d’un modèle de calcul
utilisé dans le projet européen RARHA1. Ces travaux ont été complétés par une étude qualitative pour décrire la perception
de la population française et ses connaissances en matière de consommation d’alcool
et des risques perçus. Il était en effet nécessaire de tenir compte de l’épidémiologie
objective (protection stricte pour la santé) mais aussi de l’épidémiologie profane
(croyances et connaissances) afin d’identifier ce qui était acceptable par la population,
et donc plus efficace en termes de communication.
Les nouveaux repères de consommation à moindre risque comportent ainsi 3 dimensions
et s’adressent aux adultes en bonne santé : « Si vous consommez de l’alcool, pour limiter les risques pour votre santé au cours
de votre vie, il est recommandé de : ne pas consommer plus de 10 verres standards
par semaine et pas plus de 2 verres standards par jour ; avoir des jours dans la semaine
sans consommation. »2
L’avis d’experts publié en mai 2017 présente la méthode d’élaboration de ces repères
et propose 10 recommandations pour améliorer le discours public relatif à l’alcool,
dont l’une est de faire connaître ces repères à la population française.
1
|
1. 1http://www.rarha.eu/Pages/default.aspx (consulté le 9 janvier 2020) ; 2https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2017/avis-d-experts-relatif-a-l-evolution-du-discours-public-en-matiere-de-consommation-d-alcool-en-france-organise-par-sante-publique-france-et-l-insti
|
La publication de cet avis a permis de structurer l’action de l’agence et de formuler
des objectifs de santé publique explicites dans le cadre de son programme Alcool.
Définition des objectifs
Concernant la population adulte, à qui s’adressent les nouveaux repères, Santé publique
France a ainsi fixé les objectifs suivants : 1) informer sur les risques pour la santé
à moyen et long termes liés à une consommation d’alcool dépassant les repères, et
2) développer la notoriété des nouveaux repères de consommation à moindre risque.
Pour parvenir à ce résultat, il s’agissait d’exposer le grand public aux messages
mettant en avant le lien entre consommation d’alcool et survenue de pathologies à
moyen et long termes, et aux repères de consommation à moindre risque et enfin d’inciter
les consommateurs à évaluer leur propre consommation et les risques associés en utilisant
un outil disponible en ligne, l’alcoomètre.
Derrière ces objectifs spécifiques au dispositif porté par Santé publique France apparaissent
les objectifs de santé publique plus généraux que sont la diminution de la morbidité
et de la mortalité associées à la consommation d’alcool en France, en diminuant la
proportion de Français qui consomme au-delà des repères à moindre risque.
Segmentation – ciblage
Pour identifier et décrire les consommateurs à cibler prioritairement, les données
du Baromètre de Santé publique France 2017 ont été mobilisées. Cette enquête en population
générale a permis d’interroger un large échantillon de 25 319 personnes de 18 à 75 ans
en France métropolitaine. Les analyses ont montré qu’en 2017, 23,6 % des personnes
de 18-75 ans dépassaient le repère de consommation sur au moins une de ses dimensions,
les hommes (33,4 %) davantage que les femmes (14,3 %). Plus précisément, 19,2 % déclaraient
avoir bu plus de 2 verres d’alcool en une journée au moins une fois au cours de la
semaine précédente, 9,7 % déclaraient avoir bu plus de 10 verres d’alcool au cours
des sept derniers jours et 7,9 % déclaraient avoir consommé de l’alcool plus de cinq
jours sur sept. La relation avec l’âge était particulièrement marquée : les plus jeunes
étaient plus nombreux à consommer plus de 2 verres un jour de consommation, tandis
que les plus âgés observaient moins fréquemment des jours d’abstinence dans la semaine.
La population dépassant ce repère était majoritairement masculine, en emploi, de niveau
de diplôme inférieur ou égal au baccalauréat ; environ un tiers de cette population
avait un revenu mensuel net inférieur ou égal à 1 200 euros. Ces indicateurs montrent
que la cible potentielle était très large. Or, le principe du marketing social est
de segmenter afin de choisir une population relativement homogène en termes de caractéristiques
socio-démographiques mais aussi d’habitudes de consommation média ; le tout, dans
l’objectif de pouvoir établir un plan média efficace, c’est-à-dire susceptible d’exposer
de façon effective la cible aux messages. Ainsi, la cible principale a été définie
comme étant l’ensemble des Français âgés de 29 à 50 ans, tranche d’âge où la consommation
d’alcool est déjà établie et les habitudes de consommation média relativement homogènes.
