Acquisitions et apprentissages

2007


ANALYSE

1-

Acquisition du langage oral : repères chronologiques

La capacité d'un nouveau-né à apprendre sa langue maternelle ne cesse d'étonner. En quelques années, il va pouvoir maîtriser la grammaire de sa propre langue qui est un système complexe de propriétés phonologiques, lexicales et syntaxiques. Les études linguistiques et cognitives abordent la question de l'acquisition de la parole et du langage en se référant à ce système en trois composantes : la forme, le contenu et l'usage. La forme comprend la phonologie, le lexique, la morphologie et la syntaxe. Le contenu comprend la signification qui est la sémantique du langage. L'usage est la pragmatique ou l'étude de l'ensemble des codes qui régissent les intentions de communication des locuteurs. La figure 1.1Renvoi vers représente schématiquement les composantes du langage.
Figure 1.1 Composantes du langage
Dès les premiers mois, une capacité perceptive des sons de la parole permet au bébé de discriminer, de catégoriser les sons élémentaires puis de reconnaître certains mots de sa langue par la prosodie (l'enveloppe « musicale » de la parole avec ses aspects de rythme, de tempo, de mélodie, d'accent, d'intonation). Vers 7-8 mois, les bébés sont capables de reconnaître et de mémoriser des formes syllabiques de type « mot » avec des séquences consonnes-voyelles bien définies appartenant aux particularités de sa langue. Vers 9-10 mois, c'est la période de la production du babillage et des premiers mots avant l'explosion lexicale vers 18 mois, l'émergence des assemblages de mots vers 24 mois, et enfin la construction des catégories morphosyntaxiques à partir de 30 mois. Même si la variabilité inter-individuelle est très importante, la période 0-3 ans est décisive dans le déroulement du processus d'acquisition de la parole et du langage chez l'enfant comme l'illustre la figure 1.2Renvoi vers.
Figure 1.2 Chronologie des acquisitions du langage chez l'enfant de 0 à 3 ans

Perception de la parole : premières étapes

Les caractéristiques de la perception de la parole ont été mises en évidence de façon très précoce chez le bébé.

Attention sélective et perception catégorielle

La perception catégorielle des sons de parole a été observée au cours d'épreuves d'habituation. Chez le bébé exposé à un stimulus acoustique, le rythme de succion tend à diminuer (habituation) si le stimulus ne varie pas ; il s'accélère en revanche, lorsqu'on présente un stimulus que le nourrisson perçoit comme différent du premier. Des expériences fondées sur ce paradigme d'habituation avec succion non nutritive montrent qu'à la naissance, l'enfant perçoit de façon catégorielle des contrastes sonores de parole reposant sur le trait de voisement (sourdes versus sonores). Eimas et coll. (1971renvoi vers) et Mehler et coll. (1988renvoi vers) ont montré qu'entre la naissance et 4 mois, les bébés étaient capables de discriminer même les contrastes qui ne sont pas présents dans leur environnement (Jusczyk, 1997renvoi vers). À partir de cette capacité perceptive initiale, le nourrisson développe et organise sa perception des sons de la langue environnante (Kuhl, 1992renvoi vers) pendant que les contrastes non représentés dans sa langue finissent par ne plus être detectés vers 10-13 mois (Werker et Tees, 1984renvoi vers). L'influence spécifique d'une langue apparaît plus tôt sur les voyelles que sur les consonnes (Polka et Werker, 1994renvoi vers). L'espace vocalique serait constitué vers l'âge de 10 mois. Puis, les répertoires consonantiques d'enfants appartenant à des communautés linguistiques diverses se différencieraient progressivement entre 11 et 13 mois.

Segmentation précoce et perception des indices prosodiques (rythme et mélodie)

Bien avant de pouvoir comprendre le sens des mots, le bébé en privilégie la forme sonore (Saffran et coll., 1996renvoi vers ; Nazzi et coll., 1998renvoi vers ; Nazzi et coll, 2000renvoi vers ; Ramus et coll., 2000arenvoi vers et brenvoi vers ; Bertoncini et Nazzi, 2004renvoi vers ; Kuhl, 2004renvoi vers ; Nazzi et coll., 2005renvoi vers). Le bébé est sensible aux diverses régularités rythmiques et mélodiques de sa langue (mots fortement accentués, terminaisons de phrases). Cela suggère que la reconnaissance précoce de la langue maternelle dans les deux premiers mois de vie serait en fait une reconnaissance du type de rythme de la langue maternelle. Des discriminations plus fines entre la langue maternelle et des langues de la même famille rythmique émergent vers 5 mois.
Les études portant sur le développement de la segmentation de la parole laissent apparaître le rôle fondamendal des indices prosodiques (rythme et mélodie) dans l'initialisation des processus de traitement, en particulier pour la segmentation permettant d'extraire les mots et de repérer les régularités syntaxiques qui organisent les phrases en unités linguistiques hiérarchisées. La « composante prosodique » est nécessaire pour mettre en relation la phonologie et la syntaxe (Morgan, 1986renvoi vers ; Jusczyk, 1992renvoi vers ; Morgan et Demuth, 1996renvoi vers ; Gout et coll., 2004renvoi vers).
La langue environnante module la perception de la parole du très jeune enfant (Werker et Lalonde, 1988renvoi vers ; de Boysson-Bardies, 2004renvoi vers). Chaque langue possède un matériel prosodique, phonologique et phonétique spécifique, ainsi que des règles particulières de mise en relation des différentes catégories syntaxiques. En russe, par exemple, le sens d'une phrase comme « maman embrasse bébé » sera différent selon la désinence ou la terminaison des mots « bébé » et « maman » ; on comprendra soit que maman est embrassée, soit au contraire que bébé est embrassé : « mama tseluyet malyutkU » veut dire « maman embrasse bébé » mais « mamU tseluyet malyutka » veut dire « bébé embrasse maman ». Un bébé russe de 12 mois doit donc être attentif à la terminaison des mots alors qu'un bébé français de même âge doit focaliser son attention sur l'ordre des mots.

Production de la parole : premières étapes

Du babillage au récit, plusieurs étapes jalonnent le développement linguistique de l'enfant.

Babillage

Les premiers travaux portant sur le babillage remontent à Jakobson (1969renvoi vers) qui décrivait le babillage comme une suite de sons, aléatoires et extrêmement variés, n'entretenant aucune relation ni avec les premiers mots des enfants, ni avec ceux des adultes. Depuis, un grand nombre de travaux ont montré une continuité entre les sons présents dans les premières vocalisations prélinguistiques et ceux présents dans les premières formes langagières signifiantes.
Son émergence est même considérée comme un moment clé du développement langagier et sa description en stades comme un élément crucial de la compréhension du développement linguistique chez le jeune enfant. Un retard de l'apparition du babillage serait même un prédicteur des troubles des apprentissages ultérieurs (Oller et coll., 1999renvoi vers).

