Réduction des dommages associés à la consommation d’alcool

2021


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Communications

Campagnes de prévention Alcool : mise en place, impact, nouveautés1

Santé publique France, Direction de la prévention et de la promotion de la santé
Viêt Nguyen Thanh, responsable de l’unité Addictions
Claudine Tanguy, directrice adjointe
Pierre Arwidson, directeur adjoint

Que dit la littérature sur l’efficacité des campagnes médiatiques incitant à la réduction de la consommation d’alcool ?

Babor et ses collègues ont publié en 2003 (Babor, 2003renvoi vers) un manuel de politiques publiques destinées à réduire la consommation de l’alcool dans les populations. Une mise à jour conséquente a été publiée en 2010 (Babor, 2010renvoi vers). Dans les deux versions du manuel, on peut lire que les auteurs ne recommandent pas que les pouvoirs publics ou les associations fassent des campagnes médiatiques de prévention car elles ne peuvent pas être « un antidote efficace » à une promotion omniprésente et de haute qualité faite par les alcooliers. La référence citée en soutien est un document technique de l’OMS (2007) qui ne contient aucun article scientifique en soutien à cette affirmation. Il s’agit donc uniquement d’un avis d’experts engagés dans la défense de politiques publiques réglementaires avec un bon niveau de preuves comme l’augmentation des prix ou la réduction de l’accès (horaires, nombre de points de vente, etc.). Ces experts voulaient à tout prix éviter que les mesures les plus demandées par la population et les élus (éducation à l’école, campagnes médiatiques) et les moins difficiles à mettre en œuvre politiquement ne prennent le pas sur les mesures réglementaires.
Il y avait en réalité très peu de recherches sur l’efficacité des campagnes médiatiques dans le domaine de l’alcool comparativement au domaine du tabac. Wakefield et collègues (Wakefield et coll., 2010renvoi vers) ont ainsi conclu en 2010 à un fort niveau de preuves pour l’intérêt des campagnes médiatiques anti-tabac et un faible niveau de preuve pour l’intérêt des campagnes médiatiques anti-alcool (à partir d’un nombre très réduit d’articles).
Ce n’est que très récemment que des travaux d’évaluation ont commencé à être publiés. Young et ses collègues (Young et coll., 2018renvoi vers) ont publié en 2018 la première revue systématique de 24 études. Les auteurs estiment que la qualité des évaluations était faible. Seulement 13 des études incluaient une mesure de l’impact sur la consommation. Les auteurs ont noté une bonne reconnaissance des campagnes par le public, une amélioration des attitudes et un recul des croissances mais pas d’impact sur la consommation.
Dunstone et ses collègues estiment (Dunstone et coll., 2017renvoi vers) que la conclusion de l’inefficacité des campagnes médiatiques de prévention était prématurée en raison de la faible qualité des évaluations réalisées jusque-là.
Ils ont fait la première analyse de contenu des campagnes médiatiques. Il est en effet nécessaire de décrire les interventions préventives avec un langage commun et donc d’établir une taxonomie (Babor, 2003renvoi vers et 2010renvoi vers), si l’on veut faire des progrès en prévention, comme le recommande l’équipe de Susan Michie. Dunstone et coll. ont donc analysé 110 spots de prévention alcool de venant de 72 campagnes anti-alcool de 2006 à 2014. Le sujet dominant de tous les spots était l’effet à court terme à 52 %, alors que 10 % abordaient les dommages à long terme, 18 % abordaient la consommation des mineurs, 17 % abordaient comment changer (how-to-change), and 3 % étaient des plaidoyers pour des changements de politiques. L’objectif de la majorité des spots était de motiver à réduire la consommation d’alcool (38 %) ou de consommer de façon raisonnable (sensible drinking) (33 %). Seulement 10 % des spots ont rappelé les repères de consommation à moindre risque. 87 % des spots de prévention utilisaient la dramatisation, et 74 % avaient un ton émotionnel négatif. Ces auteurs ont constaté que certaines pistes ont été plus utilisées que d’autres, suggérant qu’il y avait de nouvelles pistes à explorer en analysant les efficacités relatives des différences approches. Par exemple, comme la plupart des dommages attribuables à l’alcool sont des maladies de long terme, de futures campagnes devraient tester cette approche. Les auteurs ont aussi proposé que les campagnes recommandent la réduction de la consommation avec un rappel fréquent des repères de consommation à moindre risque, en général très méconnus.
L’erreur fondamentale est en fait d’attribuer une efficacité ou une inefficacité à une catégorie d’interventions préventives comme les interventions en milieu scolaire ou les campagnes médiatiques qui n’ont en général que peu de choses en commun l’une avec l’autre (contexte culturel, contexte historique, détails et qualité de la mise en œuvre précise). L’histoire de la prévention a ainsi été marquée par des conclusions définitives à propos de catégories d’intervention préventive suite à des échecs majeurs. Il a été conclu, à tort, que la prévention du tabagisme à l’école ne marchait pas après l’échec du projet de prévention du centre Hutchinson (Peterson et coll., 2000renvoi vers). Alors que la seule conclusion possible était que c’était l’intervention évaluée qui avait été inefficace. Il a fallu longtemps pour que cette vérité soit rétablie dans un rapport du Surgeon General (Centers for Disease Control and Prevention (US), 2012renvoi vers).
Il a été également conclu à tort que les campagnes médiatiques pour la prévention de l’usage de drogues illicites étaient inutiles suite à la National Youth Anti-Drug Prevention Campaign qui a coûté un milliard de dollars et a eu un effet boomerang sur la consommation de cannabis. Hornik et collègues ont ainsi constaté qu’une forte exposition à la campagne avait été associée à davantage de consommation du produit (Hornik et coll., 2008renvoi vers). Comme le suggère William Crano (Alvaro et coll., 2013renvoi vers), si on ne met pas d’encre dans le stylo (sous-entendu de la persuasion), il n’écrira pas. Crano insiste sur le fait qu’il faut des stratégies pour réduire la résistance à la persuasion (réactance).
Le champ du marketing social pour réduire la consommation d’alcool, avec un volet médiatique, est donc finalement un champ en construction. Il sera nécessaire de faire des analyses fines, de type socio-anthropologique des cibles choisies, de se fonder sur des théories solides, et que les projets soient testés avec des méthodes rigoureuses.