Une surpression marketing devait être faite auprès des hommes issus des catégories
socio-économiques plus défavorisées.
En complément de cette cible grand public, un dispositif destiné à informer les professionnels
de santé et en particulier les médecins généralistes a été conçu. Les données de la
littérature montrent en effet que le repérage précoce et l’intervention brève (RPIB)
par un professionnel de santé de premier recours fait partie des stratégies les plus
efficaces pour inciter les individus à diminuer leur consommation d’alcool (Babor
et Grant, 1992

; Michaud et coll., 2013

). Or cette pratique est encore peu répandue. D’après le Baromètre santé médecins
généralistes 2009, seuls 23,0 % des médecins généralistes affirmaient avoir abordé
ce sujet au moins une fois avec chacun de leurs patients. C’est aussi un sujet cité
à 60,4 % par les médecins généralistes comme l’un des sujets les plus difficiles à
aborder (Baromètre santé, 2009

). Un volet médecins a donc été élaboré en complément du dispositif grand public,
visant en particulier médecins généralistes et médecins du travail dont le contact
quotidien avec les patients et la proportion de population couverte permettraient
un dépistage plus généralisé des consommations d’alcool à risque.
Mise en œuvre des « 5C »
En s’inspirant du marketing marchand, on dit souvent que le marketing social s’appuie
sur les « 5C » décrits ci-dessous.
1. Choisir et proposer un Comportement favorable à la santé ou au bien-être
Le comportement ciblé était le suivant : diminuer sa consommation d’alcool afin de
ne pas dépasser les repères de consommation à moindre risque.
Notons que le dispositif global de marketing social qui permettra d’atteindre cet
objectif de changement de comportement se déclinera sur plusieurs années, et que le
dispositif diffusé en 2019 n’en constituait qu’une partie. Ainsi, l’objectif spécifique
de ce dispositif 2019 était d’agir sur des antécédents de ce changement de comportement,
identifiés grâce aux modèles théoriques de changement de comportement issus de la
psychologie sociale (connaissances, motivation, intention). Les dispositifs suivants
(2020 et années suivantes) seront complémentaires et auront plus spécifiquement pour
objectif de déclencher un changement de comportement (cf. théorie COM-B de Susan Michie ;
Michie et coll., 2011

).
2. Minimiser les Coûts d’adoption de ce comportement
Le fait de choisir comme objectif comportemental une réduction de la consommation,
et non une abstinence totale, répond à une stratégie de minimisation des coûts perçus
à l’adoption du comportement.
3. Favoriser la Capacité d’accès à ce comportement
Cette dimension a été travaillée de plusieurs façons : par la mise à disposition d’une
information accessible au plus grand nombre, grâce à un travail spécifique sur la
formulation et la présentation des messages de la campagne sous un format vidéo pédagogique
diffusé sur les lieux de soins (maison de santé, hôpitaux, pharmacies, laboratoires
d’analyse...) ; par la mise à disposition d’outils d’aide et d’accompagnement : aides
en face-à-face (professionnels de santé) ou à distance (Alcool info service, avec
notamment l’alcoomètre, outil digital d’auto-évaluation de sa consommation d’alcool).
4. Promouvoir ce comportement grâce à une Communication adaptée
Cette partie est probablement la plus visible. Elle peut elle-même comporter plusieurs
étapes, brièvement résumées ci-dessous :
• la définition des contenus et des messages de la campagne. Les principaux messages
sont définis par les experts de Santé publique France. Dans le cadre du présent dispositif,
il a ainsi été décidé de mettre en avant trois pathologies connues du grand public,
dont le lien avec une consommation d’alcool, même à des niveaux faibles ou moyens
a été démontré, mais pour lesquelles ce lien avec l’alcool reste méconnu : cancer,
hémorragie cérébrale et hypertension. Les repères à moindre risque seraient présentés
comme une solution face à la menace des risques liés à l’alcool. Il a été également
proposé une auto-évaluation de sa consommation sur l’outil Alcoomètre. Ce test permet
de connaître les risques pour sa santé et pouvoir se comparer à la moyenne des français
(feedback normatif). Les contenus ainsi définis font ensuite l’objet d’un travail collaboratif
avec des professionnels de la communication (agences de communication) pour concevoir
les supports et les messages les plus impactants au regard de nos objectifs de communication.
