Théories explicatives de la dyslexie

2007


ANALYSE

14-

Théorie phonologique

Le fondement de la théorie phonologique est que la lecture est une activité langagière. Cette théorie part également du constat que la langue écrite, qui s'est mise en place après la langue orale dans la phylogenèse (le développement de l'espèce humaine) se met également en place après la langue orale dans l'ontogenèse (le développement de l'individu). De plus, quel que soit le système d'écriture, la langue écrite est, de façon intrinsèque, un système second par rapport à la langue orale : même si la perception de l'écrit dépend de la vision alors que celle de l'oral dépend de l'audition, le lecteur peut toujours avoir accès à la forme sonore des mots qu'il lit. Enfin, la théorie phonologique s'appuie sur la définition de la dyslexie, qui est un trouble spécifique d'apprentissage de la lecture ne résultant pas, entre autres, de déficiences sensori-motrices avérées. Ces différentes explications permettent de comprendre pourquoi l'activité de lecture implique surtout les réseaux neuronaux utilisés pour traiter le langage oral.
Dans ce chapitre, après la présentation des fondements de la théorie phonologique, sont exposés les principaux résultats qui ont permis de l'étayer, en tenant compte des explications alternatives quand cela est nécessaire. Enfin, une nouvelle interprétation de cette théorie est proposée, ainsi qu'un modèle qui permet d'intégrer les données comportementales et de neuro-imagerie à l'appui de cette interprétation.

Fondements de la théorie phonologique

Toutes les écritures, y compris les écritures logographiques comme celle du chinois, transcrivent des unités de la langue orale. En conséquence, même si la perception de l'écrit ne dépend pas de la même modalité sensorielle que la perception de l'oral, le langage « pour l'œil » n'est pas indépendant, dans son principe, du langage « pour l'oreille ». Ce qui oppose les différents systèmes d'écriture, c'est la taille des unités orales transcrites et leur nature : unités qui ont un sens, comme les mots pour les écritures logographiques, ou qui n'ont pas de signification, comme les syllabes pour les écritures syllabiques ou les phonèmes pour les écritures alphabétiques. L'unité écrite de base de ce dernier type d'écriture est l'élément graphique qui correspond au phonème, unité de base du système phonologique d'une langue particulière (le répertoire des phonèmes varie en effet selon les langues, le phonème étant la plus petite unité sonore permettant de distinguer deux mots dans une langue donnée). En théorie, cet élément devrait être la lettre. En fait, ce n'est pas toujours le cas, principalement parce que l'alphabet utilisé vient du grec, qui avait un système phonologique spécifique. Par exemple, on ne dispose que de 5-6 lettres pour les voyelles, ce qui permet de transcrire les 5 voyelles simples de l'espagnol, mais pas les quelques 10 à 16 voyelles du français ou de l'allemand. Il a donc fallu utiliser une combinaison de lettres, ou une lettre à laquelle s'ajoute une marque spécifique, pour transcrire, entre autres, certaines voyelles (en français, « é » et « ou » par opposition à « e » et « u » ou encore « an », « on », « un » et « in » par opposition aux voyelles orales correspondantes : « a », « o », « u » et « i »). Ces unités, qui codent les phonèmes, sont appelées « graphèmes ».
Comme signalé dans l'introduction, la place centrale de la phonologie dans l'explication de la réussite et de l'échec de l'apprentissage de la lecture est probablement due au fait que le langage écrit, dans l'histoire de l'humanité comme dans celle du petit d'homme, se met en place après le langage oral. Il n'est donc pas surprenant que l'enfant s'appuie d'abord sur ce qu'il connaît – son langage oral – pour apprendre à lire, ce d'autant plus que, dans une écriture alphabétique, le recours au décodage grapho-phonémique est peu coûteux pour la mémoire : il suffit en effet de mémoriser un nombre limité d'associations régulières entre graphèmes et phonèmes, plus quelques exceptions, pour lire. De nombreux enfants apprennent à lire en recourant à un tel système, y compris en chinois. Un pinyin qui utilise l'alphabet latin a en effet été introduit dans les années 1970 en Chine continentale pour faciliter l'apprentissage de la lecture pour tous. Ce système est maintenant obligatoire dans les écoles élémentaires, les caractères chinois étant introduits progressivement. Ce fait est révélateur des difficultés rencontrées quand l'enfant doit apprendre à lire dans une écriture logographique, qui a pour unité de base les mots de la langue orale. En effet, il lui faut alors mémoriser des milliers de formes orthographiques différentes avant de pouvoir lire un texte, ce qui demande plusieurs années. En revanche, cet apprentissage s'effectue en quelques mois dans une écriture alphabétique pour la plupart des enfants.
Quel que soit le système d'écriture, le mot est une unité de base de l’écrit. Cela peut expliquer pourquoi les compétences spécifiques à la lecture se situent au niveau des procédures d'identification des mots écrits. Le développement d'automatismes dans cette identification permet à l'enfant d'atteindre un niveau de compréhension écrite égal à celui de sa compréhension orale, en le dégageant du poids d'un décodage lent et laborieux. Dans une écriture alphabétique, cette identification peut être obtenue soit par le décodage, qui s'appuie sur les correspondances grapho-phonémiques, soit par la procédure lexicale, qui s'appuie sur les mots. Toutefois, le décodage ne renvoie pas seulement à la lecture laborieuse du débutant : le lecteur expert peut en effet identifier en quelques centaines de millisecondes des mots qu'il ne connaît pas (les noms des rues, des stations de bus ou de métro...). D'autre part, la procédure lexicale n'est pas une procédure visuelle globale, ni une procédure purement visuelle. En effet, cette procédure qui ne s'appuie pas sur la silhouette des mots écrits (leur forme globale), permet à l'expert d'avoir accès, également en quelques centaines de millisecondes, à leur code visuel, mais aussi à leur code phonologique et sémantique.
Ce qui caractérise le dyslexique, c'est justement une sévère difficulté de mise en œuvre – et d'automatisation – du décodage. En effet, le dyslexique a des difficultés pour mettre en relation les graphèmes avec les phonèmes. Après avoir montré que ce déficit est fiable, ce qui signifie qu'il a été systématiquement relevé dans les études, et qu'il est aussi prévalent, ce qui signale qu'il se manifeste chez la plupart des dyslexiques, on examinera les explications proposées par la théorie phonologique, tout en tenant compte le plus possible des explications alternatives (pour une synthèse en français, Sprenger-Charolles et Colé, 2003renvoi vers).

Déficit de la procédure phonologique de lecture et dyslexie

La fiabilité entre études du déficit de la procédure phonologique de lecture ressort clairement des données présentées dans le chapitre sur les troubles spécifiques de l'acquisition de la lecture (voir dans le chapitre 9, la partie « Procédures d'identification des mots écrits dans la dyslexie : études de groupes »). En effet, ces études indiquent que les performances de groupes de dyslexiques sont particulièrement déficitaires en lecture de pseudo-mots, c'est-à-dire quand ils ne peuvent s'appuyer que sur les correspondances grapho-phonémiques pour lire, et donc sur leurs compétences phonologiques. Un déficit de cette procédure de lecture a été relevé de façon convergente dans pratiquement toutes les études examinées, y compris dans les comparaisons avec des enfants plus jeunes qu'eux, mais de même niveau de lecture (voir les revues de Rack et coll., 1992renvoi vers et de Van Ijzendoorn et Bus, 1994renvoi vers). Ce n'est pas le cas pour le déficit de la procédure lexicale de lecture (voir la méta-analyse de Metsala et coll., 1998renvoi vers). En outre, le déficit de la procédure phonologique de lecture est plus notable quand les dyslexiques sont confrontés à une écriture peu transparente au niveau des relations grapho-phonémiques (par exemple, en anglais comparativement au français, à l'allemand, ou à l'italien : Lindgren et coll., 1985renvoi vers ; Landerl et coll., 1997renvoi vers ; Paulesu et coll., 2001renvoi vers). Enfin, dans les langues qui ont une orthographe transparente, ce déficit se note principalement par leur lenteur en lecture de pseudo-mots (en français : Casalis, 1995renvoi vers ; Sprenger-Charolles et coll., 2000renvoi vers ; Casalis, 2003renvoi vers ; Grainger et coll., 2003renvoi vers ; en allemand : Wimmer, 1993renvoi vers ; Wimmer, 1995renvoi vers ; Landerl et coll., 1997renvoi vers ; Ziegler et coll., 2003renvoi vers ; en espagnol : Jimenez-Gonzalez et Valle, 2000renvoi vers) et non par la précision de la réponse comme en anglais (Landerl et coll., 1997renvoi vers ; Ziegler et coll., 2003renvoi vers). Ces résultats signalent que, lorsque l'orthographe est transparente par rapport à la langue orale, les dyslexiques arrivent à associer les graphèmes aux phonèmes correspondants, cette opération étant toutefois coûteuse en temps, ce qui témoigne du fait qu'il ne s'agit pas d'un automatisme chez eux, à la différence de ce qui est relevé chez les lecteurs experts. Ces données, qui indiquent la fiabilité entre études du déficit de la procédure phonologique de lecture des dyslexiques, ne permettent toutefois pas de se prononcer sur la proportion des individus qui, à l'intérieur d'un groupe de dyslexiques, souffrent d'un tel déficit.
Les études qui ont évalué la prévalence de ce type de déficit l'ont en général fait en partant des profils de dyslexie. Dans ce domaine, on distingue traditionnellement les dyslexiques phonologiques, qui souffrent d'un déficit spécifique de la voie phonologique, les dyslexiques de surface, qui ont des difficultés sélectives de mémorisation de la forme visuelle des mots (la voie lexicale), et les profils mixtes, qui ont un double déficit. Comme l'indiquent les études de cas multiples passées en revue dans le chapitre sur les troubles spécifiques de l'acquisition de la lecture (voir dans le chapitre 9, la partie «Procédures d'identification des mots écrits dans la dyslexie : études de séries de cas de dyslexiques », voir aussi Sprenger-Charolles et coll., renvoi vers sous presse), les habiletés phonologiques de lecture des dyslexiques phonologiques sont généralement plus faibles que celles d'enfants plus jeunes mais de même niveau de lecture ; ce n'est pas le cas pour les habiletés lexicales de lecture des dyslexiques de surface (en anglais : Castles et Coltheart, 1993renvoi vers ; Manis et coll., 1996renvoi vers ; Stanovich et coll., 1997renvoi vers ; en français : Génard et coll., 1998renvoi vers ; Sprenger-Charolles et coll., 2000renvoi vers). Ces résultats reproduisent ceux relevés dans les études de cas uniques (pour la dyslexie phonologique : Snowling et coll., 1986renvoi vers ; Temple et Marshall, 1983renvoi vers, selon l'analyse de Bryant et Impey, 1986renvoi vers ; Valdois et coll., 2003renvoi vers ; pour la dyslexie de surface : Coltheart et coll., 1983renvoi vers, selon l'analyse de Bryant et Impey, 1986renvoi vers ; Valdois et coll., 2003renvoi vers). Ils suggèrent que la trajectoire développementale des dyslexiques phonologiques est déviante, mais pas celle des dyslexiques de surface. Cependant, des déficits phonologiques ont très souvent été rapportés dans les études de cas uniques de dyslexie de surface (par exemple, Coltheart et coll., 1983renvoi vers, selon l'analyse de Bryant et Impey, 1986renvoi vers ; Valdois et coll., 2003renvoi vers), comme dans la plupart des études de cas multiples (par exemple, Seymour, 1986renvoi vers ; Sprenger-Charolles et coll., 2000renvoi vers ; Jimenez-Gonzalez et Ramirez-Santana, 2002renvoi vers ; Zabell et Everatt, 2002renvoi vers). Ces déficits ont été relevés principalement dans trois domaines : en lecture de pseudo-mots ainsi que dans des tâches d'analyse ou de mémoire phonologique et de dénomination rapide. Il est donc difficile de soutenir que les compétences phonologiques des dyslexiques de surface sont préservées. Enfin, la seule étude dans laquelle les performances des dyslexiques ayant un profil mixte (et donc un double déficit) ont été finement examinées (Stanovich et coll., 1997renvoi vers), signale que les capacités phonologiques de ces dyslexiques sont aussi fortement détériorées que celles des dyslexiques phonologiques.
Ces résultats suggèrent que le déficit de la procédure phonologique de lecture est robuste et prévalent. Ils indiquent aussi que la dyslexie correspondrait à une déviance développementale et non à un simple retard d'apprentissage.