Principales étapes du babillage

À 1 mois et même avant, des mouvements phonatoires quasi réflexes de type [Øeu] ont été observés.
De 1 à 4 mois, des séquences phoniques, constituées de syllabes primitives nettement perceptibles par l'entourage, formées de sons quasi vocaliques et de sons quasi consonantiques articulés à l'arrière de la gorge apparaissent.
De 4 à 8 mois, on observe des brusques changements de la fréquence fon-damentale, des productions de voix bitonales et des tremblements de la voix. Le répertoire phonique s'élargit avec l'apparition de sons consonantiques longuement tenus. Vers l'âge de 6 mois, le « babillage rudimentaire » (marginal babble) se compose d'assemblages consonne-voyelle difficilement segmentables en raison d'une articulation assez lâche et de transitions très lentes entre les mouvements de fermeture et d'ouverture du tractus vocal.
Vers 8-10 mois, les enfants commencent à produire le babillage canonique c'est-à-dire des syllabes bien formées de type CV (consonne-voyelle). Le babillage canonique est un assemblage articulatoire qui se compose d'un « noyau d'énergie », le son vocalique, et d'au moins « une marge », le son consonantique qui possède les caractéristiques temporelles de la langue-cible.
MacNeilage et Davis (1993renvoi vers et 2000renvoi vers) ont développé une théorie biomécanique explicative de ces tendances communes appelée théorie du cadre et du contenu (frame-content theory). Selon ces auteurs, le babillage est réalisé par des cycles simples ou répétés d'oscillation mandibulaire (le cadre) provoquant la production de structures simples ou redupliquées de type CV. Ainsi, observe-t-on une tendance forte de la part des enfants à commencer leurs énoncés par une consonne et à l'achever par une voyelle.
Selon MacNeillage et Davis (2000renvoi vers), les langues du monde ont également tendance à conforter le type syllabique CV, seul type considéré comme universel. La première période de production enfantine serait ainsi dominée par le cadre dans lequel les inventaires et structures de sons particuliers peuvent être réalisés grâce à la seule oscillation mandibulaire avec une contribution minimale des articulateurs. La deuxième étape représente une phase de complexification avec introduction du contenu dans le cadre. L'inventaire des sons connaît une augmentation significative puis, à partir d'une taille d'inventaire donnée, apparaît la capacité à moduler ces sons de façon inter- et intra-syllabique. Ces mouvements de complexification sont présents à la fois dans les langues du monde et chez les enfants. Des analyses de fréquence de mots ont révélé la présence de ces formes dans dix langues actuelles : en anglais, estonien, français, allemand, hébreu, japonais, maori, quechua, espagnol et swahili (MacNeilage et Davis, 2000renvoi vers).
D'autres chercheurs estiment que la langue environnante serait à l'origine de certaines productions préférentielles à la fin de la période de babillage et au cours de la période des premiers mots. De Boysson-Bardies et coll. (1984renvoi vers) ont fait écouter à des adultes naïfs des séquences de babillage en français, arabe et cantonais. Les participants avaient pour tâche d'identifier le babillage des enfants français âgés de 8-10 mois. Le résultat obtenu – 70 % d'identifications correctes – suggère que le babillage de la période pré-linguistique présente des caractéristiques intonatives dépendantes de la langue environnante. De Boysson-Bardies et coll. (1989renvoi vers) ont également comparé des voyelles produites par des enfants français, anglais, cantonais et algériens. Ces auteurs aboutissent à la conclusion suivante : la qualité acoustique des voyelles produites dans le babillage diffère d'une langue à l'autre.
Le babillage serait tout d'abord redupliqué, formé d'une chaîne de syllabes identiques du type « mamama », « papapapa ». Il se diversifierait ensuite, les syllabes successives différant les unes des autres soit par la consonne, soit par la voyelle, soit par les deux, « patata », « tokaba », « badata ». Dans ces séries, le jeune enfant favorise les syllabes ouvertes de type CV au détriment de celles de type syllabique fermé : CVC (Oller et Eilers, 1982renvoi vers ; Locke, 1983renvoi vers ; Kent et Bauer, 1985renvoi vers ; Stoel-Gammon, 1985renvoi vers ; Vihman, 1992renvoi vers).

Premiers mots

La production du lexique chez l'enfant est l'un des phénomènes les plus spectaculaires dans toutes les langues du monde. Ce phénomène est marqué par un brusque accroissement du vocabulaire entre 12 et 30 mois. En moyenne, un enfant produit 10 mots à 12 mois, 50 mots à 18 mois, plus de 300 mots à 24 mois et 500 mots à 30 mois. Les études à grande échelle sur 39 langues1 ont montré non seulement une régularité dans le rythme des acquisitions mais aussi des variations interindividuelles et interculturelles considérables. Les facteurs qui sous-tendent les régularités et les variations de cette « explosion lexicale » sont multiples et ne semblent pas répondre aux mêmes « lois » développementales.
Les premiers mots sont souvent constitués d'une ou de deux syllabes identiques formées d'une consonne et d'une voyelle. L'enfant les utilise pour désigner toute une gamme d'objets (surgénéralisation). Il est d'ailleurs nécessaire de connaître le contexte pour interpréter ces premiers mots. Ces surgénéralisations se réduisent à mesure que s'affine la discrimination.
Les premiers mots que prononce l'enfant sont loin d'avoir la valeur de précision de nos concepts adultes. Un même mot peut être utilisé dans des situations très différentes. Le mot « manteau » par exemple peut désigner le vêtement, le chapeau blanc ou la poussette utilisée pour la promenade. Il est facile de comprendre comment l'enfant associe les divers éléments d'une situation telle que l'habillage en vue d'une sortie par exemple, et les désigne par le même terme.
Eve Clark (1974renvoi vers) a étudié la généralisation des premiers mots. Elle montre par exemple que la classe « ouf-ouf » [ufuf] peut désigner les animaux de petite taille comme le chien, le mouton, le chat tandis que les mots « meuh-meuh » [m│m│] sont employés pour les animaux de grande taille. Cela suppose une représentation mentale par laquelle le sens des premiers mots devra s'affiner à mesure que l'enfant acquiert d'autres mots et qu'il perçoit les différences entre les objets et les situations. Tout nouvel élément d'information sur son univers semble amener l'enfant à restructurer le sens initial de ses premiers mots.
Dès l'âge de 10-13 mois, l'enfant émet des énoncés ne comportant qu'un seul mot (période dite « un mot à la fois »).
L'accès aux premiers mots suppose chez l'enfant une certaine connaissance des objets et des événements de son environnement. Avant de pouvoir associer une séquence sonore particulière à une classe particulière d'objets, il doit :
• disposer du concept de l'objet, c'est-à-dire distinguer entre objet et contexte ;
• apprendre que les sons émis par l'adulte sont liés à un objet particulier, et que l'objet est toujours associé à ce son ;
• avoir la notion qu'un item lexical désigne le même objet même si ce dernier apparaît à différents moments, en différents endroits, à différentes distances et dans différentes positions. Les attributs sont indépendants des contextes auxquels ils s'appliquent et réciproquement : la mère, ou le père, peut changer de vêtements ou de coiffure, mais reste la même personne ;
• organiser la coordination de l'espace, des objets et des événements appréhendés dans ses différentes modalités sensorielles.
La base sémantique des premiers mots chez le jeune enfant est donc constituée par un système initialement limité mais ouvert, qui encode les objets familiers concrets, les principales personnes de son entourage, de même que, progressivement, les états et les changements d'état de ces objets et personnes, les actions que les personnes effectuent sur les objets et les sentiments immédiats de ces personnes.