Des études de type pré-tests sont menées afin de s’assurer de la compréhension et
de leur impact potentiel des messages : dans le cadre du présent dispositif, deux
prétests ont été menés : le premier, qualitatif, auprès de 107 personnes en mai 2018 :
il s’agissait d’évaluer la compréhension globale des pistes de communication et des
messages ; le second, quantitatif, auprès de 2 000 personnes en novembre 2018 : il
s’agissait là de comparer l’efficacité potentielle de 2 pistes de communication via une étude expérimentale avec groupe contrôle ;
• la formulation des messages fait également l’objet d’un travail de co-construction
en interne, et avec des professionnels et experts extérieurs. À titre d’exemple, la
formulation des repères de consommation à moindre risque tels qu’énoncés dans la campagne
a fait l’objet d’un travail supplémentaire afin de rendre ceux-ci plus compréhensibles
et mémorisables par le plus grand nombre. La formulation originale des experts mandatés
par Santé publique France était en effet très précise mais également longue, complexe
et difficile à retenir : il s’agissait donc de la simplifier. Plusieurs formulations
ont été testées dans le cadre des pré-tests qualitatif et quantitatif en mai et novembre
2018 respectivement. La formule la mieux comprise et mémorisée a été conservée : « Pour
votre santé, l’alcool c’est maximum 2 verres par jour, et pas tous les jours » ;
• pour les professionnels de santé, trois types de messages ont été choisis : des messages
généraux reprenant le contenu de ceux adressés au grand public comme les repères de
consommation ou les pathologies impactées par l’alcool, des messages sur l’imputabilité
de certains cancers à l’alcool et enfin des messages invitant au dépistage de la consommation
d’alcool problématique chez les patients en rappelant l’existence du RPIB. Les messages
communiqués se devaient d’être scientifiques et référencés, dans un souci de transparence
et d’exhaustivité. Trois affiches destinées à être apposées dans les cabinets de santé
ont ainsi été conçues (figure 1

). Elles portaient respectivement sur les risques associés à la consommation d’alcool,
les repères de consommation à moindre risque et la promotion de l’outil Alcoomètre.
Elles ont été complétées d’un volet digital (bannières web) et de publi-rédactionnels
dans la presse professionnelle ;
• le choix des médias mobilisés. Là encore, il a fait l’objet d’un travail collaboratif
avec des professionnels du secteur (régies d’achat d’espace). Il s’agit de choisir
la combinaison de vecteurs permettant d’exposer la cible de la façon la plus efficace,
en optimisant les crédits alloués à la campagne (encadré 2).
Encadré 2 : Focus sur le plan média grand public
Dans le cadre de la conception d’une campagne de communication, le choix des médias
se fait très en amont, dès l’identification des cibles de la communication. On mobilise
généralement plusieurs médias, chacun permettant d’atteindre une cible spécifique
dans un contexte donné, et de délivrer des messages différents en termes de complexité,
de longueur. La temporalité de la diffusion de la campagne est également à définir.
Dans le cadre de cette communication, deux créneaux annuels ont été identifiés lors
desquels les messages de prévention pourraient émerger de façon plus efficiente :
janvier-mars et septembre-octobre. Ce choix s’est appuyé sur une étude de l’investissement
publicitaire des alcooliers entre 2016 et 2018 qui a démontré des investissements
publicitaires majoritairement engagés de mi-mai à mi-juin avant les vacances d’été
et en fin d’année avant les fêtes en novembre et décembre.
Dans le cadre du présent dispositif, le plan média était ainsi constitué :
- un volet TV, avec un spot de 30 secondes diffusé sur une sélection de chaînes avec
message principal sur la notoriété des risques et les nouveaux repères. Le média TV présentait plusieurs intérêts : il s’agit d’un média dit « de masse »,
permettant d’exposer une large proportion de la population et particulièrement pertinent
pour atteindre les populations moins favorisées. De plus, grâce à la loi Évin, la
publicité pro-alcool est inexistante sur ce média, rendant la concurrence inexistante.
- un volet de vidéo en ligne (TV en différé) constitué de versions plus courtes du spot
diffusé en TV ; la vidéo en ligne permet de surpondérer la visibilité sur les petits
consommateurs TV, notamment les plus jeunes de la cible et d’augmenter la couverture
de la cible.