Origine du déficit de la procédure phonologique de lecture

Selon la théorie phonologique classique, le fait que les dyslexiques rencontrent des difficultés sévères et spécifiques de mise en œuvre des correspondances grapho-phonémiques, s'explique principalement par des déficiences d'analyse phonémique et de mémoire à court terme phonologique, voire par des difficultés de précision et de rapidité d'accès au lexique oral. Ces explications vont être confrontées à deux autres : d'une part, celle qui attribue ces déficits à une déficience auditive sous-jacente ; d'autre part, celle qui les explique par un déficit subtil de perception des phonèmes.

Théorie phonologique « classique »

La théorie phonologique « classique » explique les difficultés sévères rencontrées par les dyslexiques en lecture de mots nouveaux par la faiblesse de leurs habilités phonologiques en dehors de la lecture, entre autres, en analyse phonémique et en mémoire à court terme phonologique. Des déficits dans ces domaines peuvent entraver la mise en place du décodage vu que, pour utiliser cette procédure, il faut d'abord mettre en correspondance les unités sublexicales de l'écrit, les graphèmes, avec les unités correspondantes de l'oral, les phonèmes. Il faut ensuite assembler les unités résultant du déco-dage pour accéder aux mots. La première opération nécessite des habiletés d'analyse phonémique, la seconde implique la mémoire phonologique à court terme. Un enfant incapable d'extraire les phonèmes et souffrant en plus d'un déficit mnésique va difficilement pouvoir utiliser le décodage (Liberman et coll., 1982renvoi vers ; Mann et Liberman, 1984renvoi vers ; McDougall et coll., 1994renvoi vers ; Scarborough, 1998renvoi vers). Ce type de déficit proviendrait donc d'un déficit cognitif spécifique, de nature phonologique (Snowling, 2000renvoi vers).
Plus récemment, il a été mis en relief des déficits de précision, et surtout de rapidité, dans l'accès au lexique chez les dyslexiques (Bowers et Wolf, 1993renvoi vers ; Wolf et Bowers, 1999renvoi vers ; Wolf et coll., 2000renvoi vers ; Wolf et coll., 2002renvoi vers). Partant de ce constat, certains auteurs assument qu'il y aurait deux sources indépendantes expliquant les déficits en lecture des dyslexiques, l'une reliée aux compétences d'analyse et de mémoire phonologique (généralement évaluées par la précision de la réponse), l'autre reliée à l'accès lexical, généralement évaluée par le temps de réponse dans des tâches de dénomination rapide (Rapid Automatic Naming, ou RAN) impliquant des items très fréquents : images d'objet (une table, un ballon...), ou de couleur (rouge, bleu...), suites de nombres ou de lettres. Deux arguments expérimentaux ont été apportés à l'appui de cette hypothèse. D'une part, la réussite aux tâches de dénomination rapide permet d'expliquer une part unique de la variance en lecture, en plus de celle expliquée par les tâches d'analyse et de mémoire phonologique. D'autre part, les capacités d'analyse phonologique et de dénomination rapide ne sont pas reliées aux mêmes compétences de lecture, la première expliquant la précision de la réponse, la seconde le temps de traitement. Cette interprétation a été fortement critiquée (Wagner et coll., 1997renvoi vers ; Schatschneider et coll., 2002renvoi vers ; Vellutino et coll., 2004renvoi vers) dans la mesure où ces résultats peuvent s'expliquer aussi bien par le type de mesure utilisé (précision pour les tâches phonologiques, temps de traitement pour les autres), que par le type de tâche. De plus, la tâche de dénomination le plus souvent utilisée implique des lettres, et donc des capacités directement liées à la lecture. Il est actuellement largement admis que les tâches de dénomination d'image d'objet ou de couleur permettent d'évaluer certaines compétences phonologiques : la précision et la rapidité de l'accès au lexique. Ce type de compétence pourrait, quand l'enfant utilise essentiellement le décodage, lui permettre d'accéder rapidement et précisément au mot oral qui correspond à la chaîne de lettres qu'il a décodée, et donc faciliter la création de liens entre code orthographique et code phonologique des mots. Ce type de tâche a donc été intégré dans les batteries d'évaluation des compétences phonologiques.
Dans cette partie, sont surtout examinées les études dans lesquelles les éva-luations ont porté en même temps sur les troubles phonologiques et non phonologiques des dyslexiques (déficits auditifs, visuels ou moteurs) ce qui permet de confronter les résultats des évaluations aux hypothèses explicatives de la dyslexie.

Consistance des déficits phonologiques hors lecture chez les dyslexiques

L'hypothèse phonologique s'appuie sur le fait que des déficits phonologiques ont été observés de façon consistante dans les études de groupe sur la dyslexie (Snowling, 2000renvoi vers). De plus, toutes les études qui ont examiné en même temps l'hypothèse phonologique et les hypothèses alternatives signalent que les dyslexiques souffrent d'un déficit phonologique, mais pas forcement d'un déficit auditif, visuel ou moteur (Wimmer et coll., 1998renvoi vers ; Schulte-Körne et coll., 1998renvoi vers et 1999renvoi vers ; Wimmer et coll., 1999renvoi vers ; Rosen et Manganari, 2001renvoi vers ; Chiappe et coll., 2002renvoi vers ; Kronbichler et coll., 2002renvoi vers ; Share et coll., 2002renvoi vers ; Ramus et coll., 2003arenvoi vers ; et brenvoi vers ; White et coll., renvoi vers sous presse). D'autres études indiquent que les dyslexiques ayant des troubles visuels ont également des déficits phonologiques (Borsting et coll., 1996renvoi vers ; Cestnick et Coltheart, 1999renvoi vers ; Slaghuis et Ryan, 1999renvoi vers).
Par exemple, dans une étude longitudinale, un groupe de 20 dyslexiques recrutés parmi une cohorte de plus de 500 enfants a été suivi depuis les toutes premières étapes de l'apprentissage de la lecture jusqu'à l'âge de 14 ans (Kronbichler et coll., 2002renvoi vers). À cette époque, ils ont passé une large batterie de tests phonologiques, ainsi que d'autres épreuves permettant d'évaluer leurs capacités visuelles et auditives. Les performances des dysle-xiques, en tant que groupe, sont déficitaires uniquement dans différentes tâches phonologiques : répétition de pseudo-mots, analyse et mémoire phonologique.

Prévalence des déficits phonologiques hors lecture chez les dyslexiques

La prévalence des déficits a été examinée dans l'étude de Ramus et coll. (2003brenvoi vers) qui a porté sur des adultes dyslexiques recrutés à l'université. Leurs habilités phonologiques ont été évaluées à partir de tâches d'analyse phonémique, de mémoire à court terme phonologique et de dénomination rapide. Comparativement à des normolecteurs de même âge, tous les dysle-xiques ont des troubles phonologiques sur l'ensemble de ces tâches. Le nombre de sujets souffrant de déficits phonologiques est moindre dans deux autres études qui ont porté sur des enfants (Ramus et coll., 2003arenvoi vers ; White et coll., renvoi vers sous presse). Ainsi, dans l'étude de Ramus et coll. (2003arenvoi vers), la batterie de tests phonologiques incluait une épreuve de lecture de pseudo-mots, des tâches d'analyse phonologique, de dénomination rapide et de fluence verbale (les enfants devaient produire le plus de mots possibles commençant ou se terminant par un phonème ou une rime donnés). Sur l'ensemble de ces tâches, un déficit phonologique a été relevé chez 17 des 22 dyslexiques (77 %). Pratiquement les mêmes tâches phonologiques ont été utilisées dans l'étude de White et coll. renvoi vers (sous presse). À la différence de l'étude de Ramus et coll. (2003arenvoi vers) sur les enfants, la lecture de pseudo-mots n'est pas incluse dans la variable phonologie. Cette étude fait ressortir une proportion plus faible de dyslexiques présentant des troubles phonologiques que dans les deux études précédentes.
Les choix méthodologiques peuvent expliquer les différences entre les deux études portant sur les enfants. En effet, dans l'étude de White et coll. renvoi vers (sous presse) qui a porté sur des enfants, comme dans celle de Ramus et coll. (2003brenvoi vers) qui a porté sur des adultes, le seuil permettant de caractériser les performances déficitaires a été fixé à 1,65 écart-type, alors qu'il était à 1 écart-type dans l'étude de Ramus et coll. (2003arenvoi vers). De plus, l'étude de Ramus et coll. (2003arenvoi vers) a intégré la lecture de pseudo-mots dans les facteurs phonologiques explicatifs de la dyslexie, ce qui est problématique, l'objectif de ce type d'étude étant de mettre en relief ce qui, en dehors de la lecture, peut expliquer le déficit de lecture des dyslexiques.
Deux des études qui ont rapporté des données individuelles (Ramus et coll., 2003brenvoi vers ; White et coll., renvoi vers sous presse) indiquent de plus qu'il n'y a que peu de recouvrement entre les différents déficits. En effet, il ne se dégage aucun sous-groupe clairement affecté par plus d'un déficit et un nombre important de dyslexiques n'ont en fait aucun déficit sensori-moteur alors que tous (Ramus et coll., 2003brenvoi vers), ou la plupart d'entre eux (White et coll., renvoi vers sous presse), ont un déficit phonologique. De plus, les déficits sensori-moteurs ne permettent pas d'expliquer les difficultés de lecture. Ces déficits seraient donc plutôt des symptômes secondaires que des caractéristiques fondamentales de la dyslexie. Néanmoins, la plupart des études indiquent que la prépondérance des troubles sensori-moteurs est généralement plus élevée chez les dyslexiques que chez des normolecteurs. Ces troubles pourraient toutefois concerner un sous-groupe particulier de dyslexiques, ceux qui ont des troubles de l'attention en plus de leurs difficultés de lecture.