Évaluation des premiers mots

Généralement, les premiers mots de l'enfant se réfèrent aux personnes et aux objets avec lesquels ils sont le plus souvent en contact, les objets et les personnes qui font partie de son univers, les membres de sa famille, les animaux, la nourriture, les boissons et les jouets (Nelson, 1973renvoi vers). L'adaptation française de l'inventaire du développement communicatif de Bates-Mac-Arthur (Communicative Development Inventories, CDI) pour évaluer les premiers mots de l'enfant à 12 mois (Kern, 2003renvoi vers ; Bovet et coll., 2005arenvoi vers et brenvoi vers) est présentée dans le tableau 1.Irenvoi vers. On demande aux parents de cocher la première colonne (C) pour les mots que l'enfant comprend mais ne dit pas encore (on considère que l'enfant comprend un mot même s'il ne le comprend que dans une seule situation) ou bien de cocher la deuxième colonne (CD) pour les mots que l'enfant comprend et qu'il utilise de manière spontanée. Si sa prononciation est différente de celle des adultes, on coche tout de même le mot.

Tableau 1.I Adaptation du CDI : Inventaire français du développement com-municatif (IFDC)

 
C
CD
 
C
CD
 
C
CD
 
C
CD
abeille
  
aïe
  
ainsi font font...
  
allô
  
arrête/r
  
attends/attendre
  
attention
  
au revoir
  
a/avoir soif
  
balle
  
ballon
  
bébé
  
biberon/bibi
  
bois/boire
  
bonjour
  
bonne nuit
  
caillou
  
camion de pompier
  
chat
  
chaud/e
  
chaussette
  
chien/toutou
  
chut
  
clef
  
collier
  
couche/lange
  
coucou
  
cuillère
  
cuisine
  
danse/r
  
donne/r
  
dors/dormir/faire dodo
  
eau
  
encore
  
être fatigué
  
fais/faire un bisou
  
fenêtre
  
figure/visage
  
fleur
  
frigo
  
gâteau/biscuit
  
glace (aliment)
  
jour
  
  
lapin
  
lit
  
livre
  
main
  
maison
  
maman
  
mange/r
  
marche/r
  
merci
  
miam-miam
  
miaou
  
montre/r
  
musique
  
nez
  
prénom de l'enfant
  
nombril/bourrillon
  
non
  
nounours
  
ouaf-ouaf
  
oui
  
pain
  
papa
  
(petit) déjeuner
  
pied
  
poubelle
  
prends/prendre
  
purée
  
regarde/r
  
s'il te plaît
  
sucette/tutte
  
tante/tata/tatie
  
tee-shirt
  
téléphone
  
tombe/r
  
tortue
  
vite
  
voiture/auto
           
La croissance du vocabulaire est très rapide entre 16 et 20 mois, période de l'explosion lexicale des 50 premiers mots qui s'étend sur une période de 4 à 5 mois.

Base phonologique des premiers mots

Les enfants mettent plus de deux ans à partir de leurs premiers mots pour produire l'inventaire complet des consonnes et des voyelles (Fikkert, 1998renvoi vers). L'acquisition est relativement lente parce que l'articulation motrice est très complexe, qui requiert la coordination fine de plusieurs dizaines de muscles pour programmer et réaliser plus d'une dizaine de cibles phonétiques par seconde. Il y aurait un « encodeur phonétique » qui prévoit deux voies pour établir un plan articulatoire, celle de l'assemblage et celle de la récupération de plans stockés pour des patterns fréquents (Levelt et coll., 1999renvoi vers).
Les préférences phonétiques au cours de la production des premiers mots et dans certaines langues du monde semblent indiquer l'existence de propriétés fondamentales du système de production.