- un volet radio avec des chroniques de 60 secondes qui apportent la pédagogie nécessaire
pour faire comprendre les nouveaux repères de consommation grâce dans un format plus
long : il s’agissait de chroniques portées par un animateur référent de la station
et un expert du sujet Alcool.
- un volet presse dans la presse quotidienne régionale (PQR) avec des publi-communiqués
pédagogiques rédigés selon la ligne éditoriale des titres presse en question pour
favoriser le taux de lecture. La PQR est particulièrement adaptée pour la partie la
plus âgée de la cible.
- un volet display constitué de bannières web, diffusées de façon ciblée grâce aux outils de la « programmatique ».
La programmatique permet en effet une exposition contextualisée des messages publicitaires,
aux différentes cibles de communication. Cet achat média tient compte du ciblage souhaité
(sexe, âge, sociodémographie), du contexte de connexion de l’internaute (à quelle
heure ? Avec un mobile ou un ordinateur ?), de l’univers (sur quel site ou plateforme
de vidéo se trouve-t-il ?). L’internaute a-t-il fait des recherches avec des mots
clefs de l’univers de l’alcool ? Le display permet d’orienter très facilement les internautes vers des contenus plus complets,
comme ceux du site Alcool info service.
- un volet de référencement payant : il s’agit de s’assurer de la visibilité des contenus
web portés par Santé publique France (site Alcool info service) dans le cadre des
recherches faites sur les moteurs de recherche par mots clefs.
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5. Travailler avec des Collaborateurs ou des partenaires, afin de faciliter l’adoption du comportement
Il s’agit de mobiliser les différents acteurs qui pourront relayer les messages de
la campagne, et permettront ainsi d’exposer davantage les cibles aux messages, et
de favoriser l’appropriation de ceux-ci.
Deux stratégies complémentaires ont été déployées :
• la mobilisation des acteurs de la prévention : acteurs institutionnels au niveau national
et régional, têtes de réseaux associatives, sociétés savantes, représentants des professions
de santé. L’articulation de la communication entre le niveau national et les niveaux
régionaux est un enjeu fort de la stratégie de marketing social. Le dispositif de
structures « ambassadrices » dans chaque région, sous le double pilotage Santé publique
France – agences régionales de santé peut permettre de déployer au plus près des publics
l’ensemble des messages de la campagne ;
• la mobilisation d’acteurs qui agissent au plus près des publics cibles dans une stratégie
d’influence. Il s’agit de mobiliser les leaders d’opinion, associations et structures
qui ne travaillent pas nécessairement dans le secteur de la prévention mais dans des
milieux spécifiques concernant la cible (milieu professionnel, de loisirs, etc.).
Depuis 2016, Santé publique France développe et structure un programme de mobilisation
volontaire des entreprises du secteur public et privé engagées pour la santé de leurs
salariés. Cette nouvelle opportunité de diffusion des programmes de prévention et
promotion de la santé peut permettre de sensibiliser certains publics plus éloignés
de l’information en santé.
Focus : rôle des influenceurs dans un dispositif de marketing social
Les influenceurs sont régulièrement associés aux dispositifs de marketing social dans
un objectif de proximité et d’affinité avec les cibles.
En juin 2018, une expérimentation a été menée pour sensibiliser les jeunes à la consommation
excessive d’alcool en milieu festif avec un duo de Youtubeurs McFly & Carlito, très
apprécié de la cible des 15-24 ans, donc potentiellement prescripteurs en termes d’attitudes
et de comportements. L’angle stratégique choisi pour réduire les risques liés à l’ivresse
des jeunes consistait dans la valorisation de l’attention portée à ses pairs en difficulté
en contexte festif, sans proscrire la consommation d’alcool mais avec la volonté de
promouvoir une consommation non excessive. Il était important de s’appuyer sur un
discours et une tonalité positive, connivente avec les représentations des jeunes
autour de l’alcool.
McFly & Carlito ont interprété la commande de Santé publique France en conservant
leur style propre. Une vidéo de 27 minutes, intitulée Bourré Simulator, a été publiée le 24 juin 2018 sur leur chaîne Youtube qui rassemblait à cette époque
4,5 millions d’abonnés.