Mise en œuvre des campagnes de marketing social en France

Les opérateurs nationaux de la prévention que sont l’Assurance maladie, la Sécurité routière ou Santé publique France et ses prédécesseurs (Comité français d’éducation pour la santé, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) diffusent depuis les années 80 des campagnes sur la thématique « alcool ». Leur objectif a toujours été d’informer (en particulier sur les risques associés à la consommation d’alcool), et de faire évoluer les attitudes et les comportements du public dans un sens plus favorable à la santé. La démarche de conception, de réalisation et d’évaluation de ces campagnes s’est cependant fortement structurée depuis le début des années 2000, pour correspondre aujourd’hui à la démarche et aux étapes du marketing social. Le marketing social s’inspire du marketing marchand pour favoriser l’adoption de comportements protecteurs pour la santé. Karine Gallopel-Morvan, professeur des universités à l’EHESP, précisait dans la Santé en action en 2011 : « Le marketing social n’est pas appliqué à un produit commercial mais à une cause : réduction de la consommation de tabac, de l’alcoolisation excessive des jeunes, obésité, don du sang, paludisme, conduite en état d’ébriété, pollution atmosphérique, faim dans le monde, etc. Le point commun entre le marketing social et le marketing commercial ? Ils utilisent les mêmes outils et ont pour objectif final de modifier les comportements de la cible visée. ».
Les étapes du marketing social sont les suivantes : analyse du problème et études préalables ; définition des objectifs ; segmentation et ciblage ; mise en œuvre opérationnelle des « 5C » : comportement, communication, coût, capacité d’accès et collaborateurs ; évaluation.
Pour répondre à la demande du groupe d’experts constitué par l’Inserm dans le cadre de la présente expertise collective, nous avons présenté cette démarche telle qu’appliquée par Santé publique France, en utilisant un exemple récent : la méthode de conception de la campagne de promotion des nouveaux repères de consommation à moindre risque, diffusée en mars-avril 20192. Ce dispositif, qui s’adresse à une cible très large (la population de ceux qui consomment au-delà des repères à moindre risque), s’inscrit dans une stratégie plus globale d’intervention, en complément des actions qui visent des populations plus spécifiques comme celle des femmes en âge de procréer (grossesse et alcool) ou les jeunes adultes.

Analyse du problème – études préalables

Plusieurs types d’études contribuent à décrire et à mesurer l’étendue du problème lié aux consommations d’alcool en France ; nous citons les principales.

Estimation de la mortalité attribuable à l’alcool

Elle est actualisée régulièrement, selon une méthode reproductible mobilisant les données d’enquêtes et de ventes, et des fonctions de risque extraites de méta-analyses récentes pour chaque cause de décès dont le risque est modifié par la consommation d’alcool. La combinaison de ces risques et des prévalences de consommation permet de calculer les fractions de mortalité attribuables à l’alcool pour chaque cause, puis le nombre de décès attribuables à l’alcool. En 2015, en France métropolitaine, on estime ainsi à 41 000 le nombre de décès attribuables à l’alcool, soit 7 % de l’ensemble des décès (Bonaldi et Hill, 2019renvoi vers). Il s’agit donc d’une des trois premières causes de mortalité évitables en France, avec le tabagisme (Bonaldi et coll., 2019renvoi vers) et la pollution atmosphérique (Pascal et coll., 2016renvoi vers).