Explosion lexicale

La période désignée sous le terme d'« explosion lexicale » a été rapportée par un grand nombre d'auteurs tels MacCarthy (1954renvoi vers), Bloom (1973renvoi vers), Benedict (1979renvoi vers) ou plus récemment Goldfield et Reznik (1996renvoi vers). Elle se caractérise par un apprentissage très rapide mais également par une utilisation cohérente, catégorielle et conventionnelle des mots. Néanmoins, il existe un grand nombre de divergences entre les auteurs concernant la définition de ce phénomène d'explosion lexicale. En effet, bien que la majorité des études s'accordent sur le fait que tout enfant connaissant un développement normal passe par cette poussée lexicale (lexical spurt), quelques unes avancent le cas d'enfants ayant un développement plus progressif de leur répertoire lexical. C'est le cas de Nelson (1973renvoi vers) qui note un apprentissage plus progressif chez des enfants anglophones possédant un lexique plus varié. Il en va de même pour Goldfield et Reznik (1996renvoi vers) qui observent que sur 18 enfants anglophones de 14 à 24 mois, seulement 13 manifestent une explosion lexicale.
On note aussi des divergences quant au moment de l'apparition de cette explosion lexicale. Dans la plupart des cas, elle surviendrait lorsque l'enfant possède environ 50 mots différents dans son répertoire, à savoir au cours d'une période s'étendant de 16 à 19 mois (Poulin-Dubois et Graham, 1994renvoi vers). D'autres auteurs la situent vers 20-24 mois, juste quelques semaines avant l'émergence de la syntaxe (Dromi, 1987renvoi vers ; Mervis et Bertrand, 1995renvoi vers). Une raison possible de ces divergences pourrait être que la variabilité interindividuelle reste importante au début de la production du lexique. Les variations de la période de l'explosion lexicale seraient aussi associées à la diversité et la complexité des langues (Bloom, 1970renvoi vers ; Vihman, 1986renvoi vers ; De Boysson-Bar-dies et Vihman, 1991renvoi vers ; Vihman et De Boysson-Bardies, 1994renvoi vers).
La recherche des facteurs qui seraient à l'origine des variations interindividuelles dans le développement du vocabulaire donne des résultats encore très controversés. Si l'on a traditionnellement tendance à associer une précocité du vocabulaire aux filles plutôt qu'aux garçons, et aux milieux socioculturels les plus favorisés (Le Normand, 1999renvoi vers et 2006renvoi vers), certains travaux suggèrent que les facteurs cognitifs liés au traitement du langage et particulièrement à la mémoire phonologique sont aussi déterminants (Adams et Gathercole, 1996renvoi vers). Les auteurs de cette étude ont testé un groupe d'enfants entre 2 et 3 ans sur trois critères de mémoire phonologique (séquence de chiffres, répétition de mots et de non-mots) et sur des épreuves faisant intervenir d'autres aptitudes cognitives. Les résultats montrent que l'aptitude à la répétition est associée à la fois à la connaissance du vocabulaire et à la maîtrise des capacités articulatoires, indiquant ainsi que les capacités de mémoire phonologique peuvent être évaluées de manière fiable chez les très jeunes enfants.
L'existence de variations interindividuelles observées dans les premières productions de mots est très liée à l'émergence des premières catégories morphosyntaxiques chez les jeunes enfants. Un tel constat a conduit les auteurs à postuler deux mécanismes d'apprentissage :
• un mécanisme analytique qui permettrait aux enfants de décomposer la parole entendue (l'input) en unités pertinentes pour construire des représentations adéquates ;
• un mécanisme holistique qui permettrait à l'enfant de stocker et de reproduire de larges segments (chunks) bien avant que ceux-ci ne soient analysés. Ce sont par exemple, des marques de remplissage comme les « fillers » tels que « a » ou « è » simples voyelles centrales indifférenciées devant le nom ou le verbe, très fréquentes à 20 mois (Peters et Strömquist, 1996renvoi vers ; Vene-ziano et Sinclair, 2000renvoi vers ; Demuth, 2001renvoi vers).
Ces premières formes paragrammaticales coexisteraient aussi souvent avec d'autres expressions verbales comme les expressions « oui-non », les onomatopées, les interjections, les formes syncrétiques prêtes à l'emploi comme « ça+y+est », « il+est+là », « c'est+beau+ça », « bonne+nuit », « bonjour », « au+revoir », autant de formes mémorisées, figées, qui sont restituées à bon escient. L'origine de ces variations individuelles reste encore méconnue mais relance le débat sur le rôle des facteurs de maturation linguistique et/ou cognitive et des facteurs spécifiques à la langue.

Assemblages de mots

À partir de 20 mois, ce qui correspond au stade moyen des 50 mots, les assemblages de mots se mettent en place très rapidement. La question ici est celle des relations formes-fonctions et particulièrement de l'organisation des mots selon leur fonction. Comment l'enfant maîtrise-t-il les contraintes sémantiques et syntaxiques qui président à l'organisation séquentielle des énoncés ? Selon Braine (1963renvoi vers, 1971renvoi vers et 1976renvoi vers), tout se passerait comme si l'enfant sélectionnait, dans le langage entendu, un petit nombre de mots et s'en servait en leur attribuant une position fixe. L'enfant mettrait en application un nombre limité de formules positionnelles qui seraient directement apprises et dérivées du langage adulte selon un principe dit « de généralisation contextuelle ». Ce principe de la « grammaire pivot » stipule que l'enfant repère la position d'un mot ou d'un groupe de mots dans les énoncés de l'adulte et tend ensuite à utiliser le mot ou le groupe de mots en « formules » à la même place, c'est-à-dire dans le même contexte. L'agencement des premiers mots ne semble donc pas être laissé au hasard. Très vite l'enfant repère un petit nombre de formes verbales dans le langage de l'adulte et les utilise dans ses propres productions.

Caractéristiques des assemblages de mots : omissions des catégories syntaxiques

Ce qui caractérise la période d'assemblage de mots, c'est la fréquence très élevée de l'omission des catégories syntaxiques dans le système nominal (déterminants, préposition, adjectifs possessifs ou démonstratifs) et dans le système verbal (pronoms, auxiliaires, copules).
Parisse et Le Normand (2000arenvoi vers) ont étudié les assemblages de mots en constatant une bonne correspondance entre les productions de l'enfant de 24 mois et celles de l'adulte. Les résultats du tableau 1.IIrenvoi vers montrent, en effet, que les bi-catégories utilisées le plus fréquemment par les enfants sont des fragments d'énoncés d'adulte.

Tableau 1.II Assemblages de mots définis comme étant des bi-catégories (d'après Parisse et Le Normand, 2000arenvoi vers)

Enfants 24 mois
  
Adulte
Rang(1)
Nombre de bi-catégories
Bi-catégories
Exemples
Rang
Nombre de mots
pro : pronom ; v : verbe ; det : déterminant ; n : nom ; adv : adverbe ; adj : adjectif ; rel : relatif ; neg : négation ; prep : préposition ; art : article ; pp : participe passé ; co act : co-actant
1Le rang est lié à la fréquence d'utilisation des bi-catégories
1
197
pro+v│être
c'+est
3
4 949
2
168
det+n
le +bébé
1
6 866
3
46
v│être+adv (place)
est+ là
131
122
4
46
v│être+adj
est+ petit
29
727
5
44
pro rel+pro
où+l'est
4
3 292
6
40
v│avoir+adv (neg)
a+pas
39
530
7
39
prep: art+n
du+pain
8
2 340
8
39
v│être+v (pp)
est+parti
30
706
9
35
pro+v
moi+veux
2
5 200
10
31
pro│ y+v│avoir
y'+a
23
877
11
29
adv: neg+adv (place)
pas+ là
207
56
12
29
adj+n
petit bébé
16
1 224
13
25
Co act+pro
oh+moi
118
146
14
24
Co act+v (pp)
oh+parti
548
1
15
20
v│être+adv (neg)
est+pas
36
627
Total
812
   
27 663
Ces productions ont été recueillies en situation de jeu avec un matériel audiovisuel et analysées selon le codage du Childes (Child Language Data Exchange System : Système d'échanges des données du langage chez l'enfant). Elles ont révolutionné depuis 1981 les opérations de transcription, de codage, de stockage, d'analyse automatique, et de transfert et partage des données (McWhinney, 2000renvoi vers ; Parisse et Le Normand, 2000brenvoi vers ; Rose, 2003renvoi vers).