Pouvoir explicatif des déficits phonologiques hors lecture chez les dyslexiques

Dans certaines études, des analyses de régression ont été effectuées pour déterminer les facteurs qui prédisent le mieux le niveau de lecture. Dans les études de Ramus et coll. (2003brenvoi vers), de White et coll. renvoi vers (sous presse), comme dans celle de Chiappe et coll. (2002renvoi vers), la variable phonologie permet d'expliquer la majeure partie de la variance en lecture (entre 50 et 76 %). C'est la seule variable significative dans l'étude de Chiappe et coll. (2002renvoi vers) et dans celle de White et coll. renvoi vers (sous presse), qui ont évalué en même temps les capacités auditives, visuelles et motrices des dyslexiques (voir également Wimmer et coll., 1999renvoi vers ; Kronbichler et coll., 2002renvoi vers ; Share et coll., 2002renvoi vers ; Ramus, 2003arenvoi vers). Dans l'étude de Ramus et coll. (2003brenvoi vers), la contribution des autres capacités est soit faible (4,2 pour l'audition), soit non significative (pour la vision), voire non conforme aux hypothèses (pour la motricité).
Un autre argument en faveur du rôle des capacités phonologiques, et plus spécifiquement des capacités d'analyse phonémique, dans la dyslexie provient d'études comparatives entre dyslexiques et normolecteurs plus jeunes mais de même niveau de lecture. Il ressort de cette comparaison une infériorité des scores des dyslexiques dans les tâches d'analyse phonémique (en anglais : Bruck, 1992renvoi vers ; Fawcett et Nicholson, 1994renvoi vers ; en allemand : Wimmer, 1993renvoi vers). Ce déficit ne peut donc pas être imputé au rôle de la lecture sur les capacités d'analyse phonémique vu que les deux groupes ont été appariés sur ce niveau. De plus, les études longitudinales ont permis de relever un déficit d'analyse phonémique chez de futurs dyslexiques avant même l'apprentissage de la lecture (en allemand : Wimmer, 1993renvoi vers et 1996renvoi vers ; en français : Sprenger-Charolles et coll., 2000renvoi vers).

Autres données : études longitudinales

D'autres résultats provenant d'études dans lesquelles des enfants tout-venants ou des lecteurs à risque pour l'apprentissage de la lecture ont été suivis pendant plusieurs années, depuis une période précédant l'apprentissage de la lecture, indiquent aussi que les prédicteurs les plus fiables de cet apprentissage sont les capacités d'analyse et de mémoire phonologique ainsi que celles de dénomination rapide. C'est ce qui ressort de la méta-analyse de Scarborough (1998arenvoi vers), qui a porté sur 61 études incluant plus de 30 enfants suivis pendant un à trois ans depuis un âge se situant entre 4 ans et demi et 6 ans. Les habiletés non verbales précoces (QI non-verbal, capacités visuelles, motrices et visuo-motrices) ne sont que faiblement reliées au futur niveau de lecture comparativement à ce qui est relevé pour les capacités phonologiques (analyse et mémoire phonologiques, dénomination sérielle rapide), qui permettent de pronostiquer précocement les enfants à risque pour cet apprentissage, avec une fiabilité élevée (Elbro et Scarborough, 2003renvoi vers).
En outre, parmi les capacités d'analyse phonologique, les arguments expérimentaux en faveur d'une contribution précoce des capacités d'analyse d'unités phonologiques plus larges que les phonèmes (syllabe et attaque-rime, en particulier) sur le niveau ultérieur de lecture sont faibles. Ainsi, Castles et Coltheart (2004renvoi vers) ont identifié 18 études dans lesquelles le niveau de pré-lecture des enfants a été évalué. En fait, toutes celles incluant un examen des capacités d'analyse phonémique précoces montrent une contribution significative de ces capacités sur les compétences ultérieures en lecture et en écriture. Ces résultats, qui ont été reproduits dans des études plus récentes (Kirby et coll., 2003renvoi vers ; Parrila et coll., 2004renvoi vers ; Schatschneider et coll., 2004renvoi vers), permettent aussi de comprendre pourquoi les entraînements à l'analyse phonémique ont un effet sur l'apprentissage de la lecture (Ehri et coll., 2001renvoi vers, méta-analyse de 52 études). Cet effet est toutefois plus notable chez les enfants à risque pour cet apprentissage que chez les lecteurs en difficultés, ce qui signale qu'il est plus facile de prévenir que de guérir. L'effet de ce type d'entraînement est néanmoins plus important si, en plus, les enfants pouvaient manipuler les lettres correspondant aux phonèmes, ce qui suggère que le développement de la conscience phonémique est un facteur important dans l'apprentissage de la lecture, mais pas une condition suffisante.

En résumé

L'hypothèse phonologique est robuste vu que, d'une part, dans les études de groupes qui ont comparé les habiletés phonologiques et non phonologiques des dyslexiques, aucun résultat contradictoire avec cette hypothèse n'a été relevé. De plus, dans les études qui ont examiné les données individuelles, la majorité des dyslexiques souffrent d'un déficit phonologique. En outre, les analyses de régression indiquent que ces capacités sont les seules qui expliquent la majeure partie de la variance en lecture. Enfin, les études longitudinales signalent que ce sont les capacités phonologiques, en particulier celles d'analyse phonémique, qui sont les meilleurs prédicteurs du futur niveau de lecture des enfants, des entraînements dans ce domaine ayant une incidence positive sur la lecture.
Dans la plupart des études sur la dyslexie, le facteur « phonologie » intègre toutefois des capacités diverses, précision et rapidité de l'accès au lexique, mémoire à court terme phonologique et capacités d'analyse d'unités phonologiques de différentes tailles (syllabe, rime et phonème) de façon plus ou moins explicite (par exemple, fluence verbale à partir d'un indice phonologique versus manipulation de phonème). En fait, les déficits relevés dans ces différents domaines pourraient s'expliquer par un facteur sous-jacent, soit un déficit des traitements auditifs rapides, soit un déficit de discrimination des phonèmes.

Troubles phonologiques et déficits auditifs

Selon certains chercheurs, le déficit phonologique des dyslexiques proviendrait d'une déficience des traitements rapides en perception auditive, qu'il s'agisse de perception du langage ou non. Ce déficit affecterait le traitement des sons brefs et des transitions temporelles rapides.
Les premières études dans ce domaine, qui ont été effectuées par Tallal, ont porté sur des dysphasiques (Tallal et Percy, 1973renvoi vers). Deux stimuli identiques ou différents étaient présentés successivement, l'enfant devant indiquer s'il a ou non entendu la même chose (tâche de discrimination) et dans quel ordre (tâche de jugement d'ordre temporel). Les stimuli incluaient des sons non-verbaux courts ou longs, des voyelles brèves ou longues ainsi que des syllabes de type /ba/-/da/. La durée des intervalles inter-stimuli était longue ou courte. Les dysphasiques réussissent moins bien les tâches comportant des tons courts, des voyelles brèves ou des transitions consonne-voyelle brèves, surtout quand les intervalles entre les stimuli sont courts. Une étude ultérieure (Tallal, 1980renvoi vers) a porté sur 20 dyslexiques de 8 à 12 ans (moyenne, 9 ans 7 mois) qui ont passé uniquement les tâches impliquant les sons non verbaux. Leurs performances ont été comparées à celles d'un groupe témoin de normolecteurs un peu plus jeune (8 ans 5 mois). Dans le test de jugement d'ordre temporel, les scores des dyslexiques sont inférieurs à ceux des normolecteurs uniquement pour les intervalles courts. Le même résultat a été relevé pour le test de discrimination. Pour vérifier si ce déficit est bien lié au déficit lexique, les corrélations entre les réponses correctes au test de discrimination présenté en condition rapide et différents tests de lecture ont été examinées. Cette analyse, qui n'a porté que sur les dyslexiques, confirme l'hypothèse de départ : toutes les corrélations sont significatives (entre 0,58 et 0,81 selon le test), la plus élevée étant avec un test de lecture de pseudo-mots. En revanche, les performances en discrimination ne dépendent pas du niveau d'intelligence ou de l'âge des enfants.
Toutefois dans cette étude, d'une part, seuls les résultats globaux pour les intervalles dits brefs sont présentés. Or, ces intervalles varient fortement : 8, 15 et 308 ms (ce dernier intervalle étant proche de 428 ms, la durée dite longue). D'autre part, les comparaisons entre groupes masquent de fortes variations entre individus, 11 à 12 dyslexiques selon le test ayant des performances dans les normes (soit entre 55 et 60 %). Enfin, seuls ont été utilisés des sons non verbaux, aucune comparaison entre parole et non parole n'est donc possible. En conséquence, cette étude ne permet pas de soutenir que le déficit auditif des dyslexiques est prévalent et qu'il s'agit d'une déficience auditive liée aux traitements auditifs rapides.