Dans cette vidéo, trois équipes de 3 jeunes Youtubeurs et personnalités connues des
jeunes sont en compétition et doivent parcourir le plus vite possible une même distance
jusqu’à un point de rencontre. Dans chaque équipe, deux jeunes sont lestés d’équipements
gênant la vision (visière déformante), l’audition (casque assourdissant) et la motricité
(bandes de contention), pour reproduire les déficits sensorimoteurs de l’ivresse.
Le troisième jeune a pour objectif de les guider et les protéger tout au long de la
compétition. Les péripéties des équipes sont filmées en direct, accompagnées de nombreux
éclats de rire.
Un mois après sa diffusion, les mesures d’exposition (vues de la Vidéo sur Youtube
et instagram) étaient particulièrement satisfaisantes :
• plus de 7,2 millions de vues en six mois (dont 4,8 millions en moins d’un mois, la
moyenne étant de 3,6 millions de vues en 1 mois) ; en janvier 2020, près de 9,8 millions
de vues ;
• un taux de complétion (visionnage de la vidéo dans son intégralité) de 50 % ;
• plus de 945 000 vues cumulées sur Instagram et 120 000 vues sur Twitter ;
• 550 000 actions d’engagement (likes, commentaires, partages) majoritairement positives.
Un post-test a été mené en ligne par BVA auprès d’un panel de 400 jeunes de 13 à 24 ans
du 26 juillet au 16 août 2018. Il portait sur la mémorisation, la reconnaissance,
la compréhension et l’adhésion à la campagne (ensemble des vidéos) :
• le film a été reconnu par 28 % de la cible ce qui représente environ 2,7 millions
de jeunes de 13-24 ans ;
• 91 % des jeunes ayant reconnu le dispositif disent avoir aimé les vidéos (score supérieur
au standard des campagnes précédentes, toutes thématiques confondues auprès des jeunes :
85 %) ;
• 63 % ont bien compris les messages ;
• 73 % des jeunes pensent que c’est une très bonne idée que les Youtubeurs McFly & Carlito
s’associent avec le ministère de la Santé et Santé publique France pour cette campagne ;
• les scores d’incitation à réfléchir à sa consommation (68 %) et à la réduire (61 %)
sont respectivement deux fois et quatre fois plus élevés que ceux des « standards »
de Santé publique France (34 % et 15 % respectivement).
Cette opération a montré l’intérêt des réseaux sociaux affinitaires, animés par des
personnalités rassemblant des communautés d’internautes, pour toucher un nombre important
d’une cible particulière. De plus, les messages de santé publique portés par les influenceurs
renforcent leur crédibilité et appuient leur rôle de prescripteur.
Évaluation
L’évaluation est une étape clé de la démarche de marketing social : elle permet de
vérifier l’atteinte des objectifs, de comprendre les facteurs de succès ou d’échec,
et donc d’optimiser le dispositif par la suite. Pour faciliter la planification de
l’évaluation, un modèle logique, regroupant les objectifs de la campagne et les actions
mises en place au bénéfice de l’individu, de son entourage et de son environnement,
a été réalisé (figure 2

). Ceci a permis de mettre en évidence les étapes pour lesquelles il était pertinent
de mettre en place une évaluation. Ainsi, deux évaluations du processus (post-tests
et bilan médias) et deux évaluations des effets de la campagne (efficacité et recours
aux outils) ont été mises en place.
Post-tests
Afin de mesurer la mémorisation, la compréhension, l’agrément, le degré d’incitation
des messages, des enquêtes quantitatives sont réalisées après la diffusion des campagnes.
Leurs intérêts et leurs limites ont notamment été présentés dans le cadre du dispositif
Mois sans tabac (Guignard et coll., 2018

).
Un échantillon représentatif de 400 médecins généralistes a ainsi été interrogé sur
internet du 20 mars au 4 avril 2019 afin d’investiguer la mémorisation et la reconnaissance
de la campagne, les pratiques et habitudes des médecins, la compréhension et la perception
des éléments de communication de la campagne, la connaissance des repères, le rôle
incitatif de cette campagne et la notoriété du site alcool-info-service.fr. La représentativité
de cet échantillon était assurée par la méthode des quotas. En complément, un échantillon
représentatif de la population française de 1 000 personnes âgées de 15 ans et plus
a été interrogé en face-à-face du 15 au 27 avril 2019. Le questionnaire portait sur
la mémorisation et la reconnaissance de la campagne, les connaissances des risques
et la notoriété des outils de communication permanents comme le site alcool-info-service.fr,
la consommation actuelle d’alcool, la perception et l’agrément des supports de communication,
et enfin le caractère incitatif de la campagne. La représentativité de cet échantillon
était assurée par la méthode des quotas.