Quelle est la nature de ces omissions ?

Radford (1990renvoi vers) avance l'hypothèse qu'au début, la grammaire de l'enfant est limitée aux catégories lexicales, le système grammatical/fonctionnel étant soumis à une maturation plus tardive. Wexler (1994renvoi vers) montre aussi qu'il existe un stade dans le développement linguistique du jeune enfant, au cours duquel celui-ci n'utilise pas forcément les marques de temps dans des phrases principales bien qu'il connaisse les propriétés de la flexion des verbes. Il rapporte également que dans d'autres langues, en français (Pierce, 1992renvoi vers) et en allemand (Poeppel et Wexler, 1993renvoi vers), mais aussi en danois, en norvégien, en suédois notamment, le jeune enfant de 2 ans utilise parfois les formes infinitives des verbes alors que des formes fléchies sont attendues. En outre, dans ces contextes grammaticaux et pour une même phrase, des infinitifs peuvent être, selon lui, présents ou absents, donc optionnels.
Ces infinitifs ont été nommés infinitifs racines (root infinitives) par Rizzi (1994renvoi vers) et infinitifs facultatifs (optional infinitives) par Wexler (1994renvoi vers). Cette période d'acquisition caractérisée par la possibilité de produire des énoncés déclaratifs à l'infinitif se retrouve aussi dans un grand nombre de langues comme l'anglais, l'allemand, le néerlandais, le suédois, le danois et le norvégien. Le phénomène est apparemment quasi inexistant dans les langues permettant l'omission libre du sujet, comme l'italien, l'espagnol et le catalan (Guasti, 1994renvoi vers ; Sano et Hyams, 1994renvoi vers) ou le japonais (Sano, 1996renvoi vers). Chez les enfants francophones, il est difficile de repérer clairement cette période de l'infinitif racine et facultatif à cause de l'homophonie « é »/« er » que l'on retrouve dans ces verbes du premier groupe qui sont très fréquemment utilisés par l'enfant francophone au début de la construction de la formation des mots. De plus, les enfants francophones produisent de manière co-occurente des énoncés déclaratifs à temps conjugué en réalisant des surgénéralisations.

Caractéristiques des premières formes morpholexicales : principe de surgénéralisation (exemple du suffixe « é » pour les verbes irréguliers)

L'enfant ayant appris, par exemple, l'emploi du suffixe « é » pour indiquer le participe passé, applique ce principe en le généralisant aux verbes des autres groupes. Il produit alors des structures comme « il a metté » pour « il a mis », « il a batté » pour « il a battu », « il a rié » pour « il a ri », « il a répondé » pour « il a répondu », « il a boivé » ou « il a buvé » pour « il a bu ». Toujours, en raison d'un principe de généralisation, il fera aussi des erreurs comme « il a prendu » pour « il a pris », « il a éteindu » pour « il a éteint », « il a couri » pour « il a couru »... Dans tous ces cas, l'enfant applique un principe à des éléments linguistiques de façon inappropriée.
Inversement, il se produit des cas où l'enfant applique un principe exceptionnel à des structures linguistiques stables. Il est donc possible de l'entendre dire : « il a envoi » pour « il a envoyé », erreur sans doute formée par analogie à des structures irrégulières comme « il a écrit » ou « il a conduit » ou encore il pourra dire « il dormra » pour « il dormira ».
La surgénéralisation peut s'étendre aussi au domaine lexical. Lorsque l'enfant crée des mots nouveaux, il a tendance à les concevoir à partir des structures déjà existantes. Par exemple, il pourra dire « la chambre de nuit » par analogie avec « la chemise de nuit ».

Indice de maturité syntaxique : longueur moyenne de l'énoncé

D'après plusieurs auteurs (Brown, 1973renvoi vers ; Miller et Chapman, 1981renvoi vers ; Rondal et coll., 1985renvoi vers ; Wells, 1985renvoi vers), la « longueur moyenne de l'énoncé » (LME) évalue la maturité et la complexité syntaxique de l'enfant. Cette échelle se présente en six phases de développement (tableau 1.IIIrenvoi vers).

Tableau 1.III Six stades de l'échelle LME (Longueur moyenne de l'énoncé)

Phases
LME (en morphèmes par énoncés)
Âge (mois)
Caractéristiques
I
1 à 2
12 à 26
Énoncés à 1 ou 2 mots
II
2 à 2,5
27 à 30
Énoncés à 2 mots et +
III
2,5 à 3
31 à 34
Phrases simples
IV
3 à 3,75
35 à 40
Phrases complexes
V
3,75 à 4,5
41 à 46
Coordination de phrases
>V+
>4,5
>47
Construction de récits
Selon Brown (1973renvoi vers), la LME est un bon indice de la maturité du langage des jeunes enfants. Sa validité chez le jeune enfant est fiable lorsqu'on obtient 50 énoncés ou plus.
L'énoncé se définit soit :
• comme une production verbale marquée à son début et à sa fin par une pause ;
• comme une production verbale marquée à son début et à sa fin par une modification de l'intonation ;
• par son caractère grammatical : des phrases complètes définies comme des productions verbales contenant au minimum un nom ou un pronom dans une relation sujet-verbe, des phrases incomplètes (pas de sujet, verbes à l'impératif...).
Des données francophones (Le Normand, 1991renvoi vers et 2006renvoi vers) portant sur des enfants âgés de 24 à 36 mois ont décrit l'évolution de cet indice avec l'âge. Tous les auteurs s'accordent pour estimer, qu'au-delà d'une longueur moyenne de 4 mots par énoncé, ce que dit l'enfant est davantage fonction du contexte dans lequel est recueilli le langage que de sa maturité syntaxique. Il n'y a plus de corrélation entre la LME et l'âge. Il convient donc de limiter l'utilisation du LME à une période bien déterminée (24-36 mois). Ce fait a été confirmé par d'autres données, soit francophones portant sur 60 enfants âgés respectivement de 20, 30 et 39 mois (Bassano et coll., 1998renvoi vers ; Bassano, 2005renvoi vers), soit collectées dans d'autres langues, dégageant ainsi un certain nombre de variations et de régularités. Au-delà de cet âge, d'autres catégories syntaxiques doivent être définies pour apprécier le développement syntaxique. Ce qui importe ici est le processus très rapide mis en œuvre par l'enfant pour apprendre à utiliser de manière appropriée ces catégories : le système nominal avec l'émergence des déterminants (article défini et indéfini) et des prépositions, les flexions du nom avec les marques de l'accord du genre et du pluriel, mais aussi le système verbal (auxiliaires, copules) avec l'émergence des pronoms, le développement des flexions du verbe (conjugaisons) et la subordination des énoncés.
Certaines langues comme les langues latines et le russe utilisent beaucoup de désinences. Les enfants qui se familiarisent avec de telles langues acquièrent très vite ces mots grammaticaux qui se reflètent dans les énoncés binaires avec des compléments d'objet direct et indirect. La désinence du complément d'objet direct est parmi celle que l'enfant acquiert le plus vite lorsqu'il apprend le russe, le serbo-croate, le latvien, le hongrois, le finnois et le turc.
En français, l'ordre des mots détermine le sens de la phrase. Un énoncé se compose généralement sur le modèle « sujet-verbe-complément d'objet » (SVO). Dès que l'enfant a compris l'ordre des mots, il peut attribuer un sens différent aux énoncés tels que : « le garçon pousse la fille » ; « la fille pousse le garçon ».