Déficit auditif et traitements temporels rapides

Trois caractéristiques des stimuli sont en fait impliquées dans ce que Tallal appelle les traitements temporels : l'ordre d'apparition des stimuli, leur durée individuelle et la rapidité de leur succession, c'est-à-dire l'intervalle entre deux stimuli. Ce mélange de variables hétérogènes a été critiqué par Studdert-Kennedy et Mody (1995renvoi vers). À la suite de cet article, des expériences ont été effectuées, d'une part, pour tenter de reproduire les résultats originaux de Tallal, d'autre part, pour évaluer séparément l'incidence des trois dimensions temporelles sur les performances en lecture et enfin pour vérifier si le type de déficit mis en relief par Tallal ne serait pas en fait spécifique au traitement du langage vu que ce sont justement des sons très brefs (comme les bruits d'explosion des consonnes occlusives), et des transitions rapides (les transitions consonne-voyelle) qui sont à la base de la perception des phonèmes.
Plusieurs études ont évalué si le déficit des dyslexiques ressort principalement pour les intervalles courts. La variation des performances en fonction de la durée des intervalles et du niveau de lecture a été examinée dans une étude longitudinale qui a impliqué plus de 500 enfants suivis durant 3 ans, depuis le début de l'apprentissage de la lecture (Jorm et coll., 1986arenvoi vers et brenvoi vers ; Share et coll., 2002renvoi vers). Ces auteurs ont utilisé la tâche de jugement d'ordre temporel mise au point par Tallal, avec les mêmes sons non verbaux et les mêmes intervalles courts et longs. Les deux phases de test – d'abord avec l'intervalle long et ensuite avec les intervalles courts – ont été précédées par une phase d'apprentissage au cours de laquelle les stimuli étaient présentés un par un. Les résultats obtenus avant l'apprentissage de la lecture, à 5 ans, par les enfants classés dyslexiques trois ans plus tard sont présentés dans le tableau 14.Irenvoi vers.
Aucune différence entre les groupes n'est relevée pour la phase d'apprentissage. En revanche, dans la tâche de jugement d'ordre temporel, les dyslexiques ont des scores plus faibles pour l'intervalle long, ce qui est à l'opposé de ce qui a été rapporté par Tallal (1980renvoi vers). Ce résultat peut éventuellement s'expliquer par une différence dans le sex-ratio des enfants, le groupe des dyslexiques comportant surtout des garçons (88 % contre 45 % chez les normolecteurs). Pour vérifier cette hypothèse, Share et coll. (2002renvoi vers) ont effectué une seconde analyse en appariant les groupes en âge, sexe, QI et statut socioéconomique. Les résultats sont similaires à ceux de l'analyse précédente mais ils s'expliquent surtout par les scores de 8 des 17 dyslexiques (47 %), ce qui est congruent avec l'étude de Tallal (1980renvoi vers) où seulement 45 % des dyslexiques avaient des performances inférieures à celles des normolecteurs. Cependant, le sous-groupe de dyslexiques de l'étude de Share et coll. (2002renvoi vers) se caractérise toujours par des performances déficitaires pour l'intervalle long, et non pour les intervalles brefs, encore une fois en contradiction avec les résultats originaux de Tallal (1980renvoi vers). Ces contradictions peuvent provenir de différences de l'âge des enfants, la tâche de jugement d'ordre temporel ayant été passée avant l'apprentissage de la lecture chez de futurs dyslexiques et de futurs normolecteurs dans l'étude de Share et coll. (2002renvoi vers), mais pas dans celle de Tallal (1980renvoi vers).

Tableau 14.I Moyenne et écart-type au test de jugement d'ordre temporel à 5 ans pour des enfants classés en seconde année du primaire comme étant ou non dyslexiques (d'après Share et coll., 2002renvoi vers)

 
Dyslexiques
Non dyslexiques
 
Moyenne (écart-type)
Nombre
Moyenne (écart-type)
Nombre
Phase d'apprentissage (max=24)
19,2 (4,29)
25
19,9 (4,38)
414
Intervalles longs* (max = 12)
7,2 (3,13)
17
8,8 (3,01)
301
Intervalles courts (max=12)
3,9 (3,94)
17
4,4 (2,92)
301
*Différence significative (t=2,2 ; p < 0,05)
Les dyslexiques de l'étude de Share et coll. (2002renvoi vers) ont été revus à 9 ans. Leurs performances dans le test de jugement d'ordre temporel ont été comparées à celles de normolecteurs de même niveau de lecture appariés en fonction du QI et du sexe. Les résultats sont présentés dans le tableau 14.IIrenvoi vers. Aucun déficit n'est relevé chez les dyslexiques pour l'épreuve de jugement d'ordre temporel. En revanche, leurs performances en lecture et en écriture de pseudo-mots sont déficitaires. Ces données reproduisent les résultats classiques à l'appui de l'hypothèse phonologique. Elles indiquent aussi que le déficit de la procédure phonologique de lecture est sévère puisqu'il ressort y compris comparativement à des enfants plus jeunes mais de même niveau de lecture qu'eux, ce qui n'est pas le cas pour les capacités de lecture de mot en contexte ou pour celles de compréhension. Les résultats de cette étude ne permettent donc pas de soutenir que le déficit de la procédure phonologique de lecture des dyslexiques s'expliquerait par une déficience des traitements temporels rapides. Toutefois, comme dans l'étude de Tallal (1980renvoi vers), seuls des sons non verbaux ont été utilisés dans le test de jugement d'ordre temporel, et toujours comme dans l'étude de Tallal, les intervalles courts variaient de 8 à 308 ms, cette dernière durée étant en fait proche de 428 ms, la durée dite longue.

Tableau 14.II Moyenne et écart-type pour des dyslexiques de 9 ans et des normolecteurs de même niveau de lecture (d'après Share et coll., 2002renvoi vers)

 
Dyslexiques (n=18)
Normolecteurs de même niveau de lecture (n=18)
Caractéristiques principales
Moyenne (écart-type)
Moyenne (écart-type)
QI
111,9 (12,25)
111,1 (12,10)
Lecture de mots (précision)
27,2 (9,48)
26,4 (8,72)
Compréhension en lecture
10,9 (4,04)
11,0 (3,40)
Lecture de pseudo-mots
34,8 (17,91)
40,3 (21,22)
Écriture de pseudo-mots*
6,1 (4,43)
9,3 (5,25)
Jugement d'ordre temporel
  
Phase d'apprentissage (max=24)
22,2 (3,46)
22,6 (2,34) n=17
Intervalles longs (max=12)
11,3 (1,58) n=15
10,7 (1,67) n=15
Intervalles courts (max=12)
9,2 (2,34) n=15
8,5 (2,20) n=15
*Différence significative (t=1,96 ; p < 0,05)
Dans une autre étude (Chiappe et coll., 2002renvoi vers), l'intervalle entre les stimuli a été manipulé dans deux épreuves, une de jugement d'ordre temporel et une de discrimination (dire si deux sons sont ou non identiques). Les intervalles entre les stimuli, des syllabes /ba/-/da/, variaient de 10 à 100 ms. Des dysle-xiques adultes ont été comparés à deux groupes de normolecteurs : un de même âge et un de même niveau de lecture. Les différences entre dyslexiques et témoins de même âge ne sont significatives, ni pour les intervalles brefs (entre 10 et 25 ms), ni pour les longs (entre 30 et 100 ms). Le même résultat a été relevé dans une troisième épreuve, dans laquelle soit un son de 170 ms, soit deux sons de 75 ms étaient présentés avec des intervalles entre 5 et 60 ms, les sujets devant dire s'ils entendaient un ou deux sons. Comme dans l'étude de Share et coll. (2002renvoi vers), les dyslexiques ont des scores inférieurs à ceux des témoins de même niveau de lecture dans des épreuves classiques évaluant leurs capacités phonologiques en lecture (lecture de pseudo-mots) et hors lecture (analyse phonémique et syllabique).
Deux revues de la littérature (Ramus, 2003renvoi vers ; Rosen, 2003renvoi vers) signalent qu'il est maintenant de plus en plus clair que les troubles auditifs, lorsqu'ils sont présents, ne sont pas liés à la rapidité de la succession des stimuli auditifs. Tout d'abord, parmi les études qui ont utilisé les mêmes tâches que celles de Tallal, en plus de celles de Chiappe et coll. (2002renvoi vers) et de Share et coll. (2002renvoi vers), plusieurs n'ont pas permis de relever que le déficit des dyslexiques était limité aux intervalles brefs (Reed, 1989renvoi vers ; Nittrouer, 1999renvoi vers ; Marshall et coll., 2001renvoi vers). Des résultats ne permettant pas de soutenir cette hypothèse ont été mis en évidence avec d'autres tâches, par exemple la détection du nombre de sons entendus en fonction de la durée de l'intervalle, les sujets ayant tendance à n'entendre qu'un seul son quand ce dernier est court (McAnally et Stein, 1996renvoi vers ; Schulte-Körne et coll., 1998renvoi vers et 1999renvoi vers ; Ahissar et coll., 2000renvoi vers).

Déficit auditif ou déficit spécifique au traitement du langage ?