Bilan média
Les post-tests sont complétés par un bilan média fourni par l’agence d’achat d’espace,
prestataire de Santé publique France. Ce bilan descriptif permet de vérifier l’atteinte
des objectifs, en particulier en termes d’exposition (couverture de la cible). Il
est réalisé pour chacun des canaux utilisés, ce qui permet d’évaluer la pertinence
du plan média.
Étude des effets de la campagne en termes de recours aux outils
Un impact immédiatement mesurable de la campagne est le recours aux outils promus.
Un bilan de l’évolution du nombre de visites sur le site alcool-info-service.fr est
donc réalisé : nombre de visites, de visiteurs, les pages visitées, le temps de consultation
et le taux de rebond, mais aussi l’origine de la connexion et le type de support utilisé
pour celle-ci. Aussi, il a été possible de connaître le parcours suivi par chaque
utilisateur. Une analyse quantitative et qualitative du recours à l’alcoomètre, hébergé
sur Alcool info service, a également été réalisée.
Étude d’efficacité : effet de l’exposition à la campagne sur l’évolution
des connaissances et attitudes
Une étude a enfin été menée pour mesurer les effets de la campagne. Il s’agissait
d’une étude longitudinale, avec une mesure T0, avant la diffusion de la campagne,
une mesure T1, juste après la diffusion de la campagne, et une mesure T2, 6 mois après
la diffusion de la campagne (figure 3

). Pour cette étude, deux groupes ont été interrogés : le groupe A avec 4 000 répondants
à T0 et le groupe B, avec 500 répondants uniquement interrogés pour la phase T1 (contrôle
de l’effet questionnaire). Tous les participants étaient âgés de 18 à 75 ans et devaient
avoir consommé de l’alcool au moins une fois dans l’année passée. Cette étude était
menée sous la forme de questionnaires auto-administrés en ligne. L’analyse des données
devra permettre de mesurer le lien entre l’exposition à la campagne et l’évolution
des indicateurs correspondant aux objectifs de la campagne : connaissances des pathologies
impactées par la consommation d’alcool, connaissance des repères à moindre risque.
Conclusion
Dans une première partie a été présenté l’état de la littérature scientifique sur
l’efficacité des campagnes de marketing social destinées à réduire la consommation
d’alcool. Il a été montré que ce champ de recherche était juste émergent. Dans une
deuxième partie, la façon dont les campagnes de communication de Santé publique France
sont réalisées a été décrite ; des variantes existent bien sûr, en fonction de la
thématique et de la population concernée, des données scientifiques disponibles, du
calendrier plus ou moins contraint par l’agenda politique (campagnes annoncées dans
le cadre de plans de santé publique...). L’application rigoureuse de la démarche du
marketing social permet de s’assurer des fondations scientifiques des dispositifs
ainsi conçus, et de leur potentiel d’efficacité. Il est important de partager ces
méthodes via des publications et, par la suite, de publier les résultats des évaluations conduites,
ce qui est régulièrement fait par Santé publique France. Les résultats de l’évaluation
ne sont pas encore disponibles, à l’exception de l’évaluation du partenariat avec
des influenceurs.
Dans une perspective de santé publique plus globale, soulignons que les campagnes
visent à faire évoluer les connaissances, attitudes et comportement des individus ;
elles doivent, dans l’idéal être accompagnées d’une prévention multisectorielle comme
par exemple des mesures visant à limiter l’accessibilité des produits alcoolisés (via leur fiscalité notamment) et la limitation de la publicité promotionnelle. C’était
le sens des recommandations portées par les experts de Santé publique France et l’Institut
national du cancer en 2017 : les mesures individuelles portant sur l’établissement
de nouveaux repères de consommation à moindre risque et leur promotion était complétée
par des mesures réglementaires visant à faire évoluer l’environnement dans un sens
plus favorable à la santé. En ce sens, le dispositif de communication de Santé publique
France ne constitue qu’un maillon de la stratégie de santé publique plus globale à
mettre en œuvre pour réduire les risques liés à l’alcool.
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