Construction de récits

Les recherches à propos du récit oral chez l'enfant ont conduit à distinguer, d'une part, entre une dimension que l'on peut considérer comme conceptuelle qui a trait à la représentation des séquences d'événements et une autre plus spécifiquement linguistique et, d'autre part, relativement à cette dernière, entre une dimension rhétorique concernant la structure des textes narratifs et une autre ayant trait aux aspects lexico-syntaxiques intervenant dans la mise en texte (Fayol, 1985renvoi vers et 2000renvoi vers). L'intérêt de ces distinctions repose sur le fait que les connaissances mobilisées et leurs modalités d'acquisition ne se recouvrent pas et que leur acquisition pose des problèmes spécifiques.

Représentation mentale des séquences d'événements

La dimension conceptuelle concerne la représentation mentale des états et événements du monde réel ou fictif ainsi que les relations temporelles ou causales qu'ils entretiennent et qui font intervenir des objets, lieux et personnages. Elle correspond approximativement à ce qui est dénommé dans la littérature « modèle mental » (Johnson-Laird, 1983renvoi vers) ou modèle de situation (van Dijk et Kintsch, 1983renvoi vers). Elle vaut aussi bien pour les récits oraux ou écrits que pour les films ou les bandes dessinées. Elle relève de la représentation du monde indépendamment de la manière dont celle-ci est (re)codée (Gernsbacher, 1990renvoi vers). Elle a donné lieu à plusieurs approches théoriques, dont la plus importante pour ce qui a trait au récit a été élaborée par Schank et Abelson (1977renvoi vers). Cette conception postule que la compréhension ou la production de récit est sous-tendue par une trame mentale où les actions s'organisent en fonction de buts poursuivis par des agents, lesquels développent ces actions pour déjouer les obstacles qui s'opposent à l'atteinte de ces buts. Ces séquences événementielles ne sont ni verbalisées, ni dessinées. Cette trame est formalisable sous forme de réseaux causaux : chaînes d'événements liés entre eux par des relations d'ordre temporel, causales ou autres. L'étude du développement de la compréhension et de la production des chaînes chronologico-causales met en évidence deux faits paradoxaux. D'une part, l'acquisition et la mise en œuvre de ces chaînes se révèlent très précoces puisqu'elles sont disponibles dès l'âge de 5 ans et même avant (Sperry et Sperry, 1996renvoi vers). D'autre part, l'étude de la compréhension en lecture et de la composition écrite révèle que la construction de modèles mentaux correspondant à ces chaînes évolue à nouveau entre 6 et 10 ans. Tout se passe comme si le passage à l'écrit, en raison des situations énonciatives qui le caractérisent par rapport à l'oral et des contraintes nouvelles qu'il fait peser sur les traitements, induisait une diminution ou une stagnation des capacités de mobilisation des connaissances relatives aux chaînes causales et aux inférences qu'elles supportent.

Structure textuelle des récits

La dimension rhétorique tient au fait que la mise en forme langagière du récit ne se limite pas à énoncer les personnages, lieux, objets et événements. Pour une culture donnée, il existe une ou plusieurs formes canoniques d'organisation des énoncés (et non seulement des contenus qu'ils évoquent) (Gutteriez-Clellen et coll., 1995renvoi vers). Les travaux des années soixante-dix ont mis en évidence l'effet de ces organisations généralement dénommées superstructures narratives. Pour Mandler et Jonhson (1977renvoi vers) comme pour Stein et Glenn (1979renvoi vers), tout récit comporte un « cadre » (frame) dans lequel se trouvent précisés les lieux, moments et personnages. Ce « cadre » se place en début des récits, ce qui correspond à des contraintes pragmatiques liées à l'efficacité de la communication, mais non aux nécessités du déroulement des faits (de la trame). Vient ensuite un « déclencheur », lequel introduit un obstacle qui s'oppose en général à l'atteinte du but poursuivi par le personnage principal. Cet obstacle induit une réaction émotionnelle ainsi que l'élaboration d'un « sous-but » visant à lever ou contourner l'obstacle. Il s'ensuit une ou plusieurs « tentatives », actions plus ou moins couronnées de succès, jusqu'au résultat final.
Les recherches portant sur les adultes attestent que les récits comportant tous les constituants dans l'ordre conventionnel sont mieux rappelés que ceux qui ne respectent pas ces contraintes (Yussen et coll., 1991renvoi vers). Cet effet a été observé chez les enfants dès l'âge de 4-5 ans et dans différentes cultures. Toutefois, les plus jeunes tendent à rappeler moins bien certaines catégories narratives que les adultes : les réactions et les buts notamment (Mandler et coll., 1980renvoi vers). Cette caractéristique des patrons de rappel des plus jeunes est probablement imputable au développement des chaînes causales : les enfants de 4-5 ans rencontrent des difficultés dans la prise en compte de ce qui motive les séquences d'actions. En revanche, Poulsen et coll. (1979renvoi vers) montrent que la « fin des histoires » se trouve privilégiée lorsqu'elle s'insère dans un récit (en images) par rapport à la condition où elle se situe dans une suite aléatoire d'images.
Les premiers récits respectent rarement l'organisation cadre-déclencheur/complication-tentative/action(s)-résolution. Il faut attendre environ 7­8 ans pour que cette superstructure devienne dominante. Notamment, le placement en début de récit des éléments du cadre se révèle relativement tardif (Fayol, 1991renvoi vers). Cette apparition d'un cadre formellement identifiable est contemporaine de l'utilisation normée de l'imparfait et du plus-que-parfait ainsi que d'expressions telles que « la veille », « le lendemain ». Ces formes relèvent en français des conventions narratives. Auparavant, les enfants tendent plutôt à produire un résumé de l'événement caractéristique du discours en situation qui sera ultérieurement développé, au moins lorsqu'ils élaborent un récit présentant une unité thématique. Ce passage d'un mode d'organisation précoce à dominante discursive à un autre correspondant mieux aux conventions du récit écrit pose le problème des raisons qui sous-tendent cette évolution.
Il paraît plausible que l'acquisition du schéma narratif soit liée à l'exposition à un corpus de récits écrits. Seuls, ces récits présentent les régularités d'organisation correspondantes. Varnhagen et coll. (1994renvoi vers) ont montré chez des enfants de première et deuxième années primaires (CP à CE1) que la lecture et l'audition répétées et prolongées de textes narratifs induisent chez ces enfants l'acquisition des régularités caractéristiques de la superstructure narrative. Cette hypothèse souligne que ceux qui ne bénéficient pas d'une telle exposition ne développeront pas ce schéma. Les données de Cain (1996renvoi vers) confirment que les enfants qui ont une compréhension faible sont aussi ceux dont les productions narratives s'écartent le plus de la superstructure du récit et qu'ils ont été moins que les autres en contact avec des récits écrits, que ceux-ci leur aient été lus ou qu'ils les aient lus eux-mêmes. La simple exposition passive aux textes narratifs ne suffit d'ailleurs pas à entraîner l'extraction des régularités. Fitzgerald et Spiegel (1983renvoi vers) ont conçu un programme d'entraînement à la découverte et à l'utilisation de la superstructure narra-tive en production. Les enfants ainsi instruits ont manifesté une amélioration significative de performances en production, mais aussi en compréhension, confirmant ainsi l'existence des corrélations observées par Cain (1996renvoi vers).
En résumé, le schéma narratif facilite l'intégration des informations en compréhension et la complétude et le respect du caractère conventionnel des récits en production. Son intervention ne se confond pas avec celle des relations chronologico-causales. Il constitue une organisation rhétorique conventionnelle qui ne peut s'acquérir que par exposition à un corpus de textes présentant les régularités correspondantes. Son acquisition est très précoce et dépend fortement du contact avec les récits écrits. Toutefois, un apprentissage explicite par instruction s'avère efficace, même à un âge relativement élevé.