Les études présentées dans la partie précédente portaient sur les traitements auditifs dits rapides ; une autre hypothèse est que le déficit des dyslexiques concernerait tous les sons, qu'il s'agisse ou non de sons du langage. L'étude originale de Tallal (1980renvoi vers) ne permettait pas de vérifier cette hypothèse vu que seuls des sons non langagiers avaient été utilisés. Cette question a été réexaminée dans plusieurs études, en particulier celle de Mody et coll. (1997renvoi vers), qui a porté sur des lecteurs plus ou moins habiles âgés de 7 à 9 ans. Les deux groupes ont été sélectionnés dans une population de 220 enfants. Au minimum, un an de différence en niveau de lecture sépare les faibles des bons lecteurs, qui ont respectivement plus de 5 mois d'avance ou de retard en lecture d'après deux épreuves du Woodcock (1987renvoi vers). Deux pré-expérimentations ont été effectuées, l'une pour vérifier que les déficits ne peuvent pas être imputés à une mauvaise compréhension de la consigne, l'autre pour s'assurer que les difficultés des faibles lecteurs sont bien liées à des problèmes de gestion de l'ordre temporel des informations. Seuls ont été retenus les enfants capables d'identifier correctement des paires de stimuli /ba/-/da/, le groupe des faibles lecteurs incluant uniquement ceux qui ont fait plus de 3 erreurs dans le pré-test de jugement d'ordre temporel et celui des bons lecteurs, uniquement ceux qui n'ont pas fait d'erreur. Enfin, les deux groupes ont été appariés en âge et en niveau cognitif verbal et non verbal. Il est à souligner que les variations à l'intérieur du groupe des faibles lecteurs, en particulier pour l'âge et le niveau de lecture, sont réduites et qu'il n'y a aucun recouvrement entre les niveaux de lecture des faibles et des bons lecteurs. Cette population, même si les faibles lecteurs ne sont pas des dyslexiques, est donc plus contrôlée que celle de Tallal (1980renvoi vers)1 .
Dans une première expérience, les auteurs ont utilisé des paires de stimuli linguistiques qui diffèrent par un seul – ou par plus d'un – trait phonologique (/ba/-/da/ versus /ba/-/sa/ ou /da/-/$a/2 ). Ces signaux ont été présentés avec des intervalles plus ou moins brefs (10, 50 et 100 ms) tant en discrimination qu'en jugement d'ordre temporel. Dans tous les cas, quelle que soit la rapi-dité de la succession entre les stimuli ou la tâche, les performances des bons lecteurs plafonnent. En revanche, celles des faibles lecteurs sont affectées par la réduction des intervalles inter-stimuli dans les deux types de tâche, mais uniquement pour les paires les plus proches sur le plan phonologique, pas pour les autres. Leur déficit semble donc lié à la discrimination des phonèmes, et non au traitement temporel. Dans une seconde expérience, pour vérifier si le déficit des lecteurs en retard est bien spécifique au traitement du langage, les auteurs ont utilisé des sons verbaux et non verbaux aussi proches que possible quant à leurs caractéristiques acoustiques. Les sons verbaux étaient des syllabes de type /ba/-/da/, les sons non verbaux ont été construits à partir de ces mêmes syllabes. L'incidence négative du raccourcissement de l'intervalle inter-stimuli ne se retrouve chez les faibles lecteurs que lorsque la tâche implique les sons verbaux, ce qui suggère que leur déficit est spécifique au traitement de sons de la parole.
Dans l'étude de Serniclaes et coll. (2001renvoi vers), la spécificité linguistique du déficit de perception des phonèmes a été testée à l'aide d'analogues sinusoïdaux de sons de parole variant le long d'un continuum de lieu d'articulation de /ba/ à /da/. Ces sons sont entendus comme étant de simples sifflements par un auditeur naïf. Exactement les mêmes sons ont été présentés par paires, d'abord en condition non-parole, puis en condition parole. Dans le premier cas, les stimuli étaient dits être des sifflements, dans le second, des syllabes (/ba/ ou /da/). Le sujet devait dire si les deux sons qu'il entendait étaient ou non identiques. Si une différence est observée en condition parole, mais pas en condition non-parole, il est alors possible de l'attribuer à des problèmes spécifiques au traitement du langage, et non à des différences acoustiques, ce qui peut être le cas pour toutes les autres études dans le domaine (des stimuli différents ayant été utilisés en condition parole et non-parole). Ce protocole a été utilisé avec des dyslexiques ayant un retard de lecture d'au moins 24 mois et des normolecteurs de même âge chronologique (13 ans, Serniclaes et coll., 2001renvoi vers). Conformément à l'hypo-thèse d'une spécificité linguistique du déficit des dyslexiques, les deux groupes diffèrent principalement en condition parole. Il est de plus à signaler que ces signaux n'activent pas les mêmes réseaux corticaux selon qu'ils sont présentés comme étant ou non de la parole à des adultes normolecteurs (Dehaene-Lambertz et coll., 2005renvoi vers).
Un déficit plus fortement marqué en condition parole qu'en condition non-parole a été relevé dans d'autres études impliquant des dyslexiques (Schulte-Körne et coll., 1998renvoi vers et 1999renvoi vers ; Rosen et Manganari, 2001renvoi vers). Ainsi, Schulte-Körne et coll. (1999renvoi vers) n'ont observé aucune différence entre dyslexiques et normolecteurs dans deux tâches impliquant des aspects sonores non langagiers, alors que les performances de ces deux groupes diffèrent pour la discrimination de sons de la parole. Il est également possible d'attribuer à un déficit linguistique les résultats observés par Lorenzi et coll. (2000renvoi vers), les performances auditives des dyslexiques étant plus fortement détériorées aux fréquences critiques pour la perception de la parole (4 Hz). Toutefois, une différence entre parole et non-parole n'a pas été retrouvée dans d'autres études sur les dyslexiques (par exemple, avec des adultes : Ramus et coll., 2003brenvoi vers ; avec des enfants : White et coll.,renvoi vers sous presse). Les investigations permettant d'évaluer la spécificité des déficits dans les traitements auditifs comportaient pourtant de nombreuses tâches, certaines reproduisant partiellement le protocole mis au point par Mody et coll. (1997renvoi vers). L'examen des résultats individuels des enfants suggère cependant qu'au moins une partie d'entre eux souffrirait d'un déficit spécifiquement langagier.

Relations entre déficit auditif, déficit phonologique et difficultés de lecture

Une autre question est de savoir si le déficit phonologique des dyslexiques, qui expliquerait leurs difficultés de lecture, a lui-même pour cause un déficit auditif. Comme le signale Ramus (2003renvoi vers), la réponse semble être négative. En effet, dans l'étude de Ramus et coll. (2003brenvoi vers), comme dans celle Chiappe et coll. (2002renvoi vers) ou de White et coll.renvoi vers (sous presse), alors que la variable phonologie permet d'expliquer la majeure partie de la variance en lecture, la contribution des capacités auditives est faible (4,2 %, Ramus et coll., 2003brenvoi vers) ou non significative (Chiappe et coll., 2002renvoi vers ; White et coll.,renvoi vers sous presse).
D'autres études indiquent qu'il n'y a pas de relation entre le déficit auditif temporel et les capacités de catégorisation phonémique (Rosen et Manganari, 2001renvoi vers ; Chiappe et coll., 2002renvoi vers), pas plus qu'entre les mesures des capacités auditives et les habiletés phonologiques ou de lecture (Marshall et coll., 2001renvoi vers). De même, dans l'étude longitudinale de Share et coll. (2002renvoi vers), les capacités auditives précoces ne prédisent pas les déficits subséquents en lecture. D'autre part, si c'est parmi les dyslexiques souffrant de déficits auditifs sévères que se retrouvent les sujets qui ont également les déficits phonologiques et de lecture les plus sévères, l'inverse n'est pas vrai. Des performances auditives supérieures ont même été relevées dans certaines tâches auditives chez les dyslexiques (Serniclaes et coll., 2001renvoi vers ; Kronbichler et coll., 2002renvoi vers ; White et coll., renvoi vers sous presse) alors que, comme le suggèrent les données longitudinales recueillies dans certaines études (Sprenger-Charolles et coll., 2000renvoi vers ; Serniclaes et coll., 2001renvoi vers ; Kronbichler et coll., 2002renvoi vers ; Share et coll., 2002renvoi vers), les performances phonologiques de ces enfants étaient déficitaires, y compris avant l'apprentissage de la lecture.
En résumé, d'après les études recensées, le déficit auditif ne paraît pas prévalent, il n'est probablement pas lié à des problèmes de traitement rapide et ne permet pas d'expliquer le déficit des compétences phonologiques des dysle-xiques.

Nouvelle hypothèse sur l'origine du déficit phonologique des dyslexiques

Pour mettre en relation les graphèmes avec les phonèmes correspondants, il faut non seulement pouvoir isoler les phonèmes, il faut également être capable de les discriminer. Si de nombreux travaux ont porté sur les liens entre l'apprentissage de la lecture et la première capacité (évaluée par des tâches de comptage ou de suppression de phonèmes), très peu ont évalué l'incidence de la qualité des représentations phonémiques sur cet apprentissage. Or, le phonème est le résultat d'un découpage arbitraire et spécifique à une langue. En effet, d'une part, dans un continuum acoustique, on catégo-rise, ce qui veut dire que l'on perçoit toute une gamme de sons acoustiquement différents comme /p/ et d'autres comme /t/ ou /k/. D'autre part, le répertoire des phonèmes diffère d'une langue à l'autre, le phonème étant l'unité minimale qui permet de différencier deux mots. Ainsi, /b/ et /v/ sont deux phonèmes différents en français, qui permettent de distinguer « bol » de « vol », mais pas en espagnol. En revanche, R simple et R roulé sont deux phonèmes différents en espagnol permettant de distinguer « pero » (mais) de « perro » (chien) alors qu'en français, ces deux R ne sont que des variantes dialectales, des allophones, d'un même phonème.
Il a été montré que le bébé est prédisposé à percevoir différentes oppositions phonétiques susceptibles d'intervenir dans les langues du monde (Kuhl, 2004renvoi vers). Progressivement, au cours de la première année de sa vie, ce répertoire se restreint aux catégories phonémiques nécessaires pour traiter sa langue orale, ce qui implique un processus de sélection, et de restructuration des catégories phonétiques initiales. Ce processus pourrait ne pas avoir été bien mené à terme chez les futurs dyslexiques, tout au moins chez certains d'entre eux. De fait, différents résultats suggèrent que les catégories phonémiques des dyslexiques ne sont pas spécifiées de la même façon que celles des normolecteurs : d'une part ils discriminent moins bien qu'eux les phonèmes de différentes catégories, d'autre part, ils perçoivent mieux qu'eux certaines différences intra-phonémiques, ce double déficit ne provenant pas de déficiences des mécanismes auditifs en amont (Mody et coll., 1997renvoi vers ; Schulte-Körne et coll., 1998renvoi vers et 1999renvoi vers ; Rosen et Manganari, 2001renvoi vers ; Serniclaes et coll., 2001renvoi vers).