Estimation de la morbidité attribuable à l’alcool

Plusieurs types d’études permettent de mesurer les conséquences des consommations d’alcool en termes de morbidité : citons par exemple les travaux de François Paille et Michel Reynaud publiés en 2015 (Paille, 2015renvoi vers) ; ils ont permis de mesurer le poids de l’alcool dans l’ensemble des hospitalisations en 2012. Leurs travaux montrent que cette année-là, plus de 580 000 séjours ont été induits par l’alcool en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie ; en psychiatrie, plus de 2 700 000 journées lui sont dues ; enfin, en soins de suite et de réadaptation, plus de 2 000 000 de journées liées à l’alcoolisation excessive ont été recensées. Le coût estimé s’élevait à près de 3,6 % de l’ensemble des dépenses hospitalières en 2012.

Estimation du coût social de l’alcool

Il s’agit là d’estimer l’impact monétaire des consommations d’alcool. Le coût social est composé du coût externe (valeur des vies humaines perdues, perte de la qualité de vie, pertes de production) et du coût pour les finances publiques (dépenses de prévention, répression et soins, économie de retraites non versées, et recettes des taxes prélevées sur l’alcool et le tabac). L’estimation la plus récente réalisée par l’économiste Pierre Kopp fait état d’un coût social lié à l’alcool de 120 milliards d’euros par an (Kopp, 2015renvoi vers).

Données de mise à la consommation

Les données de vente d’alcool ne sont pas publiées en France ; mais l’alcool étant soumis à des taxes proportionnelles aux volumes commercialisés, il est possible, à partir du montant des recettes fiscales perçues sur l’alcool, de reconstituer les volumes d’alcool mis en vente sur le territoire français. Ce travail est réalisé chaque année par l’OFDT. Il montre qu’en 2017, le volume d’alcool pur vendu en France représentait une consommation par habitant de 15 ans et plus était de 11,7 litres par an. Depuis le début des années 1960, les quantités d’alcool mises en vente en France ont fortement diminué : en 1961, les quantités d’alcool par habitant âgé de 15 ans et plus représentaient 26 litres d’alcool pur. Ces volumes restent cependant très élevés et placent la France parmi les premiers pays consommateurs d’alcool en Europe.

Données d’enquête

Les indicateurs précédemment décrits permettent d’estimer les consommations de l’ensemble de la population et leurs impacts, mais ne fournissent pas d’information sur la manière dont se distribuent ces consommations au sein de la population. Il est donc indispensable de les compléter par des données d’enquêtes auprès d’échantillons représentatifs de la population pour identifier plus finement les niveaux de consommation et leurs évolutions selon le sexe, l’âge, la catégorie socio-professionnelle, etc. Ces données sont bien sûr marquées par un biais de sous-déclaration important, dont les porteurs d’enquête tentent de réduire la portée et la nuisance en apportant une grande attention aux méthodes d’enquête (limitation du biais de couverture, du biais de non réponse) (Richard et coll., 2018renvoi vers).
En France, le Baromètre de Santé publique France permet d’estimer les niveaux de consommation d’alcool et leurs évolutions en population adulte à partir de 15 ou 18 ans selon les éditions (Richard et coll., 2018renvoi vers), tandis que les enquêtes portées par l’OFDT (Escapad, EnClass notamment) ont pour objet les consommations des jeunes, du collège au lycée (Spilka et coll., 2018renvoi vers ; Spilka et coll., 2019renvoi vers).
Ces enquêtes fournissent des informations extrêmement utiles pour identifier et décrire les populations qui seront la cible des actions de prévention, et en particulier de marketing social.
L’ensemble des études décrites ci-dessus permettent d’objectiver les conséquences sanitaires, sociales et économiques des consommations d’alcool en France, ce qui aide les décideurs à prioriser les efforts en matière de prévention. Grâce aux données des grandes enquêtes, il est également possible d’identifier les populations les plus à risque, voire les leviers à mobiliser pour agir efficacement. Sur la thématique « alcool », une autre analyse a récemment permis de structurer l’action de l’agence : il s’agit de la production, sur saisine de la Direction générale de la santé (DGS) et de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), d’un avis d’experts sous l’égide de Santé publique France et l’Institut national du cancer (INCa) (encadré 1).

Encadré 1 : Focus sur l’établissement de nouveaux repères de consommation en mai 2017, une étape structurante pour la stratégie de marketing social
de Santé publique France

En 2016, dans le cadre d’une saisine de la Direction générale de la santé et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, Santé publique France et l’Institut national du cancer (INCa) ont mandaté un groupe d’experts afin d’actualiser les repères de consommation à moindre risque suite aux avancées scientifiques, en particulier concernant le lien entre l’alcool et le risque de développer des cancers.
Ce groupe d’experts s’est appuyé sur des auditions, une revue de la littérature scientifique, et une modélisation des risques pour la santé selon différents scenarii d’exposition à l’alcool réalisée par deux spécialistes reconnus, à partir d’un modèle de calcul utilisé dans le projet européen RARHA1. Ces travaux ont été complétés par une étude qualitative pour décrire la perception de la population française et ses connaissances en matière de consommation d’alcool et des risques perçus. Il était en effet nécessaire de tenir compte de l’épidémiologie objective (protection stricte pour la santé) mais aussi de l’épidémiologie profane (croyances et connaissances) afin d’identifier ce qui était acceptable par la population, et donc plus efficace en termes de communication.
Les nouveaux repères de consommation à moindre risque comportent ainsi 3 dimensions et s’adressent aux adultes en bonne santé : « Si vous consommez de l’alcool, pour limiter les risques pour votre santé au cours de votre vie, il est recommandé de : ne pas consommer plus de 10 verres standards par semaine et pas plus de 2 verres standards par jour ; avoir des jours dans la semaine sans consommation. »2
L’avis d’experts publié en mai 2017 présente la méthode d’élaboration de ces repères et propose 10 recommandations pour améliorer le discours public relatif à l’alcool, dont l’une est de faire connaître ces repères à la population française.
1