Dimension linguistique dans la construction du récit : mise en texte

La dimension linguistique concerne tous les phénomènes liés à la mise en texte. Elle a surtout été analysée relativement au développement du récit.
Tout récit met en scène un ou plusieurs personnage(s) qui doive(nt) être introduit(s) dans la narration puis ré-évoqué(s) au fur et à mesure des besoins. Les langues disposent de marques spécifiques pour assurer ces différentes fonctions. Par exemple, les personnages ou objets nouveaux apparaissent d'abord précédés d'un article indéfini (« un homme entra »). Les mentions ultérieures utilisent des déterminants définis : articles (« l'homme »), pronoms (« il »), adjectifs démonstratifs (« cet homme »). Globalement, l'emploi, très stéréotypé, de ces marques ne soulève plus de problème chez l'adulte. Il fait toutefois appel à des régularités subtiles qui donnent parfois lieu à des erreurs (Reichler-Béguelin, 1994renvoi vers), notamment lorsque plusieurs personnages sont concernés et que leurs « poids » respectifs dans les actions successives varient (Fayol, 1997renvoi versarenvoi vers).
Une autre dimension linguistique a trait au marquage de la continuité et de la discontinuité événementielles. Les récits décrivent des événements successifs dont les liaisons peuvent être de force et de nature diverses, par exemple, du simple déroulement parallèle de deux activités (« l'homme marchait/ une automobile passait ») à une relation causale étroite (« le coup partit/l'homme tomba »). Des marques indiquent les degrés et natures des liaisons : connecteurs (et, mais, alors...) (Bestgen et Costermans, 1997renvoi vers ; Fayol et Mouchon, 1997renvoi vers), signes de ponctuation (Fayol, 1997brenvoi vers ; Heurley, 1997renvoi vers), formes verbales permettant de distinguer entre des actions de premier plan et des faits ou états relevant du second plan (« l'homme marchait/un bruit attira son attention ») (Hickmann, 1997renvoi vers).
La chronologie de l'acquisition sur les aspects morphologiques et syntaxiques du récit chez l'enfant suggère que le statut morphologique des catégories syntaxiques et leur construction se maîtrisent progressivement.

Statut morphologique de l'article

La chronologie approximative de l'acquisition de l'article dans le système du nom chez l'enfant se réalise en moyenne dans le sens de la maîtrise de l'accord (masculin et féminin) et du nombre (singulier et pluriel) sur les articles indéfinis vers 3 ans avant de porter sur celui des articles définis vers 3 ans et demi.
Peu d'études ont analysé systématiquement le « statut » morphologique des articles définis dans le langage enfantin. Celles qui existent soulignent qu'au début, l'unité [dét+nom] semble difficilement décomposable. Selon certains auteurs, l'article a le statut d'un préfixe, pour d'autres, il s'agit d'une partie non segmentée de la représentation phonologique du nom dépourvue de statut morphologique indépendant (Sourdot, 1977renvoi vers ; Peters, 1983renvoi vers ; Carroll, 1989renvoi vers). C'est seulement dans un deuxième temps que les articles sont (ré)analysés en tant que morphèmes indépendants. De même, Heinen et Kadow (1990renvoi vers) mentionnent que les enfants commencent avec l'article défini et qu'on le trouve même pendant cette période dans des contextes où l'on s'attend à un article indéfini. Clark et coll. (1985renvoi vers) puis Clark (1998renvoi vers) affirment que les enfants francophones ont tendance jusqu'à l'âge de 6 ans à sur-employer l'article défini, comme si les réferents de l'unité [dét+nom] étaient connus des auditeurs alors qu'ils ne le sont pas. La relation entre la connaissance mutuelle et l'emploi des articles n'est pas facile à maîtriser. Une perspective similaire est défendue par Karmiloff-Smith (1979renvoi vers) pour qui l'article défini est d'abord utilisé dans une fonction déictique c'est-à-dire en situation « hic and nunc ». C'est dans un deuxième temps que l'enfant prend en considération la situation extralinguistique.
Du point de vue des phonologues, l'article est considéré comme un élément inaccentué qui dépend de l'élément lexical qui suit (l'adjectif/le nom). L'article n'a pas d'accent individuel (Selkirk, 1984renvoi vers). En français, cette dépendance de l'article est explicite, dans le contexte d'un mot lexical qui commence par une voyelle ou un « h » dit « muet ». Le français connaît un allomorphe élidé de l'article défini dans ce contexte :
• « l'orange » peut devenir « la norange » ou « la orange » ;
• « l'histoire » peut devenir « la histoire ».
Lorsque l'article défini masculin est sélectionné par les prépositions « à », ou « de », deux autres allomorphes apparaissent comme le résultat de la contraction de l'article défini et la préposition. Étant donné que seuls les éléments ayant le statut de têtes syntaxiques peuvent s'amalgamer, il est attendu que cette opération ne s'étende pas aux démonstratifs qui sont des catégories maximales :
• « à » + « le » devient « au » ;
• « de » + « le » devient « du ».
La capacité qu'a l'article défini de s'élider et de se contracter avec les prépositions (« à » et « de ») relève d'une propriété plus générale d'éléments nommés « clitiques ».