Perception catégorielle et dyslexie

Les études princeps dans ce domaine ont été effectuées par Brandt et Rosen (1980renvoi vers), Godfrey et coll. (1981renvoi vers) ainsi que par Werker et Tees (1987renvoi vers). Ces études, comme d'autres (Manis et coll., 1997renvoi vers; Serniclaes et coll., 2001renvoi vers et 2004renvoi vers ; Manis et Keating, 2004renvoi vers), ont montré que les dyslexiques ont une perception moins catégorielle que les normolecteurs. Ce déficit se manifeste le plus souvent par une moins bonne discrimination des différences entre catégories et par une meilleure discrimination des différences intra-catégorielles. C'est ce qu'indique la figure 14.1Renvoi vers, qui présente les scores de discriminations correctes de dyslexiques et de normolecteurs pour deux variants de /ba/ et deux variants de /da/, la différence acoustique entre les variants intra-catégoriels (les deux /ba/ ou les deux /da/ différents) étant de même amplitude que celle entre la paire inter-catégorielle (/ba/ et /da/).
Figure 14.1 Pourcentage de discriminations correctes (sons parlés) pour des dyslexiques et des normolecteurs de 13 ans (d'après Serniclaes et coll., 2001renvoi vers)
Le déficit de perception catégorielle a également été examiné à l'aide d'expériences d'identification en comparant les pentes des fonctions d'identification, une pente plus faible indiquant que la frontière catégorielle est moins précise. Un tel déficit a été relevé dans ces études (Reed, 1989renvoi vers ; Manis et coll., 1997renvoi vers ; Joanisse et coll., 2000renvoi vers), même s'il n'a parfois été trouvé que dans le sous-groupe des dyslexiques les plus sévèrement atteints. Enfin, des différences qui n'apparaissent pas dans la précision des réponses (examen des erreurs) peuvent se manifester soit dans la vitesse de traitement (examen des temps de réaction, Ruff et coll., 2001renvoi vers), soit dans les corrélats neurologiques (Ruff et coll., 2002renvoi vers).

Perception allophonique et dyslexie

Les résultats précédents suggèrent que les performances des dyslexiques sont, sous certains aspects, supérieures à celles des normolecteurs (cf. la perception des différences intra-catégorielles). Ce phénomène a été examiné en détail par Serniclaes et coll. (2004renvoi vers) dans une étude consacrée à l'examen des capacités de catégorisation du trait de voisement (VOT)3 qui a porté sur des dyslexiques de 9 ans, des normolecteurs de même âge et des adultes. Les résultats, présentés dans la figure 14.2Renvoi vers, indiquent que les performances des dyslexiques se caractérisent par un pic de discrimination plus faible à la frontière phonémique (vers +15 ms de VOT), ce qui signale une nouvelle fois qu'ils ont un déficit de catégorisation phonémique. En plus, un second pic, situé à l'écart de cette frontière (aux environs de -30 ms de VOT), est observé chez eux, ce pic étant pratiquement de même amplitude que le premier. Le plus surprenant est que la localisation du second pic n'est pas aléatoire : elle correspond en fait à l'une des prédispositions phonétiques utilisée pour percevoir le voisement.
Figure 14.2 Pourcentage de réponses « différent » pour des dyslexiques et des normolecteurs de 9 ans et des adultes (d'après Serniclaes et coll., 2004renvoi vers)
En effet, les oppositions phonétiques ancrées à -30 ou +30 ms de VOT font partie des prédispositions perceptives du nouveau-né (Lasky et coll., 1975renvoi vers ; Aslin et coll., 1981renvoi vers). Elles correspondent à des frontières phonémiques dans les langues à trois catégories de voisement (par exemple, le « thaï »). En revanche, ces oppositions sont des réalisations contextuelles, donc allophoniques, de l'opposition de voisement en français (Serniclaes, 1987renvoi vers). La sensibilité accrue des dyslexiques aux composants phonétiques des oppositions phonémiques suggère que l'on se trouve en présence d'un mode de perception de la parole particulier.

Implications pour l'apprentissage de la lecture et la dyslexie

Le double « déficit » de perception catégorielle des dyslexiques peut n'avoir que des conséquences mineures sur l'acquisition de la langue orale, l'accès au lexique mental pouvant s'opérer à partir de représentations allophoniques, quoique de manière moins économique que s'il s'effectue à partir de représentations phonémiques, au moins en termes de volume d'information à traiter. En revanche, ce type de déficit peut gravement entraver l'acquisition du langage écrit : pour relier les graphèmes aux phonèmes correspondants, il faut en effet des catégories phonémiques bien spécifiées. Si, d'une part, le dyslexique perçoit moins bien des différences entre deux phonèmes qui font partie du répertoire des phonèmes de sa langue et si, en plus, il perçoit des allophones d'un même phonème, qui ne font pas partie du répertoire des phonèmes de sa langue, il va difficilement pouvoir relier les phonèmes aux graphèmes correspondants.
Ce mode particulier de perception pourrait également expliquer les déficits de manipulation des phonèmes rencontrés par les dyslexiques dans les tâches classiques d'analyse phonémique. Il pourrait aussi rendre compte des déficits de mémoire à court terme phonologique, qui seraient dus au poids des exigences de stockage s'expliquant par un répertoire élargi, allophonique plutôt que phonémique. Il pourrait enfin expliquer certaines difficultés d'accès au lexique, telles que celles mises en relief par les tâches de dénomination sérielle rapide. D'où la possibilité d'un syndrome sous-jacent aux différents déficits intégrés dans le cadre de l'explication phonologique classique de la dyslexie.
Ces résultats apportent des arguments nouveaux à l'appui de l'hypothèse explicative de la dyslexie par un déficit phonologique. Des études complémentaires sont toutefois nécessaires, pour évaluer, d'une part, la prépondérance de ces déficits, d'autre part, leur pouvoir explicatif ainsi que les relations qu'ils entretiennent avec les autres déficits phonologiques, et enfin, pour préciser leurs corrélats neuro-anatomiques.

Des données comportementales à la neuro-imagerie

Il est aujourd'hui largement accepté que la neuro-anatomie fonctionnelle de la lecture est dominée par un réseau localisé dans l'hémisphère gauche autour des zones supposées être impliquées dans le traitement du langage oral. Ce réseau intègre un composant antérieur centré sur le gyrus frontal inférieur (impliqué dans les traitements phonologiques de sortie, au niveau articulatoire). Cette aire est reliée à deux voies postérieures : la voie ventrale, qui inclut les aires occipito-temporales, en particulier le gyrus fusiforme postérieur (qui est probablement une aire traitant automatiquement la forme visuelle des mots) et la voie dorsale, qui inclut les aires temporo-pariétales, particulièrement le gyrus angulaire et le gyrus supramarginal (probablement dédiés aux traitements impliquant la phonologie).
Chez des normolecteurs, le circuit dorsal, relativement lent, prédomine au début, comme le suggère la plus faible activation du gyrus fusiforme chez eux que chez des adultes (Booth et coll., 2003renvoi vers). Toutefois, les tâches de lecture qui impliquent obligatoirement des traitements phonologiques (par exemple, juger si des mots écrits se prononcent de la même façon) provoquent une moindre activation du gyrus angulaire chez les enfants que chez les adultes (Booth et coll., 2004renvoi vers). Ce patron de résultats est conforme à celui relevé dans les études comportementales, qui ont montré que les lecteurs habiles ont un accès plus rapide et plus automatique au code phonologique du mot écrit que les lecteurs moins habiles, particulièrement les dyslexiques (Booth et coll., 1999renvoi vers ; Booth et coll., 2000renvoi vers).
Les corrélats neuronaux des traitements phonologiques dans des tâches n'impliquant pas la lecture (analyse phonémique et mémoire à court terme phonologique) ont également été investigués. Dans leur examen de la littérature, Démonet et coll. (2004renvoi vers) soulignent que la plupart des études ont montré des activations réduites des aires périsylviennes gauches (plutôt que bilatérales) chez les dyslexiques, ces hypo-activations concernant surtout le gyrus supramarginal gauche. Un pattern similaire a été relevé quand les dyslexiques ont eu à effectuer des tâches implicites de discrimination de contrastes phonémiques (Ruff et coll., 2002renvoi vers ; Dufor et coll., 2005renvoi vers), alors même que leurs compétences dans ce domaine, d'après les résultats comportementaux, semblaient non détériorées, ce qui suggère l'existence des mécanismes compensatoires.
Comme le signalent Shaywitz et Shaywitz (2005renvoi vers), à la différence du système bien intégré observé chez les normolecteurs, les dysfonctionnements des aires postérieures de la lecture pourraient avoir conduit à l'établissement de mécanismes neuronaux compensatoires chez les dyslexiques. Ces mécanismes s'appuieraient sur des aires cérébrales auxiliaires, en particulier les aires antérieures du gyrus frontal inférieur, cruciales pour l'articulation. Leur activation serait le signe que, pour pouvoir lire des mots, les dyslexiques doivent s'appuyer sur des traces motrices, en produisant des mouvements articulatoires plus ou moins manifestes. Cette stratégie compensatoire peut leur permettre de traiter des mots écrits, bien que plus lentement et moins efficacement que s'ils se fondaient sur le système occipito-temporal rapide qui permet de les identifier. Ces résultats corroborent ceux obtenus en comportemental indiquant que le déficit de lecture des dyslexiques peut être partiellement surmonté grâce à des stratégies compensatoires.
La figure 14.3Renvoi vers présente un cadre qui reprend schématiquement les principaux arguments présentés pour expliquer la dyslexie développementale. Ce cadre, inspiré du modèle développé par Morton (1989renvoi vers), tient compte des niveaux neurobiologiques, cognitifs et comportementaux. Il inclut également le rôle des facteurs environnementaux et des stratégies compensatoires qui, en plus des mécanismes d'ordre neurobiologique, peuvent entraver l'apprentissage de la lecture, en particulier, l'opacité de l'orthographe et la plus ou moins grande exposition à l'écrit. D'autres facteurs non signalés sur cette figure, tels que les méthodes d'enseignement ou la nature des remédiations qui sont proposées aux dyslexiques, doivent également avoir un impact sur cet apprentissage.