1. 1http://www.rarha.eu/Pages/default.aspx (consulté le 9 janvier 2020) ; 2https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2017/avis-d-experts-relatif-a-l-evolution-du-discours-public-en-matiere-de-consommation-d-alcool-en-france-organise-par-sante-publique-france-et-l-insti


La publication de cet avis a permis de structurer l’action de l’agence et de formuler des objectifs de santé publique explicites dans le cadre de son programme Alcool.

Définition des objectifs

Concernant la population adulte, à qui s’adressent les nouveaux repères, Santé publique France a ainsi fixé les objectifs suivants : 1) informer sur les risques pour la santé à moyen et long termes liés à une consommation d’alcool dépassant les repères, et 2) développer la notoriété des nouveaux repères de consommation à moindre risque. Pour parvenir à ce résultat, il s’agissait d’exposer le grand public aux messages mettant en avant le lien entre consommation d’alcool et survenue de pathologies à moyen et long termes, et aux repères de consommation à moindre risque et enfin d’inciter les consommateurs à évaluer leur propre consommation et les risques associés en utilisant un outil disponible en ligne, l’alcoomètre.
Derrière ces objectifs spécifiques au dispositif porté par Santé publique France apparaissent les objectifs de santé publique plus généraux que sont la diminution de la morbidité et de la mortalité associées à la consommation d’alcool en France, en diminuant la proportion de Français qui consomme au-delà des repères à moindre risque.

Segmentation – ciblage

Pour identifier et décrire les consommateurs à cibler prioritairement, les données du Baromètre de Santé publique France 2017 ont été mobilisées. Cette enquête en population générale a permis d’interroger un large échantillon de 25 319 personnes de 18 à 75 ans en France métropolitaine. Les analyses ont montré qu’en 2017, 23,6 % des personnes de 18-75 ans dépassaient le repère de consommation sur au moins une de ses dimensions, les hommes (33,4 %) davantage que les femmes (14,3 %). Plus précisément, 19,2 % déclaraient avoir bu plus de 2 verres d’alcool en une journée au moins une fois au cours de la semaine précédente, 9,7 % déclaraient avoir bu plus de 10 verres d’alcool au cours des sept derniers jours et 7,9 % déclaraient avoir consommé de l’alcool plus de cinq jours sur sept. La relation avec l’âge était particulièrement marquée : les plus jeunes étaient plus nombreux à consommer plus de 2 verres un jour de consommation, tandis que les plus âgés observaient moins fréquemment des jours d’abstinence dans la semaine. La population dépassant ce repère était majoritairement masculine, en emploi, de niveau de diplôme inférieur ou égal au baccalauréat ; environ un tiers de cette population avait un revenu mensuel net inférieur ou égal à 1 200 euros. Ces indicateurs montrent que la cible potentielle était très large. Or, le principe du marketing social est de segmenter afin de choisir une population relativement homogène en termes de caractéristiques socio-démographiques mais aussi d’habitudes de consommation média ; le tout, dans l’objectif de pouvoir établir un plan média efficace, c’est-à-dire susceptible d’exposer de façon effective la cible aux messages. Ainsi, la cible principale a été définie comme étant l’ensemble des Français âgés de 29 à 50 ans, tranche d’âge où la consommation d’alcool est déjà établie et les habitudes de consommation média relativement homogènes. Une surpression marketing devait être faite auprès des hommes issus des catégories socio-économiques plus défavorisées.
En complément de cette cible grand public, un dispositif destiné à informer les professionnels de santé et en particulier les médecins généralistes a été conçu. Les données de la littérature montrent en effet que le repérage précoce et l’intervention brève (RPIB) par un professionnel de santé de premier recours fait partie des stratégies les plus efficaces pour inciter les individus à diminuer leur consommation d’alcool (Babor et Grant, 1992renvoi vers ; Michaud et coll., 2013renvoi vers). Or cette pratique est encore peu répandue. D’après le Baromètre santé médecins généralistes 2009, seuls 23,0 % des médecins généralistes affirmaient avoir abordé ce sujet au moins une fois avec chacun de leurs patients. C’est aussi un sujet cité à 60,4 % par les médecins généralistes comme l’un des sujets les plus difficiles à aborder (Baromètre santé, 2009renvoi vers). Un volet médecins a donc été élaboré en complément du dispositif grand public, visant en particulier médecins généralistes et médecins du travail dont le contact quotidien avec les patients et la proportion de population couverte permettraient un dépistage plus généralisé des consommations d’alcool à risque.