Statut morphologique du pronom

La chronologie approximative généralement admise dans la plupart des études sur les pronoms est la suivante : « moi » au cours des premiers mots à partir de 18 mois, « je », « tu », « il », « elle »... à partir de 30 mois (Pierce, 1992renvoi vers ; Kai-ser, 1994renvoi vers ; Meisel, 1995renvoi vers ; Ferdinand, 1996renvoi vers ; Jakubowicz et Faussart, 1998renvoi vers ; Granfeldt et Schlyter, 2001renvoi vers et 2003renvoi vers). Entre 3 ans et 3 ans et demi, apparaissent les acquisitions des pronoms objets comme « le » et « la » (Hamann et coll., 1996renvoi vers ; Jakubowicz et Faussart, 1998renvoi vers ; Granfeldt et Schlyter, 2003renvoi vers), et des pronoms réfléchis comme « se » (Barrière et coll., 2000renvoi vers).
D'autres études ont montré que la restructuration prosodique (comme l'élision, l'amalgame, et le phénomène de liaison) sont des processus transitoires fréquents entre 2 et 4 ans qui apparaissent fréquemment dans les pronoms peu accentués (Chevrot et Fayol, 2001renvoi vers ; Wauquier-Graveline, 2004renvoi vers ; Che-vrot et coll., 2005renvoi vers).
Karmiloff-Smith (1986renvoi vers) définit trois étapes qui président à l'utilisation adéquate des pronoms dans le récit. Entre 3 et 5 ans, les enfants ne mettent pas encore en relation le pronom et le nom auquel il réfère. Entre 5 et 8 ans, les enfants utilisent les pronoms en référence au sujet principal de l'histoire à raconter. Enfin, ce n'est qu'entre 8 et 12 ans que les enfants maîtrisent la stratégie dite « anaphorique » complète consistant à utiliser les pronoms pour tous les personnages de l'histoire racontée. Le traitement des anaphores reste longtemps problématique.

Flexions verbales

La fonction temporelle spécifique des flexions verbales n'est pas encore établie après 6 ans. De 3 à 6 ans, elles ne servent qu'à exprimer les caractéristiques de l'action. À cet âge, l'enfant utilise plus fréquemment les adverbes et les conjonctions de temps que les flexions verbales pour exprimer les relations temporelles entre les événements.

Connecteurs entre les propositions

Les études sur la construction du récit des enfants montrent que les connecteurs entre les propositions ne sont pas acquis avant 10-11 ans (pour une revue, voir Fayol, 1983renvoi vers et 1997arenvoi vers ; Jisa, 1985renvoi vers ; de Weck, 1991renvoi vers ; Jisa et Kern, 1998renvoi vers ; Hickman, 2000renvoi vers).
Entre 3 et 4 ans, les enfants n'utilisent pas encore de manière conventionnelle les connecteurs du langage qui relient les propositions. Ils emploient beaucoup de déictiques temporels comme « ici », « là », « maintenant » ou de simples coordinateurs comme « et », « mais ». Au cours de cette période, il s'agit de marquer l'ajout d'un événement plutôt qu'une relation particulière entre les différents événements. Cette stratégie souligne deux aspects de la production des enfants : d'une part, ils ont des difficultés à construire un récit décontextualisé et d'autre part, ils réalisent plus une sorte d'énumération des différents états de choses qu'une entité textuelle cohérente. Les contraintes communicationnelles sont encore peu respectées.
À 5 ans, les enfants commencent à établir des liens plus clairs et plus variés entre les événements qui se déroulent dans un récit. Ce sont surtout des relations de la simultanéité (conjonction de coordination : « et » ; conjonction de coordination et adverbe de temps : « et puis » ; conjonction de subordination et de séquentialité : « quand » ; adverbes temporels : « après », « puis »). La coordination domine la subordination. Elle est représentée principalement par des locutions adverbiales et des propositions relatives. Pour les enfants de 5 ans, l'auditeur a encore besoin de fournir des efforts d'interprétation des formes.
À 7 ans, ils utilisent surtout des coordinateurs temporels exprimant la séquentialité. Le regroupement en blocs informationnels est introduit par quelques expressions temporelles au début de l'histoire. La simultanéité est exprimée par des subordonnées temporelles qui restent néanmoins très rares. Rare est également la hiérarchisation des événements, qui sont en règle générale introduits les uns après les autres. Dans le domaine des connecteurs, les enfants de 7 ans respectent les principes de décontextualisation, mais leur compétence narrative n'est pas encore maîtrisée. En effet, certains connecteurs sont utilisés pour la constitution d'une cohérence à un niveau supérieur, celui de l'épisode narratif.
Les connecteurs les plus utilisés chez les enfants de 10-11 ans sont des connecteurs temporels encodant la relation de simultanéité et de séquentialité. Toutefois, les enfants de 10-11 ans disposent aussi d'autres outils pour exprimer ces relations, comme les subordinateurs temporels. Bien que les enfants de 10-11 ans utilisent encore la coordination à la place de la subordination, cette dernière prend une place non négligeable dans leurs productions, signe d'une certaine mise en relief d'événements particuliers, voire d'épisodes narratifs. Les enfants de 10-11 ans, bien que ne possédant pas encore une compétence narrative similaire à celle des adultes, respectent les contraintes qui vont de pair avec la constitution d'une narration en français. Les connecteurs qu'ils utilisent permettent de produire des histoires cohérentes à tous les niveaux d'analyse. Ils ont à leur disposition un éventail varié de formes dont ils maîtrisent les différentes fonctions.

En conclusion,

l'ensemble de ces données sur la chronologie des acquisitions de la parole du langage et de la construction du récit devrait permettre aux praticiens (pédagogues et cliniciens) de définir des objectifs mais aussi de repérer les asynchronies de développement. L'évaluation précoce des capacités de segmentation, de l'émergence du babillage, de l'apparition des premiers mots et de la mise en texte à partir des récits dans sa dimension conceptuelle et linguistique se justifie en raison de la valeur prédictive que ces capacités présentent par rapport à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture.

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