En conclusion,

l'hypothèse phonologique est robuste, des déficits phonologiques ayant été relevés de façon consistante dans les études de groupes. De plus, d'après les études de cas multiples, ces déficits sont prévalents. En outre, cette hypothèse permet d'expliquer les performances en lecture des dyslexiques (ce qui n'est pas le cas, par exemple, pour l'hypothèse auditive), qu'il s'agisse de leurs performances concomitantes (analyse de régression) ou futures (études longitudinales). Enfin, le fait que des dysfonctionnements neuronaux aient principalement été relevés dans les aires cérébrales impliquées dans le traitement du langage (aires périsylviennes gauche), ces dysfonctionnements se manifestant surtout par des hypo-activations des aires dédiées aux traitements phonologiques, est un argument fort à l'appui de cette hypothèse.
Figure 14.3 Explication des dysfonctionnements dans la dyslexie selon l'hypothèse phonologique : niveaux neurobiologique, cognitif et comportemental avec prise en compte du rôle de certains facteurs environnementaux et des stratégies compensatoires

Bibliographie

[1] ahissar m, protopapas a, reid m, merzenich mm. Auditory processing parallels reading abilities in adults. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America. 2000; 97:6832-6837Retour vers
[2] aslin rn, pisoni db, hennessy bl, perrey av. Discrimination of voice onset time by human infants: New findings and implications for the effect of early experience. Child Development. 1981; 52:1135-1145Retour vers
[3] booth jr, burman dd, meyer jr, gitelman dr, parrish tb, mesulam mm. Development of brain mechanisms for processing orthographic and phonologic representations. Journal of Cognitive Neuroscience. 2004; 16:1234-1249Retour vers
[4] booth jr, burman dd, meyer jr, lei z, choy j. Modality-specific and independent developmental differences in the neural substrate for lexical processing. Journal of Neurolinguistics. 2003; 16:383-405Retour vers
[5] booth jr, perfetti ca, macwhinney b. Quick, automatic and general activation of orthographic and phonological representations in young readers. Developmental Psychology. 1999; 35:3-19Retour vers
[6] booth jr, perfetti ca, macwhinney b, hunt sb. The association of rapid temporal perception with orthographic and phonological processing in children and adults with reading impairment. Scientific Studies of Reading. 2000; 4:101-132Retour vers
[7] borsting e, ridder wh, dudeck k, kelley c, matsui l, motoyama j. The presence of a magnocellular defect depends on the type of dyslexia. Vision Research. 1996; 36:1047-1053Retour vers
[8] bowers p, wolf m. Theoretical links among naming speed, precise timing mechanisms and orthographic skill in dyslexia. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal. 1993; 5:69-95Retour vers
[9] brandt j, rosen jj. Auditory phonemic perception in dyslexia: Categorical identification and discrimination of stop consonants. Brain and Language. 1980; 9:324-333Retour vers
[10] bruck m. Word-recognition skills of adults with childhood diagnoses of dyslexia. Developmental Psychology. 1990; 26:439-454Retour vers
[11] bruck m. Persistence of dyslexics’ phonological awareness deficits. Developmental Psychology. 1992; 28:874-886Retour vers
[12] bryant pe, impey l. The similarities between normal readers and developmental and acquired dyslexic children. Cognition. 1986; 24:121-137Retour vers
[13] bryant pe, maclean m, bradley ll, crossland j. Rhyme and alliteration, phoneme detection, and learning to read. Developmental Psychology. 1990; 26:429-438Retour vers
[14] casalis s. Lecture et dyslexies de l’enfant. Paris:Septentrion; 1995. Retour vers
[15] casalis s. The delay-type in developmental dyslexia: Reading processes . Current Psychology Letters: Behavior, Brain and Cognition. 2003; 10:http://cpl.revues.org/document95.html- Retour vers
[16] castles a, coltheart m. Varieties of developmental dyslexia. Cognition. 1993; 47:149-180Retour vers
[17] castles a, coltheart m. Is there a causal link from phonological awareness to success in learning to read?. Cognition. 2004; 91:77-111Retour vers
[18] cestnick l, coltheart m. The relationship between language-processing and visual-processing deficits in developmental dyslexia. Cognition. 1999; 71:231-255Retour vers
[19] chiappe p, stringer n, siegel ls, stanovich k. Why the timing deficit hypothesis does not explain reading disability in adults. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal. 2002; 15:73-107Retour vers
[20] coltheart m, masterson j, byng s, prior m, riddoch j. Surface dyslexia. Quarterly Journal of Experimental Psychology. 1983; 35:469-595Retour vers
[21] dehaene-lambertz g, pallier c, serniclaes w, sprenger-charolles l, jobert a, dehaene s. Neural correlates of switching from auditory to speech perception. NeuroImage. 2005; 24:21-33Retour vers
[22] démonet jf, taylor mj, chaix y. Developmental dyslexia. The Lancet. 2004; 363:1451-1460Retour vers
[23] dufor o, serniclaes w, balduyck s, sprenger-charolles l, démonet jf. Learning of phonemic categorical perception in dyslexia: A speech perception study using PET. . Canada, Toronto:Poster presented at the 11th Annual Meeting of the Organization for Human Brain Mapping (OHBM, 1128); 2005. Retour vers
[24] ehri lc, nunes sr, willows dm, schuster bv, vaghoub zadeh z, shanahan t. Phonemic awareness instruction helps children learn to read: Evidence from the National Reading Panel’s meta-analysis. Reading Research Quarterly. 2001; 36:250-287Retour vers
[25] elbro c, scarborough h. Early identification. In: nunes t, bryant p, editors. Handbook of children’s literacy. :Kluwer Academic Publishers bv; 2003. p. - Retour vers
[26] fawcett aj, nicolson ri. Persistence of phonological awareness deficit in older children with dyslexia. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal. 1994; 7:361-376Retour vers
[27] génard n, mousty p, content a, alegria j, leybaert j, morais j. Methods to establish subtypes of developmental dyslexia. In: reitsma p, verhoeven l, editors. Problems and interventions in literacy development. Dordrecht, The Netherlands:Kluwer; 1998. p. 163-176Retour vers
[28] godfrey jj, syrdal-lasky ak, millay kk, knox cm. Performance of dyslexic children on speech perception tests. Journal of Experimental Child Psychology. 1981; 32:401-424Retour vers
[29] grainger j, bouttevin s, truc c, bastien m, ziegler j. Word superiority, pseudoword superiority, and learning to read: A comparison of dyslexic and normal readers. Brain and Language. 2003; 87:432-440Retour vers
[30] harm mw, seidenberg ms. Phonology, reading acquisition, and dyslexia: Insights from connectionist models. Psychological Review. 1999; 106:491-528Retour vers
[31] jimenez-gonzalez je, valle ih. Word identification and reading disorders in the Spanish language. Journal of Learning Disabilities. 2000; 33:44-60Retour vers
[32] jimenez-gonzalez je, ramirez-santana g. Identifying subtypes of reading disability in a transparent orthography. The Spanish Journal of Psychology. 2002; 5:3-19Retour vers
[33] joanisse mf, manis fr, keating p, seidenberg ms. Language deficits in dyslexic children: Speech perception, phonology, and morphology. Journal of Experimental Child Psychology. 2000; 77:30-60Retour vers
[34] jorm af, share dl, maclean r, matthews rg. Phonological recoding skill and learning to read: A longitudinal study. Applied Psycholinguistics. 1984; 5:201-207Retour vers
[35] jorm af, share dl, maclean r, matthews rc. Cognitive factors at school entry predictive of specific reading retardation and general reading backwardness: A research note. Journal of Child Psychology and Psychiatry. 1986a; 27:5-54Retour vers
[36] jorm af, share dl, matthews r, maclean r. Behaviour problems in specific reading retarded and general reading backward children: a longitudinal study. J Child Psychol Psychiatry. 1986b; 27:33-43Retour vers
[37] kirby jr, parrila rk, pfeiffer sl. Naming Speed and Phonological Awareness as Predictors of Reading Development. Journal of Educational Psychology. 2003; 95:453-464Retour vers
[38] kronbichler m, hutzler f, wimmer h. Dyslexia: Verbal impairments in the absence of magnocellular impairments. Neuroreport. 2002; 13:617-620Retour vers
[39] kuhl pk. Early language acquisition: Cracking the speech code. Nature Reviews Neuroscience. 2004; 5:831-843Retour vers
[40] landerl k, wimmer h, frith u. The impact of orthography consistency on dyslexia: A German-English comparison. Cognition. 1997; 63:315-334Retour vers
[41] lasky re, syrdal-lasky a, klein re. VOT discrimination by four to six and a half months old infants from Spanish environments. Journal of Experimental Child Psychology. 1975; 20:215-225Retour vers
[42] liberman iy, mann va, werfelman m. Children’s memory for recurring linguistic and non-linguistic material in relation to reading ability. Cortex. 1982; 18:367-375Retour vers
[43] lindgren sd, de renzi e, richman lc. Cross-national comparisons of developmental dyslexia in Italy and the United States. Child Development. 1985; 56:1404-1417Retour vers
[44] lorenzi c, dumont a, fullgrabe c. Use of temporal envelope cues by children with developmental dyslexia. Journal of Speech Language and Hearing Research. 2000; 43:1367-1379Retour vers
[45] manis fr, keating p. Speech perception in dyslexic children with and without language impairments. In: catts hw, kamhi ag, editors. The connections between language and reading disabilities. Mahwah, NJ:Erlbaum; 2004. p. 77-99Retour vers
[46] manis fr, seidenberg ms, doi lm, mcbride-chang c, peterson a. On the basis of two subtypes of developmental dyslexia. Cognition. 1996; 58:157-195Retour vers
[47] manis fr, mcbride-chang c, seidenberg ms, keating p, doi lm. Are speech perception deficits associated with developmental dyslexia?. Journal of Experimental Child Psychology. 1997; 66:211-235Retour vers
[48] mann va, liberman iy. Phonological awareness and verbal short term memory: Can they presage early reading problems?. Journal of Learning Disabilities. 1984; 17:592-599Retour vers
[49] marshall cm, snowling mj, bailey pj. Rapid auditory processing and phonological ability in normal readers and readers with dyslexia. Journal of Speech Language and Hearing Research. 2001; 44:925-940Retour vers
[50] mcanally ki, stein jf. Auditory temporal coding in dyslexia. Proceedins Royal Society London, B, Biological Sciences. 1996; 263:961-965Retour vers
[51] mcdougall s, hulme c, ellis a, monk a. Learning to read: The role of short term memory and phonological skills. Journal of Experimental Child Psychology. 1994; 58:112-133Retour vers
[52] metsala jl, stanovich ke, brown gda. Regularity effects and the phonological deficit model of reading disabilities: A meta-analytic review. Journal of Educational Psychology. 1998; 90:279-293Retour vers