Mise en œuvre des « 5C »

En s’inspirant du marketing marchand, on dit souvent que le marketing social s’appuie sur les « 5C » décrits ci-dessous.

1. Choisir et proposer un Comportement favorable à la santé ou au bien-être

Le comportement ciblé était le suivant : diminuer sa consommation d’alcool afin de ne pas dépasser les repères de consommation à moindre risque.
Notons que le dispositif global de marketing social qui permettra d’atteindre cet objectif de changement de comportement se déclinera sur plusieurs années, et que le dispositif diffusé en 2019 n’en constituait qu’une partie. Ainsi, l’objectif spécifique de ce dispositif 2019 était d’agir sur des antécédents de ce changement de comportement, identifiés grâce aux modèles théoriques de changement de comportement issus de la psychologie sociale (connaissances, motivation, intention). Les dispositifs suivants (2020 et années suivantes) seront complémentaires et auront plus spécifiquement pour objectif de déclencher un changement de comportement (cf. théorie COM-B de Susan Michie ; Michie et coll., 2011renvoi vers).

2. Minimiser les Coûts d’adoption de ce comportement

Le fait de choisir comme objectif comportemental une réduction de la consommation, et non une abstinence totale, répond à une stratégie de minimisation des coûts perçus à l’adoption du comportement.

3. Favoriser la Capacité d’accès à ce comportement

Cette dimension a été travaillée de plusieurs façons : par la mise à disposition d’une information accessible au plus grand nombre, grâce à un travail spécifique sur la formulation et la présentation des messages de la campagne sous un format vidéo pédagogique diffusé sur les lieux de soins (maison de santé, hôpitaux, pharmacies, laboratoires d’analyse...) ; par la mise à disposition d’outils d’aide et d’accompagnement : aides en face-à-face (professionnels de santé) ou à distance (Alcool info service, avec notamment l’alcoomètre, outil digital d’auto-évaluation de sa consommation d’alcool).

4. Promouvoir ce comportement grâce à une Communication adaptée

Cette partie est probablement la plus visible. Elle peut elle-même comporter plusieurs étapes, brièvement résumées ci-dessous :
• la définition des contenus et des messages de la campagne. Les principaux messages sont définis par les experts de Santé publique France. Dans le cadre du présent dispositif, il a ainsi été décidé de mettre en avant trois pathologies connues du grand public, dont le lien avec une consommation d’alcool, même à des niveaux faibles ou moyens a été démontré, mais pour lesquelles ce lien avec l’alcool reste méconnu : cancer, hémorragie cérébrale et hypertension. Les repères à moindre risque seraient présentés comme une solution face à la menace des risques liés à l’alcool. Il a été également proposé une auto-évaluation de sa consommation sur l’outil Alcoomètre. Ce test permet de connaître les risques pour sa santé et pouvoir se comparer à la moyenne des français (feedback normatif). Les contenus ainsi définis font ensuite l’objet d’un travail collaboratif avec des professionnels de la communication (agences de communication) pour concevoir les supports et les messages les plus impactants au regard de nos objectifs de communication. Des études de type pré-tests sont menées afin de s’assurer de la compréhension et de leur impact potentiel des messages : dans le cadre du présent dispositif, deux prétests ont été menés : le premier, qualitatif, auprès de 107 personnes en mai 2018 : il s’agissait d’évaluer la compréhension globale des pistes de communication et des messages ; le second, quantitatif, auprès de 2 000 personnes en novembre 2018 : il s’agissait là de comparer l’efficacité potentielle de 2 pistes de communication via une étude expérimentale avec groupe contrôle ;
• la formulation des messages fait également l’objet d’un travail de co-construction en interne, et avec des professionnels et experts extérieurs. À titre d’exemple, la formulation des repères de consommation à moindre risque tels qu’énoncés dans la campagne a fait l’objet d’un travail supplémentaire afin de rendre ceux-ci plus compréhensibles et mémorisables par le plus grand nombre. La formulation originale des experts mandatés par Santé publique France était en effet très précise mais également longue, complexe et difficile à retenir : il s’agissait donc de la simplifier. Plusieurs formulations ont été testées dans le cadre des pré-tests qualitatif et quantitatif en mai et novembre 2018 respectivement. La formule la mieux comprise et mémorisée a été conservée : « Pour votre santé, l’alcool c’est maximum 2 verres par jour, et pas tous les jours » ;
• pour les professionnels de santé, trois types de messages ont été choisis : des messages généraux reprenant le contenu de ceux adressés au grand public comme les repères de consommation ou les pathologies impactées par l’alcool, des messages sur l’imputabilité de certains cancers à l’alcool et enfin des messages invitant au dépistage de la consommation d’alcool problématique chez les patients en rappelant l’existence du RPIB. Les messages communiqués se devaient d’être scientifiques et référencés, dans un souci de transparence et d’exhaustivité. Trois affiches destinées à être apposées dans les cabinets de santé ont ainsi été conçues (figure 1Renvoi vers). Elles portaient respectivement sur les risques associés à la consommation d’alcool, les repères de consommation à moindre risque et la promotion de l’outil Alcoomètre. Elles ont été complétées d’un volet digital (bannières web) et de publi-rédactionnels dans la presse professionnelle ;
• le choix des médias mobilisés. Là encore, il a fait l’objet d’un travail collaboratif avec des professionnels du secteur (régies d’achat d’espace). Il s’agit de choisir la combinaison de vecteurs permettant d’exposer la cible de la façon la plus efficace, en optimisant les crédits alloués à la campagne (encadré 2).
1 : Affiches destinées aux médecins généralistes et aux médecins du travail

Encadré 2 : Focus sur le plan média grand public

Dans le cadre de la conception d’une campagne de communication, le choix des médias se fait très en amont, dès l’identification des cibles de la communication. On mobilise généralement plusieurs médias, chacun permettant d’atteindre une cible spécifique dans un contexte donné, et de délivrer des messages différents en termes de complexité, de longueur. La temporalité de la diffusion de la campagne est également à définir. Dans le cadre de cette communication, deux créneaux annuels ont été identifiés lors desquels les messages de prévention pourraient émerger de façon plus efficiente : janvier-mars et septembre-octobre. Ce choix s’est appuyé sur une étude de l’investissement publicitaire des alcooliers entre 2016 et 2018 qui a démontré des investissements publicitaires majoritairement engagés de mi-mai à mi-juin avant les vacances d’été et en fin d’année avant les fêtes en novembre et décembre.
Dans le cadre du présent dispositif, le plan média était ainsi constitué :
- un volet TV, avec un spot de 30 secondes diffusé sur une sélection de chaînes avec message principal sur la notoriété des risques et les nouveaux repères.
Le média TV présentait plusieurs intérêts : il s’agit d’un média dit « de masse », permettant d’exposer une large proportion de la population et particulièrement pertinent pour atteindre les populations moins favorisées. De plus, grâce à la loi Évin, la publicité pro-alcool est inexistante sur ce média, rendant la concurrence inexistante.
- un volet de vidéo en ligne (TV en différé) constitué de versions plus courtes du spot diffusé en TV ; la vidéo en ligne permet de surpondérer la visibilité sur les petits consommateurs TV, notamment les plus jeunes de la cible et d’augmenter la couverture de la cible.
- un volet radio avec des chroniques de 60 secondes qui apportent la pédagogie nécessaire pour faire comprendre les nouveaux repères de consommation grâce dans un format plus long : il s’agissait de chroniques portées par un animateur référent de la station et un expert du sujet Alcool.
- un volet presse dans la presse quotidienne régionale (PQR) avec des publi-communiqués pédagogiques rédigés selon la ligne éditoriale des titres presse en question pour favoriser le taux de lecture. La PQR est particulièrement adaptée pour la partie la plus âgée de la cible.
- un volet display constitué de bannières web, diffusées de façon ciblée grâce aux outils de la « programmatique ». La programmatique permet en effet une exposition contextualisée des messages publicitaires, aux différentes cibles de communication. Cet achat média tient compte du ciblage souhaité (sexe, âge, sociodémographie), du contexte de connexion de l’internaute (à quelle heure ? Avec un mobile ou un ordinateur ?), de l’univers (sur quel site ou plateforme de vidéo se trouve-t-il ?). L’internaute a-t-il fait des recherches avec des mots clefs de l’univers de l’alcool ? Le display permet d’orienter très facilement les internautes vers des contenus plus complets, comme ceux du site Alcool info service.
- un volet de référencement payant : il s’agit de s’assurer de la visibilité des contenus web portés par Santé publique France (site Alcool info service) dans le cadre des recherches faites sur les moteurs de recherche par mots clefs.

5. Travailler avec des Collaborateurs ou des partenaires, afin de faciliter l’adoption du comportement

Il s’agit de mobiliser les différents acteurs qui pourront relayer les messages de la campagne, et permettront ainsi d’exposer davantage les cibles aux messages, et de favoriser l’appropriation de ceux-ci.
Deux stratégies complémentaires ont été déployées :
• la mobilisation des acteurs de la prévention : acteurs institutionnels au niveau national et régional, têtes de réseaux associatives, sociétés savantes, représentants des professions de santé. L’articulation de la communication entre le niveau national et les niveaux régionaux est un enjeu fort de la stratégie de marketing social. Le dispositif de structures « ambassadrices » dans chaque région, sous le double pilotage Santé publique France – agences régionales de santé peut permettre de déployer au plus près des publics l’ensemble des messages de la campagne ;
• la mobilisation d’acteurs qui agissent au plus près des publics cibles dans une stratégie d’influence. Il s’agit de mobiliser les leaders d’opinion, associations et structures qui ne travaillent pas nécessairement dans le secteur de la prévention mais dans des milieux spécifiques concernant la cible (milieu professionnel, de loisirs, etc.). Depuis 2016, Santé publique France développe et structure un programme de mobilisation volontaire des entreprises du secteur public et privé engagées pour la santé de leurs salariés. Cette nouvelle opportunité de diffusion des programmes de prévention et promotion de la santé peut permettre de sensibiliser certains publics plus éloignés de l’information en santé.