[53] mody m. Rapid auditory processing deficits in dyslexia: A commentary on two differing views. Journal of Phonetics. 2003; 31:529-539Retour vers
[54] mody m, studdert-kennedy m, brady s. Speech perception deficits in poor readers: Auditory processing or phonological coding?. Journal of Experimental Child Psychology. 1997; 64:199-231Retour vers
[55] morton j. An information-processing account of reading acquisition. In: galaburda am, editors. From reading to neurons. :MIT, Press, Cambridge, Mass, Bradford Book; 1989. p. 43-66Retour vers
[56] nittrouer s. Do temporal processing deficits cause phonological processing problems?. Journal of Speech, Language, and Hearing Research. 1999; 42:925-942Retour vers
[57] parrila rk, kirby jr, mcquarrie l. Articulation rate, naming speed, verbal short-term memory and phonological awareness: Longitudinal predictors of early reading development?. Scientific Study of Reading. 2004; 8:3-26Retour vers
[58] paulesu e, démonet jf, fazio f, mccrory e, chanoine v. Dyslexia, Cultural diversity and Biological unity. Science. 2001; 291:2165-2167Retour vers
[59] rack j, snowling mj, olson rk. The nonword reading deficit in developmental dyslexia: A review. Reading Research Quarterly. 1992; 27:29-53Retour vers
[60] ramus f. Developmental dyslexia: Specific phonological deficit or general sensorimotor dysfunction?. Current Opinion in Neurobiology. 2003; 13:212-218Retour vers
[61] ramus f, pidgeon e, frith u. The relationship between motor control and phonology in dyslexics children. Journal of Child Psycholgy and Psychiatry. 2003a; 44:712-722Retour vers
[62] ramus f, rosen s, dakin sc, day bl, castellote jm. Theories of developmental dyslexia: Insights from a multiple case study of dyslexic adults. Brain. 2003b; 126:841-865Retour vers
[63] reed ma. Speech perception and the discrimination of brief auditory cues in dyslexic children. Journal of Experimental Child Psychology. 1989; 48:270-292Retour vers
[64] rey a, jacobs am, schmidt-weigand f, ziegler jc. A phoneme effect in visual word recognition. Cognition. 1998; 68:B71-B80Retour vers
[65] rosen s. Auditory processing in dyslexia and specific language impairment: Is there a deficit? What is its nature? Does it explain anything?. Journal of Phonetics. 2003; 31:509-527Retour vers
[66] rosen s, manganari e. Is there a relationship between speech and nonspeech auditory processing in children with dyslexia?. Journal of Speech Language and Hearing Research. 2001; 44:720-736Retour vers
[67] ruff s, boulanouar k, cardebat d, celsis p, démonet jf. Brain correlates of impaired categorical phonetic perception in adult dyslexics. NeuroImage. 2001; 13:S595Retour vers
[68] ruff s, cardebat d, marie n, démonet jf. Enhanced response of the left frontal cortex to slowed down speech in dyslexia: An fMRI study. Neuroreport. 2002; 13:1285-1289Retour vers
[69] scarborough hs. Early identification of children at risk for reading disabilities. Phonological awareness and some other promising, predictors. In: shapiro bk, accrado pj, capute aj, editors. Specific reading disability: A view of the spectrum. New York:York Press; 1998a. p. 75-119Retour vers
[70] scarborough hs. Predicting the future achievement of second graders with reading disabilities: Contributions of phonemic awareness, verbal memory, rapid naming, and IQ. Annals of Dyslexia. 1998b; 48:115-136Retour vers
[71] schatschneider c, carlson cd, francis dj, foorman br, fletcher jm. Relationship of rapid automatized naming and phonological awareness in early reading development: Implications for the double-deficit hypothesis. Journal of Learning Disabilities. 2002; 35:245-256Retour vers
[72] schatschneider c, fletcher jm, francis dj, carlson cd, foorman br. Kindergarten Prediction of Reading Skills: A Longitudinal Comparative Analysis. Journal of Educational Psycholog. 2004; 96:265-282Retour vers
[73] schulte-körne g, deimel w, bartling j, remschmidt h. Auditory processing and dyslexia: Evidence for a specific speech processing deficit. Neuroreport. 1998; 9:337-340Retour vers
[74] schulte-körne g, deimel w, bartling j, remschmidt h. The role of phonological awareness, speech perception, and auditory temporal processing for dyslexia. Eur Child Adolesc Psychiatry. 1999; 8:28-34Retour vers
[75] serniclaes w. Étude expérimentale de la perception du trait de voisement des occlusives du français [Experimental study of the perception of the voicing feature in French stop consonants]. Unpublished Doctoral Dissertation. . :Université Libre de Bruxelles; 1987; http://www.vjf.cnrs.fr/umr8606/DocHtml/PAGEPERSO/WSerniclaes.htm [Consulté en 2007]. Retour vers
[76] serniclaes w, sprenger-charolles l, carré r, démonet jf. Perceptual discrimination of speech sounds in dyslexics. Journal of Speech Language and Hearing Research. 2001; 44:384-399Retour vers
[77] serniclaes w, van heghe s, mousty ph, carré r, sprenger-charolles l. Allophonic mode of speech perception in dyslexia. Journal of Experimental Child Psychology. 2004; 87:336-361Retour vers
[78] seymour phk. A cognitive analysis of dyslexia. London:Routledge and Kegan Paul; 1986. Retour vers
[79] share dl, jorm af, maclean r, matthews r. Temporal processing and reading disability. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal. 2002; 15:151-178Retour vers
[80] shaywitz se, shaywitz ba. Dyslexia (Specific Reading Disability). Biological Psychiatry. 2005; 57:1301-1309Retour vers
[81] slaghuis wl, ryan jf. Spatio-temporal contrast sensitivity, coherent motion, and visible persistence in developmental dyslexia. Vision Research. 1999; 39:651-668Retour vers
[82] snowling mj. Dyslexia. Oxford:Blackwell; 2000. Retour vers
[83] snowling mj, stackouse j, rack j. Phonological dyslexia and dysgraphia: A developmental analysis. Cognitive Neuropsychology. 1986; 3:309-339Retour vers
[84] sprenger-charolles l, colé p. Lecture et Dyslexie: Approches cognitives (Reading and Dyslexia: Cognitive Approaches). Paris:Dunod; 2003. Retour vers
[85] sprenger-charolles l, colé p, lacert p, serniclaes w. On Subtypes of Developmental Dyslexia: Evidence from Processing Time and Accuracy Scores. Canadian Journal of Experimental Psychology. 2000; 54:88-104Retour vers
[86] sprenger-charolles l, colé p, serniclaes w. Reading Acquisition and developmental dyslexia. London:Psychology Press; 2006. Retour vers
[87] stanovich ke, siegel ls, gottardo a. Converging evidence for phonological and surface subtypes of reading disability. Journal of Educational Psychology. 1997; 89:114-127Retour vers
[88] studdert-kennedy m, mody m. Auditory temporal perception deficits in the reading impaired: A critical review of the evidence. Psychonomic Bulletin. 1995; 2:508-514Retour vers
[89] tallal p. Auditory temporal perception, phonics and reading disabilities in children. Brain and Language. 1980; 9:182-198Retour vers
[90] tallal p, piercy m. Developmental aphasia: Impaired rate of nonverbal processing as a function of sensory modality. Neuropsychologia. 1973; 11:389-398Retour vers
[91] temple cm, marshall jc. A case study of developmental phonological dyslexia. British Journal of Psychology. 1983; 74:517-533Retour vers
[92] valdois s, bosse ml, ans b, carbonnel s, zorman m. Phonological and visual processing deficits can dissociate in developmental dyslexia: Evidence from two case studies. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal. 2003; 16:541-572Retour vers
[93] van ijzendoorn mh, bus ag. Meta-analytic confirmation of the non-word reading deficit in developmental dyslexia. Reading Research Quarterly. 1994; 29:266-275Retour vers
[94] vellutino fr, fletcher jm, snowling mj, scanlon dm. Specific reading disability (dyslexia): What we have learned in the past four decades?. Journal of Child Psychology and Psychiatry. 2004; 45:2-40Retour vers
[95] wagner rk, torgesen jk, rashotte ca, hecht sa, barker ta. Changing relations between phonological processing abilities and word-level reading as children develop from beginning to skilled readers: A five year longitudinal study. Developmental Psychology. 1997; 33:468-479Retour vers
[96] werker jf, tees rc. Cross-language speech perception: Evidence for perceptual reorganization during the first year of life. Infant Behavior and Development. 1984a; 7:49-63Retour vers
[97] werker jf, tees rc. Phonemic and phonetic factors in adult cross-language speech perception. Journal of the Acoustical Society of America. 1984b; 75:1866-1878Retour vers
[98] werker jf, tees rc. Speech perception in severely disabled and average reading children. Canadian Journal of Psychology. 1987; 41:48-61Retour vers
[99] white s, milne e, rosen s, hansen p, swettenham j. The role of sensorimotor impairments in dyslexia: A multiple case study of dyslexic children. Developmental Science. 2010 (sous presse); :- Retour vers
[100] wimmer h. Characteristics of developmental dyslexia in a regular writing system. Applied Psycholinguistics. 1993; 14:1-33Retour vers
[101] wimmer h. The nonword deficit in developmental dyslexia: Evidence from German children. Journal of Experimental Child Psychology. 1995; 61:80-90Retour vers
[102] wimmer h. The early manifestation of developmental dyslexia: Evidence from German children. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal. 1996; 8:171-188Retour vers
[103] wimmer h, mayringer h, landerl k. Poor reading: A deficit od skill-automatization or a phonological deficit?. Scientific Studies of Reading. 1998; 2:321-340Retour vers
[104] wimmer h, mayringer h, raberger t. Reading and dual-task balancing : Evidence against the automatization deficit explanation of developmental dyslexia : Special Series : Prevention and Treatment of Dyslexia. Journal-of-learning-disabilities. 1999; 32:473-478Retour vers
[105] wolf m, bowers p. The question of naming speed deficits in developmental reading disabilities: An introduction to the double-deficit hypothesis. Journal of Educational Psychology. 1999; 19:1-24Retour vers
[106] wolf m, bowers pg, biddle k. Naming-speed processes, timing, and reading: A conceptual review. Journal of Learning Disabilities. 2000; 33:387-407Retour vers
[107] wolf m, goldberg o’rourke a, gidney c, lovett m, cirino p, morris r. The second deficit: An investigation of the independence of phonological and naming-speed deficits in developmental dyslexia. Reading and Writing: An Interdisciplinary Journal. 2002; 15:43-72Retour vers
[108] woodcock rw. Woodcock Reading Mastery Tests-Revised. Circle Pines, MN:American Guidance Service; 1987. Retour vers
[109] zabell c, everatt j. Surface and phonological subtypes of adult developmental dyslexia. Dyslexia. 2002; 8:160-177Retour vers
[110] ziegler jc, perry c, ma-wyatt a, ladner d, schule-körne d. Developmental dyslexia in different languages: Language-specific or Universal?. Journal of Experimental Child Psychology. 2003; 86:169-193Retour vers

→ Aller vers SYNTHESE
Copyright © 2007 Inserm