Focus : rôle des influenceurs dans un dispositif de marketing social

Les influenceurs sont régulièrement associés aux dispositifs de marketing social dans un objectif de proximité et d’affinité avec les cibles.
En juin 2018, une expérimentation a été menée pour sensibiliser les jeunes à la consommation excessive d’alcool en milieu festif avec un duo de Youtubeurs McFly & Carlito, très apprécié de la cible des 15-24 ans, donc potentiellement prescripteurs en termes d’attitudes et de comportements. L’angle stratégique choisi pour réduire les risques liés à l’ivresse des jeunes consistait dans la valorisation de l’attention portée à ses pairs en difficulté en contexte festif, sans proscrire la consommation d’alcool mais avec la volonté de promouvoir une consommation non excessive. Il était important de s’appuyer sur un discours et une tonalité positive, connivente avec les représentations des jeunes autour de l’alcool.
McFly & Carlito ont interprété la commande de Santé publique France en conservant leur style propre. Une vidéo de 27 minutes, intitulée Bourré Simulator, a été publiée le 24 juin 2018 sur leur chaîne Youtube qui rassemblait à cette époque 4,5 millions d’abonnés.
Dans cette vidéo, trois équipes de 3 jeunes Youtubeurs et personnalités connues des jeunes sont en compétition et doivent parcourir le plus vite possible une même distance jusqu’à un point de rencontre. Dans chaque équipe, deux jeunes sont lestés d’équipements gênant la vision (visière déformante), l’audition (casque assourdissant) et la motricité (bandes de contention), pour reproduire les déficits sensorimoteurs de l’ivresse. Le troisième jeune a pour objectif de les guider et les protéger tout au long de la compétition. Les péripéties des équipes sont filmées en direct, accompagnées de nombreux éclats de rire.
Un mois après sa diffusion, les mesures d’exposition (vues de la Vidéo sur Youtube et instagram) étaient particulièrement satisfaisantes :
• plus de 7,2 millions de vues en six mois (dont 4,8 millions en moins d’un mois, la moyenne étant de 3,6 millions de vues en 1 mois) ; en janvier 2020, près de 9,8 millions de vues ;
• un taux de complétion (visionnage de la vidéo dans son intégralité) de 50 % ;
• plus de 945 000 vues cumulées sur Instagram et 120 000 vues sur Twitter ;
• 550 000 actions d’engagement (likes, commentaires, partages) majoritairement positives.
Un post-test a été mené en ligne par BVA auprès d’un panel de 400 jeunes de 13 à 24 ans du 26 juillet au 16 août 2018. Il portait sur la mémorisation, la reconnaissance, la compréhension et l’adhésion à la campagne (ensemble des vidéos) :
• le film a été reconnu par 28 % de la cible ce qui représente environ 2,7 millions de jeunes de 13-24 ans ;
• 91 % des jeunes ayant reconnu le dispositif disent avoir aimé les vidéos (score supérieur au standard des campagnes précédentes, toutes thématiques confondues auprès des jeunes : 85 %) ;
• 63 % ont bien compris les messages ;
• 73 % des jeunes pensent que c’est une très bonne idée que les Youtubeurs McFly & Carlito s’associent avec le ministère de la Santé et Santé publique France pour cette campagne ;
• les scores d’incitation à réfléchir à sa consommation (68 %) et à la réduire (61 %) sont respectivement deux fois et quatre fois plus élevés que ceux des « standards » de Santé publique France (34 % et 15 % respectivement).
Cette opération a montré l’intérêt des réseaux sociaux affinitaires, animés par des personnalités rassemblant des communautés d’internautes, pour toucher un nombre important d’une cible particulière. De plus, les messages de santé publique portés par les influenceurs renforcent leur crédibilité et appuient leur rôle de prescripteur.

Évaluation

L’évaluation est une étape clé de la démarche de marketing social : elle permet de vérifier l’atteinte des objectifs, de comprendre les facteurs de succès ou d’échec, et donc d’optimiser le dispositif par la suite. Pour faciliter la planification de l’évaluation, un modèle logique, regroupant les objectifs de la campagne et les actions mises en place au bénéfice de l’individu, de son entourage et de son environnement, a été réalisé (figure 2Renvoi vers). Ceci a permis de mettre en évidence les étapes pour lesquelles il était pertinent de mettre en place une évaluation. Ainsi, deux évaluations du processus (post-tests et bilan médias) et deux évaluations des effets de la campagne (efficacité et recours aux outils) ont été mises en place.
2 : Modèle logique relatif au dispositif de marketing social « alcool » porté par Santé publique France en 2019

Post-tests

Afin de mesurer la mémorisation, la compréhension, l’agrément, le degré d’incitation des messages, des enquêtes quantitatives sont réalisées après la diffusion des campagnes. Leurs intérêts et leurs limites ont notamment été présentés dans le cadre du dispositif Mois sans tabac (Guignard et coll., 2018renvoi vers).
Un échantillon représentatif de 400 médecins généralistes a ainsi été interrogé sur internet du 20 mars au 4 avril 2019 afin d’investiguer la mémorisation et la reconnaissance de la campagne, les pratiques et habitudes des médecins, la compréhension et la perception des éléments de communication de la campagne, la connaissance des repères, le rôle incitatif de cette campagne et la notoriété du site alcool-info-service.fr. La représentativité de cet échantillon était assurée par la méthode des quotas. En complément, un échantillon représentatif de la population française de 1 000 personnes âgées de 15 ans et plus a été interrogé en face-à-face du 15 au 27 avril 2019. Le questionnaire portait sur la mémorisation et la reconnaissance de la campagne, les connaissances des risques et la notoriété des outils de communication permanents comme le site alcool-info-service.fr, la consommation actuelle d’alcool, la perception et l’agrément des supports de communication, et enfin le caractère incitatif de la campagne. La représentativité de cet échantillon était assurée par la méthode des quotas.

Bilan média

Les post-tests sont complétés par un bilan média fourni par l’agence d’achat d’espace, prestataire de Santé publique France. Ce bilan descriptif permet de vérifier l’atteinte des objectifs, en particulier en termes d’exposition (couverture de la cible). Il est réalisé pour chacun des canaux utilisés, ce qui permet d’évaluer la pertinence du plan média.

Étude des effets de la campagne en termes de recours aux outils

Un impact immédiatement mesurable de la campagne est le recours aux outils promus. Un bilan de l’évolution du nombre de visites sur le site alcool-info-service.fr est donc réalisé : nombre de visites, de visiteurs, les pages visitées, le temps de consultation et le taux de rebond, mais aussi l’origine de la connexion et le type de support utilisé pour celle-ci. Aussi, il a été possible de connaître le parcours suivi par chaque utilisateur. Une analyse quantitative et qualitative du recours à l’alcoomètre, hébergé sur Alcool info service, a également été réalisée.

Étude d’efficacité : effet de l’exposition à la campagne sur l’évolution
des connaissances et attitudes

Une étude a enfin été menée pour mesurer les effets de la campagne. Il s’agissait d’une étude longitudinale, avec une mesure T0, avant la diffusion de la campagne, une mesure T1, juste après la diffusion de la campagne, et une mesure T2, 6 mois après la diffusion de la campagne (figure 3Renvoi vers). Pour cette étude, deux groupes ont été interrogés : le groupe A avec 4 000 répondants à T0 et le groupe B, avec 500 répondants uniquement interrogés pour la phase T1 (contrôle de l’effet questionnaire). Tous les participants étaient âgés de 18 à 75 ans et devaient avoir consommé de l’alcool au moins une fois dans l’année passée. Cette étude était menée sous la forme de questionnaires auto-administrés en ligne. L’analyse des données devra permettre de mesurer le lien entre l’exposition à la campagne et l’évolution des indicateurs correspondant aux objectifs de la campagne : connaissances des pathologies impactées par la consommation d’alcool, connaissance des repères à moindre risque.
3 : Protocole de l’étude d’efficacité – Santé publique France

Conclusion

Dans une première partie a été présenté l’état de la littérature scientifique sur l’efficacité des campagnes de marketing social destinées à réduire la consommation d’alcool. Il a été montré que ce champ de recherche était juste émergent. Dans une deuxième partie, la façon dont les campagnes de communication de Santé publique France sont réalisées a été décrite ; des variantes existent bien sûr, en fonction de la thématique et de la population concernée, des données scientifiques disponibles, du calendrier plus ou moins contraint par l’agenda politique (campagnes annoncées dans le cadre de plans de santé publique...). L’application rigoureuse de la démarche du marketing social permet de s’assurer des fondations scientifiques des dispositifs ainsi conçus, et de leur potentiel d’efficacité. Il est important de partager ces méthodes via des publications et, par la suite, de publier les résultats des évaluations conduites, ce qui est régulièrement fait par Santé publique France. Les résultats de l’évaluation ne sont pas encore disponibles, à l’exception de l’évaluation du partenariat avec des influenceurs.
Dans une perspective de santé publique plus globale, soulignons que les campagnes visent à faire évoluer les connaissances, attitudes et comportement des individus ; elles doivent, dans l’idéal être accompagnées d’une prévention multisectorielle comme par exemple des mesures visant à limiter l’accessibilité des produits alcoolisés (via leur fiscalité notamment) et la limitation de la publicité promotionnelle. C’était le sens des recommandations portées par les experts de Santé publique France et l’Institut national du cancer en 2017 : les mesures individuelles portant sur l’établissement de nouveaux repères de consommation à moindre risque et leur promotion était complétée par des mesures réglementaires visant à faire évoluer l’environnement dans un sens plus favorable à la santé. En ce sens, le dispositif de communication de Santé publique France ne constitue qu’un maillon de la stratégie de santé publique plus globale à mettre en œuvre pour réduire les risques liés à l’alcool